lundi 28 octobre 2013

Aborder les vins du Nouveau-Monde avec un regard neuf

J'ai quelques fois dénoncé le francocentrisme québécois en matière de vin sur ce blogue. Je suis tombé aujourd'hui sur un article de Marc-André Gagnon du site Vin Québec qui en est un bon exemple. J'aime bien le site Vin Québec, mais cette fois l'article de M. Gagnon me semble un peu particulier. Il part des résultats d'un concours, incluant un nombre limité de vins à moins de 50$, pour tirer des conclusions sur un supposé goût canadien par rapport à un goût québécois qui serait distinct. M. Gagnon s'insurge contre le peu de vins "gagnants" étant originaires de la France et de l'Europe face au grand nombre de "lauréats" issus du Nouveau-Monde. Scandale!

D'abord il y avait au moins trois juges québécois sur le panel, Bill Zacharkiw, Marc Chapleau et Rémy Charest. Pour les avoir souvent lus, je pense qu'ils sont tous trois europhiles, voire francophiles. Il y a aussi des juges du Canada anglais dont j'ai toujours apprécié les écrits (John Szabo, David Lawrason et Anthony Gismondi). Et au-delà de tout, ces dégustations avaient lieu à l'aveugle. Ce type de dégustation donne toujours des surprises car il n'y a pas d'étiquette pour orienter le jugement. Aussi, on ignore le pourcentage de vins inscrits pour chaque pays. Personnellement, j'ai aimé voir que pour trois des quatre cépages noirs français les plus réputés (Cabernet Sauvignon, Merlot, Syrah et Pinot Noir), trois vins chiliens qui l'ont emporté, et de très bons vins de prix très abordables. La Syrah, Reserva, de Falernia dont j'ai souvent vanté les mérites sur ce blogue. Un autre vin que j'ai déjà encensé dans un millésime précédant, le Cabernet Sauvignon, Etiqueta Negra, de Tarapaca, et le Merlot, Marques de Casa Concha, de Concha y Toro, issu d'une gamme au RQP exceptionnel. Pour ce qui est du Pinot Noir, ça demeure un "work in progress" au Chili.

Ceci dit, il ne faut pas partir en peur avec les résultats de ce type de concours. Le concours ne prétend pas qu'il s'agisse des meilleurs vins au monde issus de ces cépages, mais bien des meilleurs parmi les inscrits. Personnellement, j'ajouterais les meilleurs parmi les inscrits au moment de la dégustation. Il faut donc mettre les choses en perspective. Toutefois, ça montre peut-être qu'en l'absence d'étiquettes, les vins du Nouveau-Monde, surtout ceux en bas de 50$, ne sont pas si mauvais que certains le croient par rapport aux vins de la vieille Europe. Au fond, ces résultats ne sont peut-être qu'une incitation à regarder les vins du Nouveau-Monde avec un regard, justement, plus neuf...

samedi 26 octobre 2013

SANCERRE, 2009, GÉRARD BOULAY




Surprise, surprise! Vous avez bien vu, un vin français sur ce blogue. Une fois n'est pas coutume. En fait, ce vin est un cadeau d'un ami que je soupçonne de vouloir me convaincre qu'il existe de bons vins hors de Chili! Je blague, bien sûr, car il sait que je le sais déjà. Ceci dit, j'aime bien sortir de mes habitudes et confronter mes préjugés, mais si je parle de ce vin ici, c'est parce qu'il est de belle qualité. Je n'ai pas de détails sur son élaboration. Le vin titre à 13.5% d'alcool et la bouteille était une demie (375 ml).

La robe est de teinte dorée assez intense. Le nez est discret et exhale des arômes de citron, de noix et de bord de ruisseau, amalgamés à de légères notes florale et un faible trait végétal évoquant le poivron vert. En bouche, le vin se rattrape avec une expression beaucoup plus intéressante. Les saveurs reflètent bien ce qui était perçu au nez, mais elles sont beaucoup plus intenses et bien soutenues par une belle acidité. Le milieu de bouche confirme la droiture et la bonne présence du vin qui ne manque pas de concentration. Une touche d'amertume évoquant la peau blanche de pamplemousse ajoute un brin d'austérité à l'ensemble. Il y a aussi toujours cette légère touche d'oxydation, mais à ce stade ce n'est pas un problème. La finale est harmonieuse, avec toujours les saveurs citronnées qui dominent sur une persistance de bon calibre.

