dimanche 30 novembre 2014

CHARDONNAY, GRANDE RESERVE, 2009, CASABLANCA, VINA CATRALA



Vina Catrala est un producteur chilien que je ne connaissais pas avant de faire quelques recherches qui m'ont amené à acheter ce vin. C'est une « boutique winery » située à Lo Orozco, dans la partie nord-ouest de la vallée de Casablanca, près de la ville côtière de Valparaiso. L'élaboration de ce vin inclut la vendange manuelle, le pressurage des grappes entières, aucune correction du moût, fermentations alcoolique et malolactique en barriques de chêne français et élevage en barriques d'une durée de 10 mois. La fermentation alcoolique utilise des levures sélectionnées et la malolactique n'est effectuée que sur une partie du vin. Le vin titre à 14.2% d'alcool, pour un pH très vif de 2.97 et est bien sec avec ses 2.27 g/L de sucres résiduels.

La robe exhibe une légère teinte dorée. Le nez exhale avec modération des arômes de pêche, de poire et d'ananas, complétés par des notes de beurre, d'épices douces, ainsi qu'un très léger aspect rappelant le bord de ruisseau. Si le nez est un peu discret, la bouche elle révèle un vin démonstratif qui déploie une concentration de saveurs remarquable. C'est riche et intense, sans lourdeur, avec un bon volume et un bel équilibre. Il y a juste ce qu'il faut de gras pour absorber un peu l'intensité des saveurs de grande qualité. La finale est percutante, toute en intensité, et d'une très grande persistance.

Ce Chardonnay de Catrala est une superbe découverte pour moi. Un vin à mi-chemin entre un style de climat frais et un chardo de terroir plus tempéré. Il n'est pas le plus complexe, mais la qualité et la concentration des saveurs fruitées est impressionnante, sans compter une longueur en bouche digne d'un grand vin. La concentration et la longueur sont carrément renversantes pour un vin de ce prix (18.95$). Ça se compare facilement à ce qu'on retrouve dans des vins deux à trois fois plus chers, d'appellation plus prestigieuses. Ce qui est aussi impressionnant, c'est que malgré 5 ans en bouteille le vin est toujours d'une fraîcheur exemplaire. Il est clair que ce vin a le potentiel pour évoluer en bouteille pendant au moins 10 autres années. Ce n'est pas rien pour un vin blanc de prix aussi abordable. Un autre formidable RQP issu d'un de ses petits producteurs chiliens moins connus, mais dont le nombre augmente d'année en année. Un vin qui a aussi une origine précise, et j'aime voir le producteur l'écrire sur l'étiquette. Ce vin ne vient pas simplement de la région de Casablanca. Il vient de Lo Orozco. C'est de cette façon que le Chili va finir par être reconnu pour la diversité de ses terroirs.


samedi 22 novembre 2014

Le paradoxe chilien du Québec: pourquoi seulement 5% de parts de marché?

Dans l'entrée précédente je vantais les mérites de la presse et du marché britanniques en matière de vins. On y retrouve de l'ouverture et beaucoup moins de dogmatisme qu'ici au Québec où on nous rejoue le même vieux disque de grands classiques depuis des lunes. Heureusement, il y a une exception à cette règle et c'est Bill Zacharkiw, l'ancien blogueur, en charge depuis plusieurs années maintenant de la section vin au quotidien anglophone The Gazette. C'est lui, et de loin, qui offre ici une vision diversifiée du monde du vin. Je ne sais pas si c'est parce qu'il ne s'adresse pas premièrement à un lectorat francophone qu'il peut ou doit ainsi être moins franco-français et eurocentriste que ses collègues des médias francophones, mais toujours est-il qu'il est celui qui explique le mieux la globalité du monde du vin à ses lecteurs dans le microcosme québécois de la chose vinique. Ceci dit, il a ses goûts et ses idées, et ça transparaît dans ses textes, mais quand on les connaît on peut très bien décoder son discours et l'adapter par rapport à notre propre sensibilité.

