samedi 1 novembre 2014

SENA, 1997, ACONCAGUA



Troisième millésime de cette cuvée issue à l'origine d'un partenariat qui n'a pas duré entre les familles Chadwick et Mondavi. Ce vin se voulait une sorte d'Opus One chilien où le grand frère serait cette fois californien. C'était donc au début de la lancée de l'ambitieux Eduardo Chadwick sur le chemin des vins haut de gamme. Ceux-ci se sont depuis multipliés dans son giron, il y avait déjà le Founder's Reserve chez Errazuriz, qui ont depuis ajouté les cuvées La Cumbre et Kai, et qui préparent des vins haut de gamme de Pinot Noir et de Chardonnay. Il y a aussi le Cab, Vinedo Chadwick, issu de la reconversion d'un terrain de polo à Puente Alto dans Maipo, et la cuvée Cenit de Caliterra dans Colchagua. Ça fait donc beaucoup de vins très concentrés aux hautes ambitions et aux prix reflétant ces ambitions. Il y a donc eu beaucoup de chemin parcouru depuis ce Sena, 1997. Le Chili est aujourd'hui un pays vinicole très différent, et je soupçonne que le vin a lui aussi évolué et offre maintenant un profil tout aussi différent. Celui-ci est issu d'un assemblage fortement majoritaire de Cabernet Sauvignon, complété par 16% de Carmenère. Le vin a été élevé au total pendant 20 mois en barriques chêne français (43% neuves). L'étiquette indique un titre alcoolique de 13.5%, mais la fiche technique du vin sur le site web du producteur indique un taux de 14.7% et un pH alarmant de 3.91. Le vin n'a subi qu'un collage au blanc d'oeuf.

La robe est toujours sombre et opaque. À l'ouverture le vin est marqué de façon modérée par des arômes phénolés issus de l'action des levures Brettanomyces. Même avec modération je n'aime pas ce type d'arômes, alors j'ai carafé le vin une journée entière, puis je l'ai remis en bouteille. Heureusement, le lendemain ce caractère était beaucoup moins perceptible et il était ainsi possible d'apprécier le reste du vin. Donc, le deuxième jour, le vin présente un agréable bouquet de fruits noirs, de cerise, de camphre, de bois de cèdre, de poivron vert et d'épice douces, le tout complété par une touche torréfiée. En bouche, l'attaque est ample et déploie un fruité encore vif et de belle qualité, appuyé sur une fine amertume chocolatée. Le milieu de bouche révèle un vin concentré, mais sans excès, c'est souple avec des tanins veloutés et ça glisse facilement vers une longue finale où l'amertume boisée prend le dessus avec des tanins qui resserrent leur poigne.

J'avais des attentes très élevées pour ce vin, et en ce sens je peux dire qu'il m'a déçu. J'avais de hautes attentes, mais en même temps je redoutais de la brett dans ce vin se voulant haut de gamme, non filtré et au pH très élevé. Malheureusement ma crainte s'est concrétisée. Le niveau de phénol n'était pas très élevé, et était faiblement perceptible le deuxième jour. Disons que ma déception à cet égard était plus philosophique que organoleptique. Pourquoi dès qu'on entre dans la catégorie haut de gamme le risque de retrouver cette "épice" est-il si prévalent? La mode de la non filtration y est sûrement pour quelque chose. On veut préserver "l'âme" du vin, mais celle-ci se transforme par la suite en 4-ethyl phénol… Une chose est sûre, cet attribut lui permettra de confondre encore plus d'amateurs de bordeaux âgés à l'aveugle... Au-delà de cela, la courbe d'évolution de ce vin est plutôt lente. Ceci dit, en termes purement qualitatifs, je n'ai pas vu en quoi il se démarquait d'un bon Reserva chilien d'une vingtaine de dollars. En réalité, il était même moins bon et équilibré que plusieurs d'entre eux aux boisés moins imposants et mieux fondus. En quelque sorte ce vin ne fait que me confirmer dans certaines de mes idées bien ancrées, soit que plus on monte en gamme de prix, en ambition et en âge du vin, plus le risque de se retrouver avec un vin bretté augmente. Que dans le cas du Chili, il n'est pas nécessaire de payer très cher pour trouver d'excellents vins de garde. Il y a plein de vins de très haute qualité qui ne jouent pas la carte de l'effet Veblen. J'avais goûté ce Sena 1997 il y a une dizaine d'années, en jeunesse, lors d'un dégustation de groupe à l'aveugle. Son caractère chilien était alors ostentatoire, ce qui ne lui avait laissé aucune chance... alors qu'aujourd'hui il est recentré sur un profil classique de Cabernet avec de l'âge, brett en prime. Finalement, pour un amateur brettophobe comme moi, axé sur le RQP, ce vin ne pouvait être qu'une déception, tout chilien puisse-t-il être. Ça montre l'ordre de mes priorités.


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