lundi 29 septembre 2014

L'obssession de la feuille de tomate (2ième partie)


Petit retour sur un texte récent où je déplorais l'obsession québécoise d'associer l'arôme de feuille de tomate et les vins rouges chiliens. Une personnalité québécoise bien connue l'a sorti lors de la dégustation Cousino Macul dont j'ai traité dans mon article précédant. Toujours est-il qu'au fil de mes lectures sur les vins chiliens je cherche toujours une source hors du Québec qui associerait l'arôme de feuille de tomate avec un rouge du Chili. Manque de pot, je suis encore tombé sur une référence qui associe l'arôme de feuille de tomate à un vin de Sauvignon Blanc chilien de climat très frais. Il s'agit du Sauvignon Blanc, Outer limits, 2013, Zapallar, Aconcagua Costa, Vina Montes. Il est intéressant de comparer deux description de la palette aromatique de ce vin:


"It’s a powerful wine, with pungent aromas extracted from the skin for some seven months contact, with a mineral feeling, akin to a Sancerre, serious and austere, with gooseberries, tomato leaves, ending again mineral and saline. This is a superb Sauvignon Blanc."
MAGAZINE : WINE ADVOCATE

"Green pepper in a glass, joined by passion fruit, green tea, blackcurrant and camomile."
INTERNATIONAL WINE CHALLENGE


Là où un dégustateur perçoit des arômes de groseilles à maquereau et de feuilles de tomate, un autre y perçoit plutôt du poivron vert, du fruit de la passion, du thé vert, du cassis et de la camomille. Pour moi qui me tue à répéter que plusieurs au Québec confondent la combinaison cassis frais et poivron vert avec la feuille de tomate, disons que cet exemple est assez révélateur. Mais encore là, à l'étranger, l'arôme de feuille de tomate n'est perçu comme tel que dans des vins de Sauvignon Blanc. Pas dans des vins rouges. À noter que les arômes de cassis, de feuille de tomate, de fruits de la passion et de groseilles à maquereau sont tous issus de molécules comprenant un groupement soufré appelé thiol. Je reviendrai bientôt avec une troisième partie sur ce sujet.
















samedi 27 septembre 2014

Dégustation Cousino Macul

J'ai eu l'occasion récemment de participer à une dégustation des vins de la maison chilienne Cousino Macul menée par le président Arturo Cousino, accompagné de sa nièce Veronica. Cousino Macul est un des producteurs qui m'ont amené à aimer les vins du Chili. Le Cabernet Sauvignon, Antiguas Reservas, issu des vieux vignobles de Macul, fut un des premiers vins à avoir touché une corde sensible chez moi. Ce vin n'existe malheureusement plus aujourd'hui, le Cab, Antiguas Reservas, moderne étant maintenant issu d'un nouveau vignoble située à Buin, à l'autre extrémité de l'Alto Maipo. Le caractère de ce vin est donc maintenant bien différent de ce qu'il était dans les années 90. La dégustation le démontrait bien d'ailleurs, avec le Cab et le Merlot Antiguas Reservas issus de Buin et les cuvées Finis Terrae et Lota toujours élaborées avec des raisins venant des vieux vignobles de Macul. En dégustation comparative, le contraste entre les deux terroirs était frappant. Les cuvées Antiguas Reservas offrent deux vins ronds, au fruité mature et aux tanins veloutés, alors que le Finis Terrae et le Lota partagent ce caractère typique du terroir de Macul, avec un profil tout en finesse, des tanins soyeux et un boisé de haute qualité. Deux vins de haut niveau. Offert à la SAQ au prix de 40$, la cuvée Finis Terrae est une belle façon de découvrir le terroir de Macul et le haut potentiel qualitatif de ce producteur à un prix raisonnable. J'ai déjà commenté sur ce blogue le millésime 1989 du Cab, Antiguas Reservas. Il me reste encore les millésimes 1996, 1997 et 1999 de ce vin en cave et je ne suis pas pressé de les ouvrir. M. Cousino nous a dit qu'il vendait encore ces vins au domaine pour environ 20$ la bouteille.

