lundi 26 octobre 2015

L'art de se tirer dans le pied

L'art de se tirer dans le pied, c'est vraiment la phrase qui m'est venue en tête à la lecture d'un article récent de la revue Decanter sur l'état des vins de Cabernet Sauvignon au Chili. Cet article fait suite à une dégustation en semi-aveugle de jeunes Cabs publiée aussi dans Decanter en juin dernier. Je spécifie jeunes et semi-aveugle car les résultats de cette dégustation me semblent très sévères et la connaissance de l'origine des vins et leur prime jeunesse, sans mise en contexte du potentiel d'évolution des vins, me semble être en cause pour expliquer le jugement sévère. Cela sans compter l'absence de bon nombre de vins intéressants de ce cépage. Les dégustateurs savaient qu'il n'y avait pas de grands noms dans le lot pouvant les faire mal paraître car il n'y a pas au Chili de monuments inattaquables. Disons que ça aide à être sévère, surtout lorsque saturé par la dégustation à la chaîne de 86 jeunes vins du tannique cépage. Ceci dit, au-delà des résultats de la dégustation, ce sont les propos des winemakers chiliens qui m'ont déçus. Il faut dire que l'auteur spécifie que le constat est loin d'être unanime mais il a préféré transmettre le message de ceux séduits par l'approche minimaliste.

La mode dans le monde du vin est au minimalisme avec comme devise le fameux "Less is more". Cette mouvance en a aussi contre les grands cépages et préfère les cépages obscurs aux Cab, Pinot et Chardonnay de ce monde. La production à large échelle est aussi vue comme une mauvaise chose. Les défenseurs de cette vision du monde du vin ont une influence importante sur la presse spécialisée. Il est de bon ton pour les chroniqueurs-vins de donner un écho favorable à cette idéologie qui mélange bien des choses en oubliant souvent la qualité réelle du vin. Comment ne pas avoir un préjugé favorable pour un petit producteur artisan versus un grand château bordelais ou une grande compagnie qui rime avec industrie?

Cette bataille idéologique ne me dérange pas vraiment d'un point de vue global. Elle est même saine à plusieurs égards et peut servir de contrepoids à une tendance globalisante et corporatiste. Ceci dit, il y a des pays qui ont un statut tellement solide que ces batailles peuvent avoir lieu à l'interne. Des Français peuvent dénoncer des Français et dire que Bordeaux c'est terrible, la force de la marque France en matière de vin est tellement grande qu'il n'y a pas de répercussions réelles car il y a une clientèle pour chaque groupe. Dans le cas du Chili, la situation est toute autre. Ce pays vinicole semble souffrir de tous les supposés vices dénoncés par le mouvement minimaliste. C'est un pays où l'activité vinicole est d'abord et avant tout une industrie d'exportation contrôlée en majorité par de grosses compagnies. C'est aussi un pays en déficit de prestige et qui se rabat sur des cépages prestigieux pour essayer de se donner un tout petit peu de ce prestige. Comme la production du pays est axée sur l'exportation, les vins sont souvent élaborés pour tenter de plaire à ces marchés de la façon la plus évidente. Il est clair que ce n'est pas le royaume du vin d'auteur. C'est aussi un pays qui pour des raisons commerciales à court terme ignore très largement le potentiel de garde de ses vins, même si à moyen et long terme cela pouvait contribuer à améliorer l'image de ceux-ci.

