mercredi 27 février 2013

Verticale du Château Clarke

J'ai eu la chance samedi dernier d'être invité à participer à une dégustation de 11 millésimes du cru bourgeois de très bonne réputation, le Château Clarke. J'aime bien ce genre d'exercice. Ça me permet de vérifier mes repères de dégustateur et de mettre à l'épreuve certaines idées personnelles à propos du vin et de sa garde. Comme de plus en plus je suis un amateur de vin modérés, relativement faciles à boire, j'ai bien aimé le profil général des vins. Des vins qui évitent l'excès, mais qui ne manquent de rien, tout en ayant une belle capacité d'évolution.



Les millésimes 90, 95 et 97 montraient des profils évolués similaires avec encore un beau fruité. Ils étaient faciles à boire, tout en finesse. Très agréables, mais sans la profondeur de vins plus ambitieux. Le millésime 1999 était de profil plus jeune et détonnait du reste des vins par son profil aromatique. Il y avait dans ce vin un arôme particulier que je ne peux nommer. C'est un arôme que je croise parfois dans les vins européens, mais jamais dans le Nouveau-Monde. J'aimerais bien en connaître l'origine. Toujours est-il qu'au delà de son côté intrigant, ce 1999 était de belle qualité. Malheureusement, le vin du millésime 2000 était bouchonné. Dans les vins plus jeunes, le 2001 fut mon préféré, mais le niveau qualitatif des 2003, 2204 et 2005 était similaire. Ces vins étaient plus robustes, avec des tanins et un aspect boisé qui demandaient encore du temps pour se fondre. Ceci dit, le potentiel était là, le reste est affaire de patience.

Je ne connais pas assez les rouges bordelais pour placer ces vins de Clarke dans le contexte de la région. Mais pour moi, le caractère bordelais des vins était clair, et j'ai perçu un fil conducteur au niveau du style général des vins. Le terroir semblait une constante, alors que la variable principale était le temps passé en bouteille. Merci à Patrick pour l'invitation et l'accueil. Ce fut une soirée très agréable passée en bonne compagnie

lundi 25 février 2013

Surprise: Le Chili pour parler de terroir

Après avoir lu de bien vilaines généralisations la semaine passée à propos des vins chiliens sur un site québécois bien connu. Cette semaine j'ai eu une agréable surprise en lisant la dernière chronique de Bill Zacharkiw sur le site du journal The Gazette. De mémoire d'homme, c'est la première fois au Québec, dans un grand média, qu'on se sert du Chili à titre d'exemple pour parler de la notion de terroir. Juste ça c'est assez renversant! Imaginez, parler du Chili avec nuance et ne pas parler de plants de tomates... On croirait rêver!

Pour ce qui est des commentaires de M. Zacharkiw à propos du Cabernet chilien, ils sont dans l'ensemble assez justes. J'ajouterais que la notion de terroir au Chili peut se faire sentir juste avec quelques kilomètres de distances. Par exemple, dans l'Alto Maipo, du nord au sud, vous avez Penalonen (Macul), Puente Alto et Pirque. Si vous comparez trois vins de Cabernet issus de ces trois terroirs, la différence sera notable, avec un caractère propre à chaque lieu révélé sur une base commune. Par exemple, l'alignement suivant serait intéressant: Domus Aurea (Penalonen), Marques de Casa Concha ou Don Melchor (Puente Alto) et Haras de Pirque, Elégance (Pirque).

Un point où je diffère d'avec M. Zacharkiw, c'est au niveau de ce qu'on qualifie de vert. Pour moi, le poivron vert, les asperges, l'herbe coupée et les pois verts sont des arômes végétaux verts, reliés à une famille de molécules appelées pyrazines. Alors que le menthol, l'eucalyptus et un aspect du cassis, sont des arômes végétaux que je qualifie de frais. Ces arômes ne sont pas reliés aux pyrazines. Je sais, c'est un peu technique. Mais pour moi c'est très différent. J'aime bien la fraîcheur végétal dans le vin rouge, alors que c'est moins le cas pour la verdeur. Il faut aussi le redire, l'aspect de cassis fraîchement cueilli est pour moi la caractéristique principale distinguant une bonne partie des Cabs du Chili. Je n'ai jamais rencontré de Cabernets d'autres origines montrant un aspect de cassis frais aussi pur et intense.

