lundi 4 avril 2016

CABERNET SAUVIGNON, RESERVA, 2003, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ




Les vins de Perez Cruz sont, selon mon expérience, les vins chiliens les plus typés en jeunesse, les vins les plus marqués par leur terroir. Il y a un côté végétal sauvage indéniable qui transcende les cépages dont les vins sont issus. Je l'ai retrouvé en prime jeunesse dans tous les vins de ce producteur auxquels j'ai pu goûter, Cab, Syrah, Malbec, Carmenère et Petit Verdot. C'est tellement vrai qu'en fouillant sur le net à propos de ce vin j'ai retrouvé une note de dégustation sur ce 2003 que j'avais écrite peu de temps après l'achat, en mars 2005. Il y a déjà 11 ans. J'en étais à mes débuts à écrire des notes de dégustation sur les forums et le dégustateur/rédacteur de notes débutant que j'étais s'était laissé prendre à l'utilisation du descriptif plant de tomate pour décrire l'aspect végétal sauvage de ce vin en prime jeunesse. Il faut dire que moi aussi j'avais été bombardé par cette idée typiquement québécoise, répandue à satiété pendant des décennies par le chroniqueur Jacques Benoît qui vient de prendre sa retraite. Ça montre comment il est difficile de résister à un descriptif souvent répété et tenu par plusieurs comme vérité. J'ai eu la capacité de me déprogrammer depuis, en réalisant que ce descriptif n'était utilisé qu'au Québec et en retournant sentir de véritables plants de tomate et du véritable cassis frais. La meilleure façon de passer outre un préjugé est de retourner vérifier à la source. Faites l'exercice, c'est très révélateur et ça met un terme au débat une bonne fois pour toute. Finalement, 11 ans plus tard je n'ai pas eu besoin de carafer le vin, de le transvider et de le laisser une journée au frigo. Il s'est offert de bon gré dès l'ouverture. Normal, les vins gardés 10 ans ont subi l'action lente de l'oxygène et ne montrent pas de profil de réduction comme ça semblait être le cas pour ce vin en 2005. Il ne faut pas oublier que les thiols sont des groupements chimiques réduits très odoriférants, et qu'après oxydation, ils donnent des composés inodores. Pas pour rien que les rouges chiliens changent si dramatiquement de profil aromatique après une longue garde.


La robe est de teinte grenat légèrement translucide. Le nez est d'intensité moyenne et exhale des parfums de mûres, de cerises, d'épices douces légèrement évoluées, de bois de cèdre et de chocolat. Très beau nez étonnamment peu évolué, à part peut-être pour ce qui a disparu. Ceci dit, les traces d'évolution sont présentes et marquent légèrement le profil aromatique, mais c'est subtil et il n'y a pas encore d'arômes tertiaires comme le thé ou les feuilles mortes. Cela se reflète en bouche où l'on retrouve un vin encore bien vigoureux, avec de belles saveurs intenses, un juste trait d'amertume et des tanins soyeux. Un vin de corps moyen, plutôt élancé, avec ce qu'il faut de matière pour être consistant, mais ne jouant clairement pas la carte de la forte concentration. On se retrouve sur un profil classique de Cab, Reserva, chilien. Un vin misant sur un équilibre aux proportions modérées et sur une qualité aromatique exemplaire. Sans surprise, donc, le vin est facile à boire et coule sans effort vers une finale harmonieuse et assez longue où les tanins gagnent un peu de poigne.

Excusez-moi d'y aller dès le départ avec l'aspect économique, mais qu'un vin payé 13$ puisse donné un tel résultat après 10 ans de garde est tout simplement fantastique. Ce vin est aussi un pied de nez à tous ceux qui remettent en cause la validité des vins élaborés selon les préceptes de la maturité phénolique. Ce vin titre à 14.5% et l'alcool ne paraît absolument pas, même quand le vin se réchauffe dans le verre, et les tanins sont d'une finesse digne de vins très fins et beaucoup plus chers. Je n'a rien contre l'approche visant moins de maturité et moins d'alcool, d'ailleurs, Perez Cruz a pris ce virage, le 2013 titre à seulement 13% d'alcool et pour avoir gardé beaucoup de rouges chiliens des années 90 dont le titre alcoolique étaiut similaire, je sais que la garde de ce type de vins moins matures fonctionne aussi très bien. Ceci étant dit, pour moi ce vin confirme ce que j'ai toujours pensé, c'est-à-dire que le vin de qualité se fait à partir de fruits de qualité, et que le degré de maturité de ceux-ci relève du choix stylistique du producteur. La beauté c'est que les deux choix fonctionnent lorsque l'élaboration est bien menée et que le résultat net est un gain en diversité. Michel Rolland n'était pas un fumiste et les mondovinistes peuvent aller se rhabiller. Son approche permet de produire de très bon vins, des vins séduisants, tout en douceur, sans aspérités et qui ont un très bon potentiel de garde. Après ça, c'est une question de terroir et de maîtrise de l'élaboration, et pour le consommateur, une question de goût et de choix. Moi j'aime les deux styles et je suis content de voir qu'ils coexistent maintenant au Chili. Finalement, il n'y a plus la moindre trace d'arômes végétaux dans ce vin. Pas de cassis frais, pas de plant de tomate. Les molécules soufrées (thiols) qui sont à l'origine de ce type d'arômes ont eu le temps d'être oxydées par la microoxygénation que procure la longue garde en bouteille et d'ainsi devenir inodores. À noter, ce vin, un classique de la LCBO depuis 10 ans, est maintenant offert à la SAQ dans le millésime 2013.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire