dimanche 25 janvier 2015

PINOT NOIR, ESTATE, 2013, ACONCAGUA COSTA, VINA ERRAZURIZ



J'ai parlé en septembre dernier du Pinot Noir, 2012 de la gamme Max Reserva de Errazuriz. Je remet ça cette fois avec le Pinot d'entrée de gamme de la maison sur le millésime 2013. Celui-ci provient du même vignoble de Manzanar situé à 12 km de la côte du Pacifique. Comme le Pinot de Vina Leyda dont je traitais dans le texte précédent, ce vin fait partie de cette nouvelle vague de vins d'entrée de gamme maintenant issus de vignobles de climat frais. L'élaboration de ce vin comprend la vendange manuelle, l'égrappage et la macération pré-fermentaire à froid en cuves ouvertes d'inox. Après la fermentation alcoolique, 50% du vin est placé en barriques de chêne français usagées où il effectue une FML et où il est élevé pendant 8 mois. Le vin titre à 13.5% d'alcool pour un vif pH de 3.46 et 2.26 g/L de sucres résiduels.

La robe est d'un rubis translucide et éclatant. Le nez est très agréable dès le premier abord et très typique du cépage avec ses arômes de fraises, de fleurs et de fumée, agrémentés d'une touche doucement épicée et torréfiée. Beau nez montrant une belle complexité et une qualité d'arôme irréprochable. La bouche est tout aussi charmante. Le vin y déploie une élégance difficilement concevable pour un vin de ce cépage à ce prix. Le vin allie légèreté de structure et bonne concentration, avec des saveurs combinant intensité et qualité. Le milieu de bouche confirme le côté aérien de ce vin qui sait montrer une bonne présence en bouche, mais sans pesanteur. Les tanins sont fins et le vin coule sans effort vers une belle finale longue et harmonieuse, avec les tanins qui montrent un peu de poigne à la toute fin.

Il faut lire ma note de dégustation en sachant que ce vin est vendu 13.95$ en Ontario. Dans ce contexte c'est un vin qui offre un formidable niveau de qualité. Ce n'est pas du grand Pinot, il n'en a pas la profondeur, ni la prétention, mais compte tenu du prix et de la nature capricieuse de ce cépage, c'est probablement un des meilleurs vins de ce cépage qu'on puisse trouver dans cette gamme de prix. Il y a vraiment de la finesse et de l'élégance dans ce nectar aux prétentions modestes. Le vin est frais, léger et gouleyant, mais en même temps avec de la matière et de la présence. Il ne faut pas confondre ici aérien et dilué. De plus, contrairement au Pinot de Vina Leyda dont je traitais juste avant, il y a dans ce vin de Errazuriz un rapprochement à faire avec le style bourguignon en général, sans que ça ne soit une copie. L'usage de barriques usagées pour l'élevage du vin fut un choix avisé, car comme pour la Syrah dont je traitais récemment, cela permet de mettre l'accent sur la fraîcheur du fruit, sans interférence. Je mentionnais dans mon texte précédant qu'un vin de Pinot Noir d'entrée de gamme est parfois un bon indice de la qualité globale d'un producteur, et bien ce vin confirme le rôle de leader de Errazuriz dans le paysage vinicole chilien. Mettez quelques bouteilles de Max Reserva de côté pour quelques années, et buvez cette cuvée "Estate" entre temps sans vous casser la tête. La quintessence de ce qu'on pourrait appeler le "Pinot de semaine".


mercredi 21 janvier 2015

PINOT NOIR, RESERVA, 2012, LEYDA, VINA LEYDA



Vina Leyda est un de mes producteurs chiliens favoris, même si je n'avais eu la chance d'acheter que quatre de leurs vins. Trois de ceux-ci était des cuvées parcellaires : Sauvignon Blanc, Garuma, 2006 et 2011 et Pinot Noir Las Brisas, 2009,  alors que le quatrième était le Chardonnay, Reserva, 2008, un vin de la même gamme que le Pinot dont il est ici question. J'ai lu tout ce que j'ai pu sur ce producteur et par extrapolation je ne peux que rêver de goûter aux autres vins offerts, les cuvées parcellaires de Riesling, Sauvignon Gris, Syrah et Chardonnay, de même que les cuvées haut de gamme de Sauvignon, de Pinot et de Chardo, de même qu'un nouveau mousseux, méthode traditionnelle. Dans un texte récent je disais que pour moi ce qui compte le plus c'est la réputation d'un producteur, et bien celle de Vina Leyda est excellente, et malgré cela le prix des vins est encore très raisonnable. Une bonne façon de tester un producteur est de goûter son vin de Pinot Noir d'entrée de gamme. Celui-ci, sur le millésime 2011, s'était classé de manière très étonnante parmi les meilleurs lors d'une dégustation à l'aveugle sur ce thème tenue par le magazine Decanter. Qu'en est-il de ce 2012? Je dois avouer que son titre alcoolique de 14.5% m'effraie un peu, surtout pour un vin d'entrée de gamme.

