samedi 14 mai 2016

Le palais français des Québécois: Un mythe déboulonné

Il y a quelques années j'avais écrit plusieurs article sur ce blogue où je dénonçais le francocentrisme québécois en matière de vin (voir le libellé au bas de l'article). La France est surreprésentée à la SAQ et l'offre de notre monopole en vins de qualité du Nouveau Monde demeure relativement faible. En réaction à cette critique, la réponse usuelle est que le Québec accorde beaucoup de place à la France vinicole car le palais des Québécois serait français. Je me suis toujours opposé à cette conception, arguant que ce supposé palais français était acquis, et non inné, et que la SAQ, par son offre de vins, de même que la presse spécialisée par l'importance démesurée qu'elle accorde aux vins de l'Hexagone, entretenait cet état de fait. Une simple comparaison avec l'Ontario confirme ce constat. La LCBO a une offre beaucoup moins grande de vins français, et beaucoup plus importante de vins du Nouveau Monde, surtout de pays anglo saxons, mais aussi, dans une moins mesure, de vins sud-américains. Pourtant il n'y a pas différences génétiques marquées entre les Québécois et les Ontariens. C'est clairement un caractère acquis qui découle des affinités culturelles des deux provinces.

Un appui involontaire à mon point de vue est venu la semaine passée de cette même presse spécialisée québécoise, de la part de Bill Zacharkiw dans The Gazette, qui explique dans un article que son palais français vient du fait qu'il a été exposé dès ses débuts dans le monde du vin, au début des années 90, à ce qui était offert à la SAQ, soit surtout des vins français, souvent marqués par un manque de maturité, donc par une forte astringence et une forte acidité et moins de concentration, de douceur et d'alcool et que cela continue de marquer ses préférences, même aujourd'hui. M. Zacharkiw s’emmêle ensuite dans la notion vaseuse d'authenticité des vins pour justifier ses choix français. Là il me perd totalement car on est hors du goût et on tombe dans l'idéologie. Ceci dit, il a l'honnêteté de reconnaître que la différence entre ancien et nouveau mondes est de plus en plus floue, les vins européens étant maintenant élaborés avec un fruit plus mature, alors que le Nouveau Monde redécouvre les vertus associés à moins de maturité et développe des vignobles sur des terroirs plus frais.

Je m'intéresse au  monde du vin de manière moins intense qu'il y a quelques années, ceci dit, quand je regarde la liste des meilleurs vendeurs de la SAQ je me désole totalement. Cette liste est dominée par des vins sucrés du Nouveau Monde, et l'offre de bons vins de ce même Nouveau Monde à cette même SAQ demeure faible. Donc, en volume le palais du Québécois moyen n'est ni français, ni Nouveau Monde, il est adepte du vin sucré de mauvaise qualité. La SAQ semble incapable de faire dans la nuance. Elle met de l'avant du mauvais vin sucré pour la masse, et ce faisant fixe les préjugés d'une certaine élite à l'encontre des vins non européens. Si la SAQ et la presse vinicole faisaient un bon travail d'éducation, il devrait y avoir au Québec un palais pour le bon vin. Point. Le temps des petites guerres nostalgiques à propos du continent d'origine des vins devraient tenir du passé car on voit que le résultat net c'est le règne des "Ménage à Trois" de ce monde. Le combat devrait se faire pour le vin de qualité offert à prix abordable plutôt que sur des bases idéologiques.