dimanche 29 septembre 2013

CHARDONNAY, LEGADO, 2011, LIMARI, VINA DE MARTINO



Les choses changent au Chili, même chez les producteurs traditionnels. De Martino en est un bon exemple. Ce producteur est sorti de sa région d'origine, le vallée de Maipo, et produit maintenant des vins issus d'un peu partout au Chili avec toujours la notion de terroir en tête. Une Syrah haut de gamme issue d'un vignoble en altitude à l'est de la vallée d'Elqui. Du Chardonnay un peu plus au sud dans Limari. Une Syrah de la gamme Legado encore un cran plus au sud, seul vin issu de la minuscule vallée de Choapa. Un Sauvignon Blanc parcellaire de Casablanca. Dans la traditionnelle vallée de Maipo on produit du Cab et du Carmenère dans Isla de Maipo et du Merlot dans la partie côtière plus fraîche. Finalement, tout une gamme de cuvées issues de vieilles vignes non irriguées des vallées plus méridionales de Maule et Itata sont produites avec des cépages comme le Muscat, le Carignan, le Malbec, le Carmenère, le Tannat et le Cinsault. Tout cela sous la gouverne de l'œnologue en chef Mauricio Retamal qui a décidé il y a quelque années de compléter son approche terroir par une réduction, voire une abolition de l'influence du bois dans les vins de la maison. Pour ce faire des barriques usagées neutres sont utilisées, ainsi que des cuves en béton et en inox et même des amphores de terre cuite pour certaines cuvées de spécialité. Depuis quelques années, les vendanges chez De Martino sont plus hâtives, car Retamal veut réduire le taux d'alcool de ses vins et pensent que l'excès de maturité masque l'expression du terroir. Comme on peut le voir, De Martino est un autre de ces producteurs chiliens de longue date qui n'a pas hésité à se remettre en question, pour, selon leur devise, réinventer le Chili. Ce Chardonnay, Legado, a été élaboré selon les principes susmentionnés.

La robe est de teinte légèrement dorée. Le nez est délicat et exhale des arômes de tarte au citron, de pêche et de bord de ruisseau, complétés par un léger aspect floral. En bouche, le fruité de belle qualité est bien balancé par une amertume évoquant le zeste d'agrume. Une tendre acidité contribue à la belle tenue du vin. Le milieu de bouche confirme la qualité de la matière et l'aspect rafraîchissant et retenu de l'ensemble. On a affaire à un vin épuré et facile à boire. La finale est harmonieuse et avec une bonne persistance des saveurs.

Ce vin est un bel exemple pour démontrer la variété de l'offre vinicole chilienne. On a droit ici à une version du Chardonnay que ce pays était incapable d'offrir il n'y a pas si longtemps. Dans ce cas-ci, pas de fruité tropical et une influence boisée minimale, voire imperceptible. Le vin est axé sur la fraîcheur et la droiture, mais avec quand même une matière consistante. Comme quoi épuré ne rime pas nécessairement avec dilué. Ce vin est offert à 17.75$ à la SAQ et peut facilement être acheté à 10% de rabais. Donc, 16$ pour un Chardonnay vif et frais qui va à l'essentiel tout en offrant une bonne dose de raffinement. Je pense qu'il n'y a aujourd'hui que le Chili qui puisse offrir un Chardonnay de ce profil et de cette qualité à un tel prix.

jeudi 19 septembre 2013

SAUVIGNON BLANC, 20 BARRELS, 2012, CASABLANCA, VINA CONO SUR



Cono Sur est une filiale indépendante de Concha y Toro et un des meilleurs et plus versatiles producteurs de vins blancs au Chili. La gamme 20 Barrels représente l'énoncé qualitatif à prix abordable de ce producteur, un peu l'équivalent de la gamme Terrunyo pour la maison-mère. Ce qu'il y a de particulièrement intéressant avec ce vin, c'est qu'il est issu du vignoble le plus maritime du Chili. Bien que l'appellation soit Casablanca, on parle ici d'un Casablanca bien différent au niveau climatique. Le vignoble El Centinela, d'où est issu ce vin, est situé à l'extrême ouest de l'appellation, au-delà de la cordillère côtière, à seulement 2 km de l'océan Pacifique. Il est donc directement exposé aux vents et à la fraîcheur de l'océan. En ce sens, ce vignoble se compare plus à certains vignobles (Casa Marin, Malvilla) de la région de San Antonio, située juste un peu plus au sud et elle aussi directement exposée à la mer. Selon le producteur, ce vignoble est de loin le plus frais de l'appellation Casablanca. Cela se reflète dans le titre alcoolique modéré (12.5%) du vin.

