Geo Wines est un projet mené par le
réputé œnologue et biodynamiste chilien Alvaro Espinoza. Les vins
sont élaborés à partir des régions les plus appropriées pour les
cépages impliqués et dans le cas de la Syrah, la vallée d'Elqui
est un choix très avisé. Après l'excellent millésime 2007 de ce
vin, je remet ça avec ce 2009 qui m'avait favorablement impressionné
lors du dernier salon de Vins du Chili tenu à Montréal en septembre
dernier. J'y avais alors perçu un vin similaire au 2007, avec ce
côté aromatique évoquant de bons vins du Rhône nord. Pourtant, il
y a un monde de différence entre la Côte-Rôtie et la partie côtière
de la vallée d'Elqui, mais ces deux endroits modulent des arômes
similaires avec la Syrah. Il faut dire que pour ce 2009, 10% des
fruits viennent d'un vignoble bio de la vallée de Limari, située un
peu plus au sud. Le vin a été élaboré en inox et seulement un
quart du volume est passé par des barriques de chêne neuves
(français et américain) pour environ six mois. Le vin n'a pas été
filtré et titre à 14% d'alcool.
La robe est de teinte rubis de moyenne
intensité. Le nez montre des éléments ayant une ressemblance
frappante avec le classique du Rhône nord. On y dénote des arômes
de fruits noirs, de poivre noir, de violette et de lavande. Une
légère touche goudronnée vient compléter le tableau. Un nez
propre, frais et séduisant qui donne beaucoup de plaisir. Ce plaisir
se poursuit en bouche où le vin se déploie sur le mode de la
fraîcheur, avec une certaine fermeté. L'agréable palette
aromatique se reflète bien au niveau des saveurs avec l'aspect
fruité qui tient le premier rôle. C'est un vin de corps moyen qui
possède une belle concentration et un volume contenu. Les tanins
sont discrets avant la finale où ils montrent un peu de poigne.
C'est donc un vin qui coule sans effort et qui brille par sa qualité
aromatique. Ce caractère aromatique culmine dans une finale intense,
de belle allonge, aux légers relents de chocolat noir.
Dans mon billet précédant j'évoquais
les vertus de la modération et des qualités aromatiques dans le
vin, et bien cette Syrah du bout du monde en est un bel exemple. Rien
n'est trop appuyé dans ce vin où on ne tente pas d'impressionner
par la force. Le vin ne manque de rien et il a toute la présence
nécessaire en bouche pour soutenir l'intérêt et offrir un plaisir
palpable. Pour les amateurs de Syrah rhodanienne, ce vin est une
alternative très intéressante, offerte à une fraction du coût. À
mon avis c'est un vin qui devrait faire courir les amateurs de vins
distinctifs, mais j'ai peur qu'il ait deux gros défauts pour la
clientèle branchée adepte d'importations privées. Il est chilien,
donc sans pedigree, sans prestige, et il est de prix très abordable
(17$), malgré qu'il soit vendu en I.P. chez Trialto. C'est difficile
de ne pas avoir de préjugés face à un vin de 17$, chilien en plus.
Oubliez l'effet Veblen et l'image négative que vous pourriez avoir
du Chili. Ce vin est une belle façon de découvrir une facette du
Nouveau-Chili et ça pourrait changer votre perception du potentiel
de ce pays. La SAQ offre la Cabernet Sauvignon, Reserva, de la gamme
Chono. C'est un bon vin, mais pas très différent de bien d'autres
Cabs chiliens de Maipo, alors je ne comprends pas pourquoi on n'a pas
plutôt décidé d'offrir cette Syrah qui se démarque clairement par
son profil aromatique des autres vins de Syrah chiliens de cette
gamme de prix. Le seul qui s'en rapproche au point de vue aromatique,
c'est la Syrah, Bayo Oscuro, de Kingston Family pour laquelle il faut
débourser le double (33$). Si cette Syrah était offerte à la SAQ
au prix du Cab et qu'elle était bien promue par les conseillers,
elle ferait un malheur car je ne connais pas de vin de Syrah de ce
type offert à un si bon prix. Rien ne s'en approche en terme de rapport QD/P (Qualité, Distinction/ Prix).