jeudi 8 novembre 2012

Plaidoyer pour plus d'ouverture et de neutralité chez les chroniqueurs vin professionnels


Je suis tombé récemment sur un texte très intéressant du vigneron Hervé Bizeul, sur le forum "La Passion du Vin", où il explique les raisons l'ayant poussé à demander au guide d'achat de la Revue du Vin de France de ne pas commenter ses vins dans son édition 2012. Je ne suis pas vigneron, néanmoins, comme amateur privilégiant un pays peu prestigieux. Je me suis reconnu dans les propos de Hervé Bizeul. En plus, comme lui je suis convaincu des vertus incontournables de la dégustation à l'aveugle et je suis aussi sceptique que lui face aux dérives idéologiques prônant la supériorité des vins biologiques, biodynamiques ou dits naturels, avec le parti pris stylistique qui vient avec...

Les producteurs axés sur la qualité, mais venant de régions moins renommées, et n'adhérant pas aux modes du moment, que ce soit le style prôné par les revues américaines, ou bien celui des cercles branchés français, font face à un dilemme. Comment peut-on promouvoir ses vins en misant sur ce qu'ils sont? Sans une note de 90 et plus, ou un commentaire positif dans une revue branchée, il est difficile de se démarquer aux yeux de l'amateur. Sans cela, comment peut-on convaincre le consommateur d'acheter son vin et de l'apprécier pour ce qu'il est, sans à priori? Le problème actuel du monde du vin, c'est qu'il est de plus en plus idéologique, ce qui veut dire que les consommateurs ont de plus en plus besoin d'une caution extérieure pour les guider dans leurs achats. Si l'amateur peut être un buveur d'idées, le journaliste qui traite de vin devrait être impartial, ce qui implique de déguster en pure aveugle et de mettre ses impressions en contexte hors de ses préférences personnelles. Malheureusement, la dégustation en pure aveugle n'existe pas dans la presse vinicole. Si c'était le cas, les hiérarchies, anciennes et nouvelles, auraient tôt fait de voler en éclats, et ce ne sont pas vraiment les vins qui seraient mis en cause, mais la fiabilité des dégustateurs. On comprend donc pourquoi les chroniqueurs vin ne dégustent pas en pure aveugle. Au mieux on se risque pour de petite vague bien délimitée, en semi-aveugle. Quand on connaît le type de terrain visité, il y a moins de risque d'avoir l'air fou. Je dis cela en assumant qu'on édite pas les commentaires après dévoilement des identités, ce qui est loin d'être certain. Qui veut avoir l'air fou et mettre sa crédibilité en jeu?

Le monde du vin est beaucoup plus riche et vaste que ce que les professionnels qui écrivent à son sujet veulent bien nous faire croire. La variété de terroirs et de styles légitimes est bien plus grande que ce que l'on en dit généralement. Je comprends la frustration de quelqu'un comme Hervé Bizeul qui voudrait que ses vins soient jugés de manière impartiale et qui pense que sa région du Roussillon peut produire des vins aussi bons qu'ailleurs, mais avec un style marqué par ce terroir et par la vision personnelle de celui qui les élabore. Je pense qu'il est temps dans le monde du vin de sortir des clichés traditionnels et des idéologies. Le nombre d'endroits où des vins de grande qualité sont produits est plus grand que jamais auparavant, de même que la variété stylistique globale. J'écris ces mots en dégustant une excellente Syrah sud-africaine du Swartland. Un vin qui a son style bien à lui et qui n'a rien à envier en terme de qualité à des vins reconnus de régions plus traditionnelles. Même si mon blogue se concentre sur les vins de l'hémisphère sud, en particulier ceux du Chili. De manière globale, je demeure un partisan des vins venant de régions non prestigieuses de partout dans le monde. Je suis aussi un amateur de vins qui ne sont pas à la mode et qui ne misent pas sur l'effet Veblen. J'avoue qu'en réaction à une situation que je considère injuste, ma position peut sembler idéologique, mais elle a selon moi le mérite de ne pas être à la mode. Je ne dis pas qu'il ne faut boire que des vins de régions peu reconnues et sans prestige. Il existe aussi des trésors cachés dans les régions traditionnelles. Je dis qu'il faut donner plus de chances à ces vins négligés en les abordant de la façon la plus neutre possible. Il faut juger les vins, peu importe l'origine, pour ce qu'ils sont plutôt que pour ce qu'ils ne sont pas. Trop de professionnels du vin ont le mot terroir à la bouche, mais ne cesse de tout ramener à quelques terroirs traditionnels. Le terroir dans ces circonstances devient un facteur d'exclusion plutôt qu'être ce qu'il est vraiment, c'est-à-dire l'élément de diversité le plus intéressant qui soit.

Réaction de Hervé Bizeul



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire