jeudi 12 novembre 2015

CÔT, LIMITED EDITION, 2005, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ



Ah! Perez Cruz. Le producteur chilien pour faire crier d'horreur tous les europhiles que le côté végétal de certains jeunes rouges chiliens de la vallée centrale horripile. Perez Cruz c'est pourtant un des producteurs chiliens qui donne le plus dans le vin de terroir. Ce terroir de Huelquen, dans la partie sud-est de l'Alto Maipo, transcende les cépages et se retrouve en jeunesse dans tous les vins de ce producteur qui ne fait que du rouge. Autre preuve s'il en fallait de l'approche terroir éclairée qui prévaut dans cette maison qui fait de la qualité sur toute sa gamme de vins. Avec maintenant 10 années au compteur, j'ai pensé que c'était un bon moment pour évaluer ce vin de Malbec, un cépage à l'aspect végétal moins exacerbé que les cépages de la famille des Cabernets. Voyons ce que ça donne.

La robe est toujours sombre et opaque. Le nez est distinctif. Le style Perez Cruz qui transcenda les cépages y est facilement reconnaissable, surtout à l'ouverture où un aspect sauvage est bien présent. Le vin présente un aspect végétal (frais et vert) bien senti (cassis frais, menthol, eucalyptus, camphre, poivron vert et rouge, résine, sous-bois). Tout cela est mélangé à une bonne présence fruitée (cerise, côté fruité du cassis frais) et à des notes boisées (épices douces, torréfaction). Toutefois, l'aspect végétal perd en importance après une longue aération, et est presque imperceptible le deuxième jour. Globalement on a affaire à un vin au nez très complexe et évolutif présentant une large palette d'arômes. C'est un peu déroutant à l'ouverture et plus classique le lendemain. Le bouche a suivi le même processus d'évolution, mais de manière moins accentuée au niveau de la perception du phénomène. Le fruité très marqué joue un peu un rôle de tampon et garde tout du long le devant de la scène. L'attaque est ample et intense, avec un équilibre de vin qui commence juste à s'assouplir un peu. La présence en bouche est encore très forte et les saveurs n'ont pas encore la marque claire de l'évolution en bouteille. Ce vin est donc un jeune adulte qui commence à montrer un profil un peu plus retenu, même s'il a encore la fermeté et l'intensité de la jeunesse. Le niveau de concentration est élevé et la matière dense, mais la souplesse tannique permet l'obtention d'un bel équilibre vigoureux à ce stade. Le cassis épicé marque le milieu de bouche et la finale est intense et longue sur des relents chocolatés amers à la toute fin.

Bel exemple de rouge chilien relativement ambitieux et entre deux âges qui assume complètement son origine. On est ici sur un réel vin de terroir en ce sens que le cépage semble un facteur secondaire pour expliquer la nature du vin. Ceci dit, plus le temps passera et moins ce sera vrai. Plus le temps passera et plus le côté végétal du vin s'amenuisera pour laisser dans 10 ans toute la place à un fruité/épicé évolué de très belle facture. Ce vin est un bon exemple de vin de connaisseur. Je dis cela sans prétention. Je veux juste dire qu'il faut bien connaître le vin chilien et sa dynamique de garde pour pouvoir le mettre en juste perspective. C'est un vin qui pourrait facilement être condamné en jeunesse par certains amateurs qui n'ont pas l'habitude de ce type de vins. En d'autre mots, je pourrais dire que les vins de Perez Cruz ont un côté exacerbé qui demande à être apprivoisé, pas pour rien que j'utilise l'adjectif sauvage pour les décrire en jeunesse. Des vins qui en jeunesse demandent au non initié la volonté de sortir de sa zone de confort, et qui récompenseront l'amateur qui aura su patienter, avec un superbe profil de rouge évolué. Perez Cruz se situe au haut de la liste des producteurs chiliens d'inspiration bordelaise. Un vin de Perez Cruz est disponible au Québec, le moins bordelais du lot, soit la Syrah, Limited Edition, 2010. J'ai déjà commenté le millésime 2003 de cette cuvée. C'est une très belle Syrah chilienne de la vallée centrale avec un superbe potentiel de garde. Vaut amplement son prix.



dimanche 1 novembre 2015

Le vin sauvage

Ceux qui me lisent avec régularité savent que je ne suis pas séduit par l'idée romantique de vin naturel. Une de mes critiques pour dénoncer ce mouvement est que la culture de la vigne n'est pas naturelle, surtout en Europe où la grande majorité des vignes sont greffées sur des portes-greffes. L'idée de vin naturel meure ainsi dans l’œuf. Un producteur chilien, J. Bouchon, vient de m'enlever un de mes arguments en élaborant un vin sauvage. C'est-à-dire un vin élaboré à partir de raisins venant de vieilles vignes non cultivées et non greffées du cépage Pais. Bien sûr le vin ne se fait pas tout seul et a toujours besoin de l'intervention humaine pour exister, mais à ma connaissance c'est le vin qui se rapproche le plus de l'idée impossible de vin naturel. Ceci dit, cette façon de faire est bien sûr inapplicable pour une réelle production commerciale et n'a aucun lien avec la qualité finale du produit. Il s'agit plus d'une curiosité pour "wine geek" qui veut goûter le vin élaboré de toutes les manières possibles.