Je l'avoue, j'ai toujours été
dubitatif face à la notion de phase de fermeture associée à
l'évolution du vin en bouteille. Je continue de penser que c'est
souvent une excuse pour expliquer qu'un vin ne soit pas à la hauteur
des attentes. Je pense cela d'autant plus que je garde beaucoup de
bouteilles en de nombreux exemplaires que je suis dans le temps et il
m'est rarement arrivé de voir un vin changer du tout au tout sur une
période de quelques années. Ce que j'observe plutôt, dans la très
grande majorité des cas, c'est une évolution graduelle, sans
rupture brusque du parcours. Toutefois, il y a de rares exceptions,
et je suis tombé ce week-end sur une de ces exceptions qui me font
penser que la phase de fermeture peut exister. Pour entamer la fin
de semaine, vendredi soir dernier, je décidé d'ouvrir une bouteille
d'un vin que j'adore, soit l'assemblage Gran Reserva, 2007, MaipoCosta, de Vina Chocalan. Je voulais voir où il en était dans son
parcours et je m'attendais à un vin riche encore sur son profil de
jeunesse. Au contraire, j'ai retrouvé dans mon verre un vin peu
expressif qui manquait de concentration et d'intensité pour un vin
de ce calibre et par rapport aux souvenirs que j'en avais en prime
jeunesse. J'étais tellement déçu que j'ai à peine bu 200
millilitres et remis le bouchon sur la bouteille. Le lendemain, je
lui ai juste regoûté et il était déjà beaucoup mieux, le
surlendemain j'ai terminé la bouteille en retrouvant le vin auquel
je m'attendais, concentré, ample, intense et généreux. Un vin
expressif qui avait beaucoup de présence en bouche. Tout le
contraire de ce qu'il présentait le premier jour. Comment expliquer
que le vin était si amorphe le jour de l'ouverture? Je l'ignore,
mais il est clair que l'oxygénation prolongée lui a rendu ses
attributs. Ceci dit, le premier jour j'avais de la difficulté à
croire que ce vin pouvait avoir autant perdu de ses qualités. Comme
il m'en reste de nombreuses bouteilles, j'étais plutôt catastrophé.
Son retour à la vie était tout aussi surprenant que spectaculaire.
J'aimerais bien comprendre au niveau physico-chimique comment un tel
phénomène est possible, et pourquoi il se produit pour un vin
donné, sur une période donnée. Une expérience comme celle-ci tend
à me convaincre que le phénomène de de phase fermeture du vin peut
exister, mais comme il est imprévisible, je ne me servirais jamais
de cet argument pour excuser un vin décevant. Selon mon expérience,
le phénomène est trop rare pour l'invoquer systématiquement.
Néanmoins, ça permet de se garder une réserve avant de condamner
totalement un vin qui n'est pas à la hauteur des attentes. C'est aussi un
autre facteur qui milite pour la garde de multiples bouteilles d'un
même vin.
lundi 31 mars 2014
jeudi 27 mars 2014
Le rôle du critique
Il y a longtemps que je n'avais pas écrit
de texte éditorial sur ce blogue, mais aujourd'hui je suis tombé
sur un texte sur le site Vin Québec qui m'a donné le goût de
réagir. Marc-André Gagnon nous dit dans ce texte que toute
critique, bonne ou mauvaise, est positive. À le lire, c'est comme si
le critique avait la vérité absolue dès qu'il goûte un vin et
qu'il se doit de la partager pour prévenir ses lecteurs d'un danger
à éviter. Je pense que ce raisonnement fait abstraction du goût
personnel, de la subjectivité, de la variabilité du vin dans le
temps et des variations de capacités sensorielles qui existent entre
dégustateurs. Personnellement, je ne commente que les vins que
j'aime, et je ne crois pas, loin de là, avoir la vérité absolue.
Par exemple, je déteste les vins phénolés élaborés à l'aide de
levures Brettanomyces. Pour moi c'est un défaut clair, mais je sais
aussi qu'un bon nombre de vins renommés et appréciés sont élaborés
avec le concours de ce type de levures. Je pourrais bien chercher ce
type de vins et les décrier comme mauvais sur mon blogue, mais à
quoi cela servirait-il? Je sais que certains amateurs aiment ces
arômes, et que d'autres ne les perçoivent guère. À quoi bon
penser que mon dédain pour ces arômes s'applique à tout le monde?
C'est là un exemple, mais il pourrait en être de même à propos de
choses que j'aime dans le vin, mais qui pourraient déplaire à
d'autres.
Je pense que les critiques émettent
des opinions à propos des vins qu'ils dégustent, et que ceux qui
les lisent doivent déterminer à l'usage et dans la durée si un
critique est crédible pour eux. Il faut voir si on partage une
sensibilité commune par rapport à ce qu'on aime dans le vin. Il y a
aussi l'aspect de la garde du vin qui est important. Hors des
classiques européens à la feuille de route bien connue, peu de
critiques savent vraiment de quoi ils parlent en cette matière. En
ces temps où l'idéologie joue un grand rôle dans les opinions
émises par certains critiques, je pense qu'il faut aussi connaître
le positionnement d'un critique à cet égard pour pouvoir prendre ce
qui nous convient dans ses propos. Par exemple, j'aime bien lire le
blogueur britannique Jamie Goode. C'est un défenseur du minimalisme
dans l'élaboration du vin, et un promoteur des vins dits naturels.
Je ne partage pas sa vision à ce sujet, et quand je vois le militant
ressortir dans ses écrits, je décroche. Ceci dit, et de façon
paradoxale, Goode aime aussi les grands classiques européens qui
n'ont rien de "naturel". C'est là qu'il est facile de
voir où il faut en prendre et en laisser. Si je continue de lire
Jamie Goode, c'est qu'il n'est pas condescendant avec les vins du
Nouveau-Monde, à part peut-être ceux du Chili... Pour lui c'est une
partie importante et légitime du monde du vin et Goode est une bonne
source pour en apprendre plus sur les vins de Nouvelle-Zélande,
d'Afrique du Sud et d'Australie. Finalement, même si je n'aime pas
le système de notation sur 100 qu'il utilise. Les hautes notes qu'il
octroie souvent à des vins de prix très abordables concordent avec
ma conviction qu'il y a moyen de très bien boire sans se ruiner et
que l'écart entre un bon vin de prix abordable bien choisi et les
vins cultes ou prestigieux hors de prix n'est pas si grand. J'utilise
l'exemple de Jamie Goode, qui n'est pas le critique le plus connu,
pour démontrer que le lecteur peut très bien lire entre les lignes
en prenant ce qui lui convient chez un critique. La vérité absolue
n'existe pas, et les critiques comme les amateurs ont des opinions
et des sensibilités bien personnelles.
Pour revenir à l'utilité, ou non, des
critiques négatives, si j'écrivais un guide annuel du vin, je pense
qu'il serait important de parler des vins que je n'ai pas aimé, car
le but dans ce cas est d'offrir un portrait exhaustif de l'offre en
matière de vin. Mais pour avoir acheté le Guide du Vin de Michel
Phaneuf pendant plusieurs années, à mes débuts, j'ai vite été en
mesure de juger des limites d'un tel exercice. Toutefois, cela m'a
aidé à me connaître comme dégustateur, à voir là où j'étais
d'accord, et là où je divergeais. Ce qui fait qu'aujourd'hui je
peux assez facilement déterminer si une critique me semble crédible
par rapport à ce qui compte pour moi. L'expérience et la
connaissance de soi comme dégustateur offre une grille de décodage
pour les opinions de critiques, qu'elles soient positives ou
négatives. J'ai tellement lu de critiques tièdes ou négatives à propos de
vins que j'aime, que je sais qu'une critique négative n'est pas une
vérité absolue. C'est aussi pourquoi j'aime tant la dégustation en
pure aveugle. Sans aucune autre référence que le vin lui-même,
bien des critiques négatives pourraient devenir positives, et vice
versa.