La robe est d'un rubis légèrement translucide. Le nez s'exprime avec modération et exhale des arômes de cerise, de fraise et de muscade, complétés par un léger aspect terreux. Un nez plutôt simple, mais avec une belle qualité d'arômes. En bouche on retrouve un vin qui surprend par la richesse de sa matière. Les saveurs sont intenses et de belle qualité sur une trame tannique soyeuse. Une juste dose d'amertume vient balancer la légère douceur du fruit. Ça coule très bien en milieu de bouche avec un niveau de concentration incroyable pour un vin de ce prix et de ce cépage. Le vin a de la chair, un peu de rondeur et une belle présence généreuse. La finale montre une longueur de très bon calibre sur des relents d'amertume à la toute fin.

Ce Pinot Noir de Vina Leyda offre une qualité incroyable pour le prix demandé (12.50$ LCBO). Quand on connaît le caractère capricieux de ce cépage et la difficulté que cela entraîne pour tenter de produire des vins à bon prix à partir de celui-ci, l'exploit est encore plus méritoire. Le vin n'est pas le plus complexe au niveau aromatique, le style est généreux et direct, mais avec quand même ce qu'il faut de fraîcheur pour préserver un bon équilibre. L'alcool est présent, mais bien intégré et cadre avec le style du vin. Ceci dit, le vin gagne à être dégusté légèrement rafraîchi. Ce vin est un nouvel ajout à l'offre de produits réguliers de la LCBO. On peut juste rêver d'avoir un Pinot de cette qualité offert à prix similaire à la SAQ. Ce vin montre aussi que la révolution des vignobles côtiers chiliens commence à atteindre la catégorie des vins d'entrée de gamme, avec le bond qualitatif et de diversité que ça suppose. Ce vin me rappelle aussi comment je souhaiterais voir les vins de Vina Leyda offerts au Québec. Un des meilleurs producteurs chiliens offrant diversité, fraîcheur et RQP de haut niveau.


dimanche 18 janvier 2015

SYRAH, 2012, ACONCAGUA COSTA, VINA ERRAZURIZ



Un autre vin issu des nouveaux vignobles côtiers d'Eduardo Chadwick qui y élabore aussi des vins sous l'étiquette de sa "boutique winery", Arboleda. Ce vin provient spécifiquement du vignoble Manzanar, situé à 12 km de l'océan Pacifique. C'est un lieu très frais avec une sommation annuelle moyenne de 1250 degré/jours. Il a été planté de trois clones de Syrah, en 2005 et 2009, sans greffage, avec une exposition au nord pour favoriser la pleine maturation des raisins. L'élaboration inclut la vendange manuelle et le vin a été élevé pendant 14 mois en barriques de chêne français de deuxième et troisième usage. Il titre à 13.5% d'alcool, pour un frais pH de 3.45 et est très sec à 2.13 g/L de sucres résiduels.

La robe avec ses reflets violacés trahit la jeunesse de ce vin, alors que son nez révèle sans plus de questions que l'on a ici affaire à une Syrah de climat frais. On y retrouve avec modération des arômes de fruits rouges et noirs, de fumée, de lavande, de poivre noir et de viande crue. Beau nez quoi que un peu sur la retenue à ce stade. Le bouche elle est plus bavarde et le vin s'y déploie sans entrave. L'attaque a du nerf et cette acidité marque le style du vin en donnant de l'éclat au fruité et du tonus à la structure. Le vin montre une belle présence en milieu de bouche, les saveurs y sont vives et bien concentrées sur une trame tannique soyeuse. La finale est harmonieuse et très persistante.

J'avais essayé il y a quelques mois une bouteille du millésime 2011 de ce vin, toujours offerte à la SAQ, et j'avais été déçu. Le vin manquait d'harmonie et le boisé vanillé typique des rouges d'Errazuriz en jeunesse masquait en partie la véritable profil aromatique du vin. À 25$ la bouteille, j'avais décidé d'investir mon argent ailleurs. Quand j'achète un vin de climat frais et que je paye une prime pour ce profil aromatique, je veux pouvoir en profiter dès la jeunesse du vin. J'ai décidé de tenter de nouveau ma chance avec ce 2012 quand j'ai vu qu'on avait abandonné l'usage du bois neuf pour son élevage. À mon avis, le bois neuf sied mal aux vins de climat frais où la délicatesse aromatique du fruit est de mise. Finalement, mon raisonnement était valide car ce 2012 montre le profil aromatique que je recherche dans ce type de vin. En prime, le vin déploie une belle structure, à la fois solide et légère, avec beaucoup de vivacité. Tout ce qu'on attend en fait d'un vin de climat frais. Je pense que le groupe Errazuriz/Arboleda est encore en processus d'apprentissage avec les raisins qu'ils tirent de leurs jeunes vignobles côtiers. Ce qui fonctionnait pour leur vins de Syrah de l'intérieur de la vallée ne sied pas vraiment à la Syrah côtière. Il faut dire que la Syrah à cause de son adaptabilité à des climats très différents est un cas particulier qui ouvre la porte à ce type d'erreur d'apprentissage. La qualité de la plupart des vins chiliens issus de la côte fait parfois oublier que nous en somme encore aux premiers pas pour ces vignobles et qu'avec l'expérience et l'âge croissant des vignes, le progrès est loin d'être terminé.


lundi 12 janvier 2015

REVUE DE PRESSE

Je suis tombé sur quelques articles intéressants dernièrement. D'abord un autre chroniqueur vin du Canada anglophone, John Szabo, y va d'un texte de fond sur le Nouveau-Chili. Cette fois, pas de conseils sur ce que devrait faire ce pays pour obtenir une meilleure reconnaissance. Juste un constat clair sur la montée en force de ce pays mal aimé. Aussi, je reprochais à Bill Zacharkiw de The Gazette d'avoir négligé de mentionner le potentiel de garde des rouges chiliens de prix abordables dans un texte récent qu'il a écrit sur ce pays. Il se reprend en incluant un excellent vin chilien dans une courte liste de suggestions de vins de prix abordables pour la garde. J'ajouterais toutefois que 2020 devrait être le début de la fenêtre de garde pour l'Intriga, 2011, pas la fin. En 2020, ce vin ne fera que commencer à offrir le profil qu'on recherche dans un Cabernet avec de l'âge. C'est en fait un vin qui pourrait être gardé au moins 25 ans. Ceci dit, c'est quand même bien de voir un chilien dans une telle liste. Les mentalités évoluent lentement, dommage que ce ne soit que du côté anglophone. La résistance au Chili du côté de la presse francophone est encore totale.

Cette fois, du côté du Royaume-Uni, un article qui montre toute la difficulté pour le Chili vinicole d'obtenir une reconnaissance à la hauteur de la qualité de ses vins. Concha y Toro en collaboration avec le magazine Drink Business a organisé une dégustation à l'aveugle avec certains des acheteurs les plus respectés du pays. Quatre vins de la gamme Marques de Casa Concha (Sauvignon Blanc, Chardonnay, Pinot Noir et Cabernet Sauvignon) ont été servis à l'aveugle face à des vins français issus des même cépages et considérés comme des références dans leur gamme de prix sur le marché britannique. Le but étant de démontrer la qualité des vins chiliens pour briser le prix de 10 livres sterling (18$ CAN) qui représente la limite psychologique de la très grande majorité des consommateurs dans ce marché. Les quatre vins chiliens ont été les favoris de ces acheteurs à l'aveugle, mais malgré cela, ces acheteurs avaient des doutes sur la possibilité de vendre facilement ces vins à ce prix à cause du manque de reconnaissance des vins chiliens auprès de la clientèle prête à payer plus cher pour une bonne bouteille. Le Carmenère, Marques de Casa Concha et le Don Melchor furent aussi servis et appréciés des acheteurs, mais le Don Melchor, était considéré comme difficile à vendre à 80$, non pas à cause de sa qualité, mais lui aussi à cause de son origine. Ça revient toujours à ça. Le problème des vins chiliens c'est de venir du Chili...

