vendredi 30 mars 2012

SUR LE VIF

Sur ce blogue, j'ai quelques marottes. Une d'elles est de rappeler le potentiel de garde trop peu connu des rouges chiliens, même ceux de prix abordables. J'ai quelques expériences en cours avec des vins d'ailleurs dans l'hémisphère sud, mais ça prendra de nombreuses années pour en connaître les résultats. Ce texte de Jaimie Goode, sur son blogue, permet de penser que l'Afrique du Sud peut aussi offrir des vins, rouges et blancs, qui peuvent être mis en cave pour plusieurs années. Le potentiel de garde n'est pas l'apanage des vins européens. On ne le dit pas assez, probablement parce que l'on n'expérimente pas assez en ce sens. Pour preuve, M. Goode a dû voyager jusqu'en Afrique du Sud pour découvrir des vins sud-africains avec un certain âge.

jeudi 29 mars 2012

Encore la variation de sensibilité aux arômes entre dégustateurs

Par le biais de Vin Québec je suis tombé sur une vidéo très intéressante à propos de la variabilité inter individus en ce qui a trait au profil de sensibilité olfactive. Si on comprend cela, on comprend que les notes précises à la Parker sont une aberration. Comme les sensibilités sont variables, les notes précises ne sont applicables qu'à ceux qui ont le même profil et la même expérience que l'attributeur de la note. Le problème est qu'il est impossible de savoir si notre sensibilité est similaire à celle de Parker ou d'un autre expert. Pour ce qui est de l'expérience, comme les notes sont destinées à l'amateur moyen, il est clair qu'il y a un décalage inévitable. Bien sûr, la disparité concernant les sensibilités remet aussi en cause la validité des impressions écrites de dégustation, mais je pense qu'il s'agit d'un moindre mal, surtout si on ne se lance pas dans des descriptions aromatiques élaborées et très pointues.

Pour revenir à Vin Québec, j'ai trouvé paradoxal de voir le texte référant à la vidéo sur la variabilité de perception suivi par un appel à dénoncer les mauvais vins. Pour moi un vin phénolé par l'action des Brettanomyces est un mauvais vin, alors que plusieurs dégustateurs aiment ce type de vins. Ça me servirait à quoi de dénoncer ces vins comme mauvais? Pour moi ils le sont. Je les pense aussi mauvais par principe, mais quelqu'un qui est peu sensible aux arômes phénolés pourra porter un jugement totalement différent. C'est pourquoi je déplore que si peu de dégustateurs ne parlent de ce type d'arômes en termes clairs. Encore là, la variabilité entre individu peut jouer un rôle, tout comme l'entraînement à reconnaître certains arômes. Par exemple, sur Vin Québec on nous dit que le 4-Ethyl Gaïacol dégage une odeur pharmaceutique, alors que pour moi qui me suit entraîné à reconnaître cet arôme, et qui travail dans le milieu pharmaceutique, le 4-Ethyl-2-Methoxy Phénol, c'est son nom chimique, dégage une odeur évoquant la vanille et le bois brûlé. C'est d'ailleurs une odeur très agréable qui n'a rien d'un défaut. Si les Bretts ne généraient que cet arôme, je serais un amateur de vins brettés. Malheureusement, ces levures produisent beaucoup plus de 4-Ethyl-Phénol, ainsi que de l'acide isovalérique et de la tetrahydropyridine, des molécules beaucoup moins plaisantes pour l'odorat, si on y est sensible, bien sûr....

dimanche 25 mars 2012

Contraste sud-américain


Je m'intéresse au vin de façon soutenue depuis environ 15 ans. Au début, j'ai exploré sans discrimination pas mal tous les pays avec comme seule restriction le prix des bouteilles. Celui-ci devait être raisonnable. J'étais donc à la recherche de vins offrant un bon RQP et je me concentrais surtout sur les vins rouges. Assez rapidement, j'ai identifié le Chili et l'Argentine comme mes deux pays favoris pour obtenir des rouges généreux offrant un RQP imbattable. Il fut donc un temps où pour moi l'Argentine était un égal du Chili et mes achats de vin se distribuaient assez également entre ces deux pays. Par la suite, pour diverses raisons, ma préférence a graduellement glissé vers le Chili, au point où aujourd'hui j'achète rarement des vins argentins. Pourquoi donc? Parce que le Chili a beaucoup évolué au cours des 15 dernières années, alors que l'Argentine est resté sensiblement au même point. Le Chili a diversifié son offre de multiples façons en développant de nombreux nouveaux terroirs plus frais propices à la production de vins blancs de haute qualité et à la production de rouges aux profils distinctifs issus principalement de la Syrah et du Pinot Noir, et dans une moindre mesure du Merlot, du Malbec et du Cabernet Franc. Le Chili a aussi appris à tirer le meilleur d'un cépage oublié, le Carmenère, sans lui donner un statut trop important, comme c'est le cas pour le Malbec en Argentine. Le Chili a aussi développé une force originale dans les vins rouges d'assemblage de type bordelais, mais avec l'avantage de pouvoir parfois y ajouter le Carmenère ainsi que la Syrah. Il ne faut pas oublier non plus la redécouverte du patrimoine de vieilles vignes de Maule, en particulier celles de Carignan. Le portrait du Chili vinicole d'aujourd'hui est bien différent de celui d'il y a une quinzaine d'années. J'aime encore les rouges de Errazuriz, Santa Rita, Carmen et Cousino Macul qui m'ont fait découvrir et apprécier ce pays, mais ces producteurs ont beaucoup évolué depuis, et tant d'autres, d'horizons variés et totalement axés sur la qualité, se sont ajoutés depuis pour offrir une variété qui est essentielle pour maintenir l'intérêt.

Pour moi l'Argentine, avec la prédominance écrasante de Mendoza, c'est un peu comme si la France se résumait essentiellement à Bordeaux. Vous me direz que c'est une comparaison flatteuse. C'est vrai, même si je ne dis pas que Mendoza c'est l'équivalent de Bordeaux. Ce que je tente d'exprimer, c'est que même si la qualité peut être au rendez-vous, il n'y a pas assez de diversité pour soutenir l'intérêt au-delà de la phase de découverte. Bien sûr, si vous connaissez l'Argentine, vous me direz que Mendoza n'est pas un bloc monolithique et que ces dernières années on a planté à des altitudes plus élevées. C'est vrai, mais la distinction est difficile à percevoir dans les vins, selon mon expérience. Une large dégustation de vins argentins en novembre 2009 avait contribué à cristalliser ma perception à ce sujet. Au-delà de Mendoza, il y a la Patagonie et son climat plus frais qui commence tranquillement à faire parler d'elle, mais ça demeure pour le moment assez limité. Il y a aussi la région de Cafayate située en altitude, plus au nord, mais la la latitude semble effacer l'effet de l'altitude et là aussi on produit des vins très généreux. L'Argentine a misé très fort sur le Malbec et en a tiré des bénéfices commerciaux. Le problème c'est que lorsqu'on pense à ce pays, on y associe automatiquement ce cépage. Le même phénomène existe en blanc avec le Torrontès. Comprenez-moi bien, il y a d'excellents vins argentins, la plupart toujours offerts à prix abordables, mais selon mon expérience et ma perception, la plupart sont dans un style assez similaire.