Il y avait deux vins blancs en ouverture, un Chardonnay, 2012, de la gamme Antiguas Reservas et un Sauvignon Gris, 2013, nommé Isidora, dont j'ai déjà commenté le millésime 2012. Le Sauvignon Gris fut clairement mon préféré. Un vin très agréable montrant un profil original. En terminant, je vous invite à consulter le nouveau site "Dans mon verre" où il y a un autre compte-rendu de cette dégustation avec photos et plus de détails sur chaque vins

.

dimanche 14 septembre 2014

PINOT NOIR, MAX RESERVA, 2012, ACONCAGUA COSTA, VINA ERRAZURIZ




Dans un texte précédant sur le projet Emperdado de Torres dans la région côtière de Maule, je référençais un article du "Drink Business" sur le sujet. toutefois, à la fin du texte on évoquait une autre région côtière du Chili où la culture du Pinot Noir retient l'attention. Il s'agit de l'Aconcagua Costa. J'avais parlé le printemps passé d'un excellent Chardonnay issu de cette région sous étiquette Arboleda. L'influence bourguignonne de ce vin était évidente, et l'article de "Drink Business" évoque un "Projet Bourgogne" chez Errazuriz, ainsi que l'embauche du consultant bourguignon Louis-Michel Liger-Belair. Ce n'est donc pas surprenant d'apprendre dans le même article que le Clos des Fous produit maintenant un vin de Pinot Noir dans cette région. Liger-Belair est un bon ami de Pedro Parra et François Massoc du Clos des Fous, et leur associé dans le projet Aristos. Tout se tient, et l'influence de ces précurseurs transpire maintenant chez des producteurs à plus fort volume comme le groupe Errazuriz/Chadwick. Le Chili est toujours en mutation et le mouvement vers les zones périphériques de climats plus frais se continue. Ce Pinot Noir est donc une belle façon de jauger les premiers résultats de cet effort pour produire au Chili une gamme plus large de vins de cépages et de styles variés. Ce Pinot Noir provient du vignoble côtier Manzanar, situé à 12 km de l'océan Pacifique. Le vin a été élevé en barriques de chêne français pour un an, 23% de bois neuf. Il titre à 13.5% d'alcool, pour un frais pH de 3.5 et est bien sec avec 2.83 g/L de sucres résiduels.

La robe est de teinte rubis translucide. Le nez exhale une palette d'arômes dominée par la cerise et la fraise, complétée par un léger aspect terreux et une touche doucement épicée évoquant la muscade. Un nez très agréable, avec des arômes de belle qualité, même s'il n'est pas le plus complexe à ce stade précoce. En bouche on retrouve un vin frais et équilibré aux saveurs intenses de très belle qualité. Une petite dose d'amertume vient balancer la douceur du fruit. Les tanins sont fins et discrets, tellement qu'on se rapproche en milieu de bouche de la sensation d'un vin blanc gras et concentré. La finale voit l'intensité des saveurs monter d'un cran et persister un long moment par la suite.

J'ai bien aimé ce vin pour son équilibre, sa fraîcheur et le bon niveau de matière qu'il présente, tout en restant facile à boire. Il est fidèle à l'idée que je me fais d'un vin propre et peu boisé de ce cépage. Ce qui ressort c'est justement le Pinot Noir et la fraîcheur du terroir d'où il est issu. Le vin est offert au prix régulier de 19.95$ à la SAQ. À ce prix peu de vin de ce cépage atteignent ce niveau de qualité, de plus, le vin est offert à la SAQ Dépôt et peut être acheté à la caisse en tout temps pour la somme de 17$, ce qui en fait une aubaine carrément imbattable. Ce vin est un superbe ajout à la gamme Max Reserva et montre que Errazuriz est un producteur hautement qualitatif à l'esprit pionnier.