Finalement, trois autres aspects déterminants au Chili du profil terroir. D'abord il y a la différence de température entre le jour et la nuit. Cette différence est plus grande dans les zones périphériques qu'au milieu des vallées. Puis il y a l'irrigation, la façon de la pratiquer par rapport à la nature du sol (drainage), ou l'absence totale d'irrigation comme dans une partie de la vallée de Maule. Finalement, il y a la question de la nature des racines des vignes. Cette question est presque exclusive au Chili où il est possible de planter franc de pied. Donc, le producteur doit se demander si il doit utiliser un porte-greffe mieux adapté au sol de son vignoble, ou si les racines d'origine de la plante feront un meilleur travail. Ce choix aura un impact sur la nature finale des raisins produits, donc des vins. En ce sens, le Chili est le pays offrant le plus d'options aux vignerons. Celui où on peut se rapprocher le plus du concept de "vin naturel" au vignoble.

En terminant, M. Zacharkiw recommande un vin pour ce qu'il appelle les "Chile bashers"! Ça existe ça?! Coincidence, j'ai acheté ce vin lors de la promo de la fin de semaine à la SAQ. Disons que ça adonne bien et ça pique ma curiosité. Je reviendrai bientôt avec mes impressions à son propos.

samedi 23 février 2013

Arômes de Brettanomyces, reflet du terroir? (suite)


Petite suite à un texte de ma part datant de plus de deux ans. Dans ce texte je citais Jean-Louis Chave à propos de la légitimité des arômes générés par les levures Brettanomyces dans les rouges du Rhône Nord. Celui-ci ne voulait pas que ses vins sentent la Syrah, parlait de terroir et, de façon surprenante, ne se formalisait pas que ceux-ci soient sous l'influence des Bretts. Toujours est-il qu'au fil de mes lectures récentes je suis tombé sur un texte intéressant sur le blogue de Nicolas de Rouyn qui porte sur les commentaires de Jancis Robinson à propos de l'hermitage la-chapelle de Paul Jaboulet Aîné. Ce qui m'a le plus intéressé, ce n'est pas les commentaires de Madame Robinson. C'est plutôt la réponse de Caroline Frey, oenologue de la maison et qui œuvre aussi au Château La Lagune dans le Haut-Médoc. En voici l'extrait qui a retenu mon attention:

"Pour les blancs, j’ai pris une orientation qui s’éloigne du lourd et du riche, du miel et du nougat. Je cherche des vins cristallins, aériens, plus sur la réduction que sur l’oxydatif. Quand on évite la surmaturité et l’oxydation, on trouve plus de complexité et une meilleure expression. Pour les rouges, l’approche est la même. Je suis contre tous les faux goûts, les bretts en particulier. J’aime les vins purs, équilibrés. Je n’aime pas le côté théâtral de l’excès d’alcool. C’est ça, la garde. Rendez-vous dans trente ans. J’y serai."

C'est à mon sens révélateur que Madame Frey parle spontanément de son refus des Bretts (et autres faux goûts) lorsque vient le temps de parler du style de ses vins rouges. C'est peut-être l'élément manquant qui fait que son vin n'a pas trouvé grâce au yeux de Madame Robinson. D'ailleurs, ce qui m'apparaît tout aussi révélateur, c'est le fait que Robinson ne parle pas de Bretts dans son texte à propos des vins de cette région, même si on voit qu'il y a des positions bien différentes chez les producteurs à ce sujet. La présence d'arômes "brettés", ou non, me semble être un élément essentiel d'appréciation, en ce sens, le commentaire de Caroline Frey brisant l'omerta à ce sujet ne me semble pas innocent, surtout de la part d'une jeune femme aimant les vins purs et équilibrés....


vendredi 22 février 2013

QUINTA GENERACION, 2004, COLCHAGUA, VINA CASA SILVA



J'ai déjà commenté la version 2007 de cette cuvée en rouge. Toutefois, de ce temps-ci, un peu à contre-saison, je continue d'ouvrir des blancs chiliens de qualité que j'avais mis de côté pour évaluer leur potentiel de garde. Cette fois-ci il s'agit d'un assemblage particulier et original comprenant 20% de Chardonnay, 40% de Viognier et 40% de Sauvignon Gris. Donc, les cépages blancs emblématiques de Bourgogne et du Rhône, auxquels s'ajoute un autre rescapé un peu obscur de Bordeaux (avec le Carmenère en rouge). Pour ce vin, ces trois cépages ont été cultivés dans la chaude vallée Colchagua. Cela représente bien l'Ancien-Chili. Celui où on cultivait tout au même endroit, ou presque. Aujourd'hui, le Viognier est le seul cépage qu'on plante encore dans le chaude vallée centrale. Le Chardonnay, et le Sauvignon Gris (qui gagne en popularité), ont migré vers les nouvelles régions plus fraîches. Casa Marin et Vina Leyda font des cuvées de Sauvignon Gris (Estero Vineyard et Kadun), dans la très fraîche région de San Antonio, près de la côte du Pacifique, à propos desquelles j'ai lu le plus grand bien. Toujours est-il que ce vin est pour moi bien intriguant et j'ai hâte de voir comment il a évolué. Fait à noter, il ne titre qu'à 13.5% d'alcool. Ce qui est peu pour un vin de la chaude vallée de Colchagua.

La robe est éclatante, arborant une superbe teinte dorée. Le nez se montre relativement discret et exhale des arômes de pêche, d'orange, et d'épices douces, complétés par de fines notes florales. Bien agréable comme nez, mais rien de spectaculaire. La carte de la subtilité est jouée sans traces d'oxydation pour venir teinter l'ensemble. En bouche, le vin se montre plus démonstratif, même si on demeure dans le registre de la subtilité, de l'équilibre et de la modération. Ici aussi l'effet négatif de l'oxygène ne se fait pas sentir. Les saveurs combinent richesse et finesse. Le vin est rond et caressant, harmonieux et délicat. Le niveau de concentration est bon et convient parfaitement au style préconisé. Le vin coule donc sans effort. Il est facile à boire et très agréable par la qualité de ses saveurs et ses justes proportions. Cela ne se dément pas en finale, où l'harmonie prévaut, sur une bonne longueur.

J'ai beaucoup apprécié ce vin. C'est l'exemple parfait du vin qui évite le piège de l'excès visant à impressionner. En dégustation comparative il serait assurément écrasé face à des bêtes de concentration. Mais pris isolément, par quelqu'un en quête d'équilibre et de finesse, ce vin touche la cible avec humilité. Je dis humilité car ce vin n'a clairement pas des visées de grandeur. C'est un vin somme toute modeste, bien qu'original, qui a admirablement bien vieilli. Pour moi c'est l'équivalent en blanc du Cab Reserva chilien de 10 ans d'âge qui donne un résultat d'une harmonie et d'une finesse qu'on aurait pas pu soupçonner en se fiant à son profil de prime jeunesse. Pour un vin que j'ai payé autour de 17$, il en donne beaucoup plus que le prix payé. Comme je bois de plus en plus de vins blancs, il est clair que ce type de bouteilles ira en augmentant dans la composition de ma cave. Casa Silva est définitivement un producteur élite du Chili. Un producteur avec une approche terroir qui s'est affirmée depuis 2004, l'année de l'élaboration de ce vin. Un seul vin de ce producteur est disponible à la SAQ, et il s'agit de l'excellent Carmenère Reserva. Il y a aussi la cuvée de Sauvignon Blanc "Cool Coast", issue de l'extension côtière de la vallée de Colchagua, à seulement 9 km de l'océan Pacifique. Ce vin est disponible au Québec en importation privée. Tout cela sans compter leur projet fou de Lago Ranco, dans l'extrême sud du pays, aux frontières de la Patagonie, où ils ont planté Chardonnay, Pinot Noir, et Sauvignon Blanc sur les rives du lac Ranco. Casa Silva est définitivement un producteur à rechercher.

mercredi 20 février 2013

CHARDONNAY, MARQUES DE CASA CONCHA, 2005, PIRQUE, ALTO MAIPO, CONCHA Y TORO



C'est l'hiver, mais ma consommation de blancs est plus forte que jamais. Je suppose qu'il y a un parallèle à faire avec l'augmentation graduelle du niveau qualitatif des blancs chiliens. En ce sens, j'ai initié, il y a quelques années, des expériences de garde avec certains bons blancs de mon pays de prédilection. Le vin dont il est question aujourd'hui était une de ces expériences. J'ai déjà parlé, peu après la création de ce blogue en 2009, du millésime 2007 de ce vin, qui était le dernier de cette cuvée à être élaboré à partir du vignoble Santa Isabel, situé à Pirque dans les hauteurs de la vallée de Maipo. Un peu plus de trois ans plus tard j'ouvre donc une bouteille de 2005 qui provient du même vignoble. C'est donc un Chardonnay qui aura passé cinq ans de plus en bouteille avant l'ouverture. Cette expérience est un peu un coup d'épée dans l'eau, car cette cuvée n'existe plus dans sa mouture de Pirque. Les fruits servant à son élaboration viennent aujourd'hui de la région de Limari, un terroir bien différent.  

La robe brille d'une belle teinte dorée assez soutenue. Le nez exhale des arômes de pêche, de liqueur d'orange et d'ananas, le tout complété par un léger aspect beurré et des relents vanillés et caramélisés évoquant le boisé d'origine. Il n'y a aucun signe clair d'évolution ou d'oxydation. Cela se confirme en bouche avec une attaque ample et souple qui a du gras et des saveurs intenses où l'aspect évoquant la liqueur d'orange domine. Le milieu de bouche montre une belle matière ronde et concentrée qui glisse sans effort vers une finale harmonieuse et longue aux légers relents amers.