J'ai déjà brièvement traité du duo Argentine-Chili dans un article en 2010, mais c'est un texte récent de Peter Richards sur son blogue et dans Decanter qui a ramené ce sujet à mon esprit. Il faut dire que comme moi M. Richards préfère le Chili. Un autre texte récent de son blogue à propos de ce qu'il appelle la nouvelle vague chilienne fait contraste avec sa perception de l'Argentine. À propos des rouges argentins, il ne déplore pas seulement leur manque de diversité stylistique. Il s'en prend aussi au manque de buvabilité général de ceux-ci en jeunesse, avant de rappeler avec sagesse qu'il est préférable de miser sur des millésimes plus anciens pour trouver des vins plus faciles à boire. Bien sûr, le problème est de trouver des millésimes plus anciens de ces vins. Là comme ailleurs dans le Nouveau-Monde il faut acheter ces vins en prime jeunesse et avoir la foi et la patience de les mettre de côté pendant plusieurs années. Pour moi, les vins de Catena, Weinert, Zuccardi, Achaval Ferrer, Etchart et O. Fournier demeurent des valeurs sûres dont j'ai testé l'aptitude à bien vieillir. Le but de ce texte n'est pas de dénigrer l'Argentine et ses vins. Pour moi c'est plutôt un révélateur expliquant pourquoi après quinze ans je suis toujours aussi intéressé par le Chili et la diversité croissante qu'il peut offrir.


mardi 20 mars 2012

SUR LE VIF

Nouvelle amusante cette semaine sur le site de Decanter à propos du Château Brane-Cantenac où un stagiaire chilien, en 2006, a incité ce producteur à redécouvrir le Carmenère. Le réchauffement climatique pourrait permettre la réintroduction graduelle de ce cépage dans le bordelais. C'est ce qu'on appelle boucler la boucle.

samedi 17 mars 2012

SYRAH, CUVÉE ALEXANDRE, LAS KURAS, 2008, CACHAPOAL, CASA LAPOSTOLLE




Ce vin est issu du vignoble Las Kuras, situé à 5 km du pied des Andes, sur un lit asséché de rivière. Ce sol rocheux ressemble à celui de Bordeaux et procure un bon drainage, en plus d'absorber une chaleur qui est rendue après le coucher du soleil. Casa Lapostolle est un autre producteur chilien qui s'est laissé séduire par la mode biodynamique et ce vignoble est cultivé selon cette doctrine. Le millésime 2008 a été le plus frais des six dernières années, mais l'absence de pluie au temps des vendanges a permis d'attendre l'obtention de la maturité phénolique considérée comme optimale. L'élaboration de ce vin inclut la vendange manuelle et un tri serré au chai. La fermentation est effectuée sans inoculation, avec les levures indigènes du milieu, et la fermentation malolactique a lieu en barriques de chêne, elle aussi sans inoculation de bactéries sélectionnées. Le vin a été élevé pendant 22 mois en barriques de chêne français ( 67% neuves, 25 % deuxième usage et 8 % troisième usage). La vin n'a pas été collé, mais a été légèrement filtré. Il titre à un ronflant 15.5% d'alcool. À priori ce n'est pas le type de vin que je privilégie, mais j'étais curieux d'en faire l'essai pour mettre mes préjugés à l'épreuve.

La robe est d'un violet foncé impénétrable témoignant de la jeunesse et du style du vin. Le nez est expressif et charmeur, exhalant des douces notes de fruits noirs très mûrs, de cerises macérées dans l'alcool, de pâtisserie, d'épices douces, de poivre noir et de fumée. Le profil olfactif est axé sur une grande maturité du fruit et sur un apport boisé généreux. Le titre alcoolique élevé du vin est perceptible, mais l'ensemble est cohérent et agréable. La bouche, sans surprise, suit le fil conducteur déjà initié et en rajoute même une couche sans s'excuser. Le vin s'y montre opulent et soyeux, une véritable pâtisserie à la confiture de fruits et au chocolat noir. C'est riche et juteux, les anglos diraient décadent, mais la qualité est indéniable et le style totalement assumé. En milieu de bouche le vin montre un fort niveau de concentration, avec un bon volume, une certaine onctuosité et une présence alcoolique qui s'intègre au style. La finale résume en feu d'artifice l'essence de ce vin avec de l'intensité et de la longueur sur des relents amers de chocolat noir.

