samedi 21 avril 2012

James Suckling et SAQ: Où est le scandale?

J'ai déjà abordé le sujet de la collaboration entre la SAQ et James Suckling dans un précédant texte. Voilà que cette histoire rebondit avec la révélation que M. Suckling a touché 24,000$ de la SAQ. Pour moi que l'argent ait été versé au départ de la collaboration ou plus tard est sans importance. Je dirais même que ça ne me dérange pas que cette somme ait été versée car ce qui me dérange vraiment c'est le principe même de cette promotion. La SAQ devrait ne rien avoir à faire avec les notes de critiques, que ce soit pour la promotion ou pour la sélection des vins qu'elle offre. Car en plus de la promo Suckling, je me suis laissé dire par des agents en vin que les notes de gourous américains sont un des critères dont la SAQ se sert pour sélectionner les vins qu'elle mettra ensuite en marché. Cela est à mon sens inacceptable, mais en retenant les services de M. Suckling, la SAQ est cohérente dans sa dérive. Je n'en démord pas, miser sur les notes, surtout celles sur 100, comme argument de vente, c'est une façon d'abêtir la clientèle, et cela va contre le mandat et la raison d'être de ce monopole. Le vrai scandale il est là. Une fois qu'on accepte cet état de fait, je dirais que 24,000$ pour les services de James Suckling, c'est plutôt une aubaine.

CHARDONNAY, 2009, WESTERN CAPE, ATARAXIA



Ataraxia est un terme grec, utilisé, entre autres, par Épicure, et qui veut dire état d'esprit serein, libre d'inquiétude et de préoccupations. Voici ce qui est écrit sur la contre-étiquette: « Ce vin élaboré à la main à partir de fruit choisis personnellement venant de parcelles extrêmes, radicales et individuelles dispersées sur l'ensemble de la région du Cap. » L'homme derrière Ataraxia est Kevin Grant, il se définit comme « winemaker » et viticulteur. Son approche est minimaliste et non-interventionniste. Les vignes sont situées dans le climat frais des vallée de Hemel-en-Aarde et Elgin. La vendange a eu lieu tôt le matin lors de la dernière semaine de février et la première de mars. Le vin a été fermenté et élevé pendant 10 mois en petite barriques de chêne venant de tonnelier bourguignons (34% neuves, 66% deuxième usage), avec de fréquent bâtonnage. Le vin titre à 213.9% d'alcool, pour un pH de 3.32 et 2,9 grammes-litre de sucres résiduels. M. Grant déclare ouvertement qu'il aspire à produire un vin de style bourgignon issu de raisin du Nouveau-Monde.

La robe est d'une belle teinte or foncé. Le nez révèle une expression classique et mature du cépage. Il s'en dégage des arômes de pêche, d'abricots, de noisette et de fumée, complétés par une légère touche vanillée. Beau nez très agréable qui offre ce qu'on attend d'un bon vin de ce cépage. En bouche, l'attaque est ronde et intense, déployant un fruité d'une qualité exemplaire auquel s'ajoute un léger caractère boisé justement dosé. Le milieu de bouche montre un vin à la fois concentré et facile à boire. C'est rond, quasi onctueux et avec un certain volume qui contribue à une bonne présence. La finale ne dépare pas l'ensemble, au contraire, les saveurs s'y marient de façon harmonieuse, avec un peu plus d'intensité et une persistance de bon niveau. Une pointe évoquant le caramel se montre le nez la toute fin.

Très bel exemple de la force de l'Afrique du Sud avec ce cépage et mission accomplie en ce qui me concerne pour Kevin Grant. Il y a vraiment quelque chose rappelant la Bourgogne dans ce vin, du moins pour un non expert en vins bourguignons comme moi. Je ne sais pourquoi, mais selon mon expérience, le Chardonnay est le cépage qui offre les résultats les plus consistants en terre sud-africaine. J'ai rarement été déçu par un vin de ce cépage issu de ce pays et généralement le RQP de ces vins est très favorable. Ce Kevin Grant semble vraiment quelqu'un de particulier. Il produit une cuvée rouge, appelée Serenity, où il refuse d'identifier les cépages utilisés. Un anti-vin de cépage pour ainsi dire. C'est là une fantaisie qui paradoxalement n'est possible que dans les pays du Nouveau-Monde, à moins de renoncer totalement aux appellations d'origine européennes. Toujours est-il que j'ai bien apprécier ce vin et pour les 23.95$ payés, c'est un très bel achat. Ataraxia est un producteur à surveiller.


samedi 14 avril 2012

Nouveau monde


J'ai participé hier à un dîner dégustation à Granby avec des gens du forum Fouduvin, forum où j'ai déjà sévi... J'y ai revu avec plaisir de vieilles connaissances, mais aussi du nouveau monde. Mais ce n'est pas à ce genre de nouveau monde auquel réfère mon titre. En revenant tranquillement vers Montréal, après la dégustation, en réfléchissant sur les vins que je venais de goûter, je me suis dit qu'au fond la notion de nouveauté en matière de vin était toute relative si on s'en tenait au vin et qu'on mettait de côté l'histoire et la géographie. Il s'agit bien sûr d'une perception toute personnelle, étant donné les vins que j'ai l'habitude de fréquenter. En ce sens, chaque fois que je retourne faire une incursion dans le monde du vin fin venant de régions renommées et prestigieuses, par le biais d'une dégustation comme celle d'hier, j'ai l'impression d'aborder un autre monde. Un monde nouveau qui bien sûr possède de nombreux points de concordance avec celui auquel je suis habitué, mais un monde qui a aussi des particularités qui paraissent plus évidentes aux sens de celui qui fréquentent sporadiquement ce type de terrain.

