mardi 8 décembre 2015

Vin nature: Pourquoi est-il difficile d'aimer?

Tranquille dans l'écriture sur ce blogue depuis un certain temps, mais je suis tombé sur un texte de Marc André Gagnon aujourd'hui sur le site Vin Québec qui m'a totalement sidéré. M. Gagnon y explique avoir assisté à une dégustation de vins natures et avoir eu du mal à aimer, comme la plupart des dégustateurs présents. Jusque là il n'y avait rien de surprenant. Là où M. Gagnon m'a jeté par terre c'est dans sa quête d'explications pour comprendre le caractère rebutant de plusieurs de ces vins.

Le vin aux arômes fruités, épicés et floraux plaisants est essentiellement dû à l'action d'un micro-organisme et des enzymes codés dans son génome qu'il exprime. Ce micro-organisme est la levure Saccharomyces cerevisiea. Ce micro-organisme ne produit pas d'arômes désagréables en cours de fermentation car il possède la bonne série d'enzymes. Le match entre la génétique de Vitis vinifera et Saccharomyces cerevisiea est un match parfait. Toutes les voies métaboliques permises par les enzymes de ces organismes, vigne bien cultivée et levure, mènent à un résultat heureux. La base du vin tel qu'on le connaît et l'accepte généralement est dû à cette combinaison vigne-levure. Toutefois, pour que ce résultat se révèle à son plein potentiel, l'intervention humaine est primordiale. La vigne doit être cultivée de la bonne façon et le raisin récolté au bon moment. Ensuite, le processus de fermentation doit assurer la prédominance claire de Saccharomyces cerevisiea et la stabilité relative du résultat final. Pour cela l'usage éclairé des sulfites est primordial. Les sulfites sont nécessaires pour éviter l'action d'autres micro-organismes et pour préserver le vin de l'oxydation. Les sulfites sont le complément nécessaire au duo béni vinifera-cervesiea.

Lorsqu'on laisse d'autres enzymes issues d'autres micro-organismes venir agir sur la matière produite par le duo béni, on ouvre la porte au pire. On ouvre la porte à des organismes de dégradation, voire de putréfaction, qui par nature produisent des arômes désagréables. Le vin nature contient toutes sortes d'arômes rebutants car on laisse agir des micro-organismes indésirables sur la matière obtenue. Ces micro-organismes indésirables (levures, bactéries) possèdent des enzymes qui permettent la dégradation des arômes plaisants, ou de molécules inodores, en arômes déplaisants. On peut ajouter à cela le processus d'oxydation que favorise l'absence de sulfites comme facteur aggravant, l'oxydation générant souvent des arômes désagréables, comme, par exemple, l'odeur de beurre rance.

Je le répète, la base du vin tel qu'on le conçoit généralement est le raisin de Vitis vinifera bien cultivé, fermenté sous très forte influence de Saccharomyces cerevisiea. et stabilisé par addition de sulfites. Ce trio donne la base aromatique plaisante du vin, l'élevage sous bois peut venir ajouter des éléments aromatiques exogènes, et la micro-oxygénation de l'élevage sous bois peut aussi finement altérer le profil aromatique. Il y a ensuite l'élevage en bouteille qui est un long processus qui peut aussi modifier positivement le vin stable au niveau microbiologique. La base du vin c'est ça. Ceci dit, je sais d'expérience que tous les goûts sont dans la nature et que la sensibilité aux arômes peut être très variable entre individus. Je sais que certains amateurs aiment des vins sentant le crottin de cheval, le poulailler et autre odeurs normalement déplaisantes. Je sais que certains aiment aussi des vins volontairement oxydés, mais pour moi l'essence du vin n'est pas là. Le vin de terroir qui m'intéresse est le vin issu de l'action du duo béni vinifera-cervesiae. Je veux que mes vins reflètent le génome du cépage, lorsque bien cultivé et modulé par le terroir, et que cette empreinte unique ne soit pas altérée par une panoplie de micro-organismes de dégradations nuisibles. Telle est ma conception du vin, le reste c'est de l'esbroufe pour amateur blasé ou pour sommelier en quête de pseudo nouveauté.