J'ai écrit plusieurs fois sur ce blogue que la Syrah était le cépage noir le plus versatile du Chili. Sa capacité d'adaptation à différents terroirs permet d'obtenir une grande variété de styles. Avec ce vin de Casa Lapostolle, on se situe clairement à un extrême du spectre stylistique. On a clairement choisi de loger du côté de l'archétype Shiraz. C'est un vin privilégiant la maturité du fruit, l'usage assez appuyé de la barrique de chêne, et dont le style intègre bien le taux élevé d'alcool. Cet alcool est légèrement perceptible, mais pas d'une façon négative, si on accepte ce style qui a des airs de parenté avec le porto, un porto sec toutefois. Personnellement, ce n'est pas le style de vin que j'aime boire de façon régulière, mais à l'occasion et dans des circonstances appropriées, je ne boude pas le plaisir particulier que ce genre de vin peut offrir. Ceci dit, j'ai quand même bu la bouteille sur une période de trois jours. Ce n'est pas le type de vin qui appelle rapidement le fond de la bouteille. Heureusement, le vin a parfaitement tenu sur cette période et n'a rien perdu dans cet intervalle. Malgré cela, c'est un vin que j'hésiterais à mettre en cave pour une longue période. J'aurais peur que l'alcool à la longue prenne trop de place, mais c'est là un préjugé de ma part, car je n'ai jamais gardé de rouge montrant un titre alcoolique aussi élevé. Le prix de ce vin (25.25$) me semble très intéressant par rapport à son niveau qualitatif. Des exemples australiens ou californiens de ce niveau et de ce style se vendent généralement pas mal plus cher. Finalement, c'est un vin idéal pour déculotter tous ceux qui pensent que la biodynamie et le naturalisme dans le vin sont un rempart contre ce style de vin. Malgré la bioD et les fermentations aux micro-organismes indigènes, ce vin est doux, soyeux et onctueux, et il est ainsi d'abord et avant tout à cause des choix de ceux qui l'ont élaboré. Les deux choix les plus critiques ayant été la date tardive de vendange, privilégiant la maturité phénolique, et un usage généreux de la barrique toastée de chêne neuf. Malgré toutes les croyances qu'on peut bien tenter de colporter, l'interprétation d'un terroir, par le style préconisé, demeure essentiellement une question de choix humains.

lundi 12 mars 2012

Le lecteur vin sur internet est-il intéressé de savoir que Julia achète son vin à l'épicerie pour son ménage à trois fusionnel?!


J'ai peu bu de vin ces derniers mois, mais je continue de lire à son propos, surtout dans le petit monde virtuel québécois du vin. Je ne sais pas ce qui se passe, mais il semble y avoir une préoccupation dernièrement pour sauver le lecteur des mauvais vins. Sur le forum Fouduvin on s'est un peu excité à propos du vin californien « Ménage à Trois », d'un reportage de l'émission l'Épicerie à propos justement des vins d'épicerie, sans compter une gamme de vin particulière vendue en exclusivité chez Costco... Bill Zacharkiw, cette semaine, dans The Gazette, vante les vins dits naturels en nous mettant en garde contre les vins traficotés auxquels on ajoutent de la gomme arabique, des colorants, tanins et arômes exogènes, sans compter les copeaux de chêne. Aujourd'hui il y a Vin Québec qui en remet une couche pour nous protéger des vins rouges mous, épais et non naturels. J'y ai appris que c'était la recette suivie par l'Argentine, le Chili, l'Australie et la Californie. Ouch! L'amateur de bons vins du Nouveau-Monde que je suis en a pris plein la tronche sur celle-là!!!...