Ce genre d'expérience me rappelle à chaque fois qu'au fond la nouveauté en matière de vin ne se situe pas strictement dans la géographie ou dans l'histoire, mais bien dans le point de vue principal que l'on a choisi de prendre en cette matière. Quand on goûte un très vieux vin pour la première fois, comme ce fut mon cas hier avec un Château Filhot, 1935, qu'on le veuille ou non, ça ouvre une porte sur un nouveau monde. L'ancien devient nouveau à cause de celui qui l'aborde et de l'effet transformateur du temps en matière de vin. Au-delà de la chronologie, dans un monde du vin de qualité en constante expansion, le classicisme sera de plus en plus une question de convention. D'ailleurs, l'influence n'est déjà plus à sens unique. Si l'Europe a longtemps été seule à tracer la voie, elle est aujourd'hui influencée par ce qui se fait ailleurs dans le monde et ce phénomène de rétroaction n'est pas près de s'arrêter.

J'ai toujours été conscient que le point de vue que j'ai choisi d'adopter en matière de vin était inorthodoxe et limitatif. C'est pourquoi j'aime mes incursions dans le monde mieux reconnu du vin. Au-delà du plaisir que ça me procure, ça me permet une meilleure compréhension globale des choses. Ça me donne de la perspective et en même temps, ça me confirme que mon choix originel, bien qu'original, n'était pas farfelu. Le Chili, c'est mon ancien monde, même s'il est multiforme et en évolution rapide. Des expériences comme celle d'hier, avec de très bons vins venant d'appellations prestigieuses, ne font que me confirmer son caractère à la fois distinctif et qualitatif.

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jeudi 5 avril 2012

SAUVIGNON BLANC, 2008, MARLBOROUGH, SERESIN ESTATE





Après le Sauvignon Blanc de Matetic et la Syrah de Casa Lapostolle, voici un autre vin élaboré par un producteur suivant les préceptes de la biodynamie. Ça peut sembler paradoxal pour moi de boire ce type de vin car je ne suis pas un adepte du culte. Ceci dit, je pense aussi que certains producteurs épris de qualité et qui sont déjà en culture biologique, même s'ils ne sont pas totalement convaincu par la chose, en particulier par ses éléments les plus ésotériques, décident de se convertir en biodynamie un peu par superstition. Ça me fait penser à ma mère qui cachait des médailles religieuses dans mon portefeuille et mes valises pour me protéger, en me disant pour se justifier, une fois découverte, que même si je n'y croyais pas, ça ne pouvait pas me faire de tort. La plupart des vignerons qui font le pas vers la biodynamie sont très méticuleux et pour moi c'est ce qui explique la qualité de plusieurs vins élaborés par ceux-ci. Seresin Estate est un domaine qui a été fondé au début des années 90 par Micheal Seresin, un neo-zélandais œuvrant en Europe comme directeur photo dans le monde du cinéma. Le premier millésime du domaine est 1996. Le domaine de 45 hectares est situé dans la vallée de Wairau, une sous-région de l'appellation Marlborough. Les raisins entrant dans l'élaboration de ce vin proviennent de trois vignobles différents et de six clones du cépage. Le vin contient aussi 6% de Sémillon. Le vinification a été effectuée en petits lots et 29 de ceux-ci se retrouvent dans l'assemblage final. Des levures indigènes ont été utilisées pour fermenter 40% de se qui se retrouve dans la bouteille, alors que 15% de l'ensemble a été élevé en barrique de chêne français. Le vin a été embouteillé sous capsule à vis et titre à 13.5% d'alcool.

La robe est de teinte jaune aux reflets verdâtres. Le nez s'ouvre sur un trait de zeste de pamplemousse qui se dissipe assez rapidement pour laisser la place à des notes fruitées d'agrumes et de melon, auxquelles s'entremêle un léger caractère végétal d'herbe coupée et de poivron vert, ainsi qu'une subtile touche florale. Beau nez qui évite l'écueil de la surexpressivité, probablement aidé en cela par le temps passé en bouteille. La bouche confirme avec assurance. Le vin s'y montre intense et concentré, toujours sans excès, et avec une belle présence en milieu de bouche et un bon volume pour un vin de ce cépage. La finale n'est pas en reste, avec un beau fondu de saveurs et une allonge de niveau supérieur.