Toute comparaison est un peu boiteuse, mais au Chili, les grosses compagnies sont un peu l'équivalent de Bordeaux en France. Elles produisent du volume et sont capables du meilleur comme du pire. La différence étant que les grosses compagnies vinicoles du Chili n'ont pas de monuments inébranlables comme les grands crus classés pour s'ancrer contre les charges à son encontre. En France tous les petits qui veulent se démarquer peuvent casser du sucre sur le dos de Bordeaux sans conséquences réelles. Le Chili n'a pas ce luxe. Quand des producteurs chiliens, attirés par l'approche minimaliste, vont dans une revue comme Decanter pour parler négativement des vins de Cabernet de ce pays, sans trop de nuances, cela n'aide certainement pas leur cause. Je pense vraiment que c'est un geste irréfléchi et nuisible pour l'ensemble. Tous les pays produisent de mauvais vins, ou des vins formulés et sans trop d'intérêt. Des vins strictement commerciaux et industriels il y en aura toujours, certains exécrables, et d'autres pas mauvais.du tout, au Chili comme ailleurs. Le Chili a suivi au cours de la première décennie du présent siècle la mode de la maturité phénolique à tout prix. À ce chapitre il n'a pas été différent des autres pays où l'on a vu une montée générale des titres alcooliques que cette pratique entraîne. Ceci dit, beaucoup de vins élaborés selon cette approche sont très bons, quoi qu'on en dise. Bien sûr, si notre truc c'est le vin léger et gouleyant, je ne vois pas d'intérêt à s'intéresser au Cab. Quand je vois Marcelo Retamal de De Martino dire qu'il n'aime pas ses vins des années 2000 ça me fait un peu de peine car il a tort. J'ai encore de ses vins du début du siècle en cave et qui titrent à 14.5%. Ces vins ont très bien évolué, intégré leur bois et sont actuellement délicieux. Qu'on veuille faire du Cab avec un style de Beaujolais, moi je veux bien, mais je persiste à croire que la force du cépage réside ailleurs et je ne mettrais pas bien des bouteilles de ces vins peu extraits et boisés en cave. Le bois bien utilisé fait partie intégrante des rouges de type bordelais, peu importe l'origine. Il est à mon avis essentiel pour permettre au vin de bien vieillir. Qu'on veuille une plus grande variété stylistique me semble tout à fait souhaitable. Le Chili a déjà prouvé qu'il pouvait faire de très beaux vins de longue garde avec des fruits vendangés plus hâtivement. D'ailleurs, depuis 2010 environ, on voit une baisse des titres alcooliques de bien des rouges chiliens. Il y a un retour à des vendanges plus hâtives, mais le style très mature est toujours bien présent. Je suis pour cette variété stylistique, mais il n'y pas besoin de rabaisser une chose pour vanter les mérites d'une autre. Bordeaux a ses vins à 14.5% et même parfois 15% d'alcool, je ne vois pas pourquoi ce serait terrible de faire ça dans la vallée centrale chilienne qui a des zones de culture plus chaudes. Non. Le Chili n'a vraiment pas le luxe de jouer le jeu des guéguerres idéologiques qu'on voit en Europe.

Finalement, les résultats de la dégustation et l'article de Decanter montrent très bien que la plus grande carence des producteurs chiliens repose dans leur ignorance du potentiel de garde de leurs vins. Un article récent de la revue chilienne Vitis Magazine met très bien en lumière cette situation. La garde du vin n'est associée par les producteurs chiliens qu'à leurs méga-cuvées hyper concentrées et très chères qui prendront au moins 30 ans à s'assouplir un peu. Il n'y a pas de culture générale de garde du vin au Chili et les producteurs ne veulent pas investir dans des installations pour le faire. La vision est basée sur le retour sur investissement à très court terme et le pays continue de mettre en marché des vins très jeunes souvent difficiles à boire tellement ils débordent de matière. Dans ce contexte, la plupart des critiques qui évaluent de jeunes vins chiliens font fi du potentiel de garde de ceux-ci car ils n'ont pas d'expérience avec des vins évolués de ce pays et que cela n'est jamais mis de l'avant par les producteurs, exemples à l'appui. Dans ces conditions, pas étonnant que les très jeunes vins soient rapidement condamnés. Je sais par expérience que le potentiel de métamorphose de plusieurs de ces vins est difficile à prévoir lorsqu'on les aborde dans toute l'exubérance chilienne de leur jeunesse. Pour un palais européen, ces jeunes vins semblent souvent avoir trop de tout, alors que 10-20 ans plus tard ils atteignent un autre type d'équilibre, plus classique. Moi je les aime des deux manières car la garde du vin est une façon d'accéder avec les mêmes vins à plus de variété stylistique. Dommage que les chiliens n'aient pas compris le potentiel de leurs propres vins. Vraiment, autant j'aime les vins de ce pays, autant, parfois, ceux qui les font me désespèrent. Je suppose que c'est une caractéristiques des petits peuples du Nouveau-Monde de ne pas avoir pleinement conscience de leur potentiel. Comme Québécois c'est quelque chose que je peux comprendre.



mardi 20 octobre 2015

Brettanomyces: Le processus d'acceptation

Oui je sais, retour encore une fois sur ce sujet. Je ne pouvais passer à côté, étant tombé sur un texte dans la revue Decanter qui illustre parfaitement comment on en vient à accepter les arômes de Bretts dans le vin, et même à prétendre trouver ça bon. Le chroniqueur Andrew Jefford nous explique avoir participé à une dégustation à l'aveugle de Cabs californiens et australiens haut de gamme et que lui et deux de ses collègues y ont mal coté le vin californien Cain Five, 2008. La suite est intéressante puisqu'on y apprend que M. Jefford s'est senti un devoir de contacter le winemaker du Cain Five, Chris Howell, pour s'excuser d'avoir mal coté son vin. Un comportement qui en dit beaucoup déjà sur la difficulté qui existe dans ce milieu à dire du mal de vins chers et réputés. Il faut protéger ses arrières pour durer dans ce métier. Jusque là M. Jefford ne parle pas de Bretts pour expliquer pourquoi il n'a pas aimé le Cain Five. Puis ensuite on apprend que l'explication de M. Howell est qu'il  produit des vins réduits et brettés intentionnellement. Pas de surprise-là pour moi. J'ai toujours dit que des producteurs utilisaient les levures Brettanomyces intentionnellement pour donner un style particulier à leurs vins.

La suite de l'histoire montre comment on en vient à accepter les Bretts dans les vins haut de gamme. Jefford n'a pas aimé le vin à l'aveugle, ses collègues non plus, le caractère bretté en est fort probablement une cause, mais son ami winemaker lui explique qu'au contraire c'est une bonne chose, comme d'autres défauts œnologiques. M. Jefford gobe ça et se monte un petit scénario alambiqué pour valider le tout. Il nous dit avoir ensuite fait goûter le vin à un bon petit couple qui connaîtrait peu de chose en matière de vin, mais qui à l'évidence ont un palais bien français et aiment bien le profil aromatique des bons vieux clarets, et voilà, le tour est joué! Le vin qui n'était pas aimé à l'aveugle est réhabilité, face à un vilain vin sucré/vanillé du Nouveau-Monde, en même temps que ses défauts qui devraient être d'une autre époque. Cet exemple montre bien le processus insidieux qui amène l'amateur à accepter et même, à terme, apprécier les arômes de bretts. Des arômes qui sont à la base rebutants pour une majorité de personnes sont apprivoisés par les dégustateurs car ils sont présents dans des vins de renom. Je l'ai déjà dit, pour devenir un amateur de vin haut de gamme il faut pouvoir accepter les arômes de bretts, ou y être peu ou pas sensible.

Cet exemple montre aussi que ces arômes sont placés-là volontairement par de nombreux producteurs. Je me souviens m'être déjà sévèrement fait rabrouer sur un forum de discussion pour avoir avancé que des producteurs utilisaient les Bretts volontairement dans l'élaboration de leurs vins. Le cas de M. Howell et de son Cain Five a le mérite d'être clair. Pas de petit secret un peu honteux de fabrique. Le texte de Andrew Jefford montre bien comment on peut tordre une réalité de départ pour qu'à la fin elle corresponde à ce qu'on voudrait qu'elle soit et devienne ainsi acceptable. Le même processus opère pour l'amateur de vin novice devant un verre d'un vin renommé et bretté ouvert par un ami connaisseur. Le buveur expérimenté s'extasie de la complexité du bouquet et de la qualité du vin, et face à cela le novice prend note. Ensuite, soit il renonce aux grands vins, soit il acquiert le goût avec le temps et l'habitude et transmet la chose par la suite au prochain novice qui voudra découvrir ce monde merveilleux où le conformisme joue un grand rôle.