Donc, il semble vraiment y avoir une préoccupation pour protéger l'amateur des vins bas de gamme, ou qui correspondent à une esthétique particulière. Il me semble qu'on enfonce un peu des portes ouvertes. Je pense que l'amateur qui prend la peine de lire à propos du vin sur internet possède déjà certaines notions et le plus souvent est rendu à un autre niveau. Quand j'ai acheté mon premier guide Phaneuf en 1997, les vins les moins chers se vendaient déjà autour de 10$. Maintenant, 15 ans plus tard, la situation n'a pas changé. Après cela, certains s'étonnent que des pratiques douteuses puissent exister partout dans le monde à propos des vins de cette gamme de prix. Dernièrement j'ai participé à un souper où un convive avait apporté des vins qu'il avait lui-même élaborés à partir de concentrés, un rouge et un blanc. Ces vins étaient carrément sucrés. Il y avait aussi sur la table un Chianti de bonne facture. La majorité des convives, des gens qui n'ont pas d'intérêt particulier pour le vin, ont préféré le rouge maison et ont vanté le côté agréable du blanc. Je n'ai pas été étonné, mais pour moi il est clair que ces gens ne vont pas sur internet pour lire à propos du vin. Je ne veux pas ici faire la morale à qui que ce soit. Chacun est libre de ses convictions et des combats qu'il veut mener. J'en mène certains, ici sur ce blogue, mais je ne verrais pas l'intérêt de m'en prendre à des vins d'entrée de gamme, quelle qu'en soit l'origine. Je pense que le débat devrait se situer au niveau de vins que l'amateur moyen peut raisonnablement prendre au sérieux. Il me semble qu'il est plus profitable d'écrire sur les vins qu'on aime, en expliquant pourquoi, que de dénoncer une catégorie de vins qui est là pour rester de toute façon et qui comble un besoin.

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dimanche 11 mars 2012

La garde du vin: Une façon simple d'ignorer la tendance


Qu'est-ce qui est tendance actuellement dans le monde branché du vin? L'idéalisation de la nature. Cela se reflète dans la vogue du vin dit naturel, du vin biologique, voire biodynamique. Ces courants privilégient le rejet des sulfites comme agent stabilisateur du vin, ou son usage minimal. L'usage des levures indigènes est aussi favorisé, au dépend des levures sélectionnées. Le collage et la filtration sont aussi considérés comme des étapes néfastes, ayant soi-disant pour effet de priver le vin de son âme... Bien sûr, ce naturalisme relève surtout d'une forme particulière de romantisme, où l'action de l'homme est décrétée comme nuisible. J'ai longuement traité de ce sujet dans un texte antérieur.

Si vous êtes de ceux qui ont tendance à se laisser séduire par ce type de discours, il peut être embêtant de choisir un vin sans se poser trop de question à propos des vilaines manipulations qu'il aurait pu subir. Heureusement, il y a une façon simple mais exigeante de couper court à ce genre de questionnement, garder du vin en cave sur une longue période. Personnellement, je n'ai jamais embarqué dans ce courant mystico-naturiste. Idéalement je préfère les vins bios, mais seulement pour des raisons environnementales, pas parce qu'ils sont nécessairement meilleurs. Ceci dit, je ne m'empêche pas d'acheter des vins conventionnels si je pense que ceux-ci représentent de bons achats. Je pense juste que le bio est préférable, là où c'est possible, mais ce n'est pas une clef essentielle à l'atteinte d'un haut niveau qualitatif. Pour le reste, je continue de penser qu'il y a beaucoup poudre jetée aux yeux. Toutefois, privilégier des vins ayant un bon potentiel de garde constitue encore le meilleur moyen de couper court à ce genre de prétentions fumeuses. J'ai déjà écrit un texte à propos de la garde et de la disparition graduelle des sulfites dans le vin. Heureusement, les vertus du cellier et de la patience ne s'arrêtent pas là. La complexité que les levures indigènes peuvent apporter ne sont potentiellement perceptibles que sur de très jeunes vins, surtout des blancs. Le temps en bouteille a pour effet d'annuler cette possible distinction de prime jeunesse. Voici un lien vers un texte intéressant sur le sujet. Autre point où selon moi la garde a un effet niveleur, c'est à propos des vins non collés et non filtrés. Les partisans de cette pratique, popularisée par notre bon ami le pape Bob premier, prétendent que le collage et la filtration ont pour effet de priver un vin d'une partie de sa chair, entre autre en défaisant sa structure colloïdale. Bien sûr, il y a différents types de filtrations, certaines plus restrictives que d'autres. Sur des vins très jeunes, cette théorie semble sensée, mais sur des vins plus âgés, j'ai toujours eu de forts doutes sur la pleine validité de celle-ci. La plupart des vins élaborés sans collage ni filtration présente un dépôt important, même en jeunesse. Cela signifie qu'une bonne partie de la matière qu'on voulait préserver dans le vin décante rapidement au fond de la bouteille. Ensuite, mon expérience m'a montré que même sur des vins collés et filtrés, la garde prolongée a pour effet de provoquer la formation d'un dépôt, entre autre, par la polymérisation de tanins et autres polyphénols. Donc, le temps en bouteille a pour effet d'enlever de la matière au vin. Les vins âgés sont généralement moins charnus et volumineux. Donc, le temps prolongé en bouteille a un effet qui se rapproche de celui de la filtration. À mon avis, donc, lorsqu'il est question de vins âgés, il doit être bien plus difficile de percevoir une différence entre vins filtrés et non filtrés.

