mardi 17 décembre 2013

SAUVIGNON BLANC, COOL COAST, 2012, PAREDONES, COLCHAGUA, VINA CASA SILVA



Désolé pour le peu d'activité sur ce blogue au cours du dernier mois. Voici un vin que j'ai eu le plaisir de découvrir un peu plus tôt cet automne.

Lors des trois dernières dégustations annuelles de "Vins du Chili", cette cuvée m'avait impressionné, et je regrettais qu'elle ne soit pas disponible à la SAQ. Cette année il n'y a pas eu de dégustation de "Vins du Chili", mais voilà que ce vin fait son apparition sur les tablettes de la SAQ. Il est issu d'un des nouveaux projets les plus intéressants du Chili au cours des dernières années. Il s'agit, à ma connaissance, du vignoble côtier le plus méridional du pays, donc potentiellement le plus frais. Toutefois, la distance avec la côte est un autre facteur influençant le niveau de fraîcheur, dans ce cas-ci, le vignoble est situé à 7 km de la côte du Pacifique. Plus au nord, dans San Antonio, on s'approche jusqu'à 4 km de l'océan. Toujours est-il que ce projet pionnier de Casa Silva change radicalement la définition de l'appellation Colchagua. La température au vignoble de Paredones n'excède pas 26°C les jours les plus chauds de l'été. Les vignes de sept ans d'âge ont été vendangées manuellement, cinq semaines après les vieilles vignes de Sauvignon Blanc de Casa Silva situées dans la partie intérieure de Colchagua. En fait, ce Sauvignon Blanc côtier est vendangé après le Cabernet Sauvignon de la partie intérieure de la vallée. Les raisins ont donc le temps de mûrir très lentement. Les vignes sont irriguées à partir des eaux de pluie captées dans des réservoirs pendant l'hiver. Le vin est élaboré en inox à partir des grappes entières et subit une longue fermentation alcoolique à basse température. Il titre à seulement 13% d'alcool, ce qui est très rare au Chili, même si depuis quelques millésimes les titres alcooliques sont généralement à la baisse.

La robe est de teinte jaune pâle avec des reflets verdâtres. Le nez est délicat et déploie un beau mélange aromatique basé sur les agrumes (citron, lime, pamplemousse, orange) et complété par un peu de fruit de la passion, de cassis, ainsi que par un aspect évoquant le bord de ruisseau et de subtiles notes florales. Il y a aussi une très légère touche de verdeur pour compléter le tableau. Superbe nez montrant le meilleur du cépage avec retenue et raffinement. La bouche est un fidèle reflet du nez, on y retrouve un vin jouant la carte de la délicatesse et de la subtilité. L'acidité est fine et les saveurs sont intenses et de superbe qualité, mais on ne tombe pas dans la surenchère. Même chose au niveau de la matière, le vin montre une bonne concentration et tout ce qu'il faut de présence, mais tout en préservant une certaine impression de légèreté. Un vin sans excès et sans lourdeur donc, et qui du coup est facile à boire. Chaque gorgée en appelle une autre tellement ça coule sans effort. La finale se veut le révélateur ultime confirmant l'équilibre irréprochable de ce délicat nectar à la très bonne persistance.

Que dire de ce vin, sinon qu'il arrive à faire rimer une version de climat frais et non boisée du cépage avec élégance et complexité. Il n'y a pas d'artifices ni d'excès dans ce vin, juste une expression subtile et bien équilibrée des caractéristiques variétales. Une pure expression du Sauvignon Blanc de climat frais qui sait éviter l'écueil de l'excès de verdeur. Casa Silva a réussi le tour de force d'obtenir des fruits bien mûrs au point de vue aromatique, mais qui avaient réussi à conserver un bon niveau d'acidité, et par conséquent un titre alcoolique modéré. Tous les éléments sont dans des proportions idéales pour donner un vin raffiné, modéré et très agréable à boire. Ce vin est selon moi un incontournable pour quiconque veut se faire une idée du potentiel du Sauvignon Blanc au Chili. À 20$, peu de vins blancs montrent autant d'élégance. Pour moi, ce vin est une aubaine incroyable, mais surtout, un superbe vin. Si vous essayez ce vin, tentez d'oublier les préjugés que vous pourriez avoir sur son origine et laissez lui une véritable chance. Parfois on reproche aux vins du Nouveau-Monde d'être trop démonstratifs, mais quand ils se risquent à jouer la carte de la retenue, ils ne sont pas toujours jugés sur la même base que les vins des grandes régions historiques. Il existe plusieurs très bons vins de SB au Chili, et il est clair pour moi que celui-ci compte parmi les meilleurs que j'ai pu goûter. Il en existe des plus concentrés, des plus démonstratifs, mais en terme d'équilibre global et de profil rassembleur, cette fraîche cuvée côtière est difficile à battre.



lundi 4 novembre 2013

Un monde de substitution...

Dans mon article précédant, j'appelais à porter un regard neuf sur les vins du Nouveau-Monde. Voilà que ce matin je tombe sur un texte du vétéran chroniqueur vin Jacques Benoît du journal La Presse qui montre bien tout le chemin qu'il reste à parcourir au Québec, du moins chez une certaine classe d'amateurs qui se veulent sérieux, pour que les vins du Nouveau-Monde soient considérés comme des vins légitimes, et non pas des ersatz de vins européens. Qu'un texte comme celui de M. Benoît puisse être publié dans un grand journal résume la situation des producteurs du Nouveau-Monde quand il est question pour eux d'aborder le marché québécois. La vision de M. Benoît est peut-être un cas extrême, mais elle reflète bien une mentalité qui demeure dominante, mais si c'est normalement formulé de façon plus nuancée. Ceci dit et de façon un peu ironique, par son texte, M. Benoît confirme que si on veut des vins offrant un meilleur RQP, le choix du Nouveau-Monde s'impose. Là où il est difficile à suivre toutefois, c'est avec ses suggestions de vins californiens. Les vins de cet état américain sont ceux qui hors de l'Europe jouent le plus la carte du prestige pour gonfler les prix. La Nouvelle-Zélande n'est pas non plus la destination du Nouveau-Monde qui en offre le plus pour le prix. À preuve, parmi les choix de vins de M. Benoît, celui qui offre le meilleur rapport note/prix, donc qualité prix selon son jugement, c'est le Chardonnay argentin de Catena. Dommage que M. Benoît soit allergique aux vins chiliens... Avec une excellente connaissance des vins de ce pays, je me suis monté une cave de substitution... à une fraction du prix, bien sûr.

Finalement, je sais que c'est la mode actuellement de s'attaquer à la SAQ, mais l'histoire des promos supposément truquées me laisse songeur. Par exemple, pour parler d'un vin que je connais bien, soit le Cabernet Sauvignon, Max Reserva, de Errazuriz, un vin qui est vendu pour à peu près le même prix depuis plus de 15 ans à la SAQ, soit dans l'intervalle 17-19$, et ce avec une qualité constante depuis tout ce temps. Qu'il soit aujourd'hui à 18.95$ me semble un prix juste dans le contexte général de notre monopole. Il n'y a pas eu de hausse artificielle sur ce vin. Il est offert au même prix en Ontario, réputée pour battre le Québec au niveau des prix pour les vins de moins de 20$. Alors quand ce vin est offert à 2$ de rabais dans une circulaire, ça me semble un vrai rabais et le consommateur averti devrait toujours l'acheter dans ces occasions. Même chose en Ontario où l'on offre parfois ce vin à 2$ de rabais. Dans les deux cas le vin est au répertoire régulier, les volumes doivent donc être importants, ce qui doit faciliter l'offre périodique de rabais. Selon moi c'est une façon pour le producteur de s'assurer que les consommateurs connaissent ce vin et l'achètent, histoire de le maintenir inscrit au répertoire général. De toute façon, à la SAQ il faut acheter lors des promos moins 10%. En ce sens, en l'absence de promo, le prix de tous les vins est gonflé. Si on achète hors de ces promotions, on accepte de payer plus et il faut assumer ce choix.


lundi 28 octobre 2013

Aborder les vins du Nouveau-Monde avec un regard neuf

J'ai quelques fois dénoncé le francocentrisme québécois en matière de vin sur ce blogue. Je suis tombé aujourd'hui sur un article de Marc-André Gagnon du site Vin Québec qui en est un bon exemple. J'aime bien le site Vin Québec, mais cette fois l'article de M. Gagnon me semble un peu particulier. Il part des résultats d'un concours, incluant un nombre limité de vins à moins de 50$, pour tirer des conclusions sur un supposé goût canadien par rapport à un goût québécois qui serait distinct. M. Gagnon s'insurge contre le peu de vins "gagnants" étant originaires de la France et de l'Europe face au grand nombre de "lauréats" issus du Nouveau-Monde. Scandale!

D'abord il y avait au moins trois juges québécois sur le panel, Bill Zacharkiw, Marc Chapleau et Rémy Charest. Pour les avoir souvent lus, je pense qu'ils sont tous trois europhiles, voire francophiles. Il y a aussi des juges du Canada anglais dont j'ai toujours apprécié les écrits (John Szabo, David Lawrason et Anthony Gismondi). Et au-delà de tout, ces dégustations avaient lieu à l'aveugle. Ce type de dégustation donne toujours des surprises car il n'y a pas d'étiquette pour orienter le jugement. Aussi, on ignore le pourcentage de vins inscrits pour chaque pays. Personnellement, j'ai aimé voir que pour trois des quatre cépages noirs français les plus réputés (Cabernet Sauvignon, Merlot, Syrah et Pinot Noir), trois vins chiliens qui l'ont emporté, et de très bons vins de prix très abordables. La Syrah, Reserva, de Falernia dont j'ai souvent vanté les mérites sur ce blogue. Un autre vin que j'ai déjà encensé dans un millésime précédant, le Cabernet Sauvignon, Etiqueta Negra, de Tarapaca, et le Merlot, Marques de Casa Concha, de Concha y Toro, issu d'une gamme au RQP exceptionnel. Pour ce qui est du Pinot Noir, ça demeure un "work in progress" au Chili.

Ceci dit, il ne faut pas partir en peur avec les résultats de ce type de concours. Le concours ne prétend pas qu'il s'agisse des meilleurs vins au monde issus de ces cépages, mais bien des meilleurs parmi les inscrits. Personnellement, j'ajouterais les meilleurs parmi les inscrits au moment de la dégustation. Il faut donc mettre les choses en perspective. Toutefois, ça montre peut-être qu'en l'absence d'étiquettes, les vins du Nouveau-Monde, surtout ceux en bas de 50$, ne sont pas si mauvais que certains le croient par rapport aux vins de la vieille Europe. Au fond, ces résultats ne sont peut-être qu'une incitation à regarder les vins du Nouveau-Monde avec un regard, justement, plus neuf...

samedi 26 octobre 2013

SANCERRE, 2009, GÉRARD BOULAY




Surprise, surprise! Vous avez bien vu, un vin français sur ce blogue. Une fois n'est pas coutume. En fait, ce vin est un cadeau d'un ami que je soupçonne de vouloir me convaincre qu'il existe de bons vins hors de Chili! Je blague, bien sûr, car il sait que je le sais déjà. Ceci dit, j'aime bien sortir de mes habitudes et confronter mes préjugés, mais si je parle de ce vin ici, c'est parce qu'il est de belle qualité. Je n'ai pas de détails sur son élaboration. Le vin titre à 13.5% d'alcool et la bouteille était une demie (375 ml).

La robe est de teinte dorée assez intense. Le nez est discret et exhale des arômes de citron, de noix et de bord de ruisseau, amalgamés à de légères notes florale et un faible trait végétal évoquant le poivron vert. En bouche, le vin se rattrape avec une expression beaucoup plus intéressante. Les saveurs reflètent bien ce qui était perçu au nez, mais elles sont beaucoup plus intenses et bien soutenues par une belle acidité. Le milieu de bouche confirme la droiture et la bonne présence du vin qui ne manque pas de concentration. Une touche d'amertume évoquant la peau blanche de pamplemousse ajoute un brin d'austérité à l'ensemble. Il y a aussi toujours cette légère touche d'oxydation, mais à ce stade ce n'est pas un problème. La finale est harmonieuse, avec toujours les saveurs citronnées qui dominent sur une persistance de bon calibre.

Beau vin de profil sérieux et légèrement évolué. Par certains aspects, dont une légère pointe d'oxydation et le type d'acidité, il m'a fait pensé au Chardonnay, 2010, Clos des Fous dont j'ai parlé récemment. Je n'y ai détecté aucun arômes thiolés typiques du Sauvignon Blanc élaboré à l'abri de l'oxygène. En ce sens, il se démarque clairement du style plus charmeur auquel je suis habitué avec des vins de ce cépage. J'avais d'ailleurs une bouteille de SB, Garuma Vineyard, 2011, Vina Leyda d'ouverte en parallèle et il y avait un clair contraste stylistique entre les deux vins. Ceci n'est pas dit négativement, c'est une simple constatation. Il est clair pour moi que ce sont des choix humains qui distinguent ces deux styles, plus que la spécificité du terroir. J'ai déjà goûté des Sancerres qui sentaient et goûtaient le pamplemousse et le fruit de la passion, mais ces vins étaient sûrement élaborés en inox, sous gaz inerte, à l'abri de l'oxygène, ce qui ne semble pas être le cas pour ce vin de Boulay. C'est un style que j'apprécie toutefois, pour moi ça fait partie de la potentialité de styles qu'offre le Sauvignon Blanc. En conclusion, j'ai bien apprécié ce vin, mais la pointe d'oxydation que j'y ai perçue ne me le ferait pas garder plus qu'une année ou deux encore. Finalement, il y a le fameux facteur RQP qui pour moi est primordial. J'ignore le prix de ce vin, mais sous les 20$ pour une bouteille de 750 ml, ce serait pour moi un bon achat. Toutefois, comme je l'ai dit au début, dans ce cas-ci la vin m'a été donné gracieusement par un ami passionné, alors ça bat le meilleur RQP qu'on puisse imaginer! Merci!



vendredi 25 octobre 2013

L'effet Veblen peut-il agir au dépanneur? (suite)

Petite suite à un article précédant sur l'initiative de Julia Wines de vendre un vin à 70$ en dépanneur. Je disais dans ce texte qu'il était possible pour un négociant sérieux d'importer en vrac du vin de haute qualité. Voici une entrevue de David Santerre avec le sommelier Patrick Saint-Vincent à ce sujet. Il faut rappeler que l'intégrité de M. Saint-Vincent avait été remise en cause par plusieurs lorsqu'il s'était associé à la promotion de ces vins. Serait-ce là un visage du snobisme dont je traitais dans mon texte précédant? Je ne sais pas, mais toujours est-il que M. Saint-Vincent donne des détails sur cette opération qui devraient faire ravaler quelques railleries. Qu'on me comprenne bien. Je ne suis pas en train de dire que les vins de Julia Wines méritent d'être achetés par un amateur sérieux. Je dis juste que si c'est l'opération est bien menée, ça peut combler un besoin, soit la possibilité d'acheter un vin potable à la dernière minute dans un dépanneur. Je doute que ces vins offrent un vrai bon RQP, mais comme produit de niche dans un système monopolistique, encore une fois, si c'est bien mené, ce n'est pas une initiative ridicule.

mercredi 23 octobre 2013

Vin : Le snobisme est-il vraiment mort?

Je suis tombé récemment sur ce texte de Matt Kramer du Wine Spectator qui répond par l'affirmative à la question posée dans mon titre. Selon lui le snobisme voulant que seulement certaines régions traditionnelles puissent produire des vins authentiques et de qualité n'existe plus. Je le cite en traduction libre :

"Tout le monde sait maintenant que toutes sortes de lieux autour du monde peuvent produire et produisent des vins remarquables"

Il poursuit son argumentation en s'attaquant au mythe de la Bourgogne en disant qu'il n'y a plus personne qui peut maintenant prétendre que seule cette région peut produire d'authentiques vins de Pinot Noir. Il cite en exemple la Californie, l'Orégon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Ontario pour étayer sa thèse. Avec un peu plus d'ouverture d'esprit il aurait pu ajouter l'Afrique du Sud, le Chili et la Patagonie argentine à sa liste d'exemples. Personnellement, je suis d'accord avec l'essence de son propos, mais pas avec sa conclusion. Le snobisme régional tel qu'il le décrit existe peut-être moins aux États-Unis car ce pays a une production nationale de qualité au style distinct, et un pays avec une telle influence aide à légitimer cette distinction stylistique. Autrement dit, on ne renie pas les classiques européens, mais on a la confiance nécessaire pour affirmer que l'on peut faire aussi bien de manière différente. Cependant, dans une province comme le Québec, il n'y a pas ce facteur pour forcer une mise en perspective des choses et le vieux snobisme tel que décrit par Matt Kramer est encore bien vivant.

Au surplus, ici au Québec, nous avons droit au nouveau snobisme, dont parle aussi M. Kramer, où l'on privilégie certains vins sur une base idéologique. Ce nouveau snobisme privilégie les vins de petits producteurs, préférablement biologiques, non interventionnistes, ou ceux du mouvement dit "naturel". Dans ce courant, les vins non boisés et issus de cépages inusités sont aussi privilégiés. Il est d'ailleurs amusant de voir qu'une lectrice montréalaise a écrit dans la section "Member Comments" pour confirmer cet état de fait. Donc, les différentes sortes de snobisme en matière de vin sont peut-être en régression, mais de déclarer leur mort me semble être un peu prématuré, surtout ici au Québec. Nous avons encore un bon nombre de buveurs d'idées et d'étiquettes et les stéréotypes à l'encontre des vins du Nouveau-Monde ont la vie très dure.



samedi 19 octobre 2013

MALBEC, TRIBUTO, 2011, COLCHAGUA, VINA CALITERRA




Vina Caliterra appartient au groupe Chadwick qui est aussi derrière Errazuriz, Arboleda, Sena et Vinedo Chadwick. Les autres projets sont situés dans Aconcagua et Maipo. Dans le cas de Caliterra on est plus au sud, dans la vallée de Colchagua. Ce Malbec est issu de vignes de 15 ans d'âge d'une parcelle unique appelée Quillay Espino. Le vin contient 5% de Syrah et a été élevé un an en barriques de chêne français dont 10% étaient neuves. Il titre à 14% d'alcool et le producteur évoque un potentiel de de garde allant jusqu'à la fin de 2020.

La robe est opaque et foncée, avec de légers reflets violacés. Le nez exhale de doux et intenses arômes de cerise, de mûre et d'épices évoquant par certains aspects la muscade et l'anis étoilée. En mode plus mineur à ce stade précoce on peut aussi percevoir des notes de violette, de bois de cèdre et de viande crue. Cet arôme est typique pour moi dans les très jeunes vins de Malbec sud-américains. Somme toute un nez expressif et très séducteur qui a l'éclat de la jeunesse. Ce caractère démonstratif se répercute en bouche où l'attaque est souple et ample et les saveurs enveloppantes et très intenses. Le fruité est doux, mais bien équilibré par une bonne dose d'amertume. Ce fruit se mêle ainsi à un joyeux caractère épicé et chocolaté, ce qui donne à ce vin des airs de généreuse friandise. Cela se confirme en milieu de bouche où le vin déploie toute sa séduisante substance avec du gras sur un généreux volume et des tanins veloutés. La finale conclue logiquement avec un sursaut d'intensité, et une très bonne allonge aux relents de chocolat noir qui permet de deviner le potentiel de vin sérieux qui se cache dans ce juvénile nectar.

Je vante souvent les mérites des vins qui ont atteint un certain âge et qui du coup gagnent en finesse et en subtilité. Toutefois, cela ne m'empêche pas de pouvoir succomber aux charmes et aux rondeurs d'un jeune vin dont le profil a pour but de plaire dès la prime jeunesse. C'est le cas de ce Malbec de Caliterra qui en met actuellement plein la bouche. Ceci dit, je connais maintenant ce genre de petites bêtes. Je sais que derrière les artifices de séduction primaire de la jeunesse, il y a un vin au potentiel plus sérieux qui se cache. J'ai ouvert dans la dernière année un autre millésime de ce vin, je pense qu'il s'agissait du 2009. Je n'avais pas fait de compte rendu car celui-ci était renfrogné et austère, tellement différent de ce qu'offre actuellement ce 2011. Je pense donc que ce type de vin est conçu pour en offrir beaucoup lors de la mise en marché hâtive, mais ensuite l'évolution en bouteille commence, avec ses phases difficiles à prédire. Je ne jouerai donc pas les devins à propos du parcours évolutif que suivra ce vin, mais pour en avoir vu d'autres, je suis pas mal certain de sa destination et de la métamorphose que le temps provoquera en lui. Tout cela pour dire que j'ai adoré ce vin dans la phase de plaisir juteux et gourmand qu'il offre actuellement, et que je suis prêt à parier que dans une décennie il offrira du plaisir dans un tout autre registre. Ma recommandation serait donc, achetez et ouvrez tout de suite, ou mettez à l'ombre pour 10 ans et préparez-vous pour la surprise. Entretemps, j'ai payé ce vin le week-end dernier en double promo pour la ridicule somme de 14.25$. J'ai même lu sur FDV qu'il pouvait être obtenu en triple promo (rabais au col) pour 12.25$. La réalité, c'est qu'au prix courant de 18.95$ ce vin est un superbe achat. Toutes ces promos semblent destinées à le faire connaître pour qu'il puisse garder sa place comme produit régulier à la SAQ. En ce qui me concerne, c'est un bel ajout augmentant la diversité de l'offre chilienne de la SAQ. J'attends toujours que notre monopole daigne nous offrir au moins un Reisling chilien. Il y en a d'excellents à des prix défiant toute compétition (Cono Sur, Vina Leyda)


samedi 12 octobre 2013

CABERNET SAUVIGNON, MAX RESRERVA, 2002, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ



Ma cave a atteint une maturité qui me permet maintenant d'ouvrir sur une base régulière des rouges d'une dizaine d'années. Des vins chiliens du type de ce Cab de prix très abordable. La décision prise il y a huit ans de stocker massivement ce genre de vins fut la meilleure de mon parcours d'amateur. J'avais toutefois exploré les vins de cette gamme de prix d'un peu partout dans le monde et fait mes expériences au préalable. J'en étais alors venu à la conclusion que c'était ce genre de vins, propres et mi-évolués, que je préférais. Des vins de type Reserva qui ne sont pas des monstres de concentration et d'extraction, élaborés avec un usage somme toute modéré du bois de chêne. Ce qui fait qu'après une dizaine d'années en bouteille ils montrent un niveau d'évolution que j'apprécie, avec encore du fruit, mais ayant gagné en finesse et en subtilité tout en montrant autant de complexité, mais avec des arômes différents. Pour ceux qui me lisent avec régularité, il n'y a rien de nouveau dans mon propos. Ce n'est pas la première fois que je vante le potentiel de garde des rouges chiliens de type Reserva, ou Gran Reserva, issus de Cabernet Sauvignon, de Syrah, et les assemblages de type bordelais qui contiennent parfois aussi de la Syrah. Concernant la garde, pour le Pinot Noir, et la Syrah de climat frais je suis au stade de l'expérimentation, tout comme pour les blancs. Pour ce qui est de ce « Max Reserva », c'est le dernier millésime qui titrait à 14% d'alcool avant cinq millésimes sur six qui ont misés sur plus de maturité du fruit avec un titre alcoolique de 14.5%. Vous me direz que 0.5% ça demeure mineur comme changement, c'est vrai, mais plus le titre alcoolique est élevé, et plus l'impact d'un léger changement est notable. La bonne nouvelle, c'est que depuis le millésime 2009, Errazuriz est revenu à l'ancienne méthode et le titre alcoolique de cette cuvée est de retour à 14%. Il y a une tendance au Chili pour revenir à des vendanges un peu plus hâtives. C'est un des éléments que mettent de l'avant des gens comme François Massoc et Pedro Parra du Clos des Fous, et Parra agit maintenant comme consultant chez Errazuriz, tout comme le bourguignon Louis-Michel Ligier-Bélair qui est un ami des deux autres et impliqué avec eux dans le projet Aristos. Tout ça pour dire qu'il y a de l'osmose au Chili entre la nouvelle vague de petits producteurs et les gros joueurs traditionnels qui cherchent à s'améliorer. Errazuriz est un de ceux-ci. À ce sujet, je vous suggère ce récent article de Decanter.

La robe est encore intensément colorée, sans signes marqués d'évolution. Le nez est assez typique de ce que donne cette cuvée après 10 ans passés en bouteille. On y retrouve un caractère légèrement évolué qui marque un délicat fruité de cerise et de cassis, amalgamé à des notes de bois de cèdre, d'humus, d'épices douces, de menthol et de chocolat noir. Superbe nez de Cabernet qui commence sa phase de maturité. En bouche, le vin est caressant, fin et équilibré. Le profil des saveurs est légèrement évolué, avec une bonne dose de fruit, marié à des notes doucement épicées et appuyé sur une bonne base d'amertume qui contribue un brin de sévérité face à l'amabilité du fruit. Le milieu de bouche révèle un vin de corps moyen, avec un bon niveau de concentration qui convient bien au style modéré préconisé. La trame tannique est soyeuse et contribue à l'impression de finesse qui se dégage de l'ensemble. La finale reprend le thème de l'équilibre de l'harmonie et de la modération sur très bonne allonge.

Si j'avais un vin disponible à la SAQ à recommander pour la garde, à moins de 20$. Ce serait assurément ce Cab de Errazuriz. Un classique à prix modique qui année après année montre un potentiel de garde incroyable, compte tenu de son prix. Ce 2002 commence à peine sa phase de maturité, et évoluera avec grâce pour au moins les 10 prochaines années. C'est un vin qu'on peut facilement acheter en promo, moins 10%, ou à moins 15% dans les SAQ Dépôt. On peut l'acheter aujourd'hui en double promo à 15.25$ la bouteille. Ce qui est un prix totalement ridicule compte tenu de la qualité et du potentiel de garde éprouvé de ce vin année après année. Ceci dit, l'attrait de la nouveauté fait qu'on a parfois tendance à délaisser les valeurs sûres, mais cette cuvée est un des vins chiliens que j'ai toujours continué à acheter au cours des années car sa garde ne m'a jamais déçu. Ce vin pourrait facilement être placé dans un alignement de bordeaux ou de Calicabs du même âge, vendus deux à trois fois son prix, et il serait parfaitement à sa place. Oubliez son prix, ne cédez pas à l'effet Veblen inversé, et faites un superbe achat pour la cave, et n'oubliez pas que la patience n'a pas de prix!


mardi 8 octobre 2013

Le Chardonnay australien triomphe à l'aveugle

Nouvelle intéressante sur les résultats de la dégustation annuelle "Jugement de Montréal" Ça me rappelle un ancien sujet de ce blogue. J'aurais aimé voir des vins néo-zélandais, sud-africains et chiliens dans cette dégustation. Les RQP des vins de ces pays sont généralement meilleurs que pour les australiens et bien sûr les bourguignons. Ces résultats nous rappellent encore une fois, quoi qu'on en dise, les vertus de la dégustation à l'aveugle.

Pedro Parra et Alberto Antonini

En lien avec mon texte sur le Chardonnay, 2010, du Clos des Fous, voici le lien vers un article intéressant à propos de Pedro Parra et de Alberto Antonini qui font maintenant équipe en tant que consultants. Pedro Parra est entre autre un des quatre "fous" derrière le projet Clos des Fous, alors que Antonini travaille pour de grands noms toscans en plus d'être partenaire de Altos de Las Hormigas en Argentine. Il est intéressant de noter que les deux sont consultants sur le projet Intriga au Chili. Un vin dont j'ai vanté la qualité du millésime 2010. J'aime bien l'approche terroir qu'ils préconisent, ainsi que le côté prônant une intervention minimale. Je ne suis toutefois pas du tout convaincu par l'idée voulant que l'hygiène de chai est l'ennemi du bon vin. Approche terroir, oui, intervention minimale avec de bons raisins, oui, moins de bois neuf, oui. Manque d'hygiène, phobie des sulfites et laisser-aller, définitivement non.

vendredi 4 octobre 2013

CHARDONNAY, 2010, ALTO CACHAPOAL, CLOS DES FOUS



Voici un deuxième vin du Clos des Fous à faire son apparition sur les tablettes de la SAQ, cette fois dans le cadre d'un arrivage CELLIER. J'ai déjà parlé du Cabernet Sauvignon du même producteur en avril dernier. Veuillez vous y référer pour plus de détails et des liens à propos du projet Clos des Fous. À propos de ce vin, les raisins pour son élaboration proviennent de trois vignobles, deux situés dans les contreforts des Andes dans le haut Cachapoal et l'autre à Traiguen dans la région de Malleco, le même endroit d'où provient le Chardonnay Sol de Sol. Un des vignobles de Cachapoal est situé à presque 1000 mètres d'altitude, ce qui en ferait le vignoble le plus élevé du Chili, le reste provient d'un vignoble de Calyptra. L'élaboration de ce vin se veut non interventionniste, l'étiquette parle même d'une approche naturelle. Les grappes entières sont pressées, suit une fermentation à basse température et il n'y a pas de malolactique. Le vin ne voit pas le bois de chêne et titre à 13.8% d'alcool.

La robe est d'une belle teinte dorée. Des arômes de pêche, de beurre et de noix trahissent un peu l'identité du cépage, alors que des notes citronnées, florales et miellées, ainsi qu'une très légère et passagère pointe de conifère mêlent plutôt les cartes pour donner un tour original au profil olfactif de ce vin. Cette ambiguïté identitaire suit en bouche, mais le niveau qualitatif lui ne laisse aucun doute. Le vin possède une matière dense et concentrée, soutenue par une acidité marquante. Le milieu de bouche révèle un vin droit et ferme dont la palette de saveurs est teintée par une touche oxydée, ce qui donne au vin un air légèrement évolué. Il y a aussi une fine dose d'amertume dans ce vin qui contribue à lui donner une certaine austérité. La finale est longue et bien soutenue par l'acidité qui laisse son empreinte sur l'ensemble de ce vin.

Ce vin est chilien de par son origine, mais la patte française de son auteur, François Massoc, transparaît clairement dans son profil. En un sens, c'est le contraire d'un vin de terroir tellement il est clair que des décisions humaines en ont façonné certains contours. Aussi, l'assemblage de raisins provenant de trois vignobles et deux régions va à l'encontre de la notion de terroir. Ce vin à l'aveugle passerait pour un vin européen, probablement français, de la Loire ou du Jura, avec sa légère touche d'oxydation. Toutefois, s'il était vraiment français, certains emploieraient plutôt l'euphémisme « oxydatif »... D'un autre côté, le vin a une belle fraîcheur, une belle matière et une acidité incontournable. J'ose croire que cela tient en partie à la fraîcheur des lieux d'où il est issu, soit l'Alto Cachapoal et Malleco. Donc, le terroir au sens large a sûrement son mot à dire dans l'identité de ce nectar. Ceci dit, je pense que le message le plus fort que lance ce vin c'est que le Chili n'a pas de limites réelles en termes de styles possibles. En fait, la seule limite elle est humaine. Si les quatre « fous » à l'origine de ce projet ont pu tirer un tel vin de la terre chilienne, c'est la preuve que leur « folie » est bien volontaire. Ce que je veux dire par là, c'est que la limite n'est pas dans la très grande variété de terroirs que le Chili peut offrir, mais dans la tête des hommes qui plantent des vignobles et qui font du vin. La vraie folie au Chili c'était de planter du Chardonnay à côté du Carmenère sur le plancher torride de la vallée centrale. Massoc, Parra et les autres, en choisissant leur nom ironique, ont décidé de tendre un miroir à un certain Chili vinicole en posant la question : Qui est le plus fou? Et en laissant leurs vins y répondre. Ceci dit, il y a eu d'autres fous au Chili avant eux. D'ailleurs, en dégustant ce vin, je ne pouvais m'empêcher d'y trouver des similarités avec un Sauvignon Blanc, Cipreses Vineyard, 2005, de Casa Marin que j'avais ouvert une semaine auparavant. Celui-ci présentait aussi un côté légèrement oxydé, et cette oxydation avait éliminé plusieurs des arômes variétaux du Sauvignon Blanc, mais il restait le caractère citronné, la matière dense et l'acidité. Aujourd'hui, face à cette ressemblance, je ne peux que me rappeler que Maria Luz Marin avait elle aussi été traitée de folle pour avoir planté des vignes à seulement 4 km de l'océan Pacifique au début du siècle. Aujourd'hui, ses vins comptent parmi les meilleurs du Chili. Tout cela pour dire qu'il y a de moins en moins de gens au Chili pour penser que ceux qui veulent étendre les limites du vignoble national sont fous. Je dirais même que c'est plutôt l'inverse. Ceux qui se cantonnent dans les vieilles façons de faire ne jouent pas la même partie que les producteurs qualitatifs. Il y a peut-être encore des nigauds, pour se laisser attraper par des vins du Chili d'un autre temps, mais quiconque connaît un peu les vins de ce pays sait qu'il faut être un peu fou pour se laisser prendre, à moins bien sûr qu'à force de s'y intéresser on ne devienne fou des vins du Chili 2.0.

dimanche 29 septembre 2013

CHARDONNAY, LEGADO, 2011, LIMARI, VINA DE MARTINO



Les choses changent au Chili, même chez les producteurs traditionnels. De Martino en est un bon exemple. Ce producteur est sorti de sa région d'origine, le vallée de Maipo, et produit maintenant des vins issus d'un peu partout au Chili avec toujours la notion de terroir en tête. Une Syrah haut de gamme issue d'un vignoble en altitude à l'est de la vallée d'Elqui. Du Chardonnay un peu plus au sud dans Limari. Une Syrah de la gamme Legado encore un cran plus au sud, seul vin issu de la minuscule vallée de Choapa. Un Sauvignon Blanc parcellaire de Casablanca. Dans la traditionnelle vallée de Maipo on produit du Cab et du Carmenère dans Isla de Maipo et du Merlot dans la partie côtière plus fraîche. Finalement, tout une gamme de cuvées issues de vieilles vignes non irriguées des vallées plus méridionales de Maule et Itata sont produites avec des cépages comme le Muscat, le Carignan, le Malbec, le Carmenère, le Tannat et le Cinsault. Tout cela sous la gouverne de l'œnologue en chef Mauricio Retamal qui a décidé il y a quelque années de compléter son approche terroir par une réduction, voire une abolition de l'influence du bois dans les vins de la maison. Pour ce faire des barriques usagées neutres sont utilisées, ainsi que des cuves en béton et en inox et même des amphores de terre cuite pour certaines cuvées de spécialité. Depuis quelques années, les vendanges chez De Martino sont plus hâtives, car Retamal veut réduire le taux d'alcool de ses vins et pensent que l'excès de maturité masque l'expression du terroir. Comme on peut le voir, De Martino est un autre de ces producteurs chiliens de longue date qui n'a pas hésité à se remettre en question, pour, selon leur devise, réinventer le Chili. Ce Chardonnay, Legado, a été élaboré selon les principes susmentionnés.