samedi 17 octobre 2015

CABERNET SAUVIGNON, MAX RESERVA, 2000, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ




Retour sur un vin que j'ai déjà commenté sur ce blogue en février 2012. Je n'ai relu ce que j'en disais alors qu'après avoir écrit ce qui suit ci-bas. Il n'y a pas à dire, ce vin touche ma fibre existentielle. Drôle de coïncidence...

La robe est légèrement tuilée et translucide. Le nez est simplement superbe avec un équilibre impeccable entre fruit (cerise) et épices douces d'aspect évolué, complétés par des notes de bois de cèdre, de camphre et de torréfaction. Ce nez est tellement agréable et juste dans son niveau d'expression qu'on a l'envie constante d'y revenir en cours de dégustation. Le charme ne se brise pas en bouche ou l'équilibre est aussi réussi. L'aspect tactile est caressant avec une trame tannique soyeuse qui sert d'écrin à un fruit évolué d'une très belle qualité et admirablement marié à des notes doucement épicées qui elles aussi montrent la signature d'une heureuse évolution en bouteille. Le milieu de bouche révèle un vin harmonieux aux proportions d'une grande justesse. Rien ne dépasse dans ce vin, pas d'excès de quelconque nature, ça coule de source sans effort pour offrir un délice raffiné. La finale ne trahit rien et se montre à la hauteur de l'amorce, avec grâce et harmonie sur une longueur de très bon calibre.

Dire que j'ai aimé ce vin est un euphémisme. La quintessence du Cab chilien de type Reserva ressemble à ça. On peut préférer le style Maipo à ce vin très marqué Errazuriz/Aconcagua, mais c'est comme devoir choisir entre deux très belles choses. Vous penserez peut-être que mon enthousiasme pour ce vin est exagéré. Qu'un vin de 18$ ne peut pas être aussi bon, surtout après 15 ans. Il faut le goûter pour le croire. Ce vin a maintenant une texture qui se rapproche de celle d'un vin de Pinot Noir, mais avec un profil aromatique de Cabernet évolué au boisé bien fondu. Selon moi ce vin est actuellement à son meilleur et devrait y rester pour encore quelques années, ce qui concorde avec l'idée voulant que la fenêtre de garde pour les rouges chiliens de type Reserva bien choisis est de de 10 à 20 ans après le millésime, ce qui veut dire environ 7 à 17 ans de garde. Dans le cas de ce vin, je l'ai gardé 12 ans en cave. Ça n'a l'air de rien, mais il faut avoir de la patience, alors imaginez la patience qu'il faut pour les vins plus concentrés, extraits et boisés. Qui va garder ça 25 ans avant de l'ouvrir? Vous vous montez une cave avec ce genre de bêtes? Préparez-vous à être très patients ou à être déçus quand vous les ouvrirez trop tôt. C'est pourquoi je vante tant les rouges chiliens de type Reserva. Ils ont une courbe d'évolution plus accessible pour en profiter sans trop de risque de mourir avant que le vin ne soit prêt. Plus on avance en âge et plus cet argument prend de poids. À part ça, il y a toujours le prix qui est formidable au vu de la qualité.  On peut l'acheter à la caisse en tout temps dans une SAQ Dépôt pour un peu plus de 16$ la bouteille.

