samedi 26 mai 2012

La perversion de la pensée


Je parlais dans mon article précédant du décalage entre les ténors de la critique québécoise en matière de vin et le consommateur moyen. Voilà que ce matin Jacques Benoît du journal La Presse y va d'un texte intitulé "La perversion du goût" qui va entièrement dans ce sens. M. Benoît rabat les oreilles de ses lecteurs avec sa notion très limitée de "grands vins". Mais le plus troublant à mon sens est de voir M. Benoît tourner en ridicule l'idée qu'on puisse se monter une excellente cave à vin à peu de frais avec des vins de 20-25$. C'est certain qu'avec la mentalité très restreinte du "grand vin" que prône M. Benoît, un tel exploit est impossible. Il faut se rappeler que si on fait abstraction de l'étiquette, et que notre palais est ouvert, l'idée de grand vin devient bien différente de ce que prône dédaigneusement ce cher M. Benoît.

On se plaint souvent que le monde du vin est trop élitiste. C'est malheureusement vrai. C'est un monde où le gonflage des ego est souvent plus important que l'appréciation du vin lui-même. Une chose est sûre, un texte comme celui que nous a pondu M. Benoît est de nature à attirer des gens qui veulent se démarquer par l'exclusivité de ce qu'ils boivent, plutôt de futurs passionnés du vin et de sa diversité. Je l'ai souvent écrit sur ce blogue, et je le répète, l'appréciation du vin est d'abord et avant tout une affaire de prédisposition mentale. Si on est convaincu qu'un vin de 25$ ne peut pas être un grand vin, il ne le sera pas si on connaît son prix au moment de le déguster. La même chose s'applique à nos convictions par rapport aux informations données par l'étiquette ou bien avec les scores donnés par des critiques.

Selon moi, le chroniqueur vin avisé devrait prôner le détachement face aux idées préconçues en ce qui concerne l'appréciation du vin, que ce soit une note de 90 et plus, l'origine du vin, l'identité du producteur, le millésime, ou bien l'idée que la grandeur d'un vin est attachée à un seuil minimum de prix. Le chroniqueur vin avisé devrait inciter ses lecteurs à avoir l'esprit ouvert et à juger le vin par eux-mêmes, pour eux-mêmes, sans volonté de concordance avec des critères externes préétablis. L'idée classique de grand vin est une idée conformiste qui se nourrit de son caractère restrictif. Il suffit de briser ce carcan mental pour changer la donne et ouvrir le champ des possibilités. Oubliez la maladie du grand vin et son symptôme principal, la note de 90 et plus. Faites plutôt confiance à vos perceptions sensorielles et voguez librement dans ce monde du vin qui peut être merveilleux.




lundi 21 mai 2012

Les critiques de vins québécois sont-ils en phase avec le consommateur moyen?


Je lisais récemment sur Vin Québec un article où on déplorait le fait que la SAQ préfère référer des critiques étrangers pour promouvoir ses vins plutôt que des critiques locaux. Cette lecture m'a rappelé deux de mes textes (ici et ici) où je dénonçais le francocentrisme prévalant dans le milieu québécois du vin, et en particulier chez les critiques qui traitent de ce sujet. 18 mois plus tard, après l'affaire Suckling, je pense que mon constat d'alors tient toujours. Pour les critiques québécois, il y a la France, ensuite le reste de l'Europe, la Californie, parce que c'est glamour, et finalement le reste du Nouveau-Monde. J'ai lu ce qui s'est écrit dernièrement à propos de l'offre australienne du Courrier Vinicole, ainsi que l'offre axée sur l'hémisphère sud du magazine CELLIER de la SAQ. Force m'est de constater qu'on ne parle pas de ces vins de la même façon qu'à propos de leurs contreparties européennes. Les comparaisons avec la France sont très fréquentes et rarement avantageuses, des traits de terroirs (eucalyptus) sont décrits comme des défauts, et tout à coup le rapport qualité/prix devient important, seulement pour être dénoncé comme désavantageux...

