dimanche 25 mars 2012

Contraste sud-américain


Je m'intéresse au vin de façon soutenue depuis environ 15 ans. Au début, j'ai exploré sans discrimination pas mal tous les pays avec comme seule restriction le prix des bouteilles. Celui-ci devait être raisonnable. J'étais donc à la recherche de vins offrant un bon RQP et je me concentrais surtout sur les vins rouges. Assez rapidement, j'ai identifié le Chili et l'Argentine comme mes deux pays favoris pour obtenir des rouges généreux offrant un RQP imbattable. Il fut donc un temps où pour moi l'Argentine était un égal du Chili et mes achats de vin se distribuaient assez également entre ces deux pays. Par la suite, pour diverses raisons, ma préférence a graduellement glissé vers le Chili, au point où aujourd'hui j'achète rarement des vins argentins. Pourquoi donc? Parce que le Chili a beaucoup évolué au cours des 15 dernières années, alors que l'Argentine est resté sensiblement au même point. Le Chili a diversifié son offre de multiples façons en développant de nombreux nouveaux terroirs plus frais propices à la production de vins blancs de haute qualité et à la production de rouges aux profils distinctifs issus principalement de la Syrah et du Pinot Noir, et dans une moindre mesure du Merlot, du Malbec et du Cabernet Franc. Le Chili a aussi appris à tirer le meilleur d'un cépage oublié, le Carmenère, sans lui donner un statut trop important, comme c'est le cas pour le Malbec en Argentine. Le Chili a aussi développé une force originale dans les vins rouges d'assemblage de type bordelais, mais avec l'avantage de pouvoir parfois y ajouter le Carmenère ainsi que la Syrah. Il ne faut pas oublier non plus la redécouverte du patrimoine de vieilles vignes de Maule, en particulier celles de Carignan. Le portrait du Chili vinicole d'aujourd'hui est bien différent de celui d'il y a une quinzaine d'années. J'aime encore les rouges de Errazuriz, Santa Rita, Carmen et Cousino Macul qui m'ont fait découvrir et apprécier ce pays, mais ces producteurs ont beaucoup évolué depuis, et tant d'autres, d'horizons variés et totalement axés sur la qualité, se sont ajoutés depuis pour offrir une variété qui est essentielle pour maintenir l'intérêt.

Pour moi l'Argentine, avec la prédominance écrasante de Mendoza, c'est un peu comme si la France se résumait essentiellement à Bordeaux. Vous me direz que c'est une comparaison flatteuse. C'est vrai, même si je ne dis pas que Mendoza c'est l'équivalent de Bordeaux. Ce que je tente d'exprimer, c'est que même si la qualité peut être au rendez-vous, il n'y a pas assez de diversité pour soutenir l'intérêt au-delà de la phase de découverte. Bien sûr, si vous connaissez l'Argentine, vous me direz que Mendoza n'est pas un bloc monolithique et que ces dernières années on a planté à des altitudes plus élevées. C'est vrai, mais la distinction est difficile à percevoir dans les vins, selon mon expérience. Une large dégustation de vins argentins en novembre 2009 avait contribué à cristalliser ma perception à ce sujet. Au-delà de Mendoza, il y a la Patagonie et son climat plus frais qui commence tranquillement à faire parler d'elle, mais ça demeure pour le moment assez limité. Il y a aussi la région de Cafayate située en altitude, plus au nord, mais la la latitude semble effacer l'effet de l'altitude et là aussi on produit des vins très généreux. L'Argentine a misé très fort sur le Malbec et en a tiré des bénéfices commerciaux. Le problème c'est que lorsqu'on pense à ce pays, on y associe automatiquement ce cépage. Le même phénomène existe en blanc avec le Torrontès. Comprenez-moi bien, il y a d'excellents vins argentins, la plupart toujours offerts à prix abordables, mais selon mon expérience et ma perception, la plupart sont dans un style assez similaire.