Finalement, les enjeux possibles reliés à toute cette question de naturisme dans le vin s'appliquent à mon avis à des vins jeunes. Si votre goût et votre expérience vous portent vers des vins plus âgés, ces considérations deviennent alors secondaires. Le temps en bouteille a eu pour effet de niveler les choses en éliminant une bonne partie, voire la totalité, des différences de jeunesse entre l'approche naturalisante et l'approche œnologique. Le temps en bouteille pourra aussi atténuer un boisé très généreux de jeunesse. Toutefois, il est important de se rappeler que les vins peu ou pas sulfités et non filtrés ont plus de chance d'être microbiologiquement instables et donc de développer des arômes particuliers de fermentation secondaire en bouteille. Des arômes qui peuvent être très désagréables pour un bon nombre de dégustateurs. La garde du vin élaboré selon les règles de l'art de l’œnologie me semble donc un moyen idéal pour couper court à toutes ces considérations idéologiques. La garde affinent les vins stabilisés qui en ont le potentiel en les transformant au niveau aromatique et en les dépouillant des excès et artifices qui viennent souvent avec la jeunesse.

mardi 6 mars 2012

SAUVIGNON BLANC, EQ, 2010, SAN ANTONIO, VINA MATETIC




Matetic est un des leaders de ce que j'appelle le Nouveau-Chili. C'est un producteur de petite taille, selon les standards chiliens, qui mise sur des vins de climat frais élaborés en respectant les préceptes de la biodynamie. Personnellement, je préfère y voir des vins biologiques auxquels ont a apporté beaucoup de soin dans le processus d'élaboration. Ce vin est issu du clone 242 cultivé sur quatre parcelles distinctes présentant des exposition différentes. Dans le but de donner un peu plus de corps et de complexifier l'ensemble, 14% du vin a été fermenté en barriques de chêne français de second usage, le reste ne voyant que l'inox. Un élevage de sept mois avec bâtonnage périodique des lies fines a eu lieu, tant en barrique qu'en cuve d'inox, dans le but de donner un peu plus de volume au vin. Celui-ci titre à 13.5% d'alcool, pour un pH très faible de 3.06. Le vin est aussi très sec avec seulement 1.36 g/L de sucres résiduels.

La robe est d'une teinte verdâtre très pâle. Le nez est plutôt timide pour un jeune vin de ce cépage. Il est tout de même possible d'y déceler des arômes de citron, de zeste de pamplemousse, de melon, complétés par une légère touche florale et un léger aspect végétal évoquant l'herbe fraîchement coupée. Je n'ai pas décelé d'aspect boisé. En bouche, le vin est bien affûté, l'acidité y est tranchante et donne beaucoup de vivacité au fruité citronné. C'est donc un vin à la structure droite et très ferme qui montre de l'élégance par son caractère épuré. Le milieu de bouche permet de mieux jauger la matière de ce vin qui se révèle d'un bon niveau, marquée par la densité et la tension. Le vin est rafraîchissant et relativement facile à boire, compte tenu de son style. La finale ne déçoit pas, alliant intensité fruitée et fraîcheur acidulée, le tout sur une belle allonge des saveurs.