La robe est de teinte légèrement dorée. Le nez est délicat et exhale des arômes de tarte au citron, de pêche et de bord de ruisseau, complétés par un léger aspect floral. En bouche, le fruité de belle qualité est bien balancé par une amertume évoquant le zeste d'agrume. Une tendre acidité contribue à la belle tenue du vin. Le milieu de bouche confirme la qualité de la matière et l'aspect rafraîchissant et retenu de l'ensemble. On a affaire à un vin épuré et facile à boire. La finale est harmonieuse et avec une bonne persistance des saveurs.

Ce vin est un bel exemple pour démontrer la variété de l'offre vinicole chilienne. On a droit ici à une version du Chardonnay que ce pays était incapable d'offrir il n'y a pas si longtemps. Dans ce cas-ci, pas de fruité tropical et une influence boisée minimale, voire imperceptible. Le vin est axé sur la fraîcheur et la droiture, mais avec quand même une matière consistante. Comme quoi épuré ne rime pas nécessairement avec dilué. Ce vin est offert à 17.75$ à la SAQ et peut facilement être acheté à 10% de rabais. Donc, 16$ pour un Chardonnay vif et frais qui va à l'essentiel tout en offrant une bonne dose de raffinement. Je pense qu'il n'y a aujourd'hui que le Chili qui puisse offrir un Chardonnay de ce profil et de cette qualité à un tel prix.

jeudi 19 septembre 2013

SAUVIGNON BLANC, 20 BARRELS, 2012, CASABLANCA, VINA CONO SUR



Cono Sur est une filiale indépendante de Concha y Toro et un des meilleurs et plus versatiles producteurs de vins blancs au Chili. La gamme 20 Barrels représente l'énoncé qualitatif à prix abordable de ce producteur, un peu l'équivalent de la gamme Terrunyo pour la maison-mère. Ce qu'il y a de particulièrement intéressant avec ce vin, c'est qu'il est issu du vignoble le plus maritime du Chili. Bien que l'appellation soit Casablanca, on parle ici d'un Casablanca bien différent au niveau climatique. Le vignoble El Centinela, d'où est issu ce vin, est situé à l'extrême ouest de l'appellation, au-delà de la cordillère côtière, à seulement 2 km de l'océan Pacifique. Il est donc directement exposé aux vents et à la fraîcheur de l'océan. En ce sens, ce vignoble se compare plus à certains vignobles (Casa Marin, Malvilla) de la région de San Antonio, située juste un peu plus au sud et elle aussi directement exposée à la mer. Selon le producteur, ce vignoble est de loin le plus frais de l'appellation Casablanca. Cela se reflète dans le titre alcoolique modéré (12.5%) du vin.

La robe est de teinte jaune pâle aux reflets verdâtres. Au nez l'expression est modérée et on retrouve des arômes de lime, de fruits de la passion, de zeste de pamplemousse et de bord de ruisseau, complétés par juste une légère pointe de végétal pyrazinique. En bouche, le vin est surprenant de souplesse avec une matière riche et concentrée d'où émane un caractère fruité intense dominé par des notes acidulées d'agrumes et de fruits de la passion. Le milieu de bouche confirme le haut niveau de concentration du vin, la tendresse de l'acidité et le bon volume. Ces éléments donnent au vin une bonne présence, mais lui permettent aussi d'être facile à boire et de couler sans effort. La finale résume bien l'ensemble, avec un sursaut d'intensité et une très bonne longueur.

Ce vin m'a agréablement surpris, non pas par sa qualité, mais par son profil. Mes lectures préalables à propos du vignoble très frais me faisaient anticiper un vin à l'acidité tranchante et à l'aspect végétal bien présent. Finalement, c'est tout le contraire qui fut livré par cette bouteille. La clé de l'énigme semble être la nature du millésime 2012. Cette année ayant été plus chaude que la normale dans cette région du Chili. Cela s'est transposé d'une certaine façon dans le profil du vin. Ceci dit, ce vin n'a rien à voir avec un Sauvignon de la chaude vallée centrale. On peut reconnaître la nature fraîche du terroir dans le vin, les 12.5% d'alcool en témoignent, mais modulée par une année plus chaude. Au final ça donne un vin de profil plus modéré qui devrait avoir plus de chance de plaire à ceux qui n'aiment pas l'acidité mordante et le caractère végétal appuyé qu'on peut retrouver dans les vins de ce cépage issus de climats vraiment frais, d'années fraîches. Il est aussi à noter que le niveau de concentration et la longueur en bouche de ce nectar le placent clairement dans une catégorie supérieure. En ce sens, son prix de 24.20$ est pleinement justifié. Le vin n'est pas une aubaine fantastique comme c'est le cas de certains SB chiliens de prix plus abordables (Vina Leyda Garuma Vineyard, Casas del Bosque Reserva), mais c'est une façon somme toute peu coûteuse de goûter un des meilleurs vins chiliens de ce cépage sur un millésime charmeur.


lundi 2 septembre 2013

SYRAH, RESRERVA, LIMITED EDITION, 2003, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ



J'ai ouvert ce vin hier et j'ai écrit ce commentaire de dégustation sans me souvenir que j'avais déjà commenté celui-ci il y a trois ans et demi ici.

La robe est de teinte grenat encore assez soutenue. Le nez est simplement magnifique, un pur ravissement avec sa gamme d'arômes finement évolués difficiles à décrire. Il y a encore tout le fruit voulu, accompagné par un beau caractère épicé, mais ces arômes affinés par le temps ont maintenant peu à voir avec ce qu'ils étaient en jeunesse. Le genre de nez sublime qui à lui seul explique tout l'intérêt qu'il y à garder du vin. La bouche est toute aussi impressionnante. Le vin présente un aspect fondu ou chaque élément s'intègre très bien à l'ensemble. La matière est encore généreuse et intense, mais l'équilibre global est tel que le vin coule sans effort de manière caressante. Le caractère évolué perçu au nez se répercute fidèlement au niveau du profil gustatif pour produire une sensation de raffinement très agréable. La finale est à la hauteur de ce qui la précède et conclue en beauté, toujours avec cette impression de classe qui émane, confirmée par une longueur de haut niveau qui ne laisse aucun doute sur le fort niveau qualitatif de ce vin.

D'habitude quand je goûte de nouveau un vin que j'avais déjà commenté sur ce blogue, je me contente d'ajouter un commentaire à la suite de mon texte initial. Dans ce cas-ci, le vin m'a tellement impressionné que j'ai eu envie de créer une nouvelle rubrique à son sujet, surtout que le millésime 2010 de celui-ci est actuellement offert à la SAQ. Mes bouteilles ouvertes en janvier 2010 et janvier 2011 étaient excellentes, mais celle-ci m'est apparue encore meilleure. J'avais vraiment l'impression de déguster un grand vin dans une période particulièrement favorable de son évolution. Un vin métamorphosé par le temps, mais qui est encore bien loin du déclin. D'ailleurs, je tiens à mettre en garde ceux qui seraient tentés d'acheter du 2010 en se basant sur mon commentaire enthousiaste à propos de ce 2003. Pour obtenir le vin dont je parle aujourd'hui il faut avoir la patience de le mettre en cave pendant de nombreuses années. Ce 2003 était tout autre lorsque je l'ai bu peu après l'achat. C'était une pure bombe de fruit marquée par le bois en mode primaire et très intense. Encore une fois, rien à voir avec ce qu'il donne maintenant. Je refais donc jouer mon disque usé. Achetez de bons chiliens de type Reserva ou Gran Reserva (15$ à 30$ la bouteille) et mettez-les en cave pour au moins 5 ans, mais idéalement pour 10 ou 15 ans. Vous découvrirez ainsi un monde insoupçonnable lorsqu'on se fie seulement aux profils de jeunesse de ces vins. Un autre aspect très attrayant de ce type de vins chiliens est la stabilité de leurs prix. Le 2010 est actuellement offert à un dollar moins cher la bouteille que le prix que j'avais payé pour ce 2003 il y a environ sept ans. Finalement, cette Syrah de climat relativement chaud, confirme la versatilité de ce cépage au Chili. Il peut donner des résultats de très haute qualité sous une variété de climats.



dimanche 1 septembre 2013

L'effet Veblen peut-il agir au dépanneur?

On a beaucoup parlé dernièrement de Julia Wines et de sa volonté de vendre en dépanneur du vin à 70$ la bouteille, avant taxes. L'équivalent donc d'une bouteille vendue plus de 80$ à la SAQ. Le petit monde virtuel du vin québécois est en émoi. Comment peut-on oser une telle chose? C'est une hérésie! Bien entendu personne n'a goûté le vin en question, alors on s'émeut sur les apparences. J'ai même lu un intervenant sur un forum, opposant de longue date de la dégustation à l'aveugle, qui projetait de servir ce vin à l'aveugle dès qu'il le pourrait pour éclaircir la question!!! Mais pourquoi donc l'initiative de Julia Wines suscite-t-elle tant de réactions? Les succursales de la SAQ comptent bon nombre de vins chers qui ne valent pas leur prix et personne ne s'en offusque vraiment. Il y a plein d'amateurs qui en toute connaissance de cause achètent des vins qu'ils savent vendus trop chers et il ne s'en émeuvent pas. Ils ont leurs raisons et c'est très bien ainsi. Alors pourquoi l'initiative de Julia Wines fait-elle tant réagir? Le vin est un produit de luxe, et en ce domaine, pour beaucoup de consommateurs, le prix payé contribue à la perception de qualité et de plaisir. Bien sûr, si le vin à 70$ de Julia Wines est totalement abominable, il n'aura pas d'étiquette prestigieuse pour lui donner des excuses. Mais si le vin est vraiment de qualité, il ne sera pas pire à ce prix que bien d'autres bouteilles. La question est de savoir si l'effet Veblen est assez puissant pour palier le grand manque de prestige de la marque et le lieu où il sera vendu?