Beau vin de profil sérieux et légèrement évolué. Par certains aspects, dont une légère pointe d'oxydation et le type d'acidité, il m'a fait pensé au Chardonnay, 2010, Clos des Fous dont j'ai parlé récemment. Je n'y ai détecté aucun arômes thiolés typiques du Sauvignon Blanc élaboré à l'abri de l'oxygène. En ce sens, il se démarque clairement du style plus charmeur auquel je suis habitué avec des vins de ce cépage. J'avais d'ailleurs une bouteille de SB, Garuma Vineyard, 2011, Vina Leyda d'ouverte en parallèle et il y avait un clair contraste stylistique entre les deux vins. Ceci n'est pas dit négativement, c'est une simple constatation. Il est clair pour moi que ce sont des choix humains qui distinguent ces deux styles, plus que la spécificité du terroir. J'ai déjà goûté des Sancerres qui sentaient et goûtaient le pamplemousse et le fruit de la passion, mais ces vins étaient sûrement élaborés en inox, sous gaz inerte, à l'abri de l'oxygène, ce qui ne semble pas être le cas pour ce vin de Boulay. C'est un style que j'apprécie toutefois, pour moi ça fait partie de la potentialité de styles qu'offre le Sauvignon Blanc. En conclusion, j'ai bien apprécié ce vin, mais la pointe d'oxydation que j'y ai perçue ne me le ferait pas garder plus qu'une année ou deux encore. Finalement, il y a le fameux facteur RQP qui pour moi est primordial. J'ignore le prix de ce vin, mais sous les 20$ pour une bouteille de 750 ml, ce serait pour moi un bon achat. Toutefois, comme je l'ai dit au début, dans ce cas-ci la vin m'a été donné gracieusement par un ami passionné, alors ça bat le meilleur RQP qu'on puisse imaginer! Merci!



vendredi 25 octobre 2013

L'effet Veblen peut-il agir au dépanneur? (suite)

Petite suite à un article précédant sur l'initiative de Julia Wines de vendre un vin à 70$ en dépanneur. Je disais dans ce texte qu'il était possible pour un négociant sérieux d'importer en vrac du vin de haute qualité. Voici une entrevue de David Santerre avec le sommelier Patrick Saint-Vincent à ce sujet. Il faut rappeler que l'intégrité de M. Saint-Vincent avait été remise en cause par plusieurs lorsqu'il s'était associé à la promotion de ces vins. Serait-ce là un visage du snobisme dont je traitais dans mon texte précédant? Je ne sais pas, mais toujours est-il que M. Saint-Vincent donne des détails sur cette opération qui devraient faire ravaler quelques railleries. Qu'on me comprenne bien. Je ne suis pas en train de dire que les vins de Julia Wines méritent d'être achetés par un amateur sérieux. Je dis juste que si c'est l'opération est bien menée, ça peut combler un besoin, soit la possibilité d'acheter un vin potable à la dernière minute dans un dépanneur. Je doute que ces vins offrent un vrai bon RQP, mais comme produit de niche dans un système monopolistique, encore une fois, si c'est bien mené, ce n'est pas une initiative ridicule.

mercredi 23 octobre 2013

Vin : Le snobisme est-il vraiment mort?

Je suis tombé récemment sur ce texte de Matt Kramer du Wine Spectator qui répond par l'affirmative à la question posée dans mon titre. Selon lui le snobisme voulant que seulement certaines régions traditionnelles puissent produire des vins authentiques et de qualité n'existe plus. Je le cite en traduction libre :

"Tout le monde sait maintenant que toutes sortes de lieux autour du monde peuvent produire et produisent des vins remarquables"

Il poursuit son argumentation en s'attaquant au mythe de la Bourgogne en disant qu'il n'y a plus personne qui peut maintenant prétendre que seule cette région peut produire d'authentiques vins de Pinot Noir. Il cite en exemple la Californie, l'Orégon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Ontario pour étayer sa thèse. Avec un peu plus d'ouverture d'esprit il aurait pu ajouter l'Afrique du Sud, le Chili et la Patagonie argentine à sa liste d'exemples. Personnellement, je suis d'accord avec l'essence de son propos, mais pas avec sa conclusion. Le snobisme régional tel qu'il le décrit existe peut-être moins aux États-Unis car ce pays a une production nationale de qualité au style distinct, et un pays avec une telle influence aide à légitimer cette distinction stylistique. Autrement dit, on ne renie pas les classiques européens, mais on a la confiance nécessaire pour affirmer que l'on peut faire aussi bien de manière différente. Cependant, dans une province comme le Québec, il n'y a pas ce facteur pour forcer une mise en perspective des choses et le vieux snobisme tel que décrit par Matt Kramer est encore bien vivant.

