samedi 29 décembre 2012

CABERNET SAUVIGNON, ROYALE, 2008, COLCHAGUA, VINA KOYLE



Au-delà de la qualité des vins et du prix favorable de la grande majorité d'entre eux, ce qui maintient mon intérêt pour le Chili c'est la diversité croissante qu'offre ce pays. Une part de cette diversité est due à l'émergence constante de petits producteurs totalement axés sur la qualité et l'approche terroir. Dans le cas du vin que je vous présente aujourd'hui, on est en face d'un bel exemple de la régénération vinicole qui a actuellement cours dans ce longiligne pays. Vina Undurraga est une des plus vieilles maisons traditionnelles du Chili. En 2006 la famille Undurraga a vendu sa participation dans la compagnie. Peu après, cette famille toujours passionnée par le vin s'est lancée dans un nouveau projet vinicole appelé Vina Koyle (prononcer koy-lé). Un projet de taille beaucoup plus réduite, mais axé sur la notion de terroir et avec de hautes visées qualitatives. Après avoir évalué plusieurs sites dans le pays, la région de Los Lingues, au pied des Andes, dans l'Alto Colchagua, fut choisie. Avec l'aide du spécialiste chilien de la notion de terroir, Pedro Parra, des analyses de sols ont été effectuées pour planter les cépages choisis sur les sols les plus appropriés (Cabernet Sauvignon, Syrah, Malbec, Tempranillo, Petit Verdot, Carmenère et Mourvèdre). Vina Koyle élabore un seul vin blanc, il s'agit d'un Sauvignon Blanc de climat frais venant de Paredones, à quelques kilomètres du la côte pacifique. Je soupçonne que les fruits pour ce vin proviennent du vignoble côtier de Vina Casa Silva, qui est le voisin de Koyle à Los Lingues. Vina Koyle cultive ses vignes selon les préceptes de la biodynamie, c'est-à-dire une culture biologique mâtinée d'ésotérisme. Pour goûter un des premiers vins du nouveau vignoble de l'Alto Colchagua, je vous conseille d'essayer la Syrah, Reserva,2010, qui est actuellement offerte à la SAQ. J'ai essayé le premier millésime de ce vin, soit le 2009, et je l'ai bien aimé. Karyne Duplessis Piché parle favorablement du 2010 ici.

Pour ce qui est de la cuvée Royale de Cabernet Sauvignon, 2008, elle a été élaborée à partir de fruits achetés, car en 2008 les vignes du nouveau vignoble n'avaient été plantées que depuis deux ans. Il s'agit en fait d'un assemblage comprenant aussi 13% de Malbec et 2% de Carmenère. Le rendement des vignes est faible à 1 kg par plant, ce qui permet de produire une bouteille par plant de vigne. Le vin a été élevé 18 mois en barriques de chêne français. Il titre à 14.5% d'alcool et n'a pas été filtré. Le producteur parle d'une garde d'une dizaine d'année pour cette cuvée.

La robe est foncée et opaque avec des reflets violacés. Le nez est riche sans être trop expressif et on peut y dénoter des arômes de fruits noirs avec le cassis qui tient le premier rôle. Cet aspect fruité prédominant est complété par des notes de menthol, de bois de cèdre, de vanille/bois brûlé et de caramel. En bouche, le vin se montre très intense dès l'attaque et on peut sentir qu'il s'agit d'un vin ambitieux. Il y a beaucoup de matière et de présence, avec beaucoup de fruit, mais aussi une présence boisée bien marquée. Le milieu de bouche permet de confirmer la forte concentration de ce nectar, ainsi que la densité de l'ensemble. Les tanins apparaissent soyeux jusqu'à mi-parcours, mais montrent une bonne poigne par la suite avec une amertume qui gagne en importance. Cela marque la finale qui est puissante et très persistante.

En tant que pays vinicole en développement rapide, le Chili a cette faculté de surprendre car le caractère hiérarchique des vins de ce pays n'est pas clairement établi. On retrouve parfois de nouvelles cuvées de luxe dont le prix sert surtout à refléter les ambitions élevées du producteur. Puis il y a des vins comme cette cuvée Royale de Vina Koyle qui se contente d'un nom évocateur pour souligner le caractère ambitieux du vin, laissant la surprise du contenu de la bouteille au consommateur. Avec cette cuvée, il semble que ce nouveau producteur ait misé sur le prix accessible de son vin (20$) pour faire connaître le niveau qualitatif qu'il peut atteindre. À mon sens, ce vin se compare, en terme de style et de niveau qualitatif, à bien des vins chiliens vendus beaucoup plus chers. On joue dans la cour des super premiums à une fraction du prix. C'est du vin très sérieux, mais actuellement beaucoup trop jeune pour pouvoir se présenter sous son meilleur jour. Le producteur parle d'un potentiel de garde de 10 ans, mais moi je pense que dans 10 ans ce vin ne fera qu'entrer dans se fenêtre la plus favorable, selon mes préférences. Au stade actuel c'est un vin impressionnant, mais difficile à boire pour moi car il a beaucoup de tout. C'est pourquoi je l'ai bu sur quatre jours, et le vin n'a pas bronché pendant cette période. Vin de garde sérieux donc, et en ce sens, mes cinq autres bouteilles vont reposer plusieurs années avant que j'ouvre la prochaine. Vina Koyle, un autre nom à ajouter à la nouvelle vague chilienne.




lundi 17 décembre 2012

Notes sud-américaines

Pour ceux qui partagent ne serait-ce qu'un peu mon goût des vins chiliens. Je vous présente un lien qui montre le classement des meilleurs vins de ce pays selon deux guides d'achat spécialisés dans les vins chiliens. Vous verrez qu'il y a peu de vins de ces listes qui sont disponibles au Québec. Mais il y a bien des producteurs dont j'ai déjà parlé sur ce blogue. Je suis content de voir que deux vins dont j'ai vanté très fortement les mérites, dans des millésimes antérieurs, sont nommés comme meilleurs vins en rouge et en blanc. Il s'agit du Cabernet Sauvignon, Domus Aurea de Clos Quebrada de Macul et le Sauvignon Blanc, Cipreses Vineyard, de Casa Marin.