L'idée de parler de l'apport de Bill Zacharkiw au monde du vin québécois m'est venue ce matin quand je suis tombé sur son texte hebdomadaire qui cette semaine traite du Chili, ou devrais-je dire du Nouveau-Chili... On peut juste rêver d'un tel texte dans un des trois quotidiens montréalais de langue française. Ceux qui me lisent avec régularité n'y apprendront pas grand chose, mais l'amateur moyen qui ne fréquente pas les blogues confidentiels comme le mien pourra un peu mieux comprendre le Chili vinicole actuel. Bien sûr le texte est teinté de la sensibilité de son auteur qui privilégie les petits producteurs au dépend des gros et la fraîcheur dans le vin comme vertu fondamentale. Mais à la fin on comprend que le Chili fait maintenant légitimement partie de l'offre mondiale de vins fins. On comprend aussi que le pays offre maintenant un choix bien plus diversifié qu'il y a 15 ans, qu'il peut être distinctif, et que ça demeure une destination privilégiée en terme de rapport qualité/prix. Seul oubli, le potentiel de garde des rouges chiliens de prix abordables. Pourtant, M. Zacharkiw en a déjà fait l'expérience.

Finalement, une phrase de la conclusion du texte montre bien la situation dans laquelle se retrouve toujours le Chili en terme de perception et le dilemme auquel il fait face:

"Once they stop trying to please export markets and simply make the wine that is best expression of what they have, those markets will come to them".

Cette phrase se situe quelque part entre le sophisme et la prophétie auto-réalisatrice. Si plus de leaders d'opinion dans le monde du vin écrivaient des textes comme celui de M. Zacharkiw et répétaient sincèrement cette phrase, on serait en face d'une prophétie auto-réalisatrice, mais dans un marché comme celui du Québec, elle relève plus pour le moment du sophisme. Tout ça pour dire que tant que certains préjugés sur le Chili ne tomberont pas. Que les textes rendant vraiment compte de la réalité des vins de ce pays ne seront pas plus fréquents, c'est la perception négative incrustée qui triomphera. Produire des vins distinctifs et de grande qualité ne suffit pas, malheureusement. Le vin demeure un produit où l'idée qu'on s'en fait est primordiale à son appréciation. Tant que l'idée qu'on s'en fait ne changera pas, le paradoxe chilien persistera.


mardi 18 novembre 2014

REVUE DE PRESSE

Petite revue de quelques éléments qui ont retenu mon attention lors de mes lectures sur la toile.

D'abord un petit article de Vin Québec où l'on peut voir c'est au Québec, et de loin, que le Chili a la plus faible part de marché parmi les monopoles canadiens. Je persiste à penser que ce n'est pas une question de palais spécifique à une province, mais bien une question de mentalité générale dans un marché donné. Si demain matin vous me mettiez en charge de faire la sélection des vins chiliens offerts à la SAQ, une sélection qui devrait être élargie, et que les conseillers sur le plancher en faisait la promotion convenablement, la part de marché du Chili ferait un bond majeur au Québec. Il n'y a pas de palais québécois. C'est un mythe. 

Voici une sélection de vins de Pinot Noir publiée dans le magazine britannique Decanter. L'aspect intéressant, c'est qu'on a demandé à un chilien de faire cette sélection. Cet homme, c'est Patricio Tapia. Le Michel Phaneuf du Chili auteur du guide d'achat réputé, Descorchados. J'aime l'ouverture du Royaume-Uni en matière de vin. Un pays qui n'est centré sur aucun pays producteur ou continent. On ne peut que rêver de cela au Québec. Des 11 vins recommandés par M. Tapia, seulement deux sont offerts au Québec, soit le Montsecano, Refugio et le Cono Sur, 20 Barrels (à la SAQ c'est le 2012 qui est offert). 

Finalement, voici une série de petits textes publiés sur le site de la revue Drink Business et qui fait une liste des 10 tendances actuelles sur la scène vinicole chilienne. Une autre preuve de la richesse de la presse britannique en matière de vin.












mercredi 12 novembre 2014

Pour mieux comprendre la révolution chilienne

J'ai beaucoup écrit sur ce que j'ai appelé, il y a plusieurs années déjà, le Nouveau-Chili. J'ai aussi lu beaucoup sur le sujet, mais jusqu'à tout récemment, je n'avais pas lu de texte qui présentait de manière satisfaisante la révolution qui s'opère dans ce pays au plan vinicole depuis une quinzaine d'années. Toutefois, au fil de mes recherches sur internet, je suis enfin tombé sur un texte qui atteint cet objectif. De manière surprenante, ce texte n'est pas le fruit d'un journaliste spécialisé, mais bien celui de Toby Morrhall, un acheteur travaillant pour un détaillant britannique. Le moins que je puisse dire c'est que l'homme connaît son sujet et qu'il arrive à en faire une belle synthèse. Quiconque s'intéresse au Chili vinicole devrait lire ce texte. C'est vraiment bien livré et on en sort avec une image claire de la démarche entreprise et toujours en cours dans ce pays.