Pour quelqu'un comme moi qui a choisi d'aborder le monde du vin à partir d'un pôle différent, la lecture de propos du genre est déprimante. La méconnaissance des vins du Nouveau-Monde de la part de plusieurs critiques québécois, et surtout l'incapacité d'en traiter comme des entités valides et autonomes, contrastent avec ce qu'on retrouve dans le monde anglo-saxon. Cela explique peut-être en partie ce pourquoi la SAQ préfère référer à des critiques de ces pays, même pour des vins italiens. Je déteste le système de notation sur 100 issu des États-Unis, mais d'un autre côté, lorsque je lis les commentaires de ces critiques, j'ai l'impression de façon générale que pour eux le monde du vin n'est pas centré en un endroit particulier. Il y a une reconnaissance du rôle fondateur de l'Europe, mais tout ne se décode pas à partir de ce point de vue et les particularités du Nouveau-Monde sont perçues comme légitimes.

Quand je lisais l'article de Vin Québec où on s'insurgeait contre l'absence de références à des critiques québécois, en arguant que ceux-ci préfèrent les vins plus acides et moins sucrés, contrairement, supposément, aux critiques américains. J'avoue que j'ai été estomaqué. Si le palais des critiques d'un pays devait être fidèle à celui de sa population, alors le palais des critiques québécois devrait aimer les vins peu acides et sucrés. Il ne faut pas oublier que le meilleur vendeur de la SAQ est un vin rouge demi-doux, le Ménage à Trois, et que des vins de Vénétie avec un bon taux de sucres résiduels y connaissent aussi beaucoup de succès. J'ai beau analyser la liste de 25 meilleurs vendeurs à la SAQ, mais j'ai de la difficulté à y retrouver des exemples évidents de vins européens très secs. Il ne faut pas oublier que les Québécois sont des nord-américains d'abord et avant tout. Alors s'il est vrai que notre continent a le goût sucré, alors nous devrions être du nombre. Et s'il est vrai que la critique québécoise déteste ce genre de vin, alors c'est que son influence est limitée à un cercle d'initiés.

Mon but avec ce texte n'est pas de faire l'apologie du vin sucré et peu acide, qu'il soit du monde nouveau ou de l'ancien. Ceci dit je pense que la douceur et la faible acidité sont des éléments légitimes dans certains types de vins. C'est une question de choix stylistique et pas un élément déterminant du niveau qualitatif. Je pense aussi qu'au lieu d'accuser les critiques anglo-saxons, d'avoir le palais sucré, il faudrait peut-être se demander s'ils n'ont pas plutôt un palais plus complet. Un palais ouvert à une palette stylistique plus large. Bien sûr il y a des raisons culturelles et historiques pour expliquer cette situation, mais le Québec n'est pas la France. L'offre de vins du monde entier est beaucoup plus grande au Québec et il serait temps que la critique s'y adapte. Je sais qu'il est difficile de changer les goûts longuement acquis et les convictions qui viennent avec. Mais à mon avis il y a un réel décalage au Québec francophone entre ceux qui ont une tribune importante pour traiter de vin et la majorité de ceux qui le boivent.



samedi 19 mai 2012

MALBEC, GRAN RESERVA, 2008, MAIPO COSTA, VINA CHOCALAN


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Vina Chocalan est un autre de mes producteurs chiliens favori. Un producteur axé totalement sur la qualité et qui comprend l'importance du terroir dans la qualité et l'identité du vin. La série Gran Reserva comprend trois vins rouges et constitue le haut de gamme de la maison. Depuis quelques années déjà la SAQ offre la cuvée d'assemblage, Gran Reserva, Blend. Ce Malbec vient donc s'ajouter à celle-ci et le Pinot Noir, Gran Reserva complétera l'offre à partir du 24 mai dans la deuxième vague de l'offre CELLIER actuelle. Il ne faut pas oublier les deux excellents vins blancs de Chocalan qui sont aussi offerts à la SAQ. Ces vins de la gamme Malvilla, un Sauvignon Blanc et un Chardonnay, viennent d'un vignoble côtier très frais situé à seulement 4 km de l'océan Pacifique, alors que les rouges, dont le Malbec dont il est question ici, viennent d'un vignoble situé de l'autre côté de la cordillère côtière dans la partie ouest de la vallée de Maipo. L'appellation est donc Maipo, mais c'est très différent de la partie est de la vallée, le Maipo Alto, d'où proviennent plusieurs nom chiliens plus connus (Don Melchor, Casa Real, Cousino Macul, Almaviva, Domus Aurea). Pour voir la fiche technique de ce 100% Malbec, issu de vignes de 12 ans d'âge, cliquez sur ce lien.