C'est la saison des Top 100 dans les magazines américains. Je suis tombé sur celui particulier du chroniqueur vin du Vancouver Sun, Anthony Gismondi ici. Il est intéressant de voir les choix de M. Gismondi, avec 20 vins argentins dans le 50 premiers, et 31 sur 100. Il y a aussi 52 vins du Nouveau-Monde dans ce classement, dont le numéro 1, le Grange, 2006, de Penfolds. Toutefois, l'Europe monopolise le reste du Top 10. Ce n'est pas au Québec qu'on retrouverait un journaliste y allant d'un classement aussi équilibré entre le nouveau et l'ancien monde. Bien sûr, ce type d'exercice n'a pas vraiment de valeur dans l'absolu, il devrait y avoir plus que trois chiliens! Sérieusement, quand quelqu'un se commet dans ce type d'exercice ça reflète son goût, bien sûr, mais aussi sa mentalité. Dans le cas de M. Gismondi, il est clair que pour lui l'Argentine est un pays qui peut prétendre au meilleur. Personnellement, j'ai délaissé l'Argentine au profit du Chili, question de goût personnel et de diversité stylistique. Ceci dit, je ne renie pas la qualité des vins de ce pays. J'en ai encore pas mal en cave, et j'aime voir un professionnel comme Anthony Gismondi se commettre pour un genre de vin qu'il aime, au-delà des hiérarchies traditionnelles.

mercredi 12 décembre 2012

PINOT NOIR, LOMAS DEL VALLE, 2010, CASABLANCA, LOMA LARGA



Dans un texte récent je disais que je demeurais un amateur de vins de prix abordables qui goûtent simplement le vin tout en reflétant bien cépages et terroir d'origine, sans artifices. Voilà donc que peu après j'ai ouvert ce vin qui cadre parfaitement avec cette définition. Un vin de Pinot Noir non boisé qui rend admirablement l'essence de ce cépage et de la région fraîche de Casablanca d'où il est issu. Lomas del Valle est la nouvelle étiquette créée par Loma Larga, un producteur dont j'ai déjà commenté plusieurs vins sur ce blogue, ici, ici, ici et ici . Loma Larga vendait auparavant une bonne partie de ses raisins à d'autres producteurs, mais a maintenant décidé de les vinifier pour créer une gamme de vins élaborés sans usage de bois de chêne. Il est intéressant de goûter des vins de haute qualité élaborés sans usage de bois. Ça ramène à l'essentiel, le simple jus de raisin fermenté. Boire ce type de vin de façon régulière permet aussi de mieux distinguer par la suite ce qui peut venir du raisin en terme d'arômes et de saveurs. Regardez ce lien pour en connaître plus sur ce projet très intéressant d'un des meilleurs producteurs du Chili.

La robe est d'un rubis éclatant et bien soutenu, mais son aspect translucide trahit un peu l'identité du cépage. Il en va de même du nez qui est tout en fruits rouges, avec de la cerise et de la fraise. Ce beau fruit est complété par des notes doucement épicées évoquant quelque peu la cannelle et la muscade, ainsi que par une légère touche fumée. En bouche, l'attaque est juteuse et ample avec une matière généreuse pour un vin de ce cépage, mais sans compromis sur la fraîcheur. Le fruité est éclatant, la palette de saveurs étant fidèle aux arômes déjà perçus. Le milieu de bouche révèle un vin qui sait allier concentration et "gouleyance", aidé en cela par des tanins légers et soyeux. La finale est logique et harmonieuse avec une très bonne longueur.

Souvent les vins non boisés, issus de cépages qui voient normalement le bois, sont pris moins au sérieux. Je dirais même qu'on a tendance à penser qu'il s'agit de vins de moindre qualité. On dit parfois que ce sont des vins inaptes à supporter le bois. Dans ce cas-ci, je n'ai pas eu cette impression. La qualité du vin est élevée, et il semble que l'absence de bois soit un choix purement stylistique. En ce sens, j'ai trouvé l'exercice intéressant et réussi. Pour le prix payé de 17$, il s'agit bien sûr d'un très bon RQP. Un vin fidèle au standard élevé que j'ai toujours retrouvé dans les vins de Loma Larga que j'ai eu la chance de déguster. Un vin propre, frais et éclatant qui donne beaucoup de plaisir.



lundi 10 décembre 2012

Stabilité des prix

Pendant qu'on s'enthousiasme sur Vin Québec et Fouduvin à propos de la baisse de prix du Cabernet Sauvignon toscan Farnito, qui était l'objet d'une promotion à moins 25% samedi dernier à La SAQ. Je rappelle que le prix des cabs chiliens de type Reserva est stable depuis que j'ai commencé à m'y intéressé il y a 15 ans. Les vins qui suivent montrent des prix qui n'ont presque pas varié:

Max Reserva, Errazuriz
Antiguas Reservas, Cousino Macul
Medalla Real, Santa Rita
Marques de Casa Concha, Concha y Toro
Gran Reserva, Tarapaca
Gran Reserva, Carmen

Du côté argentin on pourrait nommer les Cabs de Catena et Weinert qui sont de très bons achats et dont le prix a peu bougé depuis 15 ans. Les joies de l'Amérique du Sud.

jeudi 6 décembre 2012

La théorie du 10% (suite)

J'aime écrire et le choix des mots pour moi est important pour exprimer ma pensée clairement. Malheureusement, je suis conscient qu'au delà des mots, un texte peut parfois laisser une impression qui diffère de son contenu réel. Comme si le texte, de par son sujet et son ton, atteignait plus facilement l'émotion que la raison chez certaines personnes.

