jeudi 29 août 2013

Cuivre oxydé et molécules soufrées dans le vin

Après la lecture des forums de vins québécois aujourd'hui, j'ai vu qu'on s'interrogeait sur l'efficacité des sous noirs pour éliminer des arômes dits de réduction dans certains vins. D'abord il faut des sous noirs un peu rouillés, car c'est le cuivre sous une de ses formes oxydées qui peut agir. Selon mon expérience, ça fonctionne. Il y a un problème toutefois, si le vin traité contient des molécules aromatiques qui peuvent être désactivées par l'oxydation, la cure pour le défaut peut tuer le reste du vin. Selon mon expérience, c'est le cas des vins de Sauvignon Blanc qui expriment des arômes modulés par des molécules thiolées (soufrées). Deux ou trois sous noirs rouillés et désinfectés au préalable à l'alcool à fricton (isopropanol), placés dans un verre de SB pendant 15 à 30 minutes, et un verre sans sous noirs et on peut facilement noter la différence. Le SB très expressif le sera beaucoup moins au niveau des arômes comme le pamplemousse, le buis, les fruits de la passion, le cassis et le bourgeon de cassis. Ça marche aussi pour des rouges comme les jeunes Cabs chiliens très portés sur le cassis, voire pour certains le plant de tomate.

Donc, la cure pour vins dits réduits peut parfois tuer le patient. À noter que le cuivre oxydé ne peut rien contre les disulfures. Finalement, il faut que le problème perçu soit vraiment dû à des sulfures ou des thiols. Si le problème vient de déviations bactériologiques et levuriennes comme les Brettanomyces, le cuivre oxydé n'aura pas d'effet sur ces arômes souvent confondus avec ce qu'on appelle de la réduction, mais qui pour moi est plutôt de la sous-oxydation.


lundi 19 août 2013

CARMENÈRE, GRAN RESERVA, 2008, LOS LINGUES, COLCHAGUA, VINA CASA SILVA



Quoi de mieux qu'une rare journée de congé et une bouteille de bon vin pour redonner un peu de vie à ce blogue qui arborait de plus en plus des airs de moribond. Casa Silva est un cas exemplaire pour illustrer le virage terroir pris non seulement par de nouveaux producteurs, mais aussi par des producteurs traditionnels qui étaient il n'y a pas si longtemps encarcanés dans de vieilles et faciles façons de faire. Avant, chez Casa Silva, tous les cépages étaient plantés dans la vallée Colchagua. Depuis ils ont développé le premier vignoble dans la partie côtière de Colchagua, d'où ils produisent des vins de Sauvignon Blanc et de Pinot Noir sous le nom de "Cool Coast". Ils ont aussi un vignoble expérimental dans un micro-climat près des rives du Lac Ranco dans la Patagonie chilienne. Des mousseux pourraient être produits à partir des raisins produits dans cette zone extrême. Le virage terroir chez Casa Silva ne s'est pas traduit seulement par une diversification territoriale. On a aussi entrepris de comprendre le lien entre les cépages et les différents terroirs qui existent dans la vallée de Colchagua. À ce titre, le Carmenère est le cépage sur lequel le plus de travail a été fait. On a d'abord étudié les vignobles existants pour déceler les parcelles les plus qualitatives et comprendre pourquoi elles le sont. Cela a mené à la notion de micro-terroir qui a donné son nom au vin haut de gamme de la maison issu de ce cépage. La meilleure compréhension du terroir idéal pour le Carmenère a guidé le choix de sites pour de nouvelles plantations, et maintenant on s'attarde à l'étude des différents clones du cépage pour encore affiner le mariage entre le Carmenère et les terroirs où on le plante. Ce vin provient de la sous-région de Los Lingues, située à l'extrémité est de la vallée de Colchagua, au pied des Andes.

La robe est sombre et opaque. Le nez est très beau et typique des bons vins de ce cépage déployant un heureux mélange d'arômes fruités, épicés et végétaux, incluant la cerise, la mûre, les poivrons rouges et verts, le menthol, la terre noire, le café, le chocolat noir et la vanille. Ce nez est très complexe et varié en terme de types d'arômes. Il est difficile à décrire pleinement, mais l'impression générale en est une de fraîcheur et de plaisir. Ce plaisir se transmet en bouche où le vin apparaît sous un jour charmeur, alliant intensité des saveurs et une certaine impression de légèreté, aidé en cela par l'imparable fraîcheur aromatique de l'ensemble. La complexité aromatique perçue au nez se reflète bien en bouche et le mariage de ces différentes saveurs est très réussi. Le fruit côtoie la fraîcheur mentholée, le végé pyrazinique contrôlé, le vanillé doucement épicé et le choco/moka finement torréfié. Le milieu de bouche permet de jauger un niveau élevé de concentration sur un volume contenu et une trame tannique veloutée. La finale condense l'essence du vin et montre une très longue persistance aromatique.

Avec la cuvée "Single Vineyard" de Errazuriz, ce Gran Reserva de Casa Silva est probablement le meilleur vin de Carmenère de prix abordable (19$) qu'il m'ait donné de déguster. Je dirais même qu'en terme de concentration et de longueur en bouche il n'est pas loin derrière les cuvées de luxe que j'ai déjà pu goûter (Purple Angel, Kai, Puhen, Casa Silva Micro-terroir). C'est donc un vin qui offre une belle matière généreuse, ainsi que de très belles qualités aromatiques. C'est aussi un vin qui goûte le Carmenère, avec un côté végétal bien maîtrisé et un caractère épicé très attrayant. La SAQ offre le Carmenère, Reserva, 2010, de Casa Silva. J'ai ouvert une bouteille de la version 2008 de ce vin le printemps dernier et j'avais beaucoup aimé. C'est un vin qui ressemble au Gran Reserva au niveau aromatique, mais en version moins concentrée, ce que je préfère parfois car c'est plus facile à boire. Casa Silva est donc un producteur de choix pour profiter du Carmenère sous son meilleur jour.