samedi 13 septembre 2014

Une décennie de vin sur internet


Je m'intéresse plus sérieusement au monde du vin depuis une quinzaine d'années, mais pour une raison qui m'est très personnelle, je me souviens très bien que c'est en août 2004 que je m'étais inscrit sur le défunt forum Crus & Saveurs et que j'y avais fait ma première intervention. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'en 10 ans les choses ont bien changé au Québec dans le petit monde virtuel du vin. Personnellement, j'ai une certaine nostalgie de ce temps, Crus & Saveurs était un forum sans modération, un véritable Far-West virtuel, mais il s'y échangeait beaucoup d'idées et c'était très vivant, malgré les nombreux dérapages. Aujourd'hui, plus rien ne dépasse, plus rien ne dérape, mais on sent très peu de passion pour le vin. Chacun est dans sa petite case et on discute de nuances, poliment, entre gens du même avis.

Je suppose qu'après le tourbillon du départ, cette sédimentation était inévitable. À quoi bon refaire les mêmes débats sans issues? N'empêche que c'est rendu plate de lire à propos du vin sur la toile québécoise. Sur Crus & Saveurs personne ne convainquait vraiment l'autre, mais il y avait le choc des idées et c'était intéressant à lire. On sentait de la passion pour le vin. Aujourd'hui, il y a les chroniqueurs-vin établis, dans leur tour d'ivoire, qui n'interagissent pas avec leurs lecteurs. Il y a deux forums consensuels où il est tacitement interdit de vraiment débattre, et il y a des bêtes comme moi qui se sont enfermées par dépit dans la cage du blogue personnel. Bienvenue au zoo...

mardi 9 septembre 2014

L'obssession de la feuille de tomate

Dans une petite montée de lait récente je m'insurgeais contre des propos de Claude Langlois, du Journal de Montréal, voulant qu'il était difficile de trouver un vin chilien qui n'était pas bretté. Celui-ci rajoutait qu'en plus d'être brettés, la plupart d'entre eux sentaient la feuille de tomate. Avec ironie j'avais noté que pour dire ça c'est qu'il devait avoir trop dégusté avec Jacques Benoît de La Presse. Voilà qu'aujourd'hui le père Benoît y va d'une autre crise virulente de feuille de tomate dans La Presse. Le tout doublé d'un autre accès de francocentrisme.

Vraiment, l'incompétence à propos des vins du Chili des chroniqueurs-vin québécois en fin de carrière est consternante. Ils ont passé leur vie à boire et aimer essentiellement du vin français et semblent être incapables d'ouvrir leurs horizons à autre chose. L'ignorance de Jacques Benoît par rapport aux vins du Chili est gênante. Quand on connaît si mal un sujet, on devrait s'abstenir d'en parler. J'ai fait une recherche sur internet, en français, en anglais et en espagnol avec les mots clés, vin, Chili, feuille de tomate ou plant de tomate. Le seul endroit où on parle des rouges du Chili et de feuilles de tomates, c'est en français et au Québec. C'est compréhensible, cette idée a été énoncée ici il y a longtemps par M. Benoît, qui ne peut parler des rouges du Chili sans ramener les feuilles de tomates à chaque fois, et quand je dis à chaque fois c'est bel et bien à chaque fois. Même quand il ne perçoit pas de feuille de tomate dans un vin chilien, il doit le mentionner et souligner son étonnement. Vraiment navrant.

En anglais on parle de "tomato leaf" pour décrire certains vins blancs de Sauvignon Blanc, du Chili ou d'ailleurs. Même chose en espagnol avec "hoja de tomate". En anglais et en espagnol on associe donc la feuille de tomate aux vins blancs d'un seul cépage. Le Sauvignon Blanc. Pourtant, M. Benoît nous dit dans son article n'avoir jamais rencontré ce "défaut" dans un blanc chilien. Il est sur ce sujet aux antipodes du reste de la planète. Comprenez-moi bien. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de vins rouges chiliens avec des notes de verdeur ou autre caractère végétal. Il y en a au Chili, et il y en a ailleurs. Ceci dit, il ne faut pas virer fou avec ça, en faire une fixation et tout confondre. Si M. Benoît s'excitait et voyait un défaut face à chaque vin de Bordeaux ou de la Loire qui présente des arômes de poivron vert, il n'aurait pas fini d'écrire. Depuis quand les notes végétales ou de verdeur sont-elles systématiquement mauvaises dans le vin rouge? Comme bien des choses c'est une question de dosage et de goût. Il faut aussi savoir de quoi on parle. En réalité, ce que M. Benoît appelle feuille de tomate est limité, selon mon expérience, à certains vins de cépages bordelais, en particulier de Cabernet Sauvignon. Je n'ai jamais rencontré ces arômes dans un Pinot ou une Syrah, même chose pour le poivron vert, au Chili, en France ou ailleurs. Toujours est-il que le Cabernet chilien a la particularité de présenter des arômes de cassis frais souvent très prononcés, surtout en prime jeunesse. Hors, l'arôme de cassis est une molécule soufrée, un thiol, tout comme le bourgeon de cassis, le groseille et c'est aussi le cas de la molécule qu'on associe à la feuille de tomate dans le Sauvignon Blanc. Ce sont des arômes de la même famille qui présentent des similarités. L'arôme de cassis frais a la particularité de présenter une composante à la fois fruitée et végétale. Goûtez et sentez du cassis frais et vous allez comprendre ce que je veux dire. Même dans le cassis bien mûr, il reste un certain niveau de la molécule qui donne le côté végétal au bourgeon de cassis.

J'ignore si l'odorat de M. Benoît montre un profil de sensibilité qui occulte l'aspect fruité de ce cassis pour ne percevoir que l'aspect végétal. C'est possible. Chaque personne possède une sensibilité olfactive qui lui est propre. Ceci dit, une chose est sûre, avec sa fixation sur la feuille de tomate, et la détestation qu'il en a, il est un cas à part, bien qu'il ait fait des disciples au Québec. Il y a eu au Royaume-Uni une controverse il y quelques années à propos des vins sud-africains. Une chroniqueuse-vin pour le Times de Londres, Jane MacQuitty, avait décrété que la moitié des rouges de ce pays étaient affectés par un arôme de caoutchouc brûlé. Cela avait fait assez de bruit, et une simple recherche Google permet de trouver de très nombreuses références sur le sujet. Bien sûr, les producteurs sud-africains furent offusqués des propos de Jane MacQuitty et les avis sur la réalité du problème étaient partagés. Peut-être y avait-il un problème. Je n'ai pas assez d'expérience avec les rouges d'Afrique du Sud pour porter un jugement valide sur le sujet, mais dans ma courte expérience des vins de ce pays je n'ai jamais noté ce problème. Ceci dit, même si problème il y avait, ou il y a toujours, il est clair que ça ne touchait pas la moitié des vins rouges d'Afrique du Sud.

Pour revenir au Québec et à la fixation de Jacques Benoît. Il est clair que celui-ci, probablement par ignorance, y va d'une délirante généralisation. Il a frappé un vin chilien très vert un jour et ça l'a marqué. Aussi, l'exemple du supposé caoutchouc brûlé sud-africain est éloquent. S'il y a eu une telle controverse à ce propos. Quelqu'un pourrait-il m'expliquer pourquoi il n'y en a pas à propos de la feuille de tomate et des rouges chiliens. Si cela est si répandu et si abominable, pourquoi n'y a-t-il qu'au Québec où l'on parle de ce supposé terrible phénomène? L'odorat des gens hors Québec serait-il systématiquement insensible à cet arôme? Bien sûr que non. Les rouges chiliens sont souvent distinctifs, c'est vrai, mais en même temps la variété de styles n'a jamais été aussi grande. Ramener cette histoire de feuille de tomate à chaque fois qu'on parle des vins de ce pays est totalement aberrant. Surtout quand on écrit dans un grand quotidien comme La Presse. Personnellement, comme amateur des vins de ce pays, et blogueur qui tente de mieux les faire connaître, je trouve ça très frustrant. On peut ne pas aimer un vin donné et l'écrire en expliquant pourquoi, mais revenir systématiquement avec une idée qui n'est documentée nulle part ailleurs dans le monde est vraiment absurde. J'ai rencontré plusieurs chiliens au cours des dernières années lors des dégustations annuelles de Vins du Chili. J'ai vu les efforts investis pour tenter de faire connaître, comprendre et aimer les vins de ce pays. Dans ce contexte, c'est vraiment frustrant de voir le doyen des chroniqueurs-vin au Québec, un homme avec une tribune importante et influente, annihiler une partie de ces efforts en répétant ad nauseam une idée fixe au lieu de parler de la véritable réalité de la scène vinicole très dynamique de ce pays.

samedi 6 septembre 2014

Projet Empedrado : Le défi terroir de Torres au Chili





Pour souligner les cinq ans d'existence de ce blogue, je me suis dit que ça vaudrait la peine de pondre un article avec un peu de substance... Ils furent rares dernièrement.

Dans le monde du vin on parle beaucoup de terroir. Les producteurs expliquent les qualités de leurs vins avec ce mot. C'est un mot qui à force d'être utilisé pour tout expliquer en est venu à perdre un peu de son sens. On l'emploie tellement que c'est presque devenu un automatisme. Qui dit vin dit terroir, et il ne peut y avoir de vin sans terroir approprié. Dans la tradition européenne, les cépages semblent tellement liés aux terroirs, qu'on ne pourrait imaginer qu'il puisse en être autrement. Des décennies, voire des siècles, d'essais et erreurs ont permis de savoir quels cépages convenaient le mieux à une zone géographique donnée et à son climat. Toutefois, dans les pays du Nouveau-Monde, la donne est bien différente. Il reste encore beaucoup de zones inexplorées pour la viticulture et il peut être hasardeux de s'y lancer. Le processus de compréhension du lieu peut parfois donner des résultats surprenants qui montrent bien que le concept de terroir est complexe.

Le cas du projet Empedrado, initié par la maison Torres au Chili au début du millénaire, montre bien que lorsque l'on se lance dans un projet impliquant autant de variables, le résultat peut différer de ce qui était projeté au départ, surtout si on néglige d'accumuler suffisament de données à propos d'un critère essentiel, la température du lieu. Torres a lancé ce projet avec un critère primordial, trouver un lieu au Chili avec un sol d'ardoise similaire à celui du Priorat en Espagne. Le but étant de faire au Chili des vins dans le style de ceux du Priorat, en y plantant les mêmes cépages (Tempranillo, Grenache, Carignan). Après bien des recherches, Torres a trouvé son sol d'ardoise dans une région forestière de la vallée de Maule, proche de la côte de Pacifique. La vallée de Maule est très vaste, c'est la région qui produit le plus de vin au Chili, mais on y produisait du vin que dans les zones intérieures plus chaudes, moins accidentées et plus fertiles. Donc, cette partie montagneuse, couverte de forêts et située non loin de la côte du Pacifique n'avait jamais vu un plant de vigne. Vouloir y créer un grand vignoble relevait donc de l'entreprise aventureuse, surtout si on avait négligé au départ de bien connaître le climat qui prévaut dans cette zone. Il a fallu déboiser, aménager des terrasses à flanc de collines et créer des réservoirs pour recueillir l'eau de pluie nécessaire à l'irrigation. Tout cela avant d'avoir planté le premier plant de vigne. Lors d'essais initiaux, pas moins de 15 cépages noirs ont été testés. Des plants adultes ont été plantés pour accélérer le processus, et les résultats furent désastreux. À part le Merlot, aucun des cépages choisis ne pouvait atteindre sa pleine maturité à cause d'un climat trop frais.

J'ai lu pour la première fois à propos de ce projet en 2007, dans le livre "Wines of Chile" du britannique Peter Richards. Le projet semblait alors emballant. Toutefois, bien que j'aie gardé l’œil ouvert depuis pour voir les premier vins de ce projet arriver sur le marché, il n'y avait rien à signaler. Pas de nouvelles du projet Empedrado et de ses vins. Je croyais donc que le projet avait été abandonné, probablement trop compliqué, avec des résultats peut-être décevants. Toujours est-il qu'il y a quelques jours je suis tombé sur un article du magazine britannique "Drink Business" portant sur le développement du Pinot Noir dans la région côtière de Maule, et c'est là que j'ai finalement su ce qu'il advenait de cet ambitieux projet. Fini le Priorat, bienvenue la Bourgogne. À la lumière des tests de plantation qui furent effectués, Torres s'est aperçu que bien que le sol soit similaire à celui du Priorat, le climat était trop frais pour les cépages méditerranéens et que le cépage qui convenait le mieux à ce climat était le Pinot Noir. 30 hectares de ce cépage sont maintenant plantés sur ce site à 24 km de l'océan. Les vignobles sont en terrasses, le rendement des vignes est faible, et dans cette forêt sauvage elles doivent être protégées des oiseaux et des lapins par des filets. Probablement que les 30 hectares de vignes ne sont pas pleinement en production pour le moment car seulement 200 caisses du premier millésime seront relâchées l'an prochain à un prix élevé, plus cher que le vin de Pinot le plus cher du Chili, le Ocio de Cono Sur (65$). Il faut croire que la qualité est déjà au rendez-vous.

À mon sens, ce projet Empredado montre bien la difficulté de développer des territoires complètement nouveaux pour la viticulture. Il y a beaucoup de variables et les idées pré-conçues et le manque de données préalables peuvent ralentir les choses. Il aura fallu 15 ans à Torres entre l'identification du site, et la production de la première cuvée commerciale. Ce sont les sols d'ardoise qui ont conduit Torres dans ce lieu sauvage, probablement que sans ce sol particulier il ne se serait pas aventuré à développer un vignoble à cet endroit. Au final il y fera des vins de Pinot Noir de style européen. Peut-être que si le Priorat avait un climat plus frais on y produirait aussi des vins de Pinot Noir de haute qualité. Pour Torres, malgré que cela ait pris 15 ans, ce n'est que le début de l'histoire. Les vignes sont encore très jeunes et seul le temps donnera la réelle mesure du potentiel de ce vignoble improbable. Ceci dit, à ce stade, cette histoire semble montrer que le climat est le facteur le plus déterminant du terroir. La nature du sol joue certainement un rôle, mais il ne pourra jamais compenser pour un climat inapproprié pour certains cépages. Pour le reste, et bien il est clair que le Pinot Noir est l'objet de beaucoup d'intérêt et de travaux de développement actuellement au Chili, et ce sur une gamme très variée de terroirs. Ce qui veut dire que le pays, à terme, pourra offrir une belle variété de styles. Du plus léger au plus puissant.