J'ai déjà brièvement traité du duo Argentine-Chili dans un article en 2010, mais c'est un texte récent de Peter Richards sur son blogue et dans Decanter qui a ramené ce sujet à mon esprit. Il faut dire que comme moi M. Richards préfère le Chili. Un autre texte récent de son blogue à propos de ce qu'il appelle la nouvelle vague chilienne fait contraste avec sa perception de l'Argentine. À propos des rouges argentins, il ne déplore pas seulement leur manque de diversité stylistique. Il s'en prend aussi au manque de buvabilité général de ceux-ci en jeunesse, avant de rappeler avec sagesse qu'il est préférable de miser sur des millésimes plus anciens pour trouver des vins plus faciles à boire. Bien sûr, le problème est de trouver des millésimes plus anciens de ces vins. Là comme ailleurs dans le Nouveau-Monde il faut acheter ces vins en prime jeunesse et avoir la foi et la patience de les mettre de côté pendant plusieurs années. Pour moi, les vins de Catena, Weinert, Zuccardi, Achaval Ferrer, Etchart et O. Fournier demeurent des valeurs sûres dont j'ai testé l'aptitude à bien vieillir. Le but de ce texte n'est pas de dénigrer l'Argentine et ses vins. Pour moi c'est plutôt un révélateur expliquant pourquoi après quinze ans je suis toujours aussi intéressé par le Chili et la diversité croissante qu'il peut offrir.


3 commentaires:

  1. Un bel exemple pour illustrer mon propos est de prendre deux des meilleurs producteurs de l'argentine et du Chili, Catena et Errazuriz. Depuis que j'ai découvert Catena, la gamme de vins est essentiellement demeurée la même, Malbec, Cabernet Sauvignon et Chardonnay dans la gamme de base et Alta. Des Malbecs et assemblages dans la gamme Nicolas Zapata. On a ajouté une Syrah dans la gamme de base. C'est tout. Le reste est relégué à la marque inférieure Alamos.

    Chez Errazuriz, c'est totalement différent. Au départ il y avait les gamme Estate et Reserva, devenue depuis Max Reserva, et le Don Maximiano Founder's Reserve. On se concentrait sur le Cabernet Sauvignon, le Merlot, le Cahrdonnay et le Sauvignon Blanc. Depuis, ce sont ajoutés la Syrah et le Carmenère à tous les échelons dont les top cuvées La Cumbre et Kai. On a aussi ajouté un Chardonnay et un Pinot Noir "Levures Sauvages". Un assemblage rouge appelé "The Blend" auquel on vient d'ajouter une version en blanc d'inspiration rhodanienne (Marsanne/Roussanne/Viognier). Il y a aussi un Sangiovese et une nouvelle Syrah de climat frais issue des nouveaux vignoble côtiers plantés en 2005. D'ailleurs, plusieurs vins sont en traine de migrer de Casablanca aux nouveaux vignoble d'Aconcagua Costa. Tout cela sans compter les projets parallèles Arboleda et Sena tous concentrés dans la vallée d'Aconcagua. Il y a aussi du Grenache et du Mourvèdre qui ont été plantés, donc d'autres développement sont à venir.

    Catena demeure un producteur élite, tout comme Errazuriz. Mais en terme de diversité de terroirs, de cépages et ultimement de styles de vins, il n'y a pas de comparaisons possible. À l'image des deux pays.

    Claude

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  2. Texte intéressant de Beppi Crosariol dans le Globe and Mail sur ce sujet et qui rejoint ma position et celle de Peter Richards. Lui aussi a une préférence pour le Chili. (Voir le lien vers cet article ajouté à la fin de mon texte.)

    Claude

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  3. Bonjour Claude,

    Toujours intéressants tes commentaires éclairés et éclairants.

    Je viens tout juste de publier un modeste article qui tente justement d'entrevoir quel sera l'avenir des vins du Chili. J'y fait référence rapidement à ton blog (je ne crois pas que tu y verras quelque objection; si c'est le cas, avise-moi s.v.p.).

    Voici le lien:

    http://clubdgv.blogspot.ca/2012/04/dossier-special-y-t-il-de-lavenir-pour.html

    Salutations,

    Yves

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