La robe est foncée, violacée et parfaitement opaque. Le nez est bien dégourdi et exhale de superbes arômes fruités de cassis, de cerise et de groseille, agrémentés d'un jeune aspect boisé de belle qualité qui évoque les épices douces, entre autres la vanille. Pour compléter l'ensemble olfactif, on retrouve aussi des notes florales, du bois de cèdre et de légères notes fumées. La qualité des arômes de ce très jeune vin est vraiment impressionnant. Moi qui apprécie généralement plus d'évolution, j'ai beaucoup apprécié la palette aromatique de ce vin. J'avais tendance à y revenir très fréquemment, ce qui est toujours un signe révélateur. Au niveau gustatif le vin est encore plus impressionnant avec un jeune fruit à la fois riche, frais et intense, supporté et balancé par une juste dose d'amertume. L'aspect boisé est encore très jeune et manque un peu d'intégration à ce stade précoce. En milieu de bouche le vin se montre concentré et dense avec une présence tannique affirmée. La finale est longue avec un cran de plus dans l'intensité du fruit, des relents chocolatés, et une poigne tannique qui se ressert quelque peu à la toute fin.

J'ai ouvert cette bouteille juste pour me faire une idée précise de ce vin, en sachant qu'il serait trop jeune par rapport à l'idéal que je privilégie. Ce que j'y ai découvert m'a favorablement impressionné. Sur la contre-étiquette le producteur vante le grand potentiel de garde et d'évolution de ce vin. Rares sont les producteurs chiliens qui mettent de l'avant cet atout méconnu de leurs vins. Après avoir dégusté ce vin, je suis convaincu que Chocalan met dans le mille avec une telle affirmation. Le vin est déjà agréable dans son style très intense de jeunesse, mais pour moi il a encore besoin d'arrondir ses angles et de mieux intégrer sa généreuse matière pour se présenter dans la livrée que je préfère. Aussi, ce vin montre que le Chili n'a rien à envier à son voisin transandin quand il est question du cépage Malbec. En plus de ce vin de Chocalan, j'ai pu goûter à des exemples chiliens très convaincants de la part de Loma Larga, Perez Cruz et Viu Manent. Dans le cas de ce Gran Reserva, je pense qu'en terme de qualité il se situe au niveau d'un vin comme le Malbec, Alta de Catena vendu deux fois plus cher. Donc, à seulement 24.75$, je le considère comme un RQP de très haut niveau. Un superbe vin de garde offert à un prix difficile à battre.