lundi 1 septembre 2014

SYRAH, MAX RESERVA, 2012, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ





Plus de trois mois depuis le dernier compte rendu de dégustation sur ce blogue. Désolé, j'ai bu très peu de nouveautés dernièrement, et je n'ai pas eu l'envie de revenir frapper sur le clou du rouge chilien de 10 ans qui a magnifiquement évolué. Ceci dit, avec cette Syrah, je reviens avec un producteur et une gamme de vins à propos de laquelle j'ai souvent écrit. Il y a de quoi, Errazuriz demeure un des grands producteurs chiliens, et cette gamme « Max Reserva » une des plus solides. La seule chose que je n'aime pas de cette gamme de vins, c'est son nom. Il ne rend pas justice au sérieux des vins de cette gamme et à leur incroyable potentiel de garde. L'ancien nom, qui remonte aux années 90, « Reserva Domaine Don Maximiano » reflétait bien mieux la classe de ces vins, même si aujourd'hui il serait inapproprié car les vins de cette gamme proviennent de plusieurs vignobles dans la vallée d'Aconcagua, et non plus seulement des vignobles autour du domaine original. Pour preuve, cette Syrah, 2012, contient maintenant une portion de fruits qui proviennent du vignoble côtier de Manzanar, situé à seulement 12 km de la côte de l'océan Pacifique. Ce nouveau vignoble de climat frais a été planté en 2006, alors que la Syrah venant des vignobles de climat plus chaud, près du domaine, à l'intérieur des terres, a été plantée dans les années 90. Ce vin est donc un monocépage, mais aussi un assemblage, en ce sens qu'il combine des raisins venant de différents terroirs. Il a heureusement été élaboré avec un usage très modéré de bois neuf, puisque seulement 10% du vin a été élevé en barrique neuves de chêne français. Il titre à 14% d'alcool, pour un pH de 3.62, et est bien sec avec 2.51 g/L de sucres résiduels.

La robe est sombre et éclatante. Le nez est d'expression modérée et déploie d'agréables arômes de fruits rouges et noirs amalgamés à un beau côté floral et épicé, ainsi qu'à une très légère pointe chocolatée. Superbe nez de jeune vin qu'on souhaiterait un tantinet plus expressif tellement la combinaison d'arômes qu'il dégage est plaisante. En bouche, l'attaque fraîche est menée par un fruité intense de superbe qualité qui s'appuie sur une juste dose d'amertume. Cela contribue à l'impression d'équilibre qui se dégage de ce vin qui allie vivacité, souplesse et bonne concentration de saveurs. L'ensemble est compact sur une trame tannique raffinée. La finale est longue et harmonieuse.

Très beau vin aux justes proportions, sans excès et sans lacunes. Un vin à la fois charmeur et sérieux. Un bel exemple de l'idée que je me fais des bons rouges chiliens de type Reserva qui misent d'abord et avant tout sur l'équilibre et la qualité aromatique. Ceci dit, il est rare dans cette gamme de prix de trouver un vin qui marie aussi bien l'impression de légèreté à un niveau de concentration supérieur. Je parle de légèreté pour évoquer l'absence de lourdeur, cela n'a bien sûr rien à voir avec la dilution que peuvent présenter certains vins qualifiés de légers. Dans ce cas-ci, la concentration se révèle dans l'intensité et la longueur des saveurs. Bien sûr, ça n'atteint pas le niveau de concentration et de densité de certaines cuvées de luxe, ce n'est pas aussi impressionnant de ce point de vue, mais un vin comme cette Syrah est beaucoup plus facile à boire. C'est une question de choix stylistique, de choix d'équilibre. Dans ce cas-ci le choix implique que plus n'égale pas nécessairement mieux, que la sobriété et la modération peuvent aussi avoir leur charme, en autant que la qualité de la matière soit au rendez-vous. J'ai bu ce vin sur une période de trois jours, et il était aussi bon le troisième jour que lors du premier. Son potentiel de garde m'apparaît évident, surtout que les preuves des rouges de cette gamme ne sont plus à faire en en ce qui a trait à la garde. Offert au prix régulier de 19.20$, c'est un superbe RQP, surtout qu'il est très facile de se le procurer en promotion. Disponible à la caisse à la SAQ Dépôt à 15% de rabais en tout temps (16.32$ la bouteille). À ce prix, il devient carrément imbattable.