jeudi 15 octobre 2015

Un vigneron bourguignon remet les pendules à l'heure

Depuis le début de ce blogue un des thèmes récurrents est le rôle primordial de l'homme dans l'élaboration du vin. La lecture de cette entrevue avec le producteur bourguignon Jean-Marie-Guffens fut un délice pour moi. La hiérarchisation à outrance des terroirs en prend pour son rhume, l'importance de la dégustation à l'aveugle et de l'utilisation judicieuse des sulfites sont réitérées, de même que l'importance de l'adaptation du vignoble au sol (clones, porte-greffes). Des sujets qui sont pour moi primordiaux. L'antithèse des rêveurs qui croient que le vin peut être naturel et se faire presque tout seul. Ça fait du bien de voir un vigneron dire sa réalité sans se préoccuper d'être dans le sens de la mode.

mercredi 14 octobre 2015

Vin de garde et RQP

Je suis tombé dernièrement sur le site LPEL sur les résultats d'une dégustation verticale du Domaine Montcalmès, un vin du Languedoc qui a son petit culte chez certains amateurs qui se veulent sérieux. C'est un vin vendu pour environ 40$, c'est un prix abordable selon les standards de ces amateurs, mais pour moi c'est un prix qui tire vers le haut de ce que je suis normalement prêt à payer pour une bouteille de vin. Toujours est-il que j'ai lu les commentaires et j'ai été étonné que l'on qualifie ce vin comme un RQP dans la catégorie des vins de garde et que l'on s'étonne qu'un 1999 puisse se présenter encore sous un bon jour. J'ai une cave remplie de rouges chiliens autour de de 20$ qui évoluent très bien sur au moins 20 ans, alors selon mes standards un vin de 40$ qui accomplit cela n'a rien d'un RQP.

Il y a maintenant six ans j'ai écrit ce texte sur la garde du vin en lien avec le RQP. Dans ce texte je disais avoir hâte que ma cave puisse me fournir plus de bouteilles que je ne considéreraient pas trop jeunes. Ceux qui suivent ce blogue avec un peu de régularité peuvent constater que j'ouvre de plus en plus de ces bouteilles avec une dizaine d'années ou plus au compteur. Au fil des années je suis revenu périodiquement sur le sujet du vin et de sa garde et de son RQP (Qu'est-ce qu'un vin de garde?), (Qualité et Prix), (Aborder le vin autrement). Je me suis relu et je pense être cohérent dans mon propos. Toutefois, une chose a changé par rapport aux débuts de ce blogue et même à ce que j'écrivais il y a 10 ans sur des forums, c'est l'expérience réelle en matière de garde de vin. Au début j'avais des convictions basées sur certaines expériences isolées avec des vins plus âgés et je faisais des corrélations entre ça et ce que je percevais dans des vins du même type, mais plus jeunes. J'étais convaincu mais une part de ma conviction relevait de ma confiance en moi comme dégustateur et en ma capacité de projeter ce que deviendrait un vin dans le temps. Ceci dit, tout convaincu étais-je, il y avait toujours un doute au fond de moi. Chaque fois que j'ouvrais une bouteille de rouge chilien de prix abordable qui avait finalement dépasser la dizaine d'années en bouteille, j'avais une crainte face au résultat. Je peux dire aujourd'hui que j'ai accumulé assez d'expériences positives pour ne plus avoir ce doute. Je ne dis pas qu'il n'y a jamais de déceptions avec ce type de vins, mais elles sont très rares.

Mon expérience de garde avec les rouges chiliens m'a aussi permis de faire des distinctions parmi les vins de ce pays que je mets en cave. Je n'ai presque pas de vins super-premiums de prix élevés. Je me suis concentré sur la gamme Reserva, et la gamme au-dessus en terme de concentration et d'ambition, une gamme qu'on pourrait appeler Gran Reserva, même si contrairement à l'Espagne, il n'y a pas de réglementation pour caractériser ce type de vins. Cette gamme est similaire aux vins super premium, mais les prix de ces vins demeurent abordables, et donc le RQP favorable. Ma limite de prix supérieure demeure autour de 50$ et les vins plus chers représentent un faible pourcentage de ma cave.