samedi 12 mai 2012

CHARDONNAY, SOL DE SOL, 2008, TRAIGUEN, MALLECO, VINA AQUITANIA




Le nom de ce producteur réfère directement aux origines françaises de ses propriétaires, mais en ce qui concerne cette cuvée de Chardonnay Sol de Sol, le nom de Vina Araucania aurait été plus approprié, car ce Chardonnay est le premier vin issu de la méridionale et fraîche région chilienne d'Araucanie. Cette vaste région du sud du Chili comprend la vallée de Malleco et plus spécifiquement le village de Traiguen où est situé le vignoble ayant produit les fruits qui ont permis d'élaborer ce vin. Quand on parle de Vina Aquitania, on réfère souvent à ses trois propriétaires français bien connus dans le monde du vin, Paul Pontallier (directeur du Château Margaux), Bruno Prats (ex proprio du Château Cos d'Estournel) et Ghislain de Montgolfier (ex président des champagnes Bollinger), mais le membre le plus important du quatuor de propriétaires est l'oenologue Felipe de Solminihac. C'est ce chilien de descendance bretonne qui a décidé en 1995 de planter des vignes de Chardonnay sur les terres familiales près du village de Traiguen. Ses partenaires français n'étaient pas convaincus au départ par ce projet, si bien que les premiers raisins produits furent vendus. Cela allait toutefois rapidement changer et le premier millésime du Sol de Sol fut produit en l'an 2000. Le vin fut bien reçu et avec les millésimes subséquents il fut considéré par plusieurs comme le meilleur vin blanc du Chili. Avec les avancées rapides du pays en matière de vin blanc, il y a aujourd'hui de la compétition pour ce titre, mais le Sol de Sol est toujours considéré comme un des meilleurs blancs du pays. Un vin caractérisé par une acidité naturelle élevé, combinée à une bonne richesse de structure. Voir ce lien pour la fiche technique du vin. Suite au succès du Chardonnay, de Solminihac a planté du Pinot Noir en 2004 et le premier millésime a été produit en 2008 à partir de vignes de seulement quatre ans. Ce qui est bien avec le Chardonnay, c'est que les vignes ont déjà 13 ans et de Solminihac a maintenant de l'expérience sur ce terroir. Voyons ce que ça donne.

La robe est d'une belle teinte dorée assez soutenue. Le profil olfactif se déploie avec retenue en présentant des arômes de poire et de pêche complétés par une fine touche boisée, un brin de noisette et une très légère pointe fumée. Un nez frais et subtil fidèle au climat et au cépage ayant permis d'élaborer ce vin. Ce constat ne se dément pas en bouche où l'on retrouve un vin marqué par une très belle acidité et une matière concentrée et intense. Une bonne dose de gras apporte de la rondeur à l'ensemble, ce qui permet l'obtention d'un bel équilibre. Avec tous ces attributs, le vin ne peut faire autrement qu'offrir une belle présence en milieu de bouche, avec un nerf bien enrobé et aucune lourdeur. La finale est logique, marquée par la fraîcheur et l'intensité, sur une persistance de fort calibre.

Pour un pays vinicole en évolution rapide comme le Chili, il y a des vins qui marquent, des vins qui comptent, des vins qui ouvrent de nouvelles frontières. Les Sauvignons de Casa Marin ont été des vins qui ont marqué le début d'un vaste mouvement vers la fraîcheur de la côte pacifique. Pour ce qui est du Chardonnay, Sol de Sol, il ouvre lui aussi de nouvelles possibilités pour le Chili en démontrant la qualité et la distinction des vins qu'il est possible d'élaborer sur le terroir d'Araucanie. Toutefois, il n'y a pas eu de ruée vers ces nouveaux horizons, probablement à cause de la grande distance (650 km) qui sépare cette région de la capitale Santiago. Il faut dire que le marché pour des vins chiliens de terroirs particuliers est encore très restreint. L'amateur moyen achète encore du vin chilien et non pas du vin venant d'un lieu particulier au Chili. N'empêche, il y a de plus en plus de petits producteurs indépendants qui démarrent de nouveaux projets au Chili, axés sur la distinction du lieu où poussent les vignes, et certains de ceux-ci ont choisi de suivre les traces de Vina Aquitania et de s'établir dans la région de Malleco. Parmi ceux-ci, il y a un autre projet mêlant Chiliens et Français, soit le Clos des Fous, ainsi que Altos Las Gredas, dont le Chardonnay est déjà classé parmi les meilleurs vins blancs du Chili. Le Chardonnay Sol de Sol sera offert à la SAQ dans la deuxième vague de l'offre courante du magazine CELLIER, au prix de 30.50$. Bien sûr à ce prix c'est plus cher que ce qu'on est habitué de voir pour un vin blanc chilien, mais je pense que ce vin est le vaut amplement.



samedi 5 mai 2012

CABERNET SAUVIGNON, 1997, AGRELO, MENDOZA, BODEGA CATENA ZAPATA





La maison Catena n'a pas besoin de présentation. Il s'agit à mon avis du plus grand producteur argentin. Un producteur totalement axé sur la qualité et qui maintient depuis longtemps cet engagement. Ce vin est un des premiers ce cette maison que j'ai eu le plaisir d'acheter. Il provient d'un vignoble unique situé à 940 m d'altitude et dont le rendement était assez élevé à environ 65 hl/ha. Les versions actuelles de ce vin sont des assemblages incluant des fruits venant de vignobles situés à plus haute altitude. Le but étant d'ajouter de la complexité par le mariage de fruits aux caractéristiques différentes. Pour revenir à ce 1997, il a été élevé 19 mois en barriques de chêne français (82%), dont 28% bois neuf et 18% de barriques neuves de chêne américain. Le vin titre à 14% d'alcool pour un pH de 3.76. Le producteur sur son site internet dit que ce vin s'améliorera au cours des 7 à 10 prochaines années. Je suppose que cette recommandation est valable à partir de l'année de la mise en marché du vin, ce qui veut dire aux alentours de l'an 2000. Alors, il est clair que ma patience a été plus grande que la fenêtre suggérée par le producteur. Voyons néanmoins ce que ça donne comme résultat.

La robe montre une teinte grenat encore bien soutenue. Le nez est un ravissement pour un amateur de vin mi-évolué comme moi. On y retrouve cette marque inimitable du temps en bouteille sur l'empreinte aromatique globale. Comme toujours avec ce genre de vin, il est difficile de mettre des mots appropriés pour décrire les arômes. Il y a encore une bonne présence fruitée dans ce vin, mais ce n'est pas le même fruit qu'en jeunesse. Alors je peux bien dire qu'il y a là des arômes évolués de cerises, ça demeure très inadéquat comme descripteur. Toujours est-il que ce fruit évolué est amalgamé à des arômes de bois de cèdre, de terre humide et de thé. On y retrouve aussi un léger aspect évoquant le camphre et la térébenthine, ainsi qu'une pointe torréfiée. Un nez très agréable auquel je revenais très souvent. En bouche le vin est simplement suave. Apparemment léger de corps et délicat à l'attaque, il rapplique de suite avec tout ce qu'il faut de matière et d'intensité gustative pour offrir une bonne présence. Le milieu de bouche permet de tirer un grand plaisir de cet amalgame fruité-épicé marqué par le passage du temps. Les tanins sont totalement fondus, ce qui ajoute au caractère gracieux du vin. La finale confirme, avec toujours cet heureux mariage des saveurs, sur un sursaut d'intensité et une belle longueur aux relents de chocolat noir.

Ce vin n'est pas encore sur son déclin et pour moi il est dans la phase que je préfère. Un stade où l'effet du temps marque le vin, sans lui enlever l'essentiel, le fruit. Il s'agit d'un vin bien différent de ce qu'il était en jeunesse, mais en même temps il est reconnaissable. Le lien entre les deux existe. Quand je lis les innombrables conneries qui s'écrivent sur les jeunes vins du Nouveau-Monde, j'aimerais que ceux qui écrivent ces sornettes puissent être mis devant un vin comme ce Cabernet, 1997, de Catena, en pure aveugle. Les plus honnêtes d'entre eux changeraient ensuite leur discours, ou à tout le moins apporteraient des nuances. Déguster un vin comme celui-ci donne beaucoup de plaisir, car c'est simplement un très bon vin, mais c'est aussi une façon de voir le monde du vin autrement. Pas juste parce que ça montre la capacité de transformation de certains vins de prix modiques venant du Nouveau-Monde. Non. Un vin comme cette bouteille de Catena chante les vertus du vin modéré, sans excès, du vin facile à boire tout en étant complexe et sérieux. Un vin qui n'est pas dans la logique du "plus c'est mieux" et qui avec de l'âge brise le stéréotype de ce que devrait être un vin du Nouveau-Monde de ce prix. À un moment où, ici au Québec, plusieurs s'inquiètent des campagnes publicitaires destinées à vendre du vin de qualité douteuse aux consommateurs non passionnés. Je trouve qu'ils sont rares ceux qui s'inquiètent du fait qu'on fait croire à l'amateur qu'il n'y a qu'une voie générale qui mène au bonheur vinique et que celle-ci passe obligatoirement par l'Europe et par l'argent. Les voies alternatives existent, mais elles passent d'abord et avant tout par une mentalité différente. Il faut se rappeler que la disposition mentale est l'élément le plus important dans l'appréciation du vin. Dernier élément intéressant qui démarque un vin comme ce Cabernet Sauvignon de Catena, c'est la stabilité de son prix. Le 2008 actuellement en tablettes est offert au même prix que celui payé pour ce 1997. Voilà qui fait changement de l'inflation ridicule vue ailleurs et qui assure qu'on pourra toujours se l'offrir.