Ce vin est un superbe exemple de ce que le Chili peut maintenant faire avec ce cépage, mais il faut apprécier l'acidité marquée pour en tirer tout le plaisir possible. Pour les palais plus sensibles, ou qui ne seraient pas encore rompus à ce style trempé, il est clair que de le boire sur un plat approprié pourrait le faire paraître plus souple. Je dis ça un peu à reculons, car trop souvent selon moi on justifie des vins de qualité douteuse en recommandant de les prendre avec de la nourriture. Dans ce cas-ci, je pense que la qualité est indéniable et le vin délectable par lui-même, mais je conçois que le style demande à être apprivoisé. Pour ce qui est du contexte par rapport à ce vin, il est clair que Matetic a décidé de prendre un tournant stylistique majeur avec cette cuvée en optant pour moins de maturité et plus de fraîcheur. Ce virage a été pris avec le millésime 2009, que j'ai raté, et se poursuit avec ce 2010. Le vin titre à un plein degré  d'alcool de moins que les deux millésimes précédents que j'avais goûtés et achetés, soient les 2007 et 2008, qui tous deux titraient à 14.5% d'alcool. J'appréciais le style plus rond et plus tropical au niveau du fruit des millésimes sus-mentionnés, et il m'est difficile de dire si je préfère le nouveau style. C'est comparer deux choses différentes qui ont un charme qui leur est propre.


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dimanche 4 mars 2012

Parker et la nécessité de maintenir le mythe


J'ai continué de lire depuis hier ce qui s'écrit ici et là sur la toile dans la foulée du lot de notes parfaites récemment attribuées par Parker à des bordeaux 2009. Plus je lis et plus ça me désole. Ceux qui s'offusquent de Parker pour avoir décrété trop de perfection ne remettent pas en cause le système de notation sur 100 ou son statut quasi papal. Non. Ce qu'on semble lui reprocher, c'est d'avoir sanctifié trop de vins et de l'avoir fait trop rapidement. Comme si de nommer d'un coup autant de vins enlevait de la valeur à la sainteté. Mais on ne remet pas en cause la capacité d'un homme à décréter la sainte perfection. Pourtant, plus je lis sur les critères pouvant mener à la sanctification parkerienne, et plus je me dis que le pape est plus ouvert que lui dans ses critères. J'ai appris au fil de mes lectures que 10 points de l'échelle d'évaluation de ce bon Parker étaient attribués au potentiel de garde d'un vin. Un vin sans potentiel d'évolution est ainsi plafonné à 90 points. Donc, pour décréter la perfection il faut pouvoir lire dans l'avenir, et si par malheur vous avez une faible longévité, la sainteté vinique vous sera inaccessible. Une chance que Jeanne D'arc n'était pas une bouteille de vin... Une chose est sûre, ceux qui achètent des vins sur la base des notes de Parker, et ouvrent rapidement leurs bouteilles, devraient savoir que la note du prophète est alors invalide. De plus, pour adhérer au système Parker, il faut obligatoirement avoir une cave et la patience de garder ses vins sur de longues périodes, avec les coûts très élevés que ça implique. Le premier grand cru payé 1000$ en primeur aura triplé de prix 25 ans plus tard, lors de l'ouverture, au moment où la grosse note si séduisante de Parker sera justifiée. Ceux qui se plaignent du prix prohibitif des grands bordeaux devraient se rendre compte que ce prix l'est encore beaucoup plus si on suit les règles de l'art en la matière. C'est beaucoup d'argent à investir pour espérer toucher la perfection, et il faut avoir confiance en sa propre longévité. Ceci dit, je sais que lorsqu'il est question de perfection, il est trivial de parler d'argent... Veuillez m'en excuser.