Au surplus, ici au Québec, nous avons droit au nouveau snobisme, dont parle aussi M. Kramer, où l'on privilégie certains vins sur une base idéologique. Ce nouveau snobisme privilégie les vins de petits producteurs, préférablement biologiques, non interventionnistes, ou ceux du mouvement dit "naturel". Dans ce courant, les vins non boisés et issus de cépages inusités sont aussi privilégiés. Il est d'ailleurs amusant de voir qu'une lectrice montréalaise a écrit dans la section "Member Comments" pour confirmer cet état de fait. Donc, les différentes sortes de snobisme en matière de vin sont peut-être en régression, mais de déclarer leur mort me semble être un peu prématuré, surtout ici au Québec. Nous avons encore un bon nombre de buveurs d'idées et d'étiquettes et les stéréotypes à l'encontre des vins du Nouveau-Monde ont la vie très dure.



samedi 19 octobre 2013

MALBEC, TRIBUTO, 2011, COLCHAGUA, VINA CALITERRA




Vina Caliterra appartient au groupe Chadwick qui est aussi derrière Errazuriz, Arboleda, Sena et Vinedo Chadwick. Les autres projets sont situés dans Aconcagua et Maipo. Dans le cas de Caliterra on est plus au sud, dans la vallée de Colchagua. Ce Malbec est issu de vignes de 15 ans d'âge d'une parcelle unique appelée Quillay Espino. Le vin contient 5% de Syrah et a été élevé un an en barriques de chêne français dont 10% étaient neuves. Il titre à 14% d'alcool et le producteur évoque un potentiel de de garde allant jusqu'à la fin de 2020.

La robe est opaque et foncée, avec de légers reflets violacés. Le nez exhale de doux et intenses arômes de cerise, de mûre et d'épices évoquant par certains aspects la muscade et l'anis étoilée. En mode plus mineur à ce stade précoce on peut aussi percevoir des notes de violette, de bois de cèdre et de viande crue. Cet arôme est typique pour moi dans les très jeunes vins de Malbec sud-américains. Somme toute un nez expressif et très séducteur qui a l'éclat de la jeunesse. Ce caractère démonstratif se répercute en bouche où l'attaque est souple et ample et les saveurs enveloppantes et très intenses. Le fruité est doux, mais bien équilibré par une bonne dose d'amertume. Ce fruit se mêle ainsi à un joyeux caractère épicé et chocolaté, ce qui donne à ce vin des airs de généreuse friandise. Cela se confirme en milieu de bouche où le vin déploie toute sa séduisante substance avec du gras sur un généreux volume et des tanins veloutés. La finale conclue logiquement avec un sursaut d'intensité, et une très bonne allonge aux relents de chocolat noir qui permet de deviner le potentiel de vin sérieux qui se cache dans ce juvénile nectar.