Les points saillants de ce texte sont nombreux. D'abord on casse l'idée voulant que le Chili soit toujours un pays idéal pour la production de vin très bas de gamme. Ensuite, on établit clairement que le plus grand pas en avant pour ce pays est l'amélioration des vignobles et que cette amélioration ne passe plus seulement par un meilleur mariage entre le cépage et le climat. La compréhension du sol est maintenant une donnée incontournable. On souligne aussi que c'est à partir de cette compréhension du sol qu'on peut effectuer le bon mariage entre le sol et les racines de la vigne, d'où l'utilisation croissante des porte-greffes malgré la possibilité qui existe au Chili de planter les vignes sur leur propres racines, sans greffage. C'est la première fois que je lis un auteur qui souligne l'importance de l'utilisation de porte-greffes adaptés aux sols, là où c'est nécessaire au Chili. Il y a aussi la densité de plantation qui est maintenant adaptée au sol et la plupart du temps augmentée. Aussi, l'irrigation goutte à goutte permet de planter en pente et d'entrer l'exposition et l'altitude comme variables de l'équation globale. Bien sûr, tous ces nouveaux vignobles de nouvelle génération sont encore très jeunes et ne donneront leur meilleur que dans quelques années. Le potentiel de ce pays demeure donc très grand. À cela il faut aussi ajouter que le Chili a ce qu'il faut pour développer une viticulture sans irrigation, donc à plus haut risque, dans la partie sud du pays, où le niveau de précipitation est suffisant. Ce mouvement est déjà amorcé, et avec le réchauffement climatique projeté, il devrait s'accentuer et permettre au pays de produire des vins plus proches du modèle européen avec les risques de pluies automnales et des variations plus marquées entre les millésimes. Il y a aussi un tour succinct du pays région par région qui m'a permis de glaner d'autres informations intéressantes sur certains producteurs. Le seul petit bémol, les suggestions de vins se limitent aux produits offerts par son employeur. C'est normal, mais en même temps ça tronque le portrait sur cet aspect des choses. Ceci dit, le choix de vins chiliens offerts au Québec est tellement limité et perfectible que lire des suggestions est plus frustrant qu'autre chose, la plupart des vins n'étant pas offert par notre monopole...

dimanche 9 novembre 2014

ANTIYAL, 2005, MAIPO



Après le Kuyen, 2006, complètement bretté, et le Sena, 1997, légèrement affecté par l'action de cette levure, je me suis dit, quoi de mieux que d'ouvrir un Antiyal, 2005? Un vin haut de gamme, un vin de garage du même producteur que le Kuyen et qui titre à 14.7% d'alcool. Je n'ai pas le pH, mais je me suis dit qu'il valait mieux vérifier où en était ce vin à risque, et que si j'étais chanceux j'en serais quitte pour un vin de qualité ouvert peut-être trop tôt. Quel est le verdict?

La robe est toujours ténébreuse et impénétrable. Le nez ne renie pas son origine chilienne, ni le Carmenère qui compose la moitié de son assemblage. Ça embaume le cassis frais, le poivron rouge, la terre humide, la sauge et l'encens, ainsi que la vanille/bois brûlé. Pas de phénol. Pas de bretts, donc. Alléluia! Simplement un beau nez d'assemblage bordelais version Isla de Maipo, au cœur de la vallée, avec la chaleur nécessaire au mûrissement complet du capricieux Carmenère. La bouche n'est pas en reste, on y retrouve un vin mûr, souple et ample qui tapisse les muqueuses de saveurs intenses amalgamant fruité de grande qualité, amertume justement dosée et légère touche végétale "poivronée". Le milieu de bouche montre un vin à la richesse en équilibre. Je veux dire par là que c'est concentré, assez volumineux, mais de qualité, sans lourdeur ni agressivité. La trame tannique soyeuse du vin contribue à cette impression de douce opulence qui se déploie jusque dans une finale majestueuse qui fait longtemps durer le plaisir.

