mercredi 10 février 2016

Vin propre et vin de terroir

La réputée sommelière Véronique Rivest est maintenant chroniqueuse-vin régulière au journal La Presse. Je me disais que son arrivée serait une bouffée d'air frais pour la section Vins de ce journal où Jacques Benoît nous répète les mêmes choses depuis des décennies. Malheureusement, je ne peux pas dire que je suis impressionné par les textes de madame Rivest. J'ai été déçu récemment par un texte rempli de clichés sur le Vieux et le Nouveau Monde. Voilà que cette semaine je suis encore plus déçu par un texte sur l'usage des pesticides dans la culture de la vigne. Là encore je trouve qu'on tombe dans les clichés et qu'on mélange tout. On mélange les producteurs de vins bas de gamme avec ceux qui visent la qualité. On mélange les terroirs et leurs particularités. Certains terroirs secs sont idéaux pour la culture biologique, alors que des terroirs plus humides s'y prêtent mal. On glorifie le biologique en omettant de mentionner que l'utilisation du cuivre qui y est permise est aussi très nocive, que se soit pas la santé que pour la qualité aromatique du vin.

Il y a plusieurs façons d'arriver à produire du vin de qualité. Il y en a en culture conventionnelle et en biologique. C'est du cas par cas. C'est une question de bonne application et de bonne adaptation des méthodes selon les conditions du lieu et du millésime. La même chose est vraie pour le résultat qui peut être obtenu selon les continents. La notion de nouveau et d'ancien mondes ne tient pas la route. C'est une idée grossière, une généralisation qui n'a pas sa place lorsqu'on traite de vin de qualité. Le style du vin est déterminé par celui qui l'élabore bien plus que par le terroir. Tout dépend du style et du niveau de qualité recherchés et des moyens mis en oeuvre pour y parvenir.

Finalement, là où j'ai tiqué le plus c'est sur la notion de vin propre et de vin de terroir. Pour madame Rivest, un vin propre serait un vin sans aucun résidus de pesticides qui de ce fait en ferait un réel vin de terroir. À mon sens rien n'est plus faux. Combien de vins minimalistes ai-je goûtés qui étaient totalement gâtés par des arômes déviants qui masquaient la vraie nature du vin et du terroir d'où ils étaient issus? Aussi, il n'y a pas une expression unique d'un terroir donné. L'usage de pesticides ou non, raisonnée ou non, n'est qu'une des variables de l'équation globale. Le résultat final dépendra beaucoup plus des décisions de culture du raisin qui n'ont rien à voir avec les pesticides. Le choix du matériel végétal, la configuration du vignoble, le rendement, la date de vendange, le contrôle microbiologique des fermentations, le niveau d'extraction, le mode et la durée de l'élevage. Ramener l'idée de vin de terroir et de vin propre à l'usage on non de pesticides est un non sens, sans compter que l'usage raisonné de pesticides peut être nécessaire dans bien des cas à l'atteinte d'un bon niveau qualitatif.

L'idée de la nature bienveillante est une idée séduisante qui a la vie dure. J'aurais aimé que Véronique Rivest me surprenne en arrivant avec une vision nuancée du monde du vin. L'élaboration du vin est un processus complexe comportant de très nombreuses variables où il est facile de tomber dans les clichés par désir de simplification. Pourtant le vin est un produit de civilisation où le jugement humain joue un rôle primordial. Élaborer du vin de qualité c'est d'abord et avant tout maîtriser du matériel vivant bien choisi, et ce, de la bonne façon selon les circonstances. C'est une oeuvre humaine, et en ce sens, le vin industriel bien fait peut aussi être un vin de terroir. La clé est dans le savoir-faire et son application, pas dans l'échelle de production où dans l'adhésion à une idéologie restrictive sur les façons de faire. Si on aime le vin fin et nuancé, on devrait en parler de façon tout aussi nuancée et éviter les généralisations grossières.