samedi 22 novembre 2014

Le paradoxe chilien du Québec: pourquoi seulement 5% de parts de marché?

Dans l'entrée précédente je vantais les mérites de la presse et du marché britanniques en matière de vins. On y retrouve de l'ouverture et beaucoup moins de dogmatisme qu'ici au Québec où on nous rejoue le même vieux disque de grands classiques depuis des lunes. Heureusement, il y a une exception à cette règle et c'est Bill Zacharkiw, l'ancien blogueur, en charge depuis plusieurs années maintenant de la section vin au quotidien anglophone The Gazette. C'est lui, et de loin, qui offre ici une vision diversifiée du monde du vin. Je ne sais pas si c'est parce qu'il ne s'adresse pas premièrement à un lectorat francophone qu'il peut ou doit ainsi être moins franco-français et eurocentriste que ses collègues des médias francophones, mais toujours est-il qu'il est celui qui explique le mieux la globalité du monde du vin à ses lecteurs dans le microcosme québécois de la chose vinique. Ceci dit, il a ses goûts et ses idées, et ça transparaît dans ses textes, mais quand on les connaît on peut très bien décoder son discours et l'adapter par rapport à notre propre sensibilité.

L'idée de parler de l'apport de Bill Zacharkiw au monde du vin québécois m'est venue ce matin quand je suis tombé sur son texte hebdomadaire qui cette semaine traite du Chili, ou devrais-je dire du Nouveau-Chili... On peut juste rêver d'un tel texte dans un des trois quotidiens montréalais de langue française. Ceux qui me lisent avec régularité n'y apprendront pas grand chose, mais l'amateur moyen qui ne fréquente pas les blogues confidentiels comme le mien pourra un peu mieux comprendre le Chili vinicole actuel. Bien sûr le texte est teinté de la sensibilité de son auteur qui privilégie les petits producteurs au dépend des gros et la fraîcheur dans le vin comme vertu fondamentale. Mais à la fin on comprend que le Chili fait maintenant légitimement partie de l'offre mondiale de vins fins. On comprend aussi que le pays offre maintenant un choix bien plus diversifié qu'il y a 15 ans, qu'il peut être distinctif, et que ça demeure une destination privilégiée en terme de rapport qualité/prix. Seul oubli, le potentiel de garde des rouges chiliens de prix abordables. Pourtant, M. Zacharkiw en a déjà fait l'expérience.

Finalement, une phrase de la conclusion du texte montre bien la situation dans laquelle se retrouve toujours le Chili en terme de perception et le dilemme auquel il fait face:

"Once they stop trying to please export markets and simply make the wine that is best expression of what they have, those markets will come to them".

Cette phrase se situe quelque part entre le sophisme et la prophétie auto-réalisatrice. Si plus de leaders d'opinion dans le monde du vin écrivaient des textes comme celui de M. Zacharkiw et répétaient sincèrement cette phrase, on serait en face d'une prophétie auto-réalisatrice, mais dans un marché comme celui du Québec, elle relève plus pour le moment du sophisme. Tout ça pour dire que tant que certains préjugés sur le Chili ne tomberont pas. Que les textes rendant vraiment compte de la réalité des vins de ce pays ne seront pas plus fréquents, c'est la perception négative incrustée qui triomphera. Produire des vins distinctifs et de grande qualité ne suffit pas, malheureusement. Le vin demeure un produit où l'idée qu'on s'en fait est primordiale à son appréciation. Tant que l'idée qu'on s'en fait ne changera pas, le paradoxe chilien persistera.


2 commentaires:

  1. J'oubliais. Pas de feuille de tomate et pas de cassis dans l'article de Bill, menthol dans le Cab de l'Alto Maipo et eucalyptus et notes d'herbes dans celui de Colchagua. Ce sont des généralisations, bien sûr. La spécificité du site existe aussi au Chili.

    Claude

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  2. Je ne veux pas m'acharner, mais Jacques Benoît publie un article sur le Carignan et pas un mot sur la redécouverte de ce cépage au Chili avec ses très nombreux vieux vignobles non irrigués dans Maule et Itata. Il faut dire que notre monopole n'offre qu'un vin de Carignan chilien.

    Claude


    http://www.lapresse.ca/vins/jacques-benoit/201411/24/01-4822031-faut-il-denigrer-le-carignan.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B2_vins_1508967_accueil_POS1

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