Dans mon texte initial, j'ai tenté d'exprimer la lassitude de quelqu'un qui a une conception marginale du monde du vin face à une conception totalement opposée. Je ne crois pas à l'élitisme et aux hiérarchies, je pense qu'il est possible de très bien boire, à prix raisonnable, si on s'en tient strictement au vin et si on élimine les facteurs pouvant influencer l'approche mentale face à celui-ci (prix, prestige, note, réputation, mode, etc...). Je ne pense donc pas qu'il n'y ait que 10% des vins produits dans le monde qui soient dignes d'intérêt. Je ne vois pas le parcours d'un amateur comme une ascension graduelle vers un hypothétique sommet. Je pense aussi que la sensibilité de chacun face au vin est très variable et qu'il n'y a donc pas de vérité absolue en cette matière.

J'ai nommé mon blogue « Le vin aux antipodes », entre autre, parce que je pense que ma conception du vin est opposée à celle qui est généralement acceptée dans ce milieu. Ceci dit, je sais aussi que diverger peut sembler méprisant face à ceux qui ont une approche plus classique. C'est la raison pour laquelle je n'écris plus sur les forums et que j'ai créé ce blogue. J'en avais assez de m'imposer et de paraître offensant, alors que je ne suis que divergeant. Ce blogue n'a donc pas pour objectif de changer quoi que ce soit dans le monde du vin, ce serait bien prétentieux de ma part. Je ne mène donc pas de combat. Je suis juste une voix, à diffusion très restreinte, tenant un discours plutôt différent, parce que c'est ce que je pense vraiment. Si ça peut apporter quelque chose à quelqu'un, tant mieux, mais mon texte précédant était celui de quelqu'un qui en doute fort.

Je continue d'en douter, mais je continue de lire à propos du vin, et parfois ça me donne le goût de réagir. Je lis actuellement la dernière édition du magazine CELLIER de la SAQ. Ce numéro dédié aux femmes dans le monde du vin contient un article intitulé « Les copines du vins ». Dans cet article, quatre sommelières québécoises parlent de leur métier et en particulier du rôle pédagogique du sommelier pour faire avancer la compréhension du vin dans la population. Je vous laisse lire l'article en entier si ça vous intéresse, mais la conclusion intitulée "Bémol à la démocratisation" m'est apparue particulièrement intéressante et en lien avec mon premier texte. Je cite le dernier paragraphe :

« Mais la priorité demeure d'aider les gens à atteindre ce frisson incroyable quand on arrive à apprécier un vin complexe et raffiné, croit Jessica Harnois. Favoriser l'accessibilité au vin, c'est outiller ceux qui le désirent pour les amener à vivre ce genre d'excitation. « Sinon, on nivelle par le bas et on se prive d'un pan essentiel de la culture oenophile. » Pas question, donc, pour ces sommelières influentes de démocratiser le vin en négligeant les flacons de qualité supérieure. Ni d'encourager le plus grand nombre à ne défendre que des bouteilles à 20 $. Et surtout pas d'ignorer qu'entre les deux il existe tout un monde à découvrir. »

Je pense que ce paragraphe représente très bien ma divergence. C'est beaucoup plus nuancé que le texte outrancier de Jamie Goode dont je parlais dans mon premier article, mais sur le fond ça se recoupe pas mal. Je persiste à penser que la vision exprimée dans ce paragraphe est une vision largement partagée dans le monde du vin. Certains y apporteraient sûrement des modifications, mais sur l'essentiel, je pense qu'il y a consensus. Je me trompe peut-être, mais en me basant sur mon expérience c'est mon impression. Pour ma part je continue de penser que l'essentiel du vin est ailleurs et qu'il n'y a pas d'échelle montrant clairement le chemin, et menant ultimement vers le nirvana vinique. Ce faisant je continuerai de niveler par le bas avec mes bouteilles à 20$, mais n'ayez crainte, je n'en prend pas ombrage. Le frisson est une question de perception, alors je m'arrange assez bien avec ça.



mercredi 5 décembre 2012

Deux chiliens et un français

Petit dîner ce midi avec l'ami Patrick qui partage mes affinités chiliennes, mais qui ne s'y confine pas comme moi. J'apprécie donc son ouverture d'esprit, tout en me sentant un peu mal à l'aise dans mon obstination géographique. On a donc partagé quelques bouteilles, sans les vider, bien sûr.

D'abord j'avais amené une bouteille de Syrah, Chono, 2009, Elqui, entamée légèrement la veille. La ressemblance de ce vin avec une Côte-Rôtie m'est encore apparue frappante. J'adore ce vin. Ensuite, à ma demande, Patrick m'a servi son vin à l'aveugle dans un bon vieux sac en papier brun que j'avais apporté. J'ai facilement reconnu l'Europe, mais rien de plus. Je n'ai pas vu la Syrah, dans ce Croze-Hermitage, 2006, d'Alain Graillot. Un vin que j'ai trouvé bien mince et qui m'a rappelé ce qui m'a poussé vers mon quasi monolithisme chilien. Ensuite, j'avais apporté un Cab de Maipo avec de l'âge en me disant que ça pourrait aider Patrick à être patient avec les vins de ce genre qu'il a en cave. Je sais, je vais encore paraître en beurrer épais avec mon foutu Chili, mais ce Cabernet Sauvignon, 1997, de Vina Carmen était simplement superbe, avec un profil mi-évolué et encore tout ce qu'il faut de fruit pour offrir un bon équilibre d'ensemble. Même si je suis un ardent défenseur du potentiel de garde des rouges chiliens, ce vin m'a surpris par son niveau de qualité. C'était une coche au-dessus de certains autres vins du genre que j'ai déjà eu la chance de déguster. Qu'un vin payé environ 16$ il y a 13 ans puisse donner un résultat d'un si haut calibre aujourd'hui est simplement stupéfiant. Je sais, je me répète, c'est pourquoi parfois je me tais... N'empêche, le potentiel de garde incroyable des rouges chiliens de type Reserva est le secret le mieux gardé du monde du vin. Par la suite je me suis rappelé que c'est Alvaro Espinoza qui était en charge à cette époque chez Carmen, et que c'est aussi ce même Espinoza qui a élaboré la Syrah, Chono, dont je parlais au début. En art on dit que l'homme passe, mais l’œuvre demeure. Le problème avec le vin, c'est que comme l'homme il est périssable et de longévité variable, mais le bon vin permet parfois de faire des liens avec le passé. À mon sens, ces deux vins de M. Espinoza, issus de cépages, de régions et de décennies différentes offraient une belle démonstration sur le thème de l'homme, de l'espace et du temps.