La robe est de teinte jaune pâle aux reflets verdâtres. Au nez l'expression est modérée et on retrouve des arômes de lime, de fruits de la passion, de zeste de pamplemousse et de bord de ruisseau, complétés par juste une légère pointe de végétal pyrazinique. En bouche, le vin est surprenant de souplesse avec une matière riche et concentrée d'où émane un caractère fruité intense dominé par des notes acidulées d'agrumes et de fruits de la passion. Le milieu de bouche confirme le haut niveau de concentration du vin, la tendresse de l'acidité et le bon volume. Ces éléments donnent au vin une bonne présence, mais lui permettent aussi d'être facile à boire et de couler sans effort. La finale résume bien l'ensemble, avec un sursaut d'intensité et une très bonne longueur.

Ce vin m'a agréablement surpris, non pas par sa qualité, mais par son profil. Mes lectures préalables à propos du vignoble très frais me faisaient anticiper un vin à l'acidité tranchante et à l'aspect végétal bien présent. Finalement, c'est tout le contraire qui fut livré par cette bouteille. La clé de l'énigme semble être la nature du millésime 2012. Cette année ayant été plus chaude que la normale dans cette région du Chili. Cela s'est transposé d'une certaine façon dans le profil du vin. Ceci dit, ce vin n'a rien à voir avec un Sauvignon de la chaude vallée centrale. On peut reconnaître la nature fraîche du terroir dans le vin, les 12.5% d'alcool en témoignent, mais modulée par une année plus chaude. Au final ça donne un vin de profil plus modéré qui devrait avoir plus de chance de plaire à ceux qui n'aiment pas l'acidité mordante et le caractère végétal appuyé qu'on peut retrouver dans les vins de ce cépage issus de climats vraiment frais, d'années fraîches. Il est aussi à noter que le niveau de concentration et la longueur en bouche de ce nectar le placent clairement dans une catégorie supérieure. En ce sens, son prix de 24.20$ est pleinement justifié. Le vin n'est pas une aubaine fantastique comme c'est le cas de certains SB chiliens de prix plus abordables (Vina Leyda Garuma Vineyard, Casas del Bosque Reserva), mais c'est une façon somme toute peu coûteuse de goûter un des meilleurs vins chiliens de ce cépage sur un millésime charmeur.


lundi 2 septembre 2013

SYRAH, RESRERVA, LIMITED EDITION, 2003, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ



J'ai ouvert ce vin hier et j'ai écrit ce commentaire de dégustation sans me souvenir que j'avais déjà commenté celui-ci il y a trois ans et demi ici.

La robe est de teinte grenat encore assez soutenue. Le nez est simplement magnifique, un pur ravissement avec sa gamme d'arômes finement évolués difficiles à décrire. Il y a encore tout le fruit voulu, accompagné par un beau caractère épicé, mais ces arômes affinés par le temps ont maintenant peu à voir avec ce qu'ils étaient en jeunesse. Le genre de nez sublime qui à lui seul explique tout l'intérêt qu'il y à garder du vin. La bouche est toute aussi impressionnante. Le vin présente un aspect fondu ou chaque élément s'intègre très bien à l'ensemble. La matière est encore généreuse et intense, mais l'équilibre global est tel que le vin coule sans effort de manière caressante. Le caractère évolué perçu au nez se répercute fidèlement au niveau du profil gustatif pour produire une sensation de raffinement très agréable. La finale est à la hauteur de ce qui la précède et conclue en beauté, toujours avec cette impression de classe qui émane, confirmée par une longueur de haut niveau qui ne laisse aucun doute sur le fort niveau qualitatif de ce vin.