mercredi 26 mars 2014
SHIRAZ, RESERVA, 2004, LIMARI, VINA TABALI
J'ai beau être le plus fervent
défenseur du potentiel de garde des rouges chiliens, en particulier
ceux de prix abordables, il y a toujours en moi une part qui doute
encore. Après avoir recommandé l'achat de cette Syrah, Reserva, de
Tabali pour une garde allant jusqu'à 15 ans, dans la section
commentaires de l'entrée précédente, ma part de doute a pris le
dessus. Cette part me murmurait que j'avais peut-être été
présomptueux dans ma recommandation. Ça disait : "Es-tu
sûr de ne pas avoir exagéré?" Pour en avoir le cœur net
j'ai décidé d'ouvrir une bouteille de cette cuvée avec du millage
au compteur. Impossible d'en avoir une gardée 15 ans, le premier
millésime de cette cuvée date de 2002 ou 2003. Quand même. Le vin
est à mi-chemin du parcours que j'anticipe possible pour lui, son
état actuel devrait pouvoir indiquer si il pourra parcourir le reste
du chemin en arrivant comme il faut à destination. Dans les premiers
millésimes ce producteur désignait son vin sous l'appellation
Shiraz. Il s'est depuis ravisé pour Syrah. Selon mon expérience de
ce vin, il se situe quelque part entre ces deux archétypes, avec au
surplus un profil bien distinct. Un autre millésime trop vieux pour
retrouver des détails sur le web à propos de son élaboration.
L'étiquette indique qu'il titre à 14% d'alcool.
Le vin montre une coloration encore
bien soutenue, sans signes évidents d'évolution. L'aspect
aromatique est quant à lui très typique de cette cuvée. C'est le
genre de vin au profil si distinctif que pour le décrire on aurait
envie de dire que ça sent la Syrah de Tabali. Le genre de vin qui
pourrait très bien faire paraître un habitué à l'aveugle. Si je
devais tenter de mettre des mots sur mes impressions, je dirais que
c'est un mélange de fruits rouges un peu confits, de rôti de bœuf, de
poivre noir, de fumée et de muscade, complété par de légères
notes florales rappelant un peu la lavande. Il n'y a pas encore
d'arômes tertiaires dans ce nez étonnamment jeune. Cela se poursuit
en bouche où le vin montre encore une belle vigueur. Il a perdu de
sa rondeur de jeunesse tout en gagnant en densité. On retrouve donc
un vin mariant dans une juste mesure fruité et amertume, tout en
intégrant un agréable aspect épicé. Cependant, comme la plupart
des vins qui gagnent en âge, l'épuration de ses lignes lui donne un
air plus strict. Un vin sérieux donc, bien concentré et avec une
belle finesse tannique. La finale est intense et longue avec les
tanins qui se font sentir à la toute fin sur des relents d'amertume.
Je n'avais pas raison de douter. Ce vin
aurait facilement pu évoluer 15 ans en bouteille. Il est surprenant
de jeunesse pour un vin de ce prix, même dans le contexte des RQP
chiliens favorables. Il est encore assez loin du style fondu des vins
âgés que je considère à point. Par rapport à ce qu'il donnait en
jeunesse il est plus droit et dense et a perdu de son charme primaire
pour adopter un style plus sévère. Le 2011 est présentement
disponible en tablettes à la SAQ au prix régulier de 16.45$. Un vin
qui peut donc facilement être acheter pour 14.80$ lors d'une promo –
10%. Je n'ai pas encore goûté le 2011, mais j'avais bien aimé les
millésimes précédents. C'est un vin qui a gagné en qualité
depuis 2004, l'âge des vignes aidant, et avec l'embauche en 2006 de
Felipe Muller, un jeune œnologue talentueux qui a fait ses classes
chez De Martino avec le réputé Marcelo Retamal. Les prix des bons
vins sont à la hausse à la SAQ, mais cette Syrah Reserva est
clairement une exception qui vaut la peine qu'on s'y arrête. Un vin
de moyenne garde offert à un prix incroyable.