Au-delà de peu de prestige associé à l'importateur, j'ai lu aussi que ce vin ne pourrait pas être de qualité car il devait être importé en vrac et embouteillé au Québec. Cela à mon avis n'est pas une excuse valable pour discréditer ce vin à l'avance. Il est possible d'importer du vin en vrac de très bonne qualité. Bien sûr, il y a vrac et vrac. J'ai souvenir d'un vin de la maison vénitienne Masi appelé Corbec. Ce vin était produit en Argentine à partir de Corvina et de Malbec, d'où son nom. Une fois élaboré, le vin était transporté en vrac en Italie pour être embouteillé aux installations de Masi. Le vin était ensuite exporté à travers le monde en bouteille, et c'était un vin de très belle qualité vendu une trentaine de dollars. Bordeaux a longtemps exporté ses grands vins en Angletterre en barils, où ils étaient ensuite embouteillés par l'importateur. Tout ça pour dire que si Julia Wines ne sont pas des arnaqueurs, ils peuvent très bien offrir un vin de haute qualité en dépanneur. Cela ne voudra toutefois pas dire que le vin vaudra le prix demandé d'un strict point de vue objectif. Mais à étiquette découverte, il y a peu de vins de ce prix qui sont bus de manière objective. J'oubliais, bien sûr, il y a la dégustation à l'aveugle pour régler la question!

En fait, il y a tellement de producteurs qui utilisent l'effet Veblen pour se donner de la crédibilité que l'importateur québécois ne fait qu'appliquer une recette éprouvée. Chemin faisant, beaucoup de gens en parlent, alors que très peu d'entre eux achèteront la dite bouteille. Une chose est sûre, je serai de ceux qui s'abstiendront, non pas parce que je préjuge de la qualité du vin, même si moi aussi j'ai des doutes, mais parce que je n'achète pas de vins de ce prix, peu importe d'où il proviennent et comment ils atterrissent sur les tablettes québécoises, que ce soit celles de notre monopole, ou bien celles du bon vieux dépanneur. Julia Wines fait le pari qu'il y aura des clients, qui lorsque pris de court, seront prêts à payer cinq fois le prix normal d'un vin de dépanneur pour espérer avoir un vin de qualité clairement supérieure ou pour s'en donner l'illusion.

SAUVIGNON GRIS, ISIDORA, 2012, MAIPO, COUSINO MACUL



Cousino Macul est bien connu au Québec pour son Cabernet Sauvignon, « Antiguas Reservas » qui est un produit régulier à la SAQ depuis quelques décennies. Il y a maintenant quinze ans, Cousino Macul a déménagé à l'intérieur de la vallée de Maipo, passant de la banlieue est de Santiago à la région de Buin un village situé 35 km au sud de la capitale. Si Cousino Macul a déménagé à l'intérieur de sa zone d'origine, c'est un des rares producteurs traditionnels chiliens qui a refusé de s'étendre vers les nouvelles régions plus fraîche du pays. Tous ses vins, rouges comme blancs, sont donc d'appellation Maipo. Je ne suis habituellement pas très attiré par les blancs de la vallée de Maipo, car en général c'est une région trop chaude pour la plupart des cépages blancs, mais ce vin de Sauvignon Gris a piqué ma curiosité à cause de son cépage non usuel. J'ai goûté ce vin lors de la dégustation 2012 de « Vins du Chili », peut-être s'agissait-il du millésime 2011, mais j'avais bien aimé. J'ai donc décidé d'essayer ce vin qui vient d'arriver à la SAQ. Le Sauvignon Gris est un cépage qui se développe tranquillement au Chili, ou des producteurs de qualité élaborent des vins à partir de ce cépage, que ce soit dans la chaude vallée centrale (Casa Silva) ou sur la fraîche côte pacifique (cuvée Estero de Casa Marin et Kadun de Vina Leyda). Il est intéressant de noter que la vendange des raisins pour ce vin est manuelle et a lieu de nuit. Le vin est aussi élaboré à partir des grappes entières. Il titre à 13.5% d'alcool.

La robe est de teinte vert pâle. Au nez, il est clair que le Sauvignon dont il est question ici n'est pas blanc. La palette aromatique est subtile est complexe, si je voulais être à la mode je pourrais dire que ce bouquet exhibe de nombreuses nuances de gris... Un nez séducteur donc, où l'on retrouve un fruité mêlant le melon, la pêche et l'ananas à de fines notes miellées et florales. Le tout est relevé par une légère touche épicée évoquant l'anis étoilée. Nez très agréable. En bouche on retrouve un vin bien structuré où l'acidité est en équilibre avec l'aspect onctueux de la matière. Le vin montre ainsi une belle droiture, mais aussi quelques courbes séduisantes. Cela se révèle avec encore plus d'acuité dans un milieu de bouche bien concentré avec des saveurs intenses qui donnent un vin avec une belle présence. Cela se transpose logiquement en finale, avec un sursaut dans l'intensité des saveurs et longueur appréciable.

J'ai été très favorablement impressionné par ce vin, tellement que si j'étais un producteur chilien le Sauvignon Gris serait en premier sur ma liste de cépages blanc à planter. Cette cuvée Isidora de Cousino Macul est une très belle réussite. On a affaire à un un vin blanc de très bon calibre qui dépasse de loin en qualité le prix pour lequel il est vendu (18.30$). Ce qui ajoute pour moi à la valeur de ce vin, au-delà de son RQP très avantageux, c'est l'originalité de son profil d'ensemble. Il possède l'acidité de Sauvignon Blanc, sans son caractère végétal, et au niveau de fruit on se rapproche un peu du Viognier, mais sans le côté muscaté. Le profil ne correspond donc à rien d'autre dans l'offre chilienne en blanc, et en plus le cépage semble avoir la versatilité nécessaire pour s'adapter à différents types de climats. En ce sens il pourrait devenir en blanc, ce que la Syrah est déjà en rouge. L'offre de la SAQ en ce qui concerne les blancs chiliens est hautement perfectible (à quand un Riesling chilien?). Ceci dit, elle est tout de même en progression et cette cuvée Isidora est un très bel ajout qui allie RQP imbattable et originalité. Un incontournable pour quiconque est le moindrement intéressé par les vins de ce longiligne pays.

jeudi 29 août 2013

Cuivre oxydé et molécules soufrées dans le vin

Après la lecture des forums de vins québécois aujourd'hui, j'ai vu qu'on s'interrogeait sur l'efficacité des sous noirs pour éliminer des arômes dits de réduction dans certains vins. D'abord il faut des sous noirs un peu rouillés, car c'est le cuivre sous une de ses formes oxydées qui peut agir. Selon mon expérience, ça fonctionne. Il y a un problème toutefois, si le vin traité contient des molécules aromatiques qui peuvent être désactivées par l'oxydation, la cure pour le défaut peut tuer le reste du vin. Selon mon expérience, c'est le cas des vins de Sauvignon Blanc qui expriment des arômes modulés par des molécules thiolées (soufrées). Deux ou trois sous noirs rouillés et désinfectés au préalable à l'alcool à fricton (isopropanol), placés dans un verre de SB pendant 15 à 30 minutes, et un verre sans sous noirs et on peut facilement noter la différence. Le SB très expressif le sera beaucoup moins au niveau des arômes comme le pamplemousse, le buis, les fruits de la passion, le cassis et le bourgeon de cassis. Ça marche aussi pour des rouges comme les jeunes Cabs chiliens très portés sur le cassis, voire pour certains le plant de tomate.

Donc, la cure pour vins dits réduits peut parfois tuer le patient. À noter que le cuivre oxydé ne peut rien contre les disulfures. Finalement, il faut que le problème perçu soit vraiment dû à des sulfures ou des thiols. Si le problème vient de déviations bactériologiques et levuriennes comme les Brettanomyces, le cuivre oxydé n'aura pas d'effet sur ces arômes souvent confondus avec ce qu'on appelle de la réduction, mais qui pour moi est plutôt de la sous-oxydation.


lundi 19 août 2013

CARMENÈRE, GRAN RESERVA, 2008, LOS LINGUES, COLCHAGUA, VINA CASA SILVA



Quoi de mieux qu'une rare journée de congé et une bouteille de bon vin pour redonner un peu de vie à ce blogue qui arborait de plus en plus des airs de moribond. Casa Silva est un cas exemplaire pour illustrer le virage terroir pris non seulement par de nouveaux producteurs, mais aussi par des producteurs traditionnels qui étaient il n'y a pas si longtemps encarcanés dans de vieilles et faciles façons de faire. Avant, chez Casa Silva, tous les cépages étaient plantés dans la vallée Colchagua. Depuis ils ont développé le premier vignoble dans la partie côtière de Colchagua, d'où ils produisent des vins de Sauvignon Blanc et de Pinot Noir sous le nom de "Cool Coast". Ils ont aussi un vignoble expérimental dans un micro-climat près des rives du Lac Ranco dans la Patagonie chilienne. Des mousseux pourraient être produits à partir des raisins produits dans cette zone extrême. Le virage terroir chez Casa Silva ne s'est pas traduit seulement par une diversification territoriale. On a aussi entrepris de comprendre le lien entre les cépages et les différents terroirs qui existent dans la vallée de Colchagua. À ce titre, le Carmenère est le cépage sur lequel le plus de travail a été fait. On a d'abord étudié les vignobles existants pour déceler les parcelles les plus qualitatives et comprendre pourquoi elles le sont. Cela a mené à la notion de micro-terroir qui a donné son nom au vin haut de gamme de la maison issu de ce cépage. La meilleure compréhension du terroir idéal pour le Carmenère a guidé le choix de sites pour de nouvelles plantations, et maintenant on s'attarde à l'étude des différents clones du cépage pour encore affiner le mariage entre le Carmenère et les terroirs où on le plante. Ce vin provient de la sous-région de Los Lingues, située à l'extrémité est de la vallée de Colchagua, au pied des Andes.

La robe est sombre et opaque. Le nez est très beau et typique des bons vins de ce cépage déployant un heureux mélange d'arômes fruités, épicés et végétaux, incluant la cerise, la mûre, les poivrons rouges et verts, le menthol, la terre noire, le café, le chocolat noir et la vanille. Ce nez est très complexe et varié en terme de types d'arômes. Il est difficile à décrire pleinement, mais l'impression générale en est une de fraîcheur et de plaisir. Ce plaisir se transmet en bouche où le vin apparaît sous un jour charmeur, alliant intensité des saveurs et une certaine impression de légèreté, aidé en cela par l'imparable fraîcheur aromatique de l'ensemble. La complexité aromatique perçue au nez se reflète bien en bouche et le mariage de ces différentes saveurs est très réussi. Le fruit côtoie la fraîcheur mentholée, le végé pyrazinique contrôlé, le vanillé doucement épicé et le choco/moka finement torréfié. Le milieu de bouche permet de jauger un niveau élevé de concentration sur un volume contenu et une trame tannique veloutée. La finale condense l'essence du vin et montre une très longue persistance aromatique.