vendredi 30 novembre 2012

La théorie du 10%


J'écris de moins en moins sur le vin car j'en ai de moins en moins le goût. Pourtant j'aime encore autant le vin et j'en bois encore de façon régulière. Mais je continue de boire des vins sans prestige et de prix abordables et plus je regarde ce qui se passe dans le monde du vin, plus je me dis que c'est une perte de temps que d'écrire à leur sujet. Disons que je l'ai toujours su, mais dernièrement ce constat s'est imposé à moi avec plus d'acuité. Les lecteurs qui lisent à propos du vin sur internet s'intéressent surtout à des vins renommés et assez chers. Lire sur un vin à 20$ ça ne fait pas rêver la plupart des gens, si bon le vin puisse-t-il être. Comme il est impossible à l'écrit de vraiment transmettre la réalité d'un vin, et comme il est aussi impossible de faire abstraction de son origine, écrire au sujet d'un vin pas cher et sans pedigree attrayant semble être un exercice futile.

Vous me direz que beaucoup de professionnels écrivent à propos de vins de prix abordables. C'est vrai. Mais je pense qu'ils le font par devoir, rarement par envie. Je regardais récemment la liste des vins mis à l'enchère par Monsieur "Papilles et molécules", François Chartier. Une liste qui comportait surtout des vins renommés issus de sa cave. Au vu du contenu de cette liste, il m'était difficile de croire à son enthousiasme pour les vins de 20$ et moins dont il traite pourtant abondamment dans ses guides d'achat. Je ne blâme par vraiment M. Chartier pour cela. Pour tenter de vivre au Québec en écrivant sur le vin, il faut ratisser très large. De plus, la démarche de François Chartier, comme amateur, n'est pas différente de celle de plusieurs passionnés que j'ai eu l'occasion de rencontrer au fil de mes pérégrinations dans le monde du vin. Sauf que ceux-ci prétendaient rarement être enthousiasmés par des vins pas chers.

Au Québec il est donc difficile pour quelqu'un qui écrit à propos du vin, et qui espère en vivre, d'être totalement honnête à propos de ce qu'il aime vraiment en cette matière. On ne peut pas repousser du revers de la main la grande majorité des vins qui sont vendus à notre monopole étatique et consommés par la population en général. Heureusement, il existe des marchés plus larges et plus ouverts où les "winewriters" peuvent vraiment exprimer le fond de leur pensée. Ce fut le cas récemment pour le blogueur britannique Jamie Goode qui concluait un texte incisif en disant que 90% de tous les vins produits dans le monde étaient de la merde et qu'il fallait être honnête à ce propos, avec soi-même, et avec les lecteurs. J'apprécie l'honnêteté de M. Goode. Il exprime clairement ce qu'il pense et c'est très bien ainsi. Son 90% me rappelle un peu le 47% de Mitt Romney lors des dernières présidentielles américaines, sauf que M. Goode n'a pas été piégé à son insu. Il l'a fait candidement et volontairement, ce qui est à mon sens symptomatique. Je pense que son avis est partagé par pas mal de professionnels et d'amateurs passionnés dans le monde du vin, mais ce point de vue dérangeant est rarement exprimé publiquement. En privé, cette expression est souvent faite avec plus de nuances, mais le fond demeure sensiblement le même. Il y a les vins pour la masse, et les vins pour les initiés, les connaisseurs.

Bien sûr, je suis en total désaccord avec ce point de vue. Surtout que les vins qui peuvent être associés au mot merde, ceux qui sentent le fumier, le crottin de cheval, je les ai toujours rencontrés dans le 10% de la production que M. Goode vénère. À ce sujet, il était intéressant de lire ses commentaires récents à propos du Château Musar, 2004. Je traduis librement :

"Musar 2004 – le millésime courant d'un vin qui divise l'opinion. J'aime. Même si Musar n'est pas considéré comme un vin naturel, il est pas mal naturel. Il possède de folles saveurs inhabituelles. Pour les puristes, c'est un vin défectueux, avec de l'acidité volatile et de la brett en abondance et un peu d'oxydation. Mais allié à un doux fruité, toutes ces saveurs se combinent harmonieusement, il est délicieux et peut vieillir. Tout le monde a aimé"

Cet exemple boucle la boucle pour moi à propos de mon désaccord avec la théorie du 10% qui symboliserait le monde du vin qu'on dit fin. Musar est un vin fort apprécié par ceux qui adhèrent à cette théorie du 10%, même s'il est réputé pour ses défauts œnologiques. Pour moi ce vin est le symbole d'un discours défaillant même s'il est souvent exprimé avec honnêteté. Dans un monde où bien des amateurs qui se pensent éclairés nous assomment à coup de terroir, un vin emblème comme Musar invalide ce propos. Ce que Musar symbolise, c'est l'antithèse du vin de terroir. L'acidité volatile, les arômes de bretts et l'oxydation, n'ont rien à voir avec le terroir de la vallée de la Bekka. Au contraire. Ce sont des caractéristiques qu'on peut obtenir partout dans le monde et qui s'acquièrent après l'élaboration de base du vin. Ce type de profil s'obtient à cause de choix humains qui interviennent après la fermentation alcoolique, non pas à cause de la nature du lieu où les raisins ont été cultivés.

J'apprécie donc l'honnêteté de quelqu'un comme Jamie Goode qui dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas. Cependant, je trouve son raisonnement invalide et très condescendant, en plus d'être déprimant. Pour moi il exprime un dédain pour le vin en général que j'ai de la difficulté à accepter venant de gens qui se disent passionnés par ce liquide. Je trouve qu'on confond tout, mauvais vins et vins propres. Ces vins non altérés reflètent bien mieux leur terroir que ne le font ce que j'appelle les vins-fromages, les vins-Roquefort. Ces vins qui tirent plus leur caractère de l'action de micro-organismes à l'action secondaire que du lieu d'où ils proviennent. Il me semble qu'il y a souvent chez les gens qui dégustent beaucoup, professionnels et amateurs passionnés, une lassitude, un ennui, face au jeune vin qui ne fait que goûter ce qu'un bon jeune vin doit goûter. Cela expliquerait pourquoi on a plus de respect pour les vins qui se démarquent au plan aromatique, que ce soit dû aux caractéristiques apportées par l'âge ou par l'action secondaire de microorganismes.

Désolé d'écrire si peu souvent et d'y aller d'un texte qui peut sembler bien négatif. Ce n'est pas une expression de mépris envers quiconque, mais plutôt le reflet d'une lassitude, quoique si vous lisez bien, vous y verrez quelqu'un qui persiste à aimer ce jus de raisin simplement fermenté qu'on appelle le vin.


vendredi 9 novembre 2012

Éloge de Concha y Toro

Un article de la revue britannique Drink Business recense les 10 plus gros producteurs de vins en volume au monde. Oui il y a Mondavi et Berringer dans cette liste qui font de bons vins. Oui je suis un ardent défenseur du Chili vinicole, mais quand on regarde les profils de chacun, pour moi il est clair que Concha y Toro se démarque. On dira ce qu'on veut de la gamme Casilliero de Diablo, oui c'est du vin qu'on peut qualifier d'industriel, sans appellation d'origine précise, mais c'est du foutu bon vin industriel.  Plus haut dans la hiérarchie vous avez des vins de terroir, que ce soit les gammes, Riberas, Marques de Casa Concha et Terrunyo, ou bien les cuvées Don Melchor, Gravas del Maipo, Carmin de Peumo, Amelia et Almaviva. Tout cela sans compter tous les autres projets et filiales: Cono Sur, Maycas del Limari, Canepa, Vina Maipo, Vina Palo Alto. En plus il y a Trivento en Argentine et maintenant Fetzer aux États-Unis. De plus, la famille Guilisasti, principal actionnaire de Concha y Toro, est propriétaire de Vina Emiliana, le leader du biologique et du biodynamique au Chili. Selon moi Concha y Toro se démarque clairement des Yellow Tail et Gallo de ce monde. Il s'agit d'un exemple de grosse compagnie qui sait allier qualité et volume. Vin de terroir et vin plus industriel. Le tout pour des prix imbattables. Décidément une locomotive pour le Chili.

jeudi 8 novembre 2012

CABERNET SAUVIGNON, ÉLÉGANCE, 2000, ALTO MAIPO, HARAS DE PIRQUE



Non. Ce n'est pas un doublon de la même note de dégustation. Suite au millésime 2007 dont je vantais le potentiel de garde dans mon précédant message. J'étais curieux de voir où en était rendu la version 2000 de ce vin qui en était le millésime inaugural. En passant, j'ai écrit cette note de dégustation en oubliant totalement que le nom de cette cuvée était Élégance. Je n'ai donc pas modifié les deux fois où j'ai spontanément utilisé ce mot.

La robe est de teinte encore bien soutenue, mais de légers signes d'évolution sont perceptibles au pourtour du disque. Le nez est très beau avec un profil élégant et complexe de cab mi-évolué. On peut y percevoir une agréable combinaison d'arômes portant légèrement la patine du temps passé en bouteille. On y retrouve le cassis, la cerise, le bois de cèdre, l'humus, le menthol et le café. En bouche, le vin présente un aspect intégré et suave, même si la matière est encore bien présente. Les saveurs de superbe qualité sont intenses et se marient admirablement avec le côté soyeux des tanins. Ça permet à l'ensemble de glisser sans effort et de révéler un milieu de bouche avec encore tout ce qu'il faut de concentration, mais où on peut percevoir une indéniable élégance. Cela se répercute dans la finale longue et harmonieuse.

En parlant de lui avec ironie Brel chantait qu'il faut bien être lorsque l'on a été. Dans le cas de certains vins, je dirais plutôt qu'ils ne peuvent être que parce qu'ils ont été. Je veux dire par là qu'un vin comme ce Cabernet de Haras de Pirque ne peut offrir un profil fidèle à son nom que parce qu'il a été autre chose avant. Dans le cas des vins ambitieux à dominante Cabernet, la puissance et l'apparence d'excès précèdent bien souvent l'élégance. Si vous n'aimez dans le vin que l'élégance associée au raffinement, et que vous achetez ce type de vins en jeunesse, vous feriez mieux d'avoir de la patience et de la prévoyance. Dans ce cas, inutile d'ouvrir ce type de vin avant dix ans d'âge. Celui-ci en a douze et il ne fait qu'entrer dans sa fenêtre, pour ainsi dire, civilisée. Je dirais même que selon mes préférences, je l'ai ouvert un peu trop tôt. Ceci dit, c'est vraiment un très beau vin qui met à mal le préjugé voulant que les vins issus de jeunes vignes ne sont pas de bons candidats pour la garde. Le vignoble d'où provient ce vin a été planté en 1993 et 1994. Les vignes étaient donc très jeunes en 2000 et pourtant le vin montre un potentiel de garde certain. Il est encore loin de son déclin et je pense qu'il a le potentiel pour bien évoluer pendant au moins dix autres années. Si vous avez un cellier. Je ne saurais donc trop vous recommander l'achat du 2007 actuellement toujours disponible à la SAQ



CABERNET SAUVIGNON, ÉLÉGANCE, 2007, ALTO MAIPO, HARAS DE PIRQUE





J'ai déjà parlé de ce producteur à propos de sa cuvée Albis, 2005, veuillez vous y référer pour une courte introduction à propos de Haras de Pirque. Ce vin est en réalité un assemblage à forte dominante de Cabernet Sauvignon, auquel s'ajoutent 12% de Syrah et 3% de Cabernet Franc. L'élaboration de ce vin inclut la vendange manuelle, un rendement faible à environ 30 hl/ha, une fermentation alcoolique avec levures indigènes et un élevage en barrique de chêne français pendant 16 mois. Le vin titre à 14.5% d'alcool pour un pH vigoureux de 3.44. Il est aussi très sec avec seulement 2.1 grammes/litre de sucres résiduels.