D'habitude quand je goûte de nouveau un vin que j'avais déjà commenté sur ce blogue, je me contente d'ajouter un commentaire à la suite de mon texte initial. Dans ce cas-ci, le vin m'a tellement impressionné que j'ai eu envie de créer une nouvelle rubrique à son sujet, surtout que le millésime 2010 de celui-ci est actuellement offert à la SAQ. Mes bouteilles ouvertes en janvier 2010 et janvier 2011 étaient excellentes, mais celle-ci m'est apparue encore meilleure. J'avais vraiment l'impression de déguster un grand vin dans une période particulièrement favorable de son évolution. Un vin métamorphosé par le temps, mais qui est encore bien loin du déclin. D'ailleurs, je tiens à mettre en garde ceux qui seraient tentés d'acheter du 2010 en se basant sur mon commentaire enthousiaste à propos de ce 2003. Pour obtenir le vin dont je parle aujourd'hui il faut avoir la patience de le mettre en cave pendant de nombreuses années. Ce 2003 était tout autre lorsque je l'ai bu peu après l'achat. C'était une pure bombe de fruit marquée par le bois en mode primaire et très intense. Encore une fois, rien à voir avec ce qu'il donne maintenant. Je refais donc jouer mon disque usé. Achetez de bons chiliens de type Reserva ou Gran Reserva (15$ à 30$ la bouteille) et mettez-les en cave pour au moins 5 ans, mais idéalement pour 10 ou 15 ans. Vous découvrirez ainsi un monde insoupçonnable lorsqu'on se fie seulement aux profils de jeunesse de ces vins. Un autre aspect très attrayant de ce type de vins chiliens est la stabilité de leurs prix. Le 2010 est actuellement offert à un dollar moins cher la bouteille que le prix que j'avais payé pour ce 2003 il y a environ sept ans. Finalement, cette Syrah de climat relativement chaud, confirme la versatilité de ce cépage au Chili. Il peut donner des résultats de très haute qualité sous une variété de climats.



dimanche 1 septembre 2013

L'effet Veblen peut-il agir au dépanneur?

On a beaucoup parlé dernièrement de Julia Wines et de sa volonté de vendre en dépanneur du vin à 70$ la bouteille, avant taxes. L'équivalent donc d'une bouteille vendue plus de 80$ à la SAQ. Le petit monde virtuel du vin québécois est en émoi. Comment peut-on oser une telle chose? C'est une hérésie! Bien entendu personne n'a goûté le vin en question, alors on s'émeut sur les apparences. J'ai même lu un intervenant sur un forum, opposant de longue date de la dégustation à l'aveugle, qui projetait de servir ce vin à l'aveugle dès qu'il le pourrait pour éclaircir la question!!! Mais pourquoi donc l'initiative de Julia Wines suscite-t-elle tant de réactions? Les succursales de la SAQ comptent bon nombre de vins chers qui ne valent pas leur prix et personne ne s'en offusque vraiment. Il y a plein d'amateurs qui en toute connaissance de cause achètent des vins qu'ils savent vendus trop chers et il ne s'en émeuvent pas. Ils ont leurs raisons et c'est très bien ainsi. Alors pourquoi l'initiative de Julia Wines fait-elle tant réagir? Le vin est un produit de luxe, et en ce domaine, pour beaucoup de consommateurs, le prix payé contribue à la perception de qualité et de plaisir. Bien sûr, si le vin à 70$ de Julia Wines est totalement abominable, il n'aura pas d'étiquette prestigieuse pour lui donner des excuses. Mais si le vin est vraiment de qualité, il ne sera pas pire à ce prix que bien d'autres bouteilles. La question est de savoir si l'effet Veblen est assez puissant pour palier le grand manque de prestige de la marque et le lieu où il sera vendu?

Au-delà de peu de prestige associé à l'importateur, j'ai lu aussi que ce vin ne pourrait pas être de qualité car il devait être importé en vrac et embouteillé au Québec. Cela à mon avis n'est pas une excuse valable pour discréditer ce vin à l'avance. Il est possible d'importer du vin en vrac de très bonne qualité. Bien sûr, il y a vrac et vrac. J'ai souvenir d'un vin de la maison vénitienne Masi appelé Corbec. Ce vin était produit en Argentine à partir de Corvina et de Malbec, d'où son nom. Une fois élaboré, le vin était transporté en vrac en Italie pour être embouteillé aux installations de Masi. Le vin était ensuite exporté à travers le monde en bouteille, et c'était un vin de très belle qualité vendu une trentaine de dollars. Bordeaux a longtemps exporté ses grands vins en Angletterre en barils, où ils étaient ensuite embouteillés par l'importateur. Tout ça pour dire que si Julia Wines ne sont pas des arnaqueurs, ils peuvent très bien offrir un vin de haute qualité en dépanneur. Cela ne voudra toutefois pas dire que le vin vaudra le prix demandé d'un strict point de vue objectif. Mais à étiquette découverte, il y a peu de vins de ce prix qui sont bus de manière objective. J'oubliais, bien sûr, il y a la dégustation à l'aveugle pour régler la question!