Ceci dit, un autre article du même magazine rapporte que les choses vont bien pour Eduardo Chadwick et ses vins très chers. Toutefois, il note que le marché britannique est difficile à percer à cause de l'habitude des amateurs de ce pays avec les classiques européens et que le gros des ventes pour ses vins de luxe se fait en Asie. La reconnaissance pour le Chili passera peut-être par ce continent en émergence. À noter que M. Chadwick a tenu une dégustation à Montréal cet automne pour célébrer le dixième anniversaire du "Berlin tasting" où il a commencé à opposer ses vins de luxe en semi-aveugle à des grands noms européens. Je n'ai rien trouvé dans la presse québécoise à ce sujet, si ce n'est sur des blogues ici, ici et ici.


vendredi 2 janvier 2015

CABERNET SAUVIGNON, RESERVA, 2012, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ



Dans un pays comme le Chili à qui l'on reproche souvent la grosseur de ses producteurs qui font de tout et qui sont un peu partout dans le pays, il existe aussi des contre-exemples. Un de ceux-ci, est Vina Perez Cruz. Voici un producteur de petite taille qui ne produit que des vins rouges issus d'un domaine unique appelé Liguai. Celui-ci est situé à l'extrémité sud l'Alto Maipo à une altitude variant entre 1450 et 1700 pieds. Trois types distincts de sols composent le vignoble et les parcelles sont vendangées et vinifiées séparément avant l'assemblage final qui comprend 4% de Syrah et 1% de Cot (Malbec). Le vin est élevé 12 mois en barriques de chêne français. Il titre à 13.5% d'alcool, et montre un vif pH de 3.52 sans correction exogène de l'acidité.

La robe est d'une teinte rubis foncé légèrement translucide. Le nez déclare son origine avec franchise, et quand je parle d'origine, je ne parle pas du Chili, mais bien de l'Alto Maipo et la limite du vignoble de Liguai tellement les vins de ce producteur ont une identité spécifique. Ça embaume la cerise, le groseille et le cassis, les fines herbes et le menthol. Un nez tout en fraîcheur où on peut aussi percevoir à l'arrière-plan une touche doucement épicée, un peu de bois de cèdre et un soupçon de poivron vert. Un superbe nez d'une très grande complexité qui allie des types d'arômes très variés. Le ravissement se transpose en bouche où l'on retrouve un vin à la structure compacte, supporté par une bonne acidité qui énergise une palette de saveurs fraîches et intenses. Le milieu de bouche confirme l'équilibre et le bon niveau de concentration du vin, de même que la finesse des tanins, mais ce qui marque vraiment c'est la qualité des saveurs qui rendent ce vin simplement délicieux et facile à boire. La finale coule de source avec ce vigoureux flot de saveurs qui s'échoue et persiste ensuite un bon moment.

Ce vin est un de mes favoris depuis de nombreuses années. J'ai encore une bouteille du millésime 2003 en cave. C'est vraiment un vin incroyable, un vin qu'il est facile de sous-estimer à cause de son faible prix (15.95$ LCBO). Il faut alors se méfier de l'effet Veblen inversé où l'on a tendance à se dire que si le prix est si bas, ça ne peut pas être aussi bon. Ceci dit, comprenez-moi bien, ce qui m'a toujours ravi dans ce vin, c'est son équilibre d'ensemble, allié à la qualité de ses arômes et de ses saveurs. La qualité et la complexité sont incroyables pour le prix, mais le vin n'a pas le niveau de concentration et la longueur en bouche des cuvées de luxe. Il joue dans un autre registre et c'est ce qui fait son charme. C'est un vin qui représente pour moi la quintessence du Cabernet chilien de type Reserva, il en a les proportions et l'équilibre et en prime c'est un vin de terroir exemplaire car il montre un profil aromatique unique qui reflète le lieu d'où il provient. En ce sens, il me fait penser à l'Antiguas Reservas de Cousino Macul du siècle passé, lorsqu'il provenait du vieux vignoble de Macul. C'était aussi un vin au profil aromatique unique que je pouvais facilement identifier à l'aveugle tellement il était typique. À sa manière, ce Cab, Reserva, de Perez Cruz réussit le même exploit et ce n'est pas peu dire. Ce vin a aussi un bon potentiel de garde, chose que je sais d'expérience car j'ai de nombreux millésimes en cave et ça évolue très bien. Il est à noter que ce 2012 est obturé avec une capsule à vis en polymère Saranex. J'avais des doutes à ce sujet quant à l'impact sur le potentiel de garde du vin. J'ai donc contacté le producteur et l’œnologue en chef, German Lyon, m'a répondu que ça fait maintenant quatre ans qu'il bouche des bouteilles avec ce type d'obturateur et qu'après quatre ans les premiers vins évoluent très bien, sans TCA, bien sûr, mais aussi sans différences notables entre les bouteilles d'un même millésime. En conclusion, si vous aimez les vins de terroir vifs et faciles à boire où la qualité aromatique prime sur la concentration et l'extraction, ce Cabernet, Reserva de Perez Cruz est exemplaire. Une véritable aubaine qui permet de découvrir l'essence du Cab de l'Alto Maipo.