La robe opaque et sombre montre un bel éclat. Le nez est pur Alto Maipo avec des arômes de cassis et de cerise, ainsi qu'un aspect terreux typique, le tout agrémenté d'une touche mentholée et doucement épicée, ainsi que d'un caractère viandé qui se développe longtemps après l'ouverture, pour ensuite disparaître avec encore plus de temps. En bouche, le vin est la fois souple et ferme, avec une palette de saveurs qui reflète bien ce qui était perçu au nez et qui offre ce qu'on attend d'un jeune Cab de Maipo. Le milieu de bouche permet de confirmer le bel équilibre d'ensemble et la qualité de la matière. Le niveau de concentration est assez élevé, mais ne montre pas l'effet saturant qu'on retrouve dans certains vins très ambitieux en jeunesse. La trame tannique est ferme et soyeuse, ce qui ajoute à l'impression de classe qui se dégage de ce très jeune nectar. La finale condense l'essence de ce vin en un sursaut d'intensité, avant un long déclin des saveurs où l'amertume et la poigne des tanins gagnent progressivement en importance.

Cette cuvée Élégance est un bel exemple de vin chilien de haut niveau qui sait éviter les excès, que ce soit dans ses caractéristiques, ou bien au niveau du prix demandé. Ici on ne tente pas d'impressionner par une concentration extrême de matière, on se concentre plutôt sur l'équilibre et sur les qualités aromatiques du vin. Celui-ci est encore très jeune et sans traces d'évolution, mais à cause des qualités déjà évoquées, il est déjà abordable sur un beau profil de jeunesse marqué par son lieu d'origine. Ceci dit, il est clair qu'il possède un superbe potentiel d'évolution en bouteille. J'ai plusieurs bouteilles du millésime 2000 et 2003 de ce vin en cave, et celles déjà ouvertes m'ont confirmé les qualités de garde de ce vin. Je ne suis d'ailleurs pas pressé de les ouvrir mes 2003 car selon moi ce vin peut facilement être gardé un vingtaine d'années. Je répète que l'Alto Maipo est un des meilleurs terroirs à Cabernet Sauvignon au monde et sûrement le moins reconnu, compte tenu de la qualité et du caractère unique des vins qui y sont produits. Au prix demandé par la SAQ (35$), il s'agit d'une belle occasion de mettre en cave un rouge chilien de fort calibre. 



Le prix du vin à la SAQ


Marc-André Gagnon de Vin Québec y va d'une charge contre la SAQ et les rabais des succursales SAQ-Dépôt. Je ne pense pas que la SAQ-Dépôt se démarque des autres promotions de la SAQ du style "Obtenez 10% de rabais avec un achat d'au moins 100$". Tout le monde sait que le prix régulier des vins à la SAQ est trop élevé et que le consommateur averti doit faire ses achats lors de promos du genre moins 10%. Acheter du vin à un autre moment c'est payer trop cher. Personnellement, j'achète 90% de mes vins à la SAQ lors de promos. Dans ces circonstances, les prix sont généralement corrects face à ce qu'on peut retrouver ailleurs au Canada. On pourrait aussi questionner le choix de la SAQ d'offrir des prix plus compétitifs dans le haut de gamme, par rapport aux vins plus près de l'entrée de gamme. Avec la vente du vin en épicerie, on dirait que tout au Québec est conçu pour profiter de ceux qui ne sont pas des amateurs et pour qui le vin est une marchandise courante.

Pour revenir au système de promotions à la SAQ. Il est clair que ce système est contraignant pour l'amateur qui ne veut pas payer le prix régulier, mais selon moi, ce n'est pas le principal problème de la vente au détail du vin au Québec. Le problème le plus important semble être celui du mode de sélection arbitraire des vins et la façon dont la SAQ les achète par l'intermédiaire d'agents et d'appels d'offres. À mon avis c'est un système opaque où la SAQ ne se sert pas se son pouvoir pour négocier directement les meilleurs prix auprès des producteurs. À l'heure de la commission Charbonneau où l'on entend beaucoup parler d'appels d'offres truqués, de corruption de fonctionnaires, et de services qui ne sont pas obtenus aux meilleurs prix possibles par les gouvernements. Je pense que le cas de la SAQ pourrait être scruté. Je n'accuse personne car je ne suis pas un professionnel du vin proche du système. Mais vu de l'extérieur, comme simple amateur, je me pose des questions. Il me semble qu'en procédant autrement, de manière plus transparente, la SAQ pourrait payer le même dividende au gouvernement, et les consommateurs pourraient payer globalement moins cher pour le vin.

Le vin rouge chilien peut-il bien vieiilir?

Je me suis rendu compte que mon titre précédant sur ce sujet récurrent était inadéquat car il y a une différence entre vieillir et bien vieillir. Voici un autre exemple rapporté dans cet article attestant de la capacité à bien vieillir des rouges chiliens de bonne qualité. Cette fois ce n'est pas du Medalla Real de Santa Rita dont il est question, mais bien de son grand frère le Casa Real, 1997. Si vous lisez ce blogue avec régularité, vous savez que beaucoup de rouges chiliens ont ce potentiel. J'ai fait un test similaire dernièrement avec deux millésimes du Cabernet Sauvignon, Élégance, de Haras de Pirque. Je reviendrai bientôt avec des notes de dégustation à propos de ces deux vins.