Je vante souvent les mérites des vins qui ont atteint un certain âge et qui du coup gagnent en finesse et en subtilité. Toutefois, cela ne m'empêche pas de pouvoir succomber aux charmes et aux rondeurs d'un jeune vin dont le profil a pour but de plaire dès la prime jeunesse. C'est le cas de ce Malbec de Caliterra qui en met actuellement plein la bouche. Ceci dit, je connais maintenant ce genre de petites bêtes. Je sais que derrière les artifices de séduction primaire de la jeunesse, il y a un vin au potentiel plus sérieux qui se cache. J'ai ouvert dans la dernière année un autre millésime de ce vin, je pense qu'il s'agissait du 2009. Je n'avais pas fait de compte rendu car celui-ci était renfrogné et austère, tellement différent de ce qu'offre actuellement ce 2011. Je pense donc que ce type de vin est conçu pour en offrir beaucoup lors de la mise en marché hâtive, mais ensuite l'évolution en bouteille commence, avec ses phases difficiles à prédire. Je ne jouerai donc pas les devins à propos du parcours évolutif que suivra ce vin, mais pour en avoir vu d'autres, je suis pas mal certain de sa destination et de la métamorphose que le temps provoquera en lui. Tout cela pour dire que j'ai adoré ce vin dans la phase de plaisir juteux et gourmand qu'il offre actuellement, et que je suis prêt à parier que dans une décennie il offrira du plaisir dans un tout autre registre. Ma recommandation serait donc, achetez et ouvrez tout de suite, ou mettez à l'ombre pour 10 ans et préparez-vous pour la surprise. Entretemps, j'ai payé ce vin le week-end dernier en double promo pour la ridicule somme de 14.25$. J'ai même lu sur FDV qu'il pouvait être obtenu en triple promo (rabais au col) pour 12.25$. La réalité, c'est qu'au prix courant de 18.95$ ce vin est un superbe achat. Toutes ces promos semblent destinées à le faire connaître pour qu'il puisse garder sa place comme produit régulier à la SAQ. En ce qui me concerne, c'est un bel ajout augmentant la diversité de l'offre chilienne de la SAQ. J'attends toujours que notre monopole daigne nous offrir au moins un Reisling chilien. Il y en a d'excellents à des prix défiant toute compétition (Cono Sur, Vina Leyda)


samedi 12 octobre 2013

CABERNET SAUVIGNON, MAX RESRERVA, 2002, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ



Ma cave a atteint une maturité qui me permet maintenant d'ouvrir sur une base régulière des rouges d'une dizaine d'années. Des vins chiliens du type de ce Cab de prix très abordable. La décision prise il y a huit ans de stocker massivement ce genre de vins fut la meilleure de mon parcours d'amateur. J'avais toutefois exploré les vins de cette gamme de prix d'un peu partout dans le monde et fait mes expériences au préalable. J'en étais alors venu à la conclusion que c'était ce genre de vins, propres et mi-évolués, que je préférais. Des vins de type Reserva qui ne sont pas des monstres de concentration et d'extraction, élaborés avec un usage somme toute modéré du bois de chêne. Ce qui fait qu'après une dizaine d'années en bouteille ils montrent un niveau d'évolution que j'apprécie, avec encore du fruit, mais ayant gagné en finesse et en subtilité tout en montrant autant de complexité, mais avec des arômes différents. Pour ceux qui me lisent avec régularité, il n'y a rien de nouveau dans mon propos. Ce n'est pas la première fois que je vante le potentiel de garde des rouges chiliens de type Reserva, ou Gran Reserva, issus de Cabernet Sauvignon, de Syrah, et les assemblages de type bordelais qui contiennent parfois aussi de la Syrah. Concernant la garde, pour le Pinot Noir, et la Syrah de climat frais je suis au stade de l'expérimentation, tout comme pour les blancs. Pour ce qui est de ce « Max Reserva », c'est le dernier millésime qui titrait à 14% d'alcool avant cinq millésimes sur six qui ont misés sur plus de maturité du fruit avec un titre alcoolique de 14.5%. Vous me direz que 0.5% ça demeure mineur comme changement, c'est vrai, mais plus le titre alcoolique est élevé, et plus l'impact d'un léger changement est notable. La bonne nouvelle, c'est que depuis le millésime 2009, Errazuriz est revenu à l'ancienne méthode et le titre alcoolique de cette cuvée est de retour à 14%. Il y a une tendance au Chili pour revenir à des vendanges un peu plus hâtives. C'est un des éléments que mettent de l'avant des gens comme François Massoc et Pedro Parra du Clos des Fous, et Parra agit maintenant comme consultant chez Errazuriz, tout comme le bourguignon Louis-Michel Ligier-Bélair qui est un ami des deux autres et impliqué avec eux dans le projet Aristos. Tout ça pour dire qu'il y a de l'osmose au Chili entre la nouvelle vague de petits producteurs et les gros joueurs traditionnels qui cherchent à s'améliorer. Errazuriz est un de ceux-ci. À ce sujet, je vous suggère ce récent article de Decanter.