Avec la cuvée "Single Vineyard" de Errazuriz, ce Gran Reserva de Casa Silva est probablement le meilleur vin de Carmenère de prix abordable (19$) qu'il m'ait donné de déguster. Je dirais même qu'en terme de concentration et de longueur en bouche il n'est pas loin derrière les cuvées de luxe que j'ai déjà pu goûter (Purple Angel, Kai, Puhen, Casa Silva Micro-terroir). C'est donc un vin qui offre une belle matière généreuse, ainsi que de très belles qualités aromatiques. C'est aussi un vin qui goûte le Carmenère, avec un côté végétal bien maîtrisé et un caractère épicé très attrayant. La SAQ offre le Carmenère, Reserva, 2010, de Casa Silva. J'ai ouvert une bouteille de la version 2008 de ce vin le printemps dernier et j'avais beaucoup aimé. C'est un vin qui ressemble au Gran Reserva au niveau aromatique, mais en version moins concentrée, ce que je préfère parfois car c'est plus facile à boire. Casa Silva est donc un producteur de choix pour profiter du Carmenère sous son meilleur jour.


jeudi 6 juin 2013

CHARDONNAY, 2011, STELLENBOSCH, RUSTENBERG WINES




Ce vin est un assemblage de raisins provenant de différents vignobles de la région de Stellenbosch. Les vignes ont entre 10 et 26 ans d'âge, et dépendant du site, elles sont séparées de l'océan de 8 à 26 km. Le vin est fermenté en barriques par les levures indigènes et élevé pendant un an dans ces mêmes barriques de chêne français pendant un an (40% neuves et 60% second usage). Le vin titre à 14% d'alcool, pour un pH relativement élevé, pour un vin blanc, de 3.45 et 3 g/L de sucres résiduels.

La robe montre une teinte légèrement dorée. Le nez est très Chardo avec des arômes citronnés de pêche, de beurre, de noisette et de caramel, complétés par un léger trait fumé. La bouche poursuit en droite ligne, reflétant au niveau des saveurs ce qui était perçu au nez. Toutefois, l'aspect gustatif est plus riche et intense que le côté olfactif. C'est donc un vin bien équilibré, avec une belle matière, de la présence et un bon volume. Il possède ce côté légèrement onctueux des bons vins de ce cépage de climat plus modérés, élevés en barriques. La finale est harmonieuse, ronde, avec une bonne persistance des saveurs.

Je ne bois pas assez de vins sud-africains pour dire que je connais bien les vins de ce pays, mais dans l'expérience restreinte que j'en ai, il me semble que les vins de Chardonnay sont ceux qui touchent la cible avec le plus de régularité. J'ai déjà goûté le cuvée de Chardonnay haut de gamme, « Five Soldiers », de ce producteur. Un vin que j'avais beaucoup apprécié. Je dois dire que cette cuvée moins chère, mais que le producteur présente comme son vaisseau amiral en blanc, est un vin que j'ai aussi bien apprécié. Il offre tout ce qu'on peut espérer d'un vin de Chardonnay de ce prix (25$). Il offre une version classique du cépage, avec une certaine élégance et de la modération dans le style. Ce n'est bien sûr pas le vin le plus concentré ou le plus opulent, mais il ne manque de rien et possède tout ce qu'il faut de présence pour offrir une expérience de niveau supérieur.

vendredi 24 mai 2013

La phobie des sulfites affectent maintenant le potentiel de garde des vins rouges

Désolé pour ceux qui ont visité ce blogue en vain au cours du dernier mois. J'avais des choses plus vitales à faire qu'écrire sur le vin. Toutefois, je suis tombé sur un article de Decanter, par le biais de FDV, qui révèle que certains vins rouges commenceraient eux aussi à montrer des signes d'oxydation prématurée. Comme l'explique bien Denis Dubourdieu, la recherche de maturité qui mène à des vendanges plus tardives est un problème. Plus la maturité du raisin est grande, plus son acidité naturelle est faible. Si vous alliez à cela une idéologie non interventionniste, vous ouvrez la porte aux problèmes d'oxydation hâtive car les non interventionnistes sont réticents à acidifier, et à sulfiter. Un vin peu acide demande plus de sulfitage pour que celui-ci soit efficace. À l'inverse, si on veut moins sulfiter, il faudrait acidifier pour rendre les sulfites plus efficaces. Si on récolte des raisins très matures en refusant ou en minimisant l'acidification et le sulfitage, on obtiendra un vin plus vulnérable à l'action de l'oxygène. Comme on le dit dans l'article, l'usage du bois neuf va aussi dans ce sens, car le bois neuf permet une micro-oxygénation du vin en cours d'élevage. Pour un vin qui montre une faible résistance à l'oxygène, ce n'est pas une bonne idée.

Si vous êtes un fervent de la tendance minimaliste et dite "naturelle" dans l'élaboration du vin, et qu'en même temps vous êtes amateur de vins bien évolués. Vous risquez d'avoir des problèmes et des mauvaises surprises dans quelques années, et je n'aborde même pas l'aspect de l'instabilité microbiologique qui peut s'ajouter aux problèmes d'oxydation. Tim Atkin, un chroniqueur vin britannique bien connu a déjà soulevé un tollé au Chili en comparant les vins de ce pays aux automobiles de marque Volvo. Il voulait dire par là que les vins de ce pays étaient de bonne qualité, fiables et sans surprises. C'était une image, bien sûr, mais plus j'évolue dans le monde du vin plus je m'aperçois qu'elle était bonne, et que ça explique en partie mon intérêt pour les vins chiliens. Les vins du Chili sont généralement des vins très stables et suffisamment sulfités. Cela explique en partie, selon moi, le très bon potentiel de garde des vins de ce pays. Pas de déviations microbiologiques, pas d'oxydation prématurée, et cela n'empêche pas ces vins, au contraire, de refléter avec éclat, en jeunesse, le terroir d'où ils proviennent, et d'évoluer admirablement avec le temps. Je le répète, même si c'est une simplification, mais si vous avez peur des sulfites et aimez les vins de garde, vous avez un problème.


dimanche 21 avril 2013

CABERNET SAUVIGNON, INTRIGA, 2010, MAIPO, MONTGRAS PROPERTIES




Montgras Properties est un groupe comprenant les marques Montgras, Ninquén, Amaral et Intriga. Chaque marque est associée à un terroir particulier. Pour Montgras c'est la vallée de Colchagua, dans le cas de Ninquén, c'est un lieu précis dans Colchagua, soit la montagne Ninquén avec un plateau au sommet de celle-ci. Pour Amaral il s'agit de la fraîche région côtière de Leyda, alors que dans le cas de Intriga, il s'agit d'un seul vin, composé d'un cépage unique, le Cabernet Sauvignon, issu du meilleur terroir pour celui-ci, la vallée de Maipo. Dans ce cas-ci, ce n'est pas l'Alto Maipo, mais plutôt de la partie médiane de la vallée, au sud-ouest de celle-ci près de la ville de Paine. Les vignes produisant les raisins pour ce vin ont entre 10 et 50 ans d'âge et certaines sont conduites en pergola et d'autres en Lyre. La vendange est manuelle et tardive pour la région et le millésime (7 au 17 mai). À titre d'exemple, Vinedo Chadwick, qui est situé à Puente Alto dans l'Alto Maipo, a commencé à cueillir le 23 avril en 2010. La fermentation utilise les levures indigènes. L'élevage en barrique de chêne français dure 24 mois avec un tiers de premier usage et le reste de second usage. Le vin titre à 14.5% d'alcool pour un pH de 3.59 et est bien sec avec 2.68 g/L de sucres résiduels. Le producteur évoque un potentiel de garde de 15 ans pour ce vin.

La robe est ténébreuse et impénétrable. Le nez révèle l'identité de ce vin. C'est du beau Cab chilien, mais on perçoit une différence par rapport au profil que donne généralement ce cépage dans l'Alto Maipo. Le cassis et le menthol qui dominent habituellement les Cabs de l'Alto Maipo sont présents ici, mais en mode mineur. La palette fruitée est plutôt marquée par de beaux arômes de cerise, mâtinés de notes de bois de cèdre, de terre humide et de sous-bois, le tout complété par un très léger aspect boisé rappelant les épices douces. Superbe nez de très jeune Cab, complexe et exhalant des arômes de grande qualité. La bouche est un ravissement pour un amateur de Cabernet comme moi. L'attaque est de velours et révèle un vin à la matière dense et raffinée. Les saveurs sont intenses et de haute qualité. Le fruité est balancé par une juste dose d'amertume qui donne un cachet sérieux à l'ensemble. En milieu de bouche le vin s'exprime avec justesse, sans lourdeur, mais avec toute la concentration nécessaire à un vin de niveau supérieur. Les tanins sont soyeux ce qui ajoute à l'impression de raffinement qui se dégage de ce nectar. La finale est harmonieuse et très longue avec un sursaut dans l'intensité des saveurs. Des notes de chocolat noir et de caramel encadrent le fruit lors du déclin des saveurs.

Depuis le temps que je m'intéresse aux vins du Chili, je suis devenu plus difficile à impressionner et je m'emporte moins dans mes commentaires. Je connais le RQP généralement favorable des vins de ce pays, et je tente de les juger dans leur contexte. Toutefois, il m'arrive encore de tomber sur des vins spéciaux qui se démarquent d'une manière ou d'une autre. Ces vins arrivent encore à me surprendre et c'est le cas de cet Intriga. Quel vin! Et lorsque je pense à son prix je suis totalement renversé. Qu'un vin de ce haut niveau qualitatif puisse être acheté pour seulement 20$ la bouteille est absolument renversant. Ce vin n'a rien à envier à des vins vendus beaucoup plus chers, peu importe le pays. On a affaire ici à un vin de niveau Grand Cru. Bien sûr cette terminologie n'existe pas au Chili, mais si c'était le cas, ce vin pourrait être là sans rougir d'aucune comparaison par rapport à des vins semblables aux prix hypertrophiés. Il n'aurait pas à rougir non plus, au strict plan qualitatif, face à de la compétition étrangère de haut niveau. Qu'il s'agisse de Bordeaux ou de Napa. Ce vin n'est rien de moins qu'un Cab de classe mondiale qui montre un énorme potentiel de garde. C'est absolument incroyable qu'il soit possible de l'acheter ici au Québec à un prix aussi dérisoire. Je reproche parfois à certains producteurs chiliens de mettre la charrue avant les bœufs au niveau du prix en jouant sur l'effet Veblen. C'est tout le contraire dans le cas de ce vin, mais j'ai peur qu'un effet anti-Veblen joue contre lui. J'ai peur que plusieurs ne le prennent pas au sérieux à cause de son prix. Ce serait dommage, car avec sa politique de prix, c'est comme si le producteur avait décidé de faire découvrir son vin par le plus grand nombre. De grâce, si vous achetez ce vin, tentez de le juger de la façon la plus neutre. En ce qui me concerne, ce vin m'a tellement convaincu que j'ai décidé de profiter de la promo du week-end pour en acheter six bouteilles dans une belle caisse en bois digne de son niveau qualitatif. 120$ pour six bouteilles d'un vin aussi bon que certains vendus le même prix pour une seule bouteille. Avec cet Intriga et le Ninquén, Montgras Properties offre deux vins de garde chiliens de grande classe à des prix simplement incroyables. Dans un monde où l'inflation est la norme, je pense que ça mérite d'être souligné et encouragé.



mardi 9 avril 2013

CABERNET SAUVIGNON, 2010, ALTO CACHAPOAL, CLOS DES FOUS



Quand pour la première fois j'ai entendu parler du projet Clos des Fous, je me suis dit que c'était un nom qui cadrait bien avec la perception que certaines personnes peuvent avoir de moi et de mon obsession pour les vin du Chili : "Claude est fou"! Plus sérieusement, si vous voulez mieux connaître la démarche, je vous invite à lire ce court texte de Pedro Parra, l'expert chilien de la notion de terroir, formé en France. Sinon, on pourrait résumer la philosophie du Clos des Fous en disant que le focus est mis sur les zones périphériques du vignoble chilien, avec comme idée que les meilleurs vins sont issus des terroirs limites pour la culture d'un cépage donné. Donc, dans le projet du Clos des Fous, il y a l'idée d'une recherche de fraîcheur. Fraîcheur dans le climat pour un cépage donné qui se transposera dans le vin qui en sera issu. En ce sens, l'Alto Cachapoal est un climat frais pour la culture du Cabernet Sauvignon. Le Clos des Fous c'est aussi François Massoc, un français éduqué en Bourgogne, homme à tout faire de la vigne, qui en plus du Clos des Fous est impliqué dans plusieurs projets novateurs au Chili (Aristos, Calyptra). Pour ce qui est de ce vin, il y a peu d'informations disponibles à son sujet, sinon qu'il provient d'un vignoble unique appelé "Cabeza de loco" (tête folle en français), situé dans les hauteurs de la vallée de Cachapoal, qu'il est élaboré en cuve inox avec élevage sure lies de neuf mois. Le vin titre à 13.5% d'alcool, ce qui est rare aujourd'hui au Chili pour un vin de Cabernet, mais il y a un mouvement qui est amorcé pour abaisser les taux d'alcool. C'est à mon avis une bien bonne chose.

La robe est sombre avec des reflets violacés. Le nez est frais et exhale des arômes de petits fruits rouges, avec quand même une touche du proverbial cassis chilien. Le tout est complété par un peu de menthol, une touche de terre noire et un léger aspect évoquant le sous bois. Nez bien agréable avec le fruit qui mène la marche. Cela se transpose en bouche où le fruité pur et intense domine l'action. Le vin montre une belle fraîcheur grâce à une acidité bien marquée qui contribue aussi à la fermeté de l'ensemble. Le milieu de bouche poursuit dans la même veine, avec un fruité intense et tendu imbriqué dans une matière compacte et sans lourdeur. Les tanins montrent une légère granulation qui apporte une texture agréable. Cela sied bien au style de ce vin qui coule sans effort. La finale garde le cap sur l'intensité fruitée avec une bonne persistance des saveurs.

J'ai bien aimé ce vin pour ce qu'il est, c'est-à-dire une interprétation originale du Cabernet Sauvignon chilien. L'aspect non boisé de ce nectar est bien entendu une de ses caractéristiques principales, l'autre étant son haut niveau d'acidité. Ce vin pourrait être résumé en disant c'est le plus proche qu'un vin de Cabernet peut se rapprocher d'un Beaujolais, le tout avec la touche particulière du terroir chilien. Je dis donc bravo pour l'originalité dans la qualité, mais je pense qu'il faut savoir de quelle qualité on parle. Je ne pense pas que ce vin soit un vin de garde. Je pense plutôt que c'est un superbe vin de soif fait pour être bu jeune. Ceux qui pensent que ça va vieillir comme un bon Cab Reserva chilien élevé en barriques de chêne risquent d'être déçus. Ce vin me fait penser au Merlot, 2007, de Loma Larga, un autre rouge non boisé issu d'un cépage bordelais. J'avais bien aimé ce vin en jeunesse, mais une bouteille ouverte le mois passé m'a convaincu d'ouvrir celles que j'ai encore au cellier dans la prochaine année. Le vin était encore bon, mais sans la cohésion de sa prime jeunesse. L'aspect boisé dans le rouge de garde m'est toujours apparu comme un élément intégrateur, un élément qui permettait de lier les différents aspects d'un vin pour que le tout se fonde avec le temps dans l'harmonie. Ceci dit, comme 99.9% des vins de moins 20$ sont bus très rapidement après l'achat, ce Clos des Fous atteint parfaitement la cible. C'est une façon de boire un vin de Cabernet Sauvignon, sans l'artifice que peut représenter le boisé en jeunesse. En ce sens c'est très intéressant car ça ramène à l'essence du cépage et du terroir. Aussi, de manière un peu paradoxale, par effet de soustraction, l'absence du boisé aide à mieux en saisir la nature dans les vins de Cabernet chilien en général. Finalement, ce vin est une autre preuve qu'il est maintenant ridicule de réduire les rouges du Chili à un stéréotype.


samedi 6 avril 2013

CABERNET SAUVIGNON, 2010, ACONCAGUA, VINA ARBOLEDA




Après mon texte précédant sur Neil Martin et sa vision alambiquée du Chili. J'ai eu le goût de déguster un vin qu'il avait bien noté par rapport à ses pairs et par rapport à des vins plus réputés et beaucoup plus chers pour voir si ce vin se démarquait. Pour voir si il justifiait une note exemplaire de 90. Ce Cabernet de Arboleda est un vin que j'apprécie depuis plusieurs millésimes dont j'ai de nombreux exemplaires en cave. C'est à mon avis un bel exemple de Cab chilen de type Reserva, vendu autour de 20$ la bouteille. Sur ce blogue j'ai déjà commenté le millésime 2008 de ce vin. Dans le cas de ce 2010, il s'agit d'un assemblage comprenant 7% de Cabernet Franc et 3% de Petit Verdot. Il titre à 14% d'alcool, pour un pH de 3.61 et est bien sec avec 2.70 g/L de sucres résiduels.

La robe est sombre et opaque. Le nez est beau et typique, avec des arômes de cassis frais et de cerise, amalgamés à des notes de bois de cèdre, de menthol, de vanille, de terre noire, de poivron vert et de chocolat noir. Belle expression chilienne du Cabernet Sauvignon en prime jeunesse, avec un apport boisé bien dosé. En bouche, on retrouve un vin modelé sur la tradition des rouges chiliens de type Reserva. Il offre de belles proportions, une bonne matière, de la concentration, mais en évitant la lourdeur et l'excès. Il montre aussi une belle finesse tannique qui contribue à le rendre facile à boire. La finale est harmonieuse et intense, avec une longueur de très bon calibre.

Que dire de plus à propos de ce vin sinon qu'il est bel et bien exemplaire. C'est un vin qui pour moi représente l'essence du Cab chilien de type Reserva. C'est à dire un Cabernet de milieu de gamme, de prix abordable, influencé par l'élevage en barriques de chêne, mais dans lequel on ne pousse pas les choses dans le but d'impressionner. Le résultat c'est un vin qui révèle très bien le terroir d'où il est issu et qui est facile à boire en jeunesse, tout en ayant un fort potentiel de garde et d'évolution en bouteille. Un vin mesuré qui n'a pas besoin d'artifices pour être agréable et intéressant. La SAQ demande 19.95$ pour une bouteille de ce vin, mais comme tous les vins chiliens, il peut facilement être acheté en promotion à 17.95$. J'ai souvent pu acheter ce vin en double promotion pour environ 16$ la bouteille. Peu importe, même au prix régulier, c'est un achat très avisé. Un vin que je n'aurais pas peur de mettre dans un alignement de bordeaux vendus au moins deux fois son prix, maintenant ou dans dix ans. Aujourd'hui ce qui le distingue transparaîtrait, alors que dans dix ans ce qui ressemble confondrait.

Cela dit, je ne comprends toujours pas ce qui justifie la note de 90 obtenue par ce vin par rapport à d'autres vins tout aussi bons, sinon meilleurs qui ont été notés bien plus bas. Comment ce vin peut valoir un 90 et le Cabernet Sauvignon, Marques de Casa Concha, 2010, valoir 82 points? Ça dépasse mon entendement. Les exemples de comparaisons qui ne tiennent pas la route sont tellement nombreux que ça ne sert à rien d'en faire la liste. Mon but n'est pas de dire que ce vin ne mérite pas une note de 90. Je ne vois juste pas la cohérence avec plein d'autres vins tout aussi bons et moins bien notés. Il y a aussi des vins plus concentrés et plus longs qui ont besoin de temps en bouteille et qui sont plus mal notés. Il donc difficile de comprendre les critères objectifs derrières les notes. Si c'est juste une question de goût personnel, ou d'impression du moment dans une dégustation marathon, alors ce système est encore plus ridicule. Tout cela pour dire que le 90 donné à ce vin ne vient rien dire car il n'est pas fixé dans un cadre cohérent et qu'à mon avis cette cohérence est inatteignable par les seuls sens de l'odorat et du goût. Dans le cadre européen les notes semblent parfois moins aléatoires car il existe une forte hiérarchisation et que beaucoup de critiques donnent des notes. Toutefois, dans un pays méconnu comme le Chili, un dégustateur étranger qui débarque expose encore plus l'invalidité du système car il a peu de repères. Je pense que c'est ce que Neil Martin a démontré avec sa monstrueuse séries de notes. Je lisais un article dernièrement où même Parker, le concepteur de ce système farfelu de notation, ne pouvait s'y retrouver en semi-aveugle sur un terrain qu'il fréquente assidument depuis 40 ans. Alors imaginez ce pauvre Neil Martin qui débarque pour la première fois au Chili en devant donner des notes intensivement à plus de 1000 vins. Une triste farce.


dimanche 24 mars 2013

Frustration chilienne

Le système de notation sur 100 est la chose la plus ridicule qui existe dans le monde du vin et j'en ai eu une autre preuve récemment en prenant connaissance des notes octroyées à plus de 700 vins du Chili par Neil Martin, nouvellement en charge de couvrir ce pays pour un Wine Advocate en mutation. Je pense assez bien connaître les vins de ce pays, et les notes de M. Martin sont d'une incohérence totale. Il faut dire que le titre du rapport de M. Martin est "Chile : Seeking out the X factor". Cela donne le ton, car ce qu'on appelle le facteur X est quelque chose de bien subjectif. Toujours est-il que le rapport de M. Martin a créé une onde de choc dans le milieu vinicole chilien. N'étant pas abonné au Wine Advocate, je n'ai pas pu lire en entier le texte de M. Martin, mais un article sur le sujet du site Planetavino en cite des extraits et rend compte que le rapport de Neil Martin, au-delà des notes octroyées, est négatif et blâme la structure de l'industrie chilienne axée selon lui sur les grosses compagnies et la production de vins pour les masses. Son rapport est même divisé en deux, une partie pour l' "industrie", et l'autre portant sur le groupe de petits producteurs MOVI et les vins d'appellation VIGNO. Avec un tel biais idéologique, il est facile de comprendre certaines incohérences dans les notes. D'ailleurs, en passant en revue les notes de M. Martin, il est facile de détecter que certains plus petits producteurs sont favorisés, de même que les régions de climat frais au dépend de ce qui vient de la vallée centrale. Comme si un critique était plus dur avec les vins du sud de la France et de Bordeaux car le climat y est moins frais que celui de la Loire, de l'Alsace et de la Bourgogne. La réalité c'est qu'on y fait des vins différents qui ont leurs qualités distinctives. C'est ce qui fait la richesse de la France vinicole, et le Chili tend de plus en plus vers ce type de diversité.


Neil Martin à l'oeuvre lors d'une dégustation qu'on pourrait qualifier d'industrielle. Noter des vins sur 100 est déjà farfelu, mais le faire de façon aussi intensive, à étiquette découverte, avec les vins d'un pays qu'on connaît mal, est carrément ridicule.