mardi 1 mai 2012

SYRAH, POLKURA, 2009, MARCHIGUE, COLCHAGUA, VINA LA AGRICOLA





Pour la deuxième année consécutive la SAQ a la bonne idée d'offrir cette très belle cuvée de Syrah. J'avais déjà favorablement commenté le millésime 2008 dans un texte précédant, tout en faisant une courte présentation de ce petit producteur indépendant. Pour ce qui est de ce 2009, voici un lien vers la fiche technique du vin. Le winemaker, Sven Bruchfeld y décrit ce 2009 sauvé du tremblement de terre de 2010, lorsque le vin était encore en barriques, comme le meilleur Polkura à date.

La robe est sombre, opaque et légèrement violacée. Le nez est éloquent avec ses superbes arômes de mûre, de cerise et de framboise, auxquels s'ajoutent des notes florales exquises, ainsi que des effluves de poivre noir, d'épices douces et de chocolat noir. Très belle qualité d'arômes sur un profil se rapprochant d'une Syrah de climat frais, sans y être totalement. Ça se poursuit en bouche où le vin se révèle d'une délicatesse surprenante, à la fois équilibré et intense. La qualité aromatique déjà perçue au nez se transpose fidèlement en bouche avec une palette de saveurs des plus séduisantes. Un doux fruité domine l'action, admirablement appuyé par les aspects épicé et floral déjà évoqués. Le milieu de bouche permet de confirmer l'étonnante impression de délicatesse qui se dégage de ce jeune vin même si celui-ci possède aussi beaucoup de matière, avec un bon volume et un niveau de concentration supérieur. Tout cela sans compter une présence tannique raffinée qui sans aucun doute contribue à l'impression de délicatesse. Il est rare qu'un si jeune vin puisse combiner du même souffle toutes ces qualités. La finale est intense et harmonieuse, avec une très bonne longueur.

J'ai adoré ce vin. Il est vraiment excellent et l'exemple parfait d'un jeune vin de haut niveau agréable dès sa prime jeunesse. Au niveau de l'impression tactile en bouche, ce vin m'a fait penser à un Pinot Noir du Nouveau-Monde qui aurait juste un peu plus de présence tannique. Au niveau aromatique toutefois, il n'y a pas de doute sur l'identité du cépage, alors que ce 2009 se rapproche plus d'une Syrah de climat frais que la version 2008. Bien que le vin soit déjà très approchable dans sa livrée de jeunesse, le potentiel de garde de celui-ci me semble indéniable. Le genre de vin à garder pour obtenir plus tard un plaisir différent de celui qu'il donne aujourd'hui. Comme pour la version 2008, ce millésime 2009 ne traîne pas sur les tablettes. Il facile de comprendre pourquoi car à 23.30$ il s'agit d'un excellent RQP. Cette Syrah, Polkura, est aussi une façon de découvrir un Chili méconnu, soit celui des petits producteurs indépendants. C'est un mouvement naissant dans ce pays, mais qui se développe rapidement. Une autre façon pour le Chili de varier son offre.