Belle surprise que ce Chardonnay de Maipo. Je dis surprise à cause de son âge et de l'absence de traces d'oxydation. Ce vin est dans une belle phase de son évolution. L'aspect boisé est encore présent, mais d'une manière plus subtile, altérée par le temps. Ce boisé maintenant délicat complète bien l'aspect fruité encore généreux. Au final, ça donne un beau Chardo, à la fois riche et fin. Comme c'est souvent la cas avec les vins de la gamme Marques de Casa Concha, la qualité dépasse de beaucoup ce qu'on retrouve normalement à ce niveau de prix (18$). Il me reste une bouteille de ce vin pour poursuivre l'expérience quelques années de plus. Disons que le résultat obtenu avec ce vin de climat assez tempéré me donne confiance pour mes Chardos chiliens de régions plus fraîches que j'ai mis en cave.


dimanche 10 février 2013

SAUVIGNON BLANC, RESERVA, 2011, CASAS DEL BOSQUE



Ce vin est pour moi un incontournable. J'ai déjà commenté les millésimes 2008 et 2009 sur ce blogue. Avec le Garuma Vineyard de Vina Leyda, c'est mon Sauvignon Blanc favori en terme de RQP. Casa del Bosque est installé dans la partie la plus fraîche de Casablanca, à l'ouest de la vallée, voisin de Loma Larga, un autre de mes producteurs chiliens favoris. Ce vin est élaboré sous la gouverne de Grant Phelps, un néo-zélandais installé en permanence au Chili. Celui-ci œuvrait auparavant chez Viu Manent dans la chaude vallée de Colchagua, mais il a décidé de prendre le virage fraîcheur et minceur en déménageant chez Casas del Bosque. Je dis minceur car Casas del Bosque est ce qu'on appelle une "boutique winery" où l'accent est mis sur la qualité et non sur le volume, bien que les deux ne soient pas nécessairement incompatibles. Si vous voulez les détails de l'élaboration minutieuse de ce vin, référez-vous ici. Un élément de l'élaboration du vin a retenu mon attention, soit la vendange mécanisée de nuit à une température ambiante très basse, variant entre 4 et 8ºC. Comme la vinification débute par une macération à froid de 48 heures à 5ºC, le temps de refroidissement de la matière doit être raccourci de beaucoup. Normalement on associe la vendange mécanisée à des vins de qualité inférieure, mais dans un cas comme celui-ci, la rapidité et la basse température du procédé sont probablement des éléments plus importants. Surtout que le Sauvignon Blanc, de par son style fruité/végétal, est le cépage qui supporte le mieux la maturité hétérogène des raisins. Trêve de technicités, voyons ce que ça donne dans le verre.

La robe montre une pâle teinte verdâtre. Le nez est un peu discret, mais tout de même très agréable avec ses arômes de citron, de zeste pamplemousse, de melon et de fruit de la passion, complétés par de fraîches notes de bourgeon de cassis. Le fruité domine et l'aspect végétal vert que l'on retrouve dans beaucoup de vins de ce cépage est ici en mode très mineur. En bouche, le vin est plus dégourdi, et ce faisant, plus impressionnant. L'attaque est pleine et équilibrée et le vin déborde de riches saveurs fruitées auxquelles s'amalgame une amertume évoquant le zeste de pamplemousse. Le niveau de concentration est très bon, sur un bon volume, ce qui procure au vin une belle présence en bouche. La finale est harmonieuse, intense et d'une longueur de fort calibre.
Inutile de dire que j'ai beaucoup apprécié ce vin qui confirme tout le bien que je pensais déjà de cette cuvée. Celui-ci est à la fois rafraîchissant et consistant, mais par dessus tout il est simplement délicieux. C'est donc un vin qui donne beaucoup de plaisir en offrant une interprétation du Sauvignon axée d'abord et avant tout sur le fruit. Le millésime 2012 vient d'arriver en tablettes à la SAQ. Je ne lui ai pas encore goûté, mais il reste des bouteilles de ce 2011 dans le réseau. Casas del Bosque est un des producteurs élites du Chili et cette cuvée est sa carte de visite privilégiée, en ce sens que c'est le vin le plus largement distribué de ce producteur. C'est un vin de prix très abordable, fait sans artifices, et issu du cépage roi de Casablanca. Si vous voulez découvrir le Sauvignon Blanc du Chili, ce vin est un très bon point de départ. Il y a des vins plus chers et plus ambitieux, mais cette cuvée mise dans le mille en offrant l'essence du cépage et du lieu pour un prix formidable.