En fait, il y a tellement de producteurs qui utilisent l'effet Veblen pour se donner de la crédibilité que l'importateur québécois ne fait qu'appliquer une recette éprouvée. Chemin faisant, beaucoup de gens en parlent, alors que très peu d'entre eux achèteront la dite bouteille. Une chose est sûre, je serai de ceux qui s'abstiendront, non pas parce que je préjuge de la qualité du vin, même si moi aussi j'ai des doutes, mais parce que je n'achète pas de vins de ce prix, peu importe d'où il proviennent et comment ils atterrissent sur les tablettes québécoises, que ce soit celles de notre monopole, ou bien celles du bon vieux dépanneur. Julia Wines fait le pari qu'il y aura des clients, qui lorsque pris de court, seront prêts à payer cinq fois le prix normal d'un vin de dépanneur pour espérer avoir un vin de qualité clairement supérieure ou pour s'en donner l'illusion.

SAUVIGNON GRIS, ISIDORA, 2012, MAIPO, COUSINO MACUL



Cousino Macul est bien connu au Québec pour son Cabernet Sauvignon, « Antiguas Reservas » qui est un produit régulier à la SAQ depuis quelques décennies. Il y a maintenant quinze ans, Cousino Macul a déménagé à l'intérieur de la vallée de Maipo, passant de la banlieue est de Santiago à la région de Buin un village situé 35 km au sud de la capitale. Si Cousino Macul a déménagé à l'intérieur de sa zone d'origine, c'est un des rares producteurs traditionnels chiliens qui a refusé de s'étendre vers les nouvelles régions plus fraîche du pays. Tous ses vins, rouges comme blancs, sont donc d'appellation Maipo. Je ne suis habituellement pas très attiré par les blancs de la vallée de Maipo, car en général c'est une région trop chaude pour la plupart des cépages blancs, mais ce vin de Sauvignon Gris a piqué ma curiosité à cause de son cépage non usuel. J'ai goûté ce vin lors de la dégustation 2012 de « Vins du Chili », peut-être s'agissait-il du millésime 2011, mais j'avais bien aimé. J'ai donc décidé d'essayer ce vin qui vient d'arriver à la SAQ. Le Sauvignon Gris est un cépage qui se développe tranquillement au Chili, ou des producteurs de qualité élaborent des vins à partir de ce cépage, que ce soit dans la chaude vallée centrale (Casa Silva) ou sur la fraîche côte pacifique (cuvée Estero de Casa Marin et Kadun de Vina Leyda). Il est intéressant de noter que la vendange des raisins pour ce vin est manuelle et a lieu de nuit. Le vin est aussi élaboré à partir des grappes entières. Il titre à 13.5% d'alcool.

La robe est de teinte vert pâle. Au nez, il est clair que le Sauvignon dont il est question ici n'est pas blanc. La palette aromatique est subtile est complexe, si je voulais être à la mode je pourrais dire que ce bouquet exhibe de nombreuses nuances de gris... Un nez séducteur donc, où l'on retrouve un fruité mêlant le melon, la pêche et l'ananas à de fines notes miellées et florales. Le tout est relevé par une légère touche épicée évoquant l'anis étoilée. Nez très agréable. En bouche on retrouve un vin bien structuré où l'acidité est en équilibre avec l'aspect onctueux de la matière. Le vin montre ainsi une belle droiture, mais aussi quelques courbes séduisantes. Cela se révèle avec encore plus d'acuité dans un milieu de bouche bien concentré avec des saveurs intenses qui donnent un vin avec une belle présence. Cela se transpose logiquement en finale, avec un sursaut dans l'intensité des saveurs et longueur appréciable.

J'ai été très favorablement impressionné par ce vin, tellement que si j'étais un producteur chilien le Sauvignon Gris serait en premier sur ma liste de cépages blanc à planter. Cette cuvée Isidora de Cousino Macul est une très belle réussite. On a affaire à un un vin blanc de très bon calibre qui dépasse de loin en qualité le prix pour lequel il est vendu (18.30$). Ce qui ajoute pour moi à la valeur de ce vin, au-delà de son RQP très avantageux, c'est l'originalité de son profil d'ensemble. Il possède l'acidité de Sauvignon Blanc, sans son caractère végétal, et au niveau de fruit on se rapproche un peu du Viognier, mais sans le côté muscaté. Le profil ne correspond donc à rien d'autre dans l'offre chilienne en blanc, et en plus le cépage semble avoir la versatilité nécessaire pour s'adapter à différents types de climats. En ce sens il pourrait devenir en blanc, ce que la Syrah est déjà en rouge. L'offre de la SAQ en ce qui concerne les blancs chiliens est hautement perfectible (à quand un Riesling chilien?). Ceci dit, elle est tout de même en progression et cette cuvée Isidora est un très bel ajout qui allie RQP imbattable et originalité. Un incontournable pour quiconque est le moindrement intéressé par les vins de ce longiligne pays.