samedi 22 mars 2014
CABERNET SAUVIGNON, MEDALLA REAL, 2001, ALTO MAIPO, VINA SANTA RITA
Une bouteille de ce classique chilien
qui commence à avoir un peu d'âge. En tout cas, trop vieux pour
trouver de l'information précise au sujet de ce millésime sur le
web. L'étiquette dit qu'il titre à 13.5% d'alcool. C'est le petit
frère du Casa Real, le Cab haut de gamme de Santa Rita, et il
provient du même vignoble de Alto Jahuel dans le haut Maipo. Sur le
site de Santa Rita on évoque un potentiel de garde de 8 à 10 ans
pour ce vin. Ça me semble très conservateur selon mon expérience
avec cette cuvée.
La robe est encore bien colorée, mais
on peut dénoter des traces d'évolution par l'aspect orangé et
légèrement translucide du pourtour du disque. Le caractère
olfactif du vin est très typique du cépage avec des arômes de
cassis, de cerise et de tabac. Cette base est complétée par de
subtiles notes terreuses, ainsi que de bois brûlé/vanille, de
poivron vert et de camphre. Un nez complexe, axé sur la finesse,
clairement en cours d'évolution, mais sans notes de feuilles mortes
et de thé souvent associées aux vins qui prennent de l'âge. En
bouche, on retrouve un vin encore bien en chair qui montre une belle
densité de matière. Les saveurs sont intenses, avec un mariage très
réussi entre le fruit, l'amertume et l'aspect épicé. Le milieu de
bouche confirme le caractère sérieux de ce nectar qui combine juste
concentration et volume contenu. Le style est classique, les lignes
épurées et la trame tannique à la fois fine et ferme. Le plaisir
est donc un peu austère, mais cela n'empêche pas le vin de couler
facilement pour qui, comme moi, aime le Cabernet Sauvignon qui
s'assume. Cette identité forte ne pâlit pas en finale, au
contraire, le caractère du vin y est affirmé avec plus d'emphase
sur une persistance de très bon calibre.
J'écris moins sur ce blogue car les
vins les plus intéressants que je bois actuellement sont des rouges
chiliens avec un certain âge et si je commentais chacun d'eux, je
tomberais totalement dans la redite. J'ai choisi de commenter ce
Medalla Real car pour moi c'est l'archétype du Cab de Maipo de type
Reserva. Aussi, il est disponible à la SAQ pour un prix
relativement stable depuis les 15 dernières années. J'ai payé ce
2001, 19.45$, et le 2010 est actuellement offert à notre monopole
pour 19.95$. À une époque où l'on se plaint du coût toujours à
la hausse des classiques européens, ce Cab chilien est une des
meilleures solution de rechange sur le marché. Ce 2001 est superbe à
ce stade, mais il est très loin du déclin et a tout ce qu'il faut
pour évoluer avec grâce pour au moins dix autres années.
Excusez-moi de me répéter encore une fois, mais ce vin n'a rien à
envier à des bordeaux ou des Cali-Cabs vendus plusieurs fois son
prix. Plus ces Cabs chiliens prennent de l'âge et plus ils se
recentrent sur les caractéristiques universelles du cépage. J'ai
souvenir d'avoir confondu des experts en 2009, avec le millésime 2000 du Medalla Real, lors d'une dégustation comparative Chili-Californie
organisée par Bill Zacharkiw du journal The Gazette.
Ces experts pensaient alors avoir affaire à un bordeaux de haut
niveau, et bien ce 2001 est au moins du même calibre et il est
quatre ans plus vieux que ne l'était le 2000 en 2009. Il faut donc
foi et patience pour commencer à mettre de côté ce type de
bouteille. Il faut aussi renoncer à l'aspect prestige du vin et s'en
tenir au contenu de la bouteille.
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