La robe est encore intensément colorée, sans signes marqués d'évolution. Le nez est assez typique de ce que donne cette cuvée après 10 ans passés en bouteille. On y retrouve un caractère légèrement évolué qui marque un délicat fruité de cerise et de cassis, amalgamé à des notes de bois de cèdre, d'humus, d'épices douces, de menthol et de chocolat noir. Superbe nez de Cabernet qui commence sa phase de maturité. En bouche, le vin est caressant, fin et équilibré. Le profil des saveurs est légèrement évolué, avec une bonne dose de fruit, marié à des notes doucement épicées et appuyé sur une bonne base d'amertume qui contribue un brin de sévérité face à l'amabilité du fruit. Le milieu de bouche révèle un vin de corps moyen, avec un bon niveau de concentration qui convient bien au style modéré préconisé. La trame tannique est soyeuse et contribue à l'impression de finesse qui se dégage de l'ensemble. La finale reprend le thème de l'équilibre de l'harmonie et de la modération sur très bonne allonge.

Si j'avais un vin disponible à la SAQ à recommander pour la garde, à moins de 20$. Ce serait assurément ce Cab de Errazuriz. Un classique à prix modique qui année après année montre un potentiel de garde incroyable, compte tenu de son prix. Ce 2002 commence à peine sa phase de maturité, et évoluera avec grâce pour au moins les 10 prochaines années. C'est un vin qu'on peut facilement acheter en promo, moins 10%, ou à moins 15% dans les SAQ Dépôt. On peut l'acheter aujourd'hui en double promo à 15.25$ la bouteille. Ce qui est un prix totalement ridicule compte tenu de la qualité et du potentiel de garde éprouvé de ce vin année après année. Ceci dit, l'attrait de la nouveauté fait qu'on a parfois tendance à délaisser les valeurs sûres, mais cette cuvée est un des vins chiliens que j'ai toujours continué à acheter au cours des années car sa garde ne m'a jamais déçu. Ce vin pourrait facilement être placé dans un alignement de bordeaux ou de Calicabs du même âge, vendus deux à trois fois son prix, et il serait parfaitement à sa place. Oubliez son prix, ne cédez pas à l'effet Veblen inversé, et faites un superbe achat pour la cave, et n'oubliez pas que la patience n'a pas de prix!


mardi 8 octobre 2013

Le Chardonnay australien triomphe à l'aveugle

Nouvelle intéressante sur les résultats de la dégustation annuelle "Jugement de Montréal" Ça me rappelle un ancien sujet de ce blogue. J'aurais aimé voir des vins néo-zélandais, sud-africains et chiliens dans cette dégustation. Les RQP des vins de ces pays sont généralement meilleurs que pour les australiens et bien sûr les bourguignons. Ces résultats nous rappellent encore une fois, quoi qu'on en dise, les vertus de la dégustation à l'aveugle.

Pedro Parra et Alberto Antonini

En lien avec mon texte sur le Chardonnay, 2010, du Clos des Fous, voici le lien vers un article intéressant à propos de Pedro Parra et de Alberto Antonini qui font maintenant équipe en tant que consultants. Pedro Parra est entre autre un des quatre "fous" derrière le projet Clos des Fous, alors que Antonini travaille pour de grands noms toscans en plus d'être partenaire de Altos de Las Hormigas en Argentine. Il est intéressant de noter que les deux sont consultants sur le projet Intriga au Chili. Un vin dont j'ai vanté la qualité du millésime 2010. J'aime bien l'approche terroir qu'ils préconisent, ainsi que le côté prônant une intervention minimale. Je ne suis toutefois pas du tout convaincu par l'idée voulant que l'hygiène de chai est l'ennemi du bon vin. Approche terroir, oui, intervention minimale avec de bons raisins, oui, moins de bois neuf, oui. Manque d'hygiène, phobie des sulfites et laisser-aller, définitivement non.

vendredi 4 octobre 2013

CHARDONNAY, 2010, ALTO CACHAPOAL, CLOS DES FOUS



Voici un deuxième vin du Clos des Fous à faire son apparition sur les tablettes de la SAQ, cette fois dans le cadre d'un arrivage CELLIER. J'ai déjà parlé du Cabernet Sauvignon du même producteur en avril dernier. Veuillez vous y référer pour plus de détails et des liens à propos du projet Clos des Fous. À propos de ce vin, les raisins pour son élaboration proviennent de trois vignobles, deux situés dans les contreforts des Andes dans le haut Cachapoal et l'autre à Traiguen dans la région de Malleco, le même endroit d'où provient le Chardonnay Sol de Sol. Un des vignobles de Cachapoal est situé à presque 1000 mètres d'altitude, ce qui en ferait le vignoble le plus élevé du Chili, le reste provient d'un vignoble de Calyptra. L'élaboration de ce vin se veut non interventionniste, l'étiquette parle même d'une approche naturelle. Les grappes entières sont pressées, suit une fermentation à basse température et il n'y a pas de malolactique. Le vin ne voit pas le bois de chêne et titre à 13.8% d'alcool.