Comme on peut le voir, tout cela semble bien loin du simple plaisir que le vin peut procurer. Ça semble aussi bien loin de la réalité de la vaste majorité des amateurs. Ce simple constat devrait être suffisant pour entraîner le rejet de ce système de notation insensé, même s'il y a bien d'autres raisons de le rejeter. Ce système est à mon avis la plus grande arnaque existante dans le monde du vin. À côté de cela la biodynamie semble presque rationnelle... Pourtant, le ridicule et l'invalidité de ce système seraient tellement faciles à démontrer par une simple dégustation à l'aveugle. Pour ce faire, Parker devrait prêter sa collaboration, ce qui bien sûr n'arrivera jamais. N'empêche, une simple dégustation, où Parker devrait noter à l'aveugle une série de vins qu'il a déjà notés dans sa revue, suffirait pour détruire la renommée de son système de notation et le mythe de son infaillibilité. Ça ne voudrait toutefois pas dire que Parker n'est pas un excellent dégustateur et qu'il ne maîtrise pas son sujet. Ça voudrait simplement dire qu'il s'agit d'un humain avec les limites que ça implique, et ça démontrerait surtout que la précision chirurgicale de ses sens et de son système de notation sont une véritable farce. Ça mettrait aussi à mal sa prétendue capacité à identifier la perfection. Cependant, si l'ami Bob se contentait de l'échelle simple à cinq niveaux que j'évoquais hier, alors je pense que son taux de réussite dans une telle dégustation serait excellent, et il prouverait ainsi qu'il maîtrise son sujet comme un humain doué et expérimenté peut le maîtriser. Pour moi il serait bien plus crédible dans ces conditions, mais pour la meute de ses fidèles, la désillusion serait grande. Le monde du vin aime les mythes, on y parle souvent de magie, on s'en remet volontiers au pouvoir des astres et aux vertus d'une nature idéalisée comme bienveillante. Mais on est souvent plus réticent a ramener le tout à une échelle humaine. En ce sens, il est facile de comprendre le mythe Parker et la division qu'il provoque. Ses partisans l'ont érigé en prophète, alors que ses détracteurs n'y voient qu'un homme, donc un suspect. Si Parker détruisait son mythe et assumait son humanité, en laissant tomber son système alambiqué de notation pour quelque chose de plus simple et réaliste, il tomberait dans une certaine indifférence. Tel est le monde du vin.

vendredi 2 mars 2012

Sa Bobeté et le ridicule de l'infaillibilité


J'ai bien ri en lisant le dernier texte de Tim Atkin à propos des derniers scores de 100 points accordés par Robert Parker à un bon nombre de bordeaux 2009. Atkin donne à ce bon Bob un titre que s'était attiré Dylan dans un autre domaine. J'ai tenté de le traduire dans mon titre, car je trouve que ça représente bien le problème avec Parker. Cet homme a acquis un statut quasi surnaturel dans le monde du vin, du moins auprès d'un certain public et du marché de certains vins. Comme bien des choses dans ce fameux monde du vin, ça dépasse l'entendement, le rationnel, le gros bon sens. C'est rendu tellement ridicule que c'en est drôle. Dans ces circonstances, il est difficile de comprendre comment le système de notation sur 100 arrive à survivre. Il faut que l'appétit pour les chiffres érigés en vérités absolues soit très grand. Quand va-t-on se rendre compte que réduire un vin à un nombre et penser que celui-ci est valide pour tous en tout temps est absolument insensé? La beauté du vin tient en partie à son caractère changeant selon l'angle et le moment où on l'aborde. Au delà d'une certaine qualité objective, l'appréciation du vin est affaire de sensibilité personnelle, de prédisposition mentale et de contexte de dégustation. Encore une fois, ramener ça à un nombre très précis et définitif n'a absolument aucun sens. Le problème ne tient pas tant à Parker qu'à ceux qui lui accordent un statut d'infaillible. Ça me rappelle un vieux sketch de Ding et Dong avec un certain Jean-Paul II qui montrait bien l'absurdité de ce genre de croyance...