Si les meilleurs vins sont des vins à risque qui ont bien tourné, alors cet Antiyal est est un superbe exemple. Bien sûr je ne crois pas la prémisse de la phrase précédente, mais la conclusion elle est imparable. Ce vin est simplement un superbe exemple de ce que peut offrir de mieux le cœur de la vallée centrale chilienne. Cette région considérée comme trop chaude est actuellement en défaveur en cette ère où la fraîcheur est le maître-mot. La fraîcheur est une belle qualité dans le vin, j'y adhère, n'empêche que je ne peux renier mon amour pour des vins au style riche et opulent comme celui-ci. Le goût n'est pas quelque chose de monolithique, enfin, ce ne devrait pas l'être. On peut aimer également des choses de styles différents justement parce qu'elles sont différentes. On peut aimer la fine ondulation et la courbe plus généreuse. Au-delà de la notion de RQP favorable, c'est la générosité contenue des vins chiliens issus de cépages bordelais qui m'a attiré au départ vers les vins de ce pays. La diversité stylistique croissante des vins chiliens me ravit, mais quand je goûte un vin comme cet Antiyal, il est clair que je ne peux renier le style de vin qui m'a amené en premier lieu vers ce pays. J'ai toujours eu de la difficulté avec un certain manichéisme qui prévaut dans le petit monde du vin où on idéologise beaucoup de choses. Pourtant, cet Antiyal est un vin de maturité du fruit, un vin que certains qualifieraient de "parkerisé" à cause de cela, mais en même temps c'est un vin biodynamique. Comme quoi dans le monde du vin toutes les combinaisons sont possibles et qu'il est très réducteur de s'en tenir à un type de vin et d'aimer qu'un seul style.

Il y a un mouvement au Chili actuellement pour produire des vins dans la vallée centrale issus de vendanges beaucoup plus hâtives, et sans usage de petites barriques de chêne neuf à la bordelaise. On cueille jusqu'à un mois plus tôt qu'avant, on baisse les taux d'alcool de 1 à 2.5% et on utilise des foudres, des barriques usagées ou des cuves de ciment pour l'élevage. Marcelo Papa de Concha y Toro et Marcelo Retamal de De Martino sont les figures les plus connues de ce mouvement, Santa Carolina et Santa Rita sont d'autres gros joueurs qui reviennent en arrière pour certaines cuvées. C'est très bien. Il y a sûrement eu des excès dans l'autre sens, mais moi c'est la diversité de styles qui m'intéresse et que j'aimerais voir préservée. J'aimerais pouvoir boire des vins à l'ancienne, comme le Cab "Antiguas Reservas" de Cousino Macul des années 90, qui titrait à 13% d'alcool et montrait un usage subtil du bois de chêne, mais en même temps je ne voudrais pas renoncer à des vins plus puissants et opulents comme cet Antiyal. Je pense que l'idéologie est la pire chose qui puisse guider l'élaboration du vin car l'idéologie est forcément réductrice, elle impose des limites et trace une ligne entre ce qui est bon et mauvais. Pour ceux qui pourraient être tenter par un vin du style de l'Antiyal, je recommande la cuvée Coyam de Emiliana. Alvaro Espinoza est derrière ces deux généreux assemblages biodynamiques. Le Coyam montre le même niveau qualitatif, mais à 25$ de moins la bouteille, c'est un RQP bien meilleur.