L'autre élément qui semble avoir heurté les chiliens avec ce rapport, c'est que le même Neil Martin a été plutôt élogieux dans ses rapports récents sur l'Argentine et l'Afrique du Sud. Deux pays qui sont des concurrents directs du Chili et qui ont une structure de production similaire, même si ces pays ne possèdent pas une locomotive de la qualité de Concha y Toro, une compagnie reconnue par plusieurs pour être la meilleure compagnie vinicole au monde. Une compagnie qui sait allier volume, qualité et diversité. Bien sûr c'est une compagnie énorme, surtout si on ajoute toutes ses filiales, mais en même temps c'est une compagnie qui réussit un tour de force incomparable dans le monde du vin. Pour un pays totalement axé sur l'exportation c'est un atout incroyable. Ceci dit, ce qui est encore plus incroyable, c'est que l'existence d'une telle compagnie soit mis au passif d'un pays lorsque vient le temps de rendre compte de sa réalité. Il n'y a que des préjugés idéologiques qui peuvent guider un tel jugement et c'est d'autant plus surprenant de la part d'un critique dont l'intérêt principal a toujours été les vins de Bordeaux. C'est donc bizarre de le voir débarquer au Chili en prônant que "small is beautiful", en vantant l'approche naturelle dans l'élaboration du vin, tout en disant que le Chili devrait se concentrer sur un cépage comme le Carignan, plutôt que sur le Cabernet Sauvignon.

Il doit être très difficile pour les producteurs chiliens de voir quelqu'un comme Neil Martin débarquer pour la première fois dans leur pays, sans connaissance approfondie des vins qui y sont produits, pétri de préjugés, pour finalement leur donner une leçon de morale idéologique. En même temps, je pense que l'influence de Neil Martin est très limitée car de toute façon les abonnés du Wine Advocate ont très peu d'intérêt pour les vins sans prestige du Chili. N'empêche que les producteurs chiliens sont très sensibles aux notes et aux médailles, et j'espère que le rapport de Neil Martin les incitera à y porter moins attention et à faire les vins qu'ils veulent vraiment. J'espère qu'ils prendront conscience que le système de notation sur 100 est un leurre, et qu'ils s'émanciperont du syndrome du colonisé où un critique étranger peut venir leur dire avec condescendance ce qui devrait être le mieux pour eux. N'empêche que le Chili, malgré les grandes avancés des quinze dernières années, ne l'a jamais facile et semble prisonnier de son problème d'image.


dimanche 17 mars 2013

CABERNET SAUVIGNON, ESPINO, GRAN CUVÉE, LAS MAJADAS, 2010, PIRQUE, ALTO MAIPO, VINA WILLIAM FÈVRE



Il y a un peu plus d'un an, j'avais parlé sur ce blogue du Pinot Noir, Gran Cuvée, 2010, du même producteur, et ce en termes peu élogieux. Ce qui est rare dans mon cas, car j'ai rarement l'envie de prendre du temps pour écrire sur un vin que j'ai peu apprécié. J'avais alors parlé de ce Pinot Noir car je trouvais que c'était un beau cas illustrant la facilité qui prévalait souvent dans ce que j'appelle l'Ancien-Chili, où on plantait souvent n'importe quoi, n'importe où. J'avais alors souhaité pouvoir déguster le Cabernet Sauvignon de ce producteur, car ce cépage me semblait mieux adapté au lieu. Dans ce cas-ci, ce Cabernet Sauvignon provient du vignoble Las Majadas, situé dans la région de Pirque (altitude 774m), qui n'est pas le même vignoble que pour le Pinot Noir qui venait du vignoble San Juan (altitude 920m). Néanmoins, la région de Pirque, située juste au sud de la rivière Maipo, au pied des Andes, est une région de l'Alto Maipo reconnue pour être un des meilleurs terroirs à Cabernet Sauvignon du Chili. Donc, dans ce cas-ci, le mariage terroir/cépage n'est pas à remettre en question. Ce vin sera donc une meilleure occasion de juger ce producteur aux hautes visées qualitatives. D'ailleurs, les deux cuvées de luxe de ce producteur seront disponibles à la SAQ dans les mois à venir. Il s'agit de la cuvée Antis (94.25$) et de la cuvée Chacai (autour de 50$). Le Chacai vient du vignoble San Juan que j'évoquais plus tôt et est qualifié par le producteur de Cabernet de montagne.



Donc, cette cuvée Espino est le Cabernet d'entrée de gamme du producteur. À 27.20$ le plancher est élevé, surtout pour un Cab chilien. J'ai donc de bonnes attentes. Le vin, comme beaucoup de Cabs chiliens, est en fait un assemblage contenant 15% de Cabernet Franc. La vendange est manuelle, avec un rendement de 2 kg de raisins par plant de vigne (environ 45 hl/ha). Un quart du volume de vin a été élevé en barriques neuves de chêne français (Sylvain & Vicard Prestige) pour une période de 11 à 13 mois. 16,000 bouteilles ont été produites. Le vin titre à 14% d'alcool, avec 3.5g/L de sucres résiduels et un frais pH de 3.54.

La robe est de teinte foncée très légèrement translucide. Le nez transmet l'origine du vin et de son cépage principal. Il y a cette fraîcheur mentholée si typique des rouges de l'Alto Maipo qui s'allie admirablement aux arômes de cassis et de cerise. À cela s'ajoute un côté terreux et des fines notes de bois de cèdre, ainsi qu'un très légère touche vanillée d'épices douces. Une pointe de torréfaction cacaotée vient compléter le tableau. Très beau nez raffiné de Cab chilien où le terroir domine avec un aspect boisé discret. En bouche, on retrouve un vin sérieux qui est à la fois fin, ferme, frais et assez puissant. Le fruit noir mène le bal supporté par une solide dose d'amertume qui donne un peu d'austérité à l'ensemble. Le milieu de bouche confirme la bonne concentration et la densité de la matière, sur une trame tannique fine, mais solide. C'est un vin aux saveurs intenses, plus pénétrantes qu'explosives. Cela se confirme en finale, avec un cran de plus dans l'intensité et une très bonne persistance des saveurs.

Ce vin est un Cab de Maipo sérieux, presque austère, avec de l'acidité, de l'amertume et du fruit noir compact. Le vin est raffiné, mais sur le mode de la densité, dans un style épuré loin de la douceur et du moelleux qu'on associe parfois aux vins du Nouveau-Monde. En ce sens il a des airs de bordelais de bon niveau. Je dis bien des airs, car à un aussi jeune âge, surtout au nez, son origine réelle est bien perceptible. C'est un vin qui démontre bien que la région de Pirque est un des lieux importants de ce Médoc chilien qu'est l'Alto Maipo. J'ai dit Médoc, mais j'aurais pu tout aussi bien pu dire Napa, en ce sens que l'Alto Maipo est un des meilleurs terroirs à Cabernet Sauvignon au monde. À 27.20$, le prix de cette bouteille est plus que justifié. C'est un vin fin de haute qualité, encore très jeune, mais qui offre un fort potentiel de garde. C'est aussi un vin qui montre l'importance de planter le bon cépage au bon endroit. William Fèvre aurait vraiment dû regarder ailleurs pour faire des vins d'inspiration bourguignonne au Chili. Qui penserait planter du Pinot Noir à Pauillac?


jeudi 14 mars 2013

Appel aux importateurs québécois

Mon titre peut sembler bizarre, mais je tente ma chance. Si vous connaissez des importateurs de vins québécois, transférez leur le lien de ce message. Il y a deux producteurs chiliens qui produisent des vins extraordinaires de prix très abordables et j'aimerais bien que ces vins soient disponibles au Québec. Il s'agit de Vina Leyda et de Vina Falernia. Les quelques vins de ces producteurs que j'ai pu déguster sont simplement formidables et sont de véritables aubaines. Des vins chiliens de climat frais comme il y en a encore trop peu à la SAQ, ou en importation privée. Imaginez une Syrah de moins de 20$ qui rappelle une Côte-Rôtie, et un Pinot Noir et un Sauvignon Blanc, toujours à moins de 20$ mais qui pourraient facilement se vendre le double tellement la qualité est élevée. Si ma parole ne vous suffit pas, voici le lien vers un article récent de Decanter à propos de la nouvelle vague de producteurs de ce pays. Vina Leyda et Vina Falernia en font partie.

Petit apparté pour terminer. Dans l'article de Decanter on parle aussi du Clos des Fous dont un premier vin apparaîtra bientôt sur les tablettes de la SAQ. Ce vin est le Cabernet Sauvignon, 2010 venant des hauteurs de l'Alto Cachapoal, et importé par Trialto qui importe aussi l'excellente Syrah, Chono, de la vallée d'Elqui. Dans l'article de Decanter on parle du millésime 2011 de ce vin. Un passage de la description du vin a retenu mon attention. En décrivant ses impressions à propos de ce vin, Peter Richards parle de "it's leafy blackcurrant aromas". Cela a retenu mon attention car il y a longtemps que je dis qu'ici au Québec on confond arôme de cassis et de plant de tomate. Il est aussi important de noter que M. Richards parle d'arômes, au pluriel. Il y a longtemps que je dis que dans le cassis, même si c'est un fruit, il y a une composante fraîchement végétale. On peut aimer, ou pas. On peut aussi apprivoiser. Mais dans le monde anglo-saxon, le Cabernet Sauvignon chilien est associé au cassis, ce qui implique des aspects fruité et végétal, pas au plant de tomate comme ici au Québec, à cause d'une couple de journalistes incrustés dans le goût européen. Je rappelle que la plupart des vignes au Chili sont plantées franches de pied (sans greffage). Les vins ont donc un caractère particulier plus naturel!!! Ah! le naturel!ticle récent de Decanter à propos de la nouvelle vague de producteurs de ce pays. Vina Leyda et Vina Falernia en font partie.

Petit apparté pour terminer. Dans l'article de Decanter on parle aussi du Clos des Fous dont un premier vin apparaîtra bientôt sur les tablettes de la SAQ. Ce vin est le Cabernet Sauvignon, 2010 venant des hauteurs de l'Alto Cachapoal, et importé par Trialto qui importe aussi l'excellente Syrah, Chono, de la vallée d'Elqui. Dans l'article de Decanter on parle du millésime 2011 de ce vin. Un passage de la description du vin a retenu mon attention. En décrivant ses impressions à propos de ce vin, Peter Richards parle de "it's leafy blackcurrant aromas". Cela a retenu mon attention car il y a longtemps que je dis qu'ici au Québec on confond arôme de cassis et de plant de tomate. Il est aussi important de noter que M. Richards parle d'arômes, au pluriel. Il y a longtemps que je dis que dans le cassis, même si c'est un fruit, il y a une composante fraîchement végétale. On peut aimer, ou pas. On peut aussi apprivoiser. Mais dans le monde anglo-saxon, le Cabernet Sauvignon chilien est associé au cassis, ce qui implique des aspects fruité et végétal, pas au plant de tomate comme ici au Québec, à cause d'une couple de journalistes incrustés dans le goût européen. Je rappelle que la plupart des vignes au Chili sont plantées franches de pied (sans greffage). Les vins ont donc un caractère particulier plus naturel!!! Ah! le naturel!