Ce vin ne m'aura pas convaincu des effets magiques de la biodynamie, sceptique je suis et je reste, mais au moins il m'aura convaincu que Seresin est un producteur à surveiller. Ce vin est très bon et se démarque du prototype néo-zélandais marqué par des arômes insistants de pamplemousse. Au prix payé de 21.95$, il s'agit d'un bon RQP. J'avais déjà goûté un Gewurztraminer de ce producteur que j'avais trouvé un peu moins convaincant que ce Sauvignon Blanc. Je poursuivrai mon exploration bientôt avec un Chardonnay de ce producteur que j'ai en réserve. À suivre.



lundi 2 avril 2012

SUR LE VIF

La mode est au dénigrement des vins de bas de gamme. Mais bas de gamme pour certains producteurs ne veut pas dire mauvais. Un des meilleurs exemples que je connaisse est Cono Sur et ses blancs de bas de gamme. Je devrais plutôt dire entrée de gamme, c'est moins péjoratif, même si au fond ça veut dire la même chose. Le blogueur Jaimie Goode, un amant du vin dit naturel et authentique, quelqu'un qu'on ne peut pas soupconner d'encourager les vins industriels et traffiqués est très élogieux dans ce court texte pour le Riesling le moins cher de la gamme Cono Sur. Ce vin se vend pour 9.95$ en Ontario. C'est sûrement le meilleur vin de ce cépage offert à ce prix. Le Viognier du même producteur, offert au même prix est aussi de qualité très surprenante. Du vin à 10$ de belle qualité ça existe encore, même si c'est plutôt rare. Je ne vous dirai pas que ce Riesling vaut bien des vins de ce cépage vendus deux fois son prix, mais je le pense...

dimanche 1 avril 2012

Croisade contre le vin bas de gamme: Un peu de rigueur SVP

Le combat de Don Quichotte contre les mauvais vins se poursuit. Oh la la!!!! Par le biais de Vin Québec je suis tombé sur ce lien. Comme enfoncement de portes ouvertes et comme malhonnêteté intellectuelle c'est difficile à battre. On nous dit qu'on a trouvé un paquet de choses dans ces vins par analyses de laboratoire, mais quand on regarde les résultats on ne voit rien de particulier. Des taux d'alcool, des pH, des acidités, des sucres résiduels, mais aucun résultats sur des molécules particulières. De plus, rien pouvant relier ces molécules imaginaires à des maux de tête. Surtout qu'on nous dit qu'un des problèmes de ces vins est un niveau de sulfites trop bas. Voilà qui va à l'encontre d'une croyance tenace à propos de ce type de vins.

Dès le premier paragraphe on se discrédite totalement en avançant sans gêne que ces vins sont élaborés avec des "levures chimiques"!!! La réalité c'est qu'une levure chimique ça n'existe pas. C'est du grand n'importe quoi. Une levure sélectionnée n'est pas une levure chimique. C'est la même chose qu'un clone de cépage en viticulture, c'est-à-dire, un organisme naturel sélectionné pour certaines de ses caractéristiques génétiques. On avance aussi que ces vins contiennent des amines biogènes, mais sans résultats de laboratoire pour étayer cette affirmation qui me semble farfelue. Il existe justement des levures sélectionnées et des additifs nutritifs pour levures pour éviter de générer ce type de sous-produits potentiellement nocifs.

Comprenez-moi bien. Je suis le premier à penser que les vins industriels existent, et que certains, surtout les moins chers, ne sont pas élaborés sans interventions discutables. Mais en matière de vin il y a plein de choses qui sont discutables et pas seulement en ce qui concerne les vins de faible prix. Personnellement, j'aurais bien plus peur de retrouver des amines biogènes dans des vins instables microbiologiquement, comme c'est le cas des vins dits naturels. Pour ce qui est des produits de synthèse potentiellement toxiques, il faut savoir que ces vins sont testés pour ceux-ci et qu'il existe des normes. Si vous avez peur des traces de produits douteux que vous pouvez peut-être retrouver dans un verre de vin. Je vous recommanderais de ne plus acheter d'aliments transformés. Le secteur de l'alimentation est beaucoup plus touché que celui du vin et la quantité d'aliments qu'on absorbe est beaucoup plus grande que la quantité de vin.

Finalement, saviez-vous qu'un individu occidental moyen ingère 1.5 grammes de pestscides par jour, mais que seulement 0.01 gramme est un pesticide synthétique? La lecture de cet article vaut vraiment la peine si on veut arrêter de diaboliser les molécules synthétiques par rapport à celles d'origine naturelle. Ça permet aussi de comprendre que la toxicité potentielle d'un composé est une chose, mais que le risque d'effets toxiques de celui-ci est affaire d'exposition, que celui-ci soit artificiel ou naturel. Alors avant d'angoisser en buvant votre prochaine bouteille de vin, vous auriez avantage à penser d'abord à ce que vous mettez dans votre assiette. Pour ce qui est du vin, le goût de celui-ci devrait être votre unique guide. Il n'y a pas de bouteille de poison sur les tablettes de la SAQ, même si l'alcool est un produit potentiellement très toxique.