La robe est d'une belle teinte dorée. Des arômes de pêche, de beurre et de noix trahissent un peu l'identité du cépage, alors que des notes citronnées, florales et miellées, ainsi qu'une très légère et passagère pointe de conifère mêlent plutôt les cartes pour donner un tour original au profil olfactif de ce vin. Cette ambiguïté identitaire suit en bouche, mais le niveau qualitatif lui ne laisse aucun doute. Le vin possède une matière dense et concentrée, soutenue par une acidité marquante. Le milieu de bouche révèle un vin droit et ferme dont la palette de saveurs est teintée par une touche oxydée, ce qui donne au vin un air légèrement évolué. Il y a aussi une fine dose d'amertume dans ce vin qui contribue à lui donner une certaine austérité. La finale est longue et bien soutenue par l'acidité qui laisse son empreinte sur l'ensemble de ce vin.

Ce vin est chilien de par son origine, mais la patte française de son auteur, François Massoc, transparaît clairement dans son profil. En un sens, c'est le contraire d'un vin de terroir tellement il est clair que des décisions humaines en ont façonné certains contours. Aussi, l'assemblage de raisins provenant de trois vignobles et deux régions va à l'encontre de la notion de terroir. Ce vin à l'aveugle passerait pour un vin européen, probablement français, de la Loire ou du Jura, avec sa légère touche d'oxydation. Toutefois, s'il était vraiment français, certains emploieraient plutôt l'euphémisme « oxydatif »... D'un autre côté, le vin a une belle fraîcheur, une belle matière et une acidité incontournable. J'ose croire que cela tient en partie à la fraîcheur des lieux d'où il est issu, soit l'Alto Cachapoal et Malleco. Donc, le terroir au sens large a sûrement son mot à dire dans l'identité de ce nectar. Ceci dit, je pense que le message le plus fort que lance ce vin c'est que le Chili n'a pas de limites réelles en termes de styles possibles. En fait, la seule limite elle est humaine. Si les quatre « fous » à l'origine de ce projet ont pu tirer un tel vin de la terre chilienne, c'est la preuve que leur « folie » est bien volontaire. Ce que je veux dire par là, c'est que la limite n'est pas dans la très grande variété de terroirs que le Chili peut offrir, mais dans la tête des hommes qui plantent des vignobles et qui font du vin. La vraie folie au Chili c'était de planter du Chardonnay à côté du Carmenère sur le plancher torride de la vallée centrale. Massoc, Parra et les autres, en choisissant leur nom ironique, ont décidé de tendre un miroir à un certain Chili vinicole en posant la question : Qui est le plus fou? Et en laissant leurs vins y répondre. Ceci dit, il y a eu d'autres fous au Chili avant eux. D'ailleurs, en dégustant ce vin, je ne pouvais m'empêcher d'y trouver des similarités avec un Sauvignon Blanc, Cipreses Vineyard, 2005, de Casa Marin que j'avais ouvert une semaine auparavant. Celui-ci présentait aussi un côté légèrement oxydé, et cette oxydation avait éliminé plusieurs des arômes variétaux du Sauvignon Blanc, mais il restait le caractère citronné, la matière dense et l'acidité. Aujourd'hui, face à cette ressemblance, je ne peux que me rappeler que Maria Luz Marin avait elle aussi été traitée de folle pour avoir planté des vignes à seulement 4 km de l'océan Pacifique au début du siècle. Aujourd'hui, ses vins comptent parmi les meilleurs du Chili. Tout cela pour dire qu'il y a de moins en moins de gens au Chili pour penser que ceux qui veulent étendre les limites du vignoble national sont fous. Je dirais même que c'est plutôt l'inverse. Ceux qui se cantonnent dans les vieilles façons de faire ne jouent pas la même partie que les producteurs qualitatifs. Il y a peut-être encore des nigauds, pour se laisser attraper par des vins du Chili d'un autre temps, mais quiconque connaît un peu les vins de ce pays sait qu'il faut être un peu fou pour se laisser prendre, à moins bien sûr qu'à force de s'y intéresser on ne devienne fou des vins du Chili 2.0.