jeudi 23 avril 2015

CAUQUENINA, 2012, MAULE, CLOS DES FOUS



Les producteurs de la nouvelle vague chilienne sont encore peu présents à la SAQ, mais l'exception qui confirme la règle est Clos des Fous qui compte maintenant quatre vins offerts par notre monopole. Cette cuvé baptisée Cauquenina est la dernière arrivée sur les tablettes. Si le nom du vin est un indice présageant du contenu de la bouteille, on peut s'attendre à un vin féminin car Caquenina veut dire "Fille de Cauquenes" en espgnol, Cauquenes étant une rivière, une ville et une province du sud de la vaste vallée de Maule. Ce vin est un assemblage particulier. Le site de la SAQ mentionne 36% Carignan, 23% Cinsault, 23% Syrah et 18% Malbec. D'autres sources mentionnent 36% Carignan, 18% Malbec, 15% Syrah, 15% Pais, 9% Cinsault et 7% Carmenère. Le Pais et le Cinsault viendraient de la région de Itata, située juste au sud de Maule. Qui dit vrai? La SAQ est peu fiable dans l'information qu'elle donne sur les vins chiliens. Pour ce qui est de l'élaboration du vin issu de raisins cultivés sans irrigation, chaque cépage a été vinifié séparément en cuve de béton. 15 % de l'assemblage a été élevé en barriques de chêne français neuf, le reste en barriques de second usage. Le vin titre à 13.5% d'alcool, pour un très vif pH de 3.22 (un pH de vin blanc) et est très sec avec seulement 2.2 g/L de sucres résiduels.

La robe est d'un rubis légèrement translucide. Le nez est dominé par de frais arômes de cerises et de fraises et par un aspect terreux bien présent. À cela s'ajoutent des notes doucement épicées (vanille, cannelle, muscade), ainsi qu'une fraîche touche camphrée. Beau nez complexe d'où se dégage une impression de fraîcheur. En bouche le vin se présente avec légèreté et fraîcheur, tout en déployant d'intenses saveurs de très belle qualité. Le milieu de bouche confirme l'aspect aérien de cet élégant nectar. Je le qualifie d'élégant, mais d'une élégance rustique. Il y a un côté campagnard dans ce vin, voire naturel, mais dans le meilleur sens du terme avec le caractère tout en fraîcheur du fruit et le côté terreux. Toujours est-il que le vin est délicieux, facile à boire, avec des tanins discrets, et se donne par certains aspects des airs bourguignons. La finale est conséquente, harmonieuse et de bonne longueur.

Si le vin dit naturel ressemblait à ça, vous auriez en moi un converti. Le problème c'est que ce vin ne tombe pas dans cette catégorie. Il est sulfité, l'étiquette l'indique bien, mais en même temps le groupe du Clos des Fous prône l'élaboration avec intervention humaine minimale. Il faut croire qu'ils ont bien délimité la frontière, car avec ce jeune vin ils touchent la cible en plein cœur. Comme je l'ai écrit, il y a une impression de proximité avec la nature qui se dégage à la dégustation de ce vin. Ceci dit, je n'y ai détecté aucun arôme déviant. Le vin est aromatiquement intègre et offre un style qui enrichit l'offre chilienne. Je considère que c'est un très bon vin, vraiment délicieux à ce stade de prime jeunesse. Toutefois, compte tenu de l'aspect terreux qu'il présente, un aspect qui se rapproche de certaines notes d'évolution rencontrées dans des vins plus âgés, je suis loin d'être convaincu de son potentiel de garde. En matière de garde il est très difficile de prévoir l'avenir, mais ce côté terreux précoce et la légèreté tannique du vin me laissent dubitatif sur le potentiel de garde. Seul celui qui tentera l'expérience de mettre ce vin à l'ombre pour une décennie pourra obtenir une réponse définitive à cette question. Au-delà de ce questionnement, une chose est sûre, à 23.00$ à la SAQ, ce vin représente un très bel achat. Un vin qui selon moi pourra plaire à un europhile capable de ranger ses préjugés au placard. J'irais même plus loin, c'est un vin qui pourrait plaire à un amateur de bourgognes ouvert d'esprit. Comprenez-moi bien. Je ne dis pas que ce vin est une copie de bourgogne. Il n'y a pas de Pinot dans son assemblage. Mais pour moi il y a une parenté avec l'esprit bourguignon dans ce vin. Aussi, c'est un vin intéressant de par la nature disparate de son assemblage et du résultat obtenu. Ce qui marque son profil et le distingue, c'est le fait que les raisins proviennent de terroirs non irrigués, et la volonté du producteur d'obtenir un vin à l'extraction délicate. À découvrir.

mercredi 15 avril 2015

Le biologique, un problème, vraiment?

Ceux qui lisent ce blogue avec régularité savent que je suis aux antipodes du courant actuellement à la mode du vin dit naturel. J'ai aussi de grosses réserves à propos du côté ésotérique de ce qu'on appelle la biodynamie. Vin "naturel" et biodynamie vont souvent de pair. J'ai aussi toujours été contre le vin élaboré avec un souci d'intervention minimale. J'ai toujours été pour le vin élaboré de façon raisonnable, biologique si c'est possible, mais pas nécessairement biologique. En résumé, j'ai toujours été contre le vin idéologique. Contre le vin où l'on tente de nous faire croire que l'intervention humaine est nécessairement mauvaise. Contre le vin où l'on compromet la qualité pour rester fidèle à des idéaux creux.