L'idée voulant qu'il faut payer cher pour un bon vin de garde a la vie dure. Ceci dit, il ne faut pas oublier qu'aucun vin présent dans ma cave ne peut être considéré comme prestigieux ou jouit d'un statut de vin culte, même à petite échelle. Non seulement les vins que j'ai en cave n'ont pas de prestige, mais ce sont des vins qui sont en déficit d'image et de reconnaissance. Personne n'écarquillera jamais les yeux à la vue de leurs étiquettes, certains amateurs cligneraient plutôt de l’œil à la vue de l'origine. N'empêche, ce qui compte pour moi c'est le contenu de la bouteille et le plaisir qu'il offre en réalité, et puis le vin de garde c'est bien beau d'en parler, mais ce qui est le plus important c'est de pouvoir le vivre à plein. Le prix abordable des vins de qualité de ma cave me permet de vivre à plein cette expérience.


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vendredi 9 octobre 2015

SYRAH, RESERVA, 2005, VALLÉE CENTRALE, VINA VALDIVIESO  



Un vin d'un producteur chilien de longue date mais que je connais mal. J'ai acheté le vin il y a huit ans. C'était avant les nouveaux vins de Syrah de climats frais et c'était aussi le temps où les vins de Syrah du Chili étaient encore une rareté. Une première bouteille ouverte en 2008 m'avait convaincu de laisser les autres à l'ombre pour plusieurs années. Voici ce que ça donne sept ans plus tard.

La robe est encore bien soutenue même si légèrement translucide au pourtour du disque. Le nez montre un beau mélange fruité/épicé avec des arômes de cerise, de prune, de vanille/bois brûlé et de légères notes de sous-bois. Beau nez agréable sans signes marqués d'évolution. En bouche on découvre un vin plein, ample et satiné. Les saveurs sont intenses et enveloppantes. C'est simplement caressant pour le palais avec une matière généreuse où tous les éléments sont bien fondus. Le boisé généreux est maintenant bien intégré et les notes épicées qu'il procure se marient très bien au riche fruité. La finale persiste et signe avec un cran de plus dans l'intensité et une longueur de fort calibre où le fruité de cerise s'évanouit dans des bras chocolatés.

Ce vin est tellement bon qu'il m'a inspiré un peu de dentelle descriptive. J'ai tellement aimé que c'est comme si chaque gorgée était un plaidoyer en faveur de la garde des bons vins de Syrah de la vallée  centrale chilienne. Le style est généreux et l'apport boisé conséquent et après 10 ans c'est simplement délicieux. Ceci dit, la fenêtre idéale pour ce vin ne fait que s'ouvrir et il reste dans ce nectar un très bon potentiel d'évolution supplémentaire. Selon mon expérience il n'est pas farfelu de penser que son parcours positif peut s'échelonner sur 15 autres années. En fait, ce vin est un pied de nez à tous ceux qui aiment catégoriser le vin de façon manichéenne selon la méthode et l'esprit dans lequel il a été élaboré, ou bien selon la région précise d'origine. Dans ce cas-ci on a l'assemblage de deux terroirs de la chaude vallée centrale, mais le vin ne titre qu'à 13.5% d'alcool et le généreux apport boisé de départ est maintenant atténué et transformé et cet aspect contribue positivement à l'effet gustatif que produit ce vin. Selon mon expérience grandissante avec les vins de Syrah chiliens de climats plus chauds, la garde apporte un raffinement qui manque généralement è ces vins généreux en jeunesse. J'ai payé cette bouteille autour de 17$ et la qualité est simplement renversante. Il me reste deux bouteilles et la prochaine ne sera pas ouverte avant cinq autres années. Avoir une cave bien remplie et avec une certaine maturité aide è avoir de la patience car il y a beaucoup de choix. Le plus difficile c'est les 10 premières années, il faut investir et accumuler, mais après ça flotte...