samedi 1 novembre 2014

SENA, 1997, ACONCAGUA



Troisième millésime de cette cuvée issue à l'origine d'un partenariat qui n'a pas duré entre les familles Chadwick et Mondavi. Ce vin se voulait une sorte d'Opus One chilien où le grand frère serait cette fois californien. C'était donc au début de la lancée de l'ambitieux Eduardo Chadwick sur le chemin des vins haut de gamme. Ceux-ci se sont depuis multipliés dans son giron, il y avait déjà le Founder's Reserve chez Errazuriz, qui ont depuis ajouté les cuvées La Cumbre et Kai, et qui préparent des vins haut de gamme de Pinot Noir et de Chardonnay. Il y a aussi le Cab, Vinedo Chadwick, issu de la reconversion d'un terrain de polo à Puente Alto dans Maipo, et la cuvée Cenit de Caliterra dans Colchagua. Ça fait donc beaucoup de vins très concentrés aux hautes ambitions et aux prix reflétant ces ambitions. Il y a donc eu beaucoup de chemin parcouru depuis ce Sena, 1997. Le Chili est aujourd'hui un pays vinicole très différent, et je soupçonne que le vin a lui aussi évolué et offre maintenant un profil tout aussi différent. Celui-ci est issu d'un assemblage fortement majoritaire de Cabernet Sauvignon, complété par 16% de Carmenère. Le vin a été élevé au total pendant 20 mois en barriques chêne français (43% neuves). L'étiquette indique un titre alcoolique de 13.5%, mais la fiche technique du vin sur le site web du producteur indique un taux de 14.7% et un pH alarmant de 3.91. Le vin n'a subi qu'un collage au blanc d'oeuf.

La robe est toujours sombre et opaque. À l'ouverture le vin est marqué de façon modérée par des arômes phénolés issus de l'action des levures Brettanomyces. Même avec modération je n'aime pas ce type d'arômes, alors j'ai carafé le vin une journée entière, puis je l'ai remis en bouteille. Heureusement, le lendemain ce caractère était beaucoup moins perceptible et il était ainsi possible d'apprécier le reste du vin. Donc, le deuxième jour, le vin présente un agréable bouquet de fruits noirs, de cerise, de camphre, de bois de cèdre, de poivron vert et d'épice douces, le tout complété par une touche torréfiée. En bouche, l'attaque est ample et déploie un fruité encore vif et de belle qualité, appuyé sur une fine amertume chocolatée. Le milieu de bouche révèle un vin concentré, mais sans excès, c'est souple avec des tanins veloutés et ça glisse facilement vers une longue finale où l'amertume boisée prend le dessus avec des tanins qui resserrent leur poigne.

J'avais des attentes très élevées pour ce vin, et en ce sens je peux dire qu'il m'a déçu. J'avais de hautes attentes, mais en même temps je redoutais de la brett dans ce vin se voulant haut de gamme, non filtré et au pH très élevé. Malheureusement ma crainte s'est concrétisée. Le niveau de phénol n'était pas très élevé, et était faiblement perceptible le deuxième jour. Disons que ma déception à cet égard était plus philosophique que organoleptique. Pourquoi dès qu'on entre dans la catégorie haut de gamme le risque de retrouver cette "épice" est-il si prévalent? La mode de la non filtration y est sûrement pour quelque chose. On veut préserver "l'âme" du vin, mais celle-ci se transforme par la suite en 4-ethyl phénol… Une chose est sûre, cet attribut lui permettra de confondre encore plus d'amateurs de bordeaux âgés à l'aveugle... Au-delà de cela, la courbe d'évolution de ce vin est plutôt lente. Ceci dit, en termes purement qualitatifs, je n'ai pas vu en quoi il se démarquait d'un bon Reserva chilien d'une vingtaine de dollars. En réalité, il était même moins bon et équilibré que plusieurs d'entre eux aux boisés moins imposants et mieux fondus. En quelque sorte ce vin ne fait que me confirmer dans certaines de mes idées bien ancrées, soit que plus on monte en gamme de prix, en ambition et en âge du vin, plus le risque de se retrouver avec un vin bretté augmente. Que dans le cas du Chili, il n'est pas nécessaire de payer très cher pour trouver d'excellents vins de garde. Il y a plein de vins de très haute qualité qui ne jouent pas la carte de l'effet Veblen. J'avais goûté ce Sena 1997 il y a une dizaine d'années, en jeunesse, lors d'un dégustation de groupe à l'aveugle. Son caractère chilien était alors ostentatoire, ce qui ne lui avait laissé aucune chance... alors qu'aujourd'hui il est recentré sur un profil classique de Cabernet avec de l'âge, brett en prime. Finalement, pour un amateur brettophobe comme moi, axé sur le RQP, ce vin ne pouvait être qu'une déception, tout chilien puisse-t-il être. Ça montre l'ordre de mes priorités.