Voilà. telle est ma position sur le sujet, et j'en ai toujours eu contre les défauts issus de cette idéologie d'intervention minimale et de bienveillance de la nature. J'en ai toujours eu contre les vins brettés, oxydés et instables dès qu'ils sont exposés à des températures excédant 12 degrés Celcius. Voilà donc que je tombe aujourd'hui sur un texte de Marc-André Gagnon sur Vin Québec qui rapporte ses déboires avec des vins biologiques. J'aimerais dire à M. Gagnon que ce n'est pas le concept de vin biologique qui est en cause pour expliquer la faiblesse générale des vins de cette catégorie. Quand je parle de faiblesse, je parle du manque de résistance de plusieurs de ces vins hors des conditions idéales de garde. Le concept de vin biologique n'exclut pas de sulfiter le vin de manière suffisante. Il n'exclut pas non plus de filtrer le vin avant la mise en bouteille. Si vous sulfitez peu, et ne filtrez pas non plus, alors vous ouvrez la porte à toutes sortes de problèmes par la suite. Si vous élaborez un vin de la sorte, vous devriez vous assurer qu'il soit ensuite traité comme un produit périssable. Le problème c'est que plusieurs tenants du bio font dans la pensée magique et font fi de principes scientifiques de base. La diabolisation des sulfites est une aberration. Les sulfites sont un produit naturel. La fermentation alcoolique en produit une bonne dose. De plus, les sulfites disparaissent du vin avec une période de garde de 7 à 10 ans. Une cave à vin remplie de vins d'un certain âge est encore le meilleur moyen de boire du vin sans sulfites, mais du vin qui en a contenu auparavant et qui a permis une saine constitution de celui-ci au moment de le déguster.

Je sais que ce petit blogue n'a aucune influence et que je prêche dans le désert, mais il faut arrêter avec le délire de la non intervention et de la nature bienveillante. Je sais qu'on vit dans un monde où plein de produits alimentaires sont traficotés. Mais il ne faut pas pour autant tomber dans la paranoïa. Il existe une multitude de vins élaborés en toute intégrité par des producteurs consciencieux dont le seul but est d'offrir un produit de haute qualité, sans "manipulations". La majorité des producteurs de bonne réputation élaborent leurs vins de manière raisonnable. Viticulture raisonnée et même approche au chai. On ne fait que ce qui est nécessaire. La qualité du vin repose dans l'équilibre, c'est vrai pour le goût du vin, mais c'est vrai aussi pour la manière dont il est élaboré. Oui il y a des producteurs qui fabriquent des vins purement industriels, mais ils sont assez faciles à identifier et à éviter. Cependant, il y a aussi nombre de producteurs qui tentent de surfer sur la vague de la pseudo vertu naturelle en omettant de faire ce qu'il faut pour élaborer du vin stable et de qualité. Ceux-ci abusent autant des consommateurs que les fabricants de vins "manipulés". Comme on dit, trop c'est comme pas assez, et ce qui s'éloigne de la juste mesure, d'un côté ou de l'autre, finit par se rejoindre et être, en un sens, du pareil au même, soit du mauvais vin.



P.S.: Félicitations à Marc-André Gagnon d'avoir écrit un texte qui expose les faiblesses d'une catégorie de vins qu'il affectionne. Ceci dit, je le répète, ce n'est pas le concept de vins biologiques qui est en cause. Le vin bio bien élaboré, assez sulfité et filtré de manière adéquate, au besoin, sera tout aussi stable qu'un vin conventionnel.

jeudi 2 avril 2015

SAUVIGNON BLANC, OUTER LIMITS, 2013, ZAPALLAR, ACONCAGUA COSTA, VINA MONTES



Je poursuis, quand je le peux, mon exploration des nouveaux terroirs chiliens. Cette fois c'est avec un vin de la région de Zapallar située sur la côte du Pacifique, dans la région de l'Aconcagua Costa, quelques dizaines de kilomètres au nord des vignobles du pionnier de cette région, Errazuriz. Le vignoble de Montes est aussi plus proche de l'océan, à seulement 7 km de la côte. Le vin a été élaboré en inox avec élevage sur lies et est issu d'un millésime particulièrement frais. Le résultat est un vin qui titre à seulement 12.5% d'alcool, pour un pH de 3.22 et est bien sec à 2.54 g/L de sucres résiduels.

La robe est de teinte jaune pâle aux reflets verdâtres. Le nez est modéré tout en montrant un profil aromatique particulier qui évoque pour moi un assemblage improbable de Sauvignon Blanc et de Riesling. On détecte des arômes de citron, de fruits de la passion, de conifère, de roche mouillée et de poivron vert. Un beau nez difficile à bien décrire et qui se démarque des différents styles SB chiliens que je connais. La bouche montre aussi un profil particulier pour un vin de climat si frais. L'acidité n'y est pas aussi marquée que ce que l'on rencontre habituellement dans ce genre de vin. Le tout demeure bien vif, mais pas tranchant. Le vin montre aussi une certaine rondeur avec un léger gras qui contribue probablement à adoucir la perception de l'acidité. Le saveurs sont dominées par l'aspect citronné. L'ensemble est intense et avec un bon niveau de concentration. La finale est à l'avenant avec une très bonne persistance.

Vin irréprochable de Vina Montes qui offre aussi sa part d'originalité. Ceci dit, pour moi il lui manquait quelque chose pour être un vin impressionnant. Vous me direz que j'en demandais beaucoup à un vin payé 19.95$. C'est vrai, mais quand explore et qu'on touche à un vin d'un lieu inédit, il y a une part de soi qui demande à être impressionnée. Ce ne fût pas le cas ici, mais le vin n'en demeure pas moins à la hauteur au plan qualitatif, et il exprime clairement la fraîcheur du climat d'où il est issu. Au prix payé il constitue un bon achat, mais le Chili offre certains vins de ce cépage, du même niveau, pouvant être achetés pour quelques dollars de moins.