vendredi 15 janvier 2016

CABERNET SAUVIGNON, RESERVE, 2001, MAIPO, VINA CARMEN



Je sais, un autre Cab, Reserva chilien.  Je sais que j'ai beaucoup tapé sur ce clou ici sur ce blogue, mais quand le vin est d'un tel niveau pour un prix aussi ridicule, il est difficile de ne pas en rendre compte. Si j'arrivais à convaincre qu'un seul amateur de mettre ce type de vin à l'ombre pour 10-15 ans, le temps pris pour écrire ce texte en aurait valu la peine. Il n'y a que ce blogue qui transmet ce message à propos de ce type de vins du Chili, les producteurs chiliens eux-mêmes ignorent la plupart du temps le potentiel de garde de leur vins de cette gamme de prix.

La robe grenat, bien translucide au pourtour du disque, montre clairement les signes de l'évolution. Il en va de même pour le nez qui exhale des arômes de fruits noirs et de cerises difficiles à décrire avec justesse, mais qui n'ont plus rien à voir avec le fruité primaire de jeunesse. À cela s'ajoute des notes de bois de cèdre, d'épices douces évoluées, de terre humide et de subtile torréfaction. Beau nez élégant et raffiné. Le charme se poursuit en bouche où l'on retrouve la même impression de fine élégance. Le vin montre un profil fondu où tous les éléments semblent altérés par le temps en bouteille. Je dis altérés, mais il s'agit d'une altération heureuse qui apporte subtilité et finesse à l'ensemble. La vin a encore une bonne matière, toute la présence voulue, et une texture des plus soyeuses. Un nectar vraiment délicieux et très facile à boire. La finale ne trahit rien, au contraire, avec un harmonieux sursaut d'intensité des saveurs et une bonne persistance aromatique.

Pouvoir ouvrir un tel vin par un petit jeudi soir de janvier est un réel privilège. Comme souvent mes propos pourront paraître excessifs face à un de ces fameux Cabs chiliens de type Reserva. Si c'est le cas je ne vous blâme pas. Vu de l'extérieur c'est difficile de croire qu'un vin payé à l'époque aux alentours de 15$ puisse environ 13 ans plus tard donner un tel résultat. Il faut vraiment goûter au vin pour le croire. À l'aveugle ce vin passerait pour un bordeaux de très bon niveau sans aucune difficulté. Tout est là, une matière encore consistante marquée au sceau de l'équilibre, de la finesse et de l'élégance. Le Cab chilien à son meilleur, sans excès et sans avoir à attendre 25 ans pour atteindre l'équilibre des beaux vins évolués et à point. À 13.5% d'alcool, en 2001, ce vin marquait la fin d'une époque au Chili, celle d'avant la recherche effrénée de la maturité phénolique, pourtant il ne montre aucun signe de verdure. Ceci dit, cette époque est maintenant de retour dans l'offre chilienne et il est aujourd'hui assez facile de trouver ce type de rouge qui titre à 13.5%. La version 2012 de ce vin est offerte à la SAQ, maintenant désignée comme Gran Reserva, et titre à 14%.

vendredi 8 janvier 2016

PINOT NOIR, SINGLE VINEYARD, VIENTO MAR, 2013, SAN ANTONIO, VINA CONO SUR



Cono Sur est le plus grand producteur de vin de Pinot Noir au monde en terme de volume. Il furent aussi les pionniers de ce cépage au Chili, mais il faut admettre qu'au début c'était un peu n'importe quoi avec des vignobles du capricieux cépage plantés au cœur de la chaude vallée de Colchagua, avec du matériel végétal chilien qui n'était peut-être pas ce qu'il y avait de mieux. Aujourd'hui tout cela a changé, les clones importés du cépage sont plantés dans des terroirs beaucoup plus frais et appropriés. Dans le cas présent, le terroir est celui de la région côtière de San Antonio, le vignoble Campo Lindo étant situé à 15 km du Pacifique. Le vin provient d'une parcelle spécifique de ce vignoble appelée Viento Mar (vents de la mer). Le sol est composé d'un mélange de granit et d'argile et les températures diurnes n'excèdent pas 26 dégrés Celcius. La vendange est manuelle et le vin est élevé 11 mois en barriques de chêne français d'âge non spécifié. Selon la SAQ le vin titre à 13.9% d'alcool, avec 3 g/L de sucres résiduels. Le producteur lui indique 14.1% et 3.8 g/L et un pH de 3.53.

La robe est d'un beau rubis translucide. Le nez est bien dégourdi et exhale des arômes de cerise, de fraise, de muscade, de vanille, de caramel et de torréfaction. Beau nez où le fruit tient le premier rôle, avec une touche boisée douce et bien dosée. En bouche le vin montre une palette de saveurs très intenses, fidèle au style des jeunes vins de cette maison. Encore une fois le fruit tient le haut du pavé de manière éclatante. Ce fruité montre une douceur qui semble amplifiée par le jeune boisé, mais tout cela est bien soutenu par une juste dosé d'amertume chocolatée et une fraîche acidité. En milieu de bouche le vin a beaucoup de présence, une matière consistante, avec l'aspect fruité qui domine toujours. Le fruité est si intense qu'il s’accommode bien de l'aspect boisé non négligeable. La finesse tannique contribue à la buvabilité de cet intense nectar. La finale voit l'intensité monter d'un cran sur une longueur de très bon niveau.

Beau vin encore très jeune, typique de ce que le Pinot peut donner dans le terroir frais et maritime de San Antonio. Le vin est aussi typiquement chilien avec ce fruité naturellement doux (non sucré) et très intense qui caractérise les bons vins chiliens en jeunesse. L'apport boisé est aussi bien perceptible, mais c'est tout à fait normal pour un vin de ce style avec une telle matière. On a souvent tendance à catégoriser les vins chiliens selon leurs prix en rapport avec des critères européens. Un bourgogne de 20$ n'est pas un vin de garde, mais un vin comme Viento Mar en est un. Si on décide de le boire en jeunesse, il faut assumer le style très intense qui vient avec. Un si jeune vin avec une telle matière n'a pas eu encore le temps de s'assagir. Je commence à avoir pas mal de cuvées de Pinot Noir chilien en cave, mais les plus âgées sont du millésime 2005. Il m'est donc encore difficile de porter un jugement aussi définitif sur les vins chiliens de ce cépage, que je peux le faire avec les vins de cépages bordelais ou de Syrah. Ceci étant dit, je suis tombé cette semaine sur une note de dégustation récente publiée sur le forum LPV à propos du Pinot Noir, 2003, San Antonio, Amayna. La note est très positive et concorde avec mon expérience à date avec la garde des rouges chiliens, soit une disparition de la douceur du fruit avec l'âge de concert avec une intégration harmonieuse du boisé où les notes vanillées se transforment en quelque chose de plus subtil et raffiné. Selon l'auteur de la note de dégustation, le vin de Amayna, avec presque 13 ans au compteur, se rapproche d'un grand bourgogne. Il semblerait donc que le Chili soit en bonne voit de reproduire avec les vins de Pinot ce qu'elle accomplit déjà avec les vins issus d'autres grands cépages français, c'est-à-dire des vins qui se rapprochent beaucoup de très bonnes versions françaises avec l'âge, tout en étant clairement différents en jeunesse. Cette cuvée Viento Mar de Cono Sur me semble posséder toutes les qualités requises pour suivre cette voie, et de grâce, oubliez le prix de 19.95$, ce vin joue clairement dans un calibre bien supérieur.