Surprise de taille à l'aveugle, encore...


Voici un article intéressant qui relate une partie des résultats d'une dégustation comparative à l'aveugle de vins de Syrah. Malgré le fait que l'on dit que le palais québécois préfère l'archétype Ancien-Monde, ce sont deux vins du Nouveau-Monde (Okanagan et Paso Robles) qui ont remporté les deux premières places, alors qu'une Syrah du pays d'Oc de prix très modique (16.95$) a terminé au cinquième rang sur quarante vins engagés.

L'aveugle a encore une fois triomphé des préjugés sur l'origine et le prix. Pas nécessaire de payer une fortune pour bien boire, et on peut le faire hors des régions traditionnelles. Il suffit de penser autrement et de faire confiance à ses sensations et à son goût. Ce sont là des choses que j'ai souvent répétées sur ce blogue et qui sont réelles. Hors de l'aveugle, vous goûtez en bonne partie ce en quoi vous croyez.

SAUVIGNON BLANC, WAIRAU RESERVE, 2011, MARLBOROUGH, SAINT CLAIR FAMILY ESTATE





Sur ce blogue je parle surtout de vin chiliens car ce sont les vins que j'achète et déguste le plus souvent. Toutefois, plusieurs de ces vins ne se retrouvent jamais sur ce blogue parce que je ne parle ici que des vins que j'ai suffisamment aimé pour que j'aie envie de prendre le temps d'écrire à leur sujet. Ce qui est vrai pour les vins chiliens est aussi vrai pour les vins d'ailleurs dans l'hémisphère sud que je déguste. La seule exception à cette règle est lorsqu'un vin pique mon intérêt pour une raison autre que sa qualité ou son RQP favorable. C'est le cas de ce Wairau Reserve du réputé producteur néo-zélandais Saint Clair. J'ai décidé de m'offrir ce vin car selon mes lectures c'est un bon exemple de ce que la Nouvelle-Zélande peut faire de mieux, à prix assez raisonnable (27.65$), en terme de Sauvignon Blanc non boisé. J'ai dégusté pas mal de Sauvignon Blanc chiliens cet été, dont plusieurs vins qui me sont apparus des RQP de fort calibre. Alors j'avais envie de goûter à une référence crédible venant d'ailleurs pour ce style de vin. Cette cuvée Wairau Reserve est le haut de gamme chez Saint Clair pour les vins de Sauvignon Blanc. Les raisins proviennent des parcelles les plus proches de l'océan. Le vin est élaboré totalement en inox, avec pressage rapide pour minimiser le contact avec les peaux. Le jus clarifié est fermenté à basse température en utilisant plusieurs types de levures sélectionnées. Le vin titre à un très raisonnable 13% d'alcool pour un pH de 3.39, ce qui est plutôt élevé pour un blanc de ce genre. Voyons ce que ça donne dans le verre.

La robe verdâtre surprend par sa pâleur. Le nez aussi surprend par son aspect modéré. Ceci dit il est facile d'y détecter des arômes de fruits de la passion, de zeste de pamplemousse, complétés par un léger trait citronné et une touche végétale évoquant le poivron vert. En bouche, le vin se montre sous un jour généreux et gras pour un vin de ce cépage. Cela est en accord avec une acidité très modérée et des saveurs fruitées matures tirant sur l'aspect tropical. Le milieu de bouche permet de constater le bon niveau de concentration et le volume assez généreux du vin. Une impression d'onctuosité se dégage de l'ensemble, cela permet au vin de glisser sans effort vers une finale harmonieuse et de bonne persistance.

En matière de vin il est important de juger honnêtement la qualité au-delà du style. En ce sens, la qualité de ce vin est indéniable, mais personnellement ce n'est pas mon style favori. Comprenez-moi bien. C'est un très bon vin et je ne dédaigne pas ce style mature et rond une fois de temps en temps, mais je préfère le côté nerveux et ferme que peut offrir le Sauvignon Blanc. Ce vin plaira aux amateurs qui n'aiment pas le Sauvignon Blanc frais et vif, au fruité citrique marqué et à l'aspect végétal plus prononcé. Pour ce qui est du RQP du vin, dans un contexte de marché global, son prix de 27.65$ me semble justifié. Ceci dit, je ne peux m'empêcher de comparer avec mes joyaux chiliens de même niveau qualitatif vendus entre 14 et 20$. Dans ce contexte le vin m'apparaît assez cher. Ceci dit, je ne suis pas sûr d'être tombé sur le vin idéal pour mon exercice de comparaison.

SYRAH, RESERVA, 2009, ELQUI, VINA FALERNIA

 


Je vous ai déjà parlé de cette Syrah de Falernia dans sa version 2007. Je vous réfère donc à ce texte pour en connaître un peu plus sur Vina Falernia. J'ai bu ce vin sur quatre jours et il était meilleur le quatrième jour. Dans son ensemble je l'ai trouvé similaire à l'excellent 2007, cela se reflète dans ma note de dégustation. J'ai relu ce que j'avais écrit sur le 2007 après avoir rédigé ce qui suit sur le 2009. Pour en connaître un peu plus sur Vina Falernia et le caractère distinctif de la vallée d'Elqui voyez ce lien.

La robe est intense et opaque avec de légers reflets violets. Le nez dévoile sans retenue l'identité du cépage dans une livrée de climat frais. En humant ce vin, il est impossible de ne pas penser à un lien entre les vallées de Elqui et du Rhône tellement la modulation du cépage est similaire. Vous m'excuserez cette description qui semble tirée d'un livre de référence, mais ça sent le fruit noir, la fumée, le poivre noir, la violette, la vanille et le chocolat noir. Je reconnais clairement dans ce vin le 4-ethyl gaiacol avec son aspect évoquant à la fois le bois brûlé et la vanille. L'ensemble montre de la complexité et une belle fraîcheur. Très agréable. La bouche n'est pas en reste et reflète bien dans sa palette de saveurs ce qui était perçu au niveau olfactif. Le vin est équilibré dès l'attaque, ample et généreux, avec un fruité intense supporté par une juste dose d'amertume. Le milieu de bouche révèle un vin bien concentré, au volume contenu, et à la finesse tannique évidente malgré sa prime jeunesse. La finale est sans faiblesse, rendant harmonieusement l'essence de ce vin en un sursaut d'intensité, avant un long déclin des saveurs.

Que dire de ce vin qui ne semblerait pas excessif pour un vin de 17$? Si je vous dit que ça goûte la Côte-Rôtie vous me croirez fou. Alors à quoi bon? Une chose est sûre dans mon esprit, Vina Falernia est un producteur à part dans le paysage chilien. Ses vins, et ceux de sa compagnie sœur Vina Mayu, sont vraiment distinctifs et empreints de la marque du terroir comme peu d'autres au Chili. Le parallèle avec les rouges du Rhône nord est incontournable, même si on est pas du tout dans la même gamme de prix. La partie côtière de la vallée d'Elqui semble vraiment une région particulière qui laisse sa trace de façon marquée sur les vins qu'elle engendre. Dans mon texte précédant je disais que si j'étais en charge de la sélection de vins chiliens offerts à la SAQ, il y aurait bien des changements. Je peux vous dire que le premier de ces changements serait d'amener les vins de Falernia/Mayu sur les tablettes du monopole. Ce sont des vins de prix très abordables et tellement distinctifs, sans compter le RQP qui est de très haut niveau. De plus, je suis convaincu du potentiel de garde des vins rouges de ce producteur. J'aimerais pouvoir me projeter dans le temps pour goûter ce vin après dix ans passés en bouteille. Je suis convaincu que ce sera très particulier.


Repas-Dégustation : Vins chiliens de climat frais

 

Pour la deuxième année consécutive j'ai été invité à un repas-dégustation par l'organisme promotionnel Vins du Chili. L'an passé le thème était les vins de Syrah, cette année c'était sur les vins de climat frais. Dans les deux cas c'était un bel événement bien organisé, bien mené et agréable, dans le magnifique cadre des terrasses Bonsecours. Après Élyse Lambert l'an passé, c'était au tour de Jessica Harnois d'être en charge de la mise en contexte des vins.

Encore une fois j'ai pu me rendre compte du fossé qui existe entre l'intérêt que je porte aux vins du Chili et le niveau atteint par ceux-ci dans le marché québécois. Comme l'événement était destiné au marché québécois, Jessica Harnois s'en est tenu aux notions de base et je me sentais un peu comme le petit premier de classe qui connaît d'avance toutes les réponses. De plus, les vins présentés n'excédaient pas la barre des 20$ à la SAQ. Je suis un défenseur des vins de prix abordables. Il est possible de trouver des perles chiliennes sous la barre des 20$, mais en même temps, avec une telle limite on se prive de très bons vins offerts à la SAQ. Ceci dit, onze vins furent dégustés et servis sur un menu élaboré et préparé par le chef Martin Juneau:



SAUVIGNON BLANC

  1. Arboleda, 2010, Aconcagua Costa : Un vin décevant pour moi car il était affecté par un défaut. Il sentait l'acide isovalérique. Ce produit est un métabolite des levures Brettanomyces et d'infimes traces de celui-ci gâchent pour moi les vins blancs.
  1. Santa Rita, Reserva, 2011, Casablanca : J'ai déjà traité de ce vin ici. Cette fois-ci il m'a semblé un cran en-dessous.
  1. Concha y Toro, TRIO, 2011, Casablanca/Rapel/Limari : Assemblage de terroirs. Le vin le moins généreux du lot, le plus discret au nez et le plus acide et fluide en bouche.
  1. Amaral, 2011, Leyda : Mon vin favori du lot. Il arbore la robe la plus pâle. Le vin est expressif au nez, riche et gras en bouche avec un bel équilibre entre le fruité et le végétal.
  1. Carmen, Gran Reserva, Fumé Blanc, 2011, Leyda : Mon deuxième favori, pas loin derrière l'Amaral. Lui aussi issu de la région côtière de Leyda. Le vin est appelé Fumé Blanc et une légère influence boisée est perceptible. Le vin est rond, peu acide pour un Sauvignon, le fruité tire sur le tropical, mais l'ensemble est séduisant et a la vertu de présenter le Sauvignon sous un jour quelque peu différent. Pas encore disponible à la SAQ, mais devrait l'être un peu plus tard.

Les deux vins disponibles à la SAQ que j'aurais mis dans cette sélection pour montrer le meilleur du Chili, tout en respectant la limite de 20$ la bouteille :

Casas del Bosque, Reserva, 2011, Casablanca
Chocalan, Malvilla, 2010, San Antonio





PINOT NOIR

  1. Concha y Toro, Casilliero del Diablo, 2011, Casablanca : Un vin conçu pour plaire au plus grand nombre et qui en ce sens atteint sa cible. Tout en en cerise, en rondeur et en douceur, avec des notes épicées pour agrémenter le tout.
  1. Cono Sur, Reserva, 2010, Casablanca : J'avais bu ce vin à la maison cet été et j'avais été très impressionné, compte tenu du prix très modeste demandé. C'est donc deux en deux, car ce fut mon favori de la vague. On demeure dans le registre du Pinot charmeur au doux profil fruité/épicé, mais l'ensemble montre quand même plus de tonus et de sérieux. Je ne connais pas de vin de Pinot Noir qui offre ce niveau de qualité et de matière pour seulement 15.95$.
  1. Montes, Sélection Limitée, 2010, Casablanca : Une vraie découverte pour moi aurait été de déguster le nouveau Pinot Noir de Montes de la gamme appelée "Outer Limits", issu de la région côtière de Zapallar, située directement sur la côte du Pacifique, au nord de Valparaiso. Ceci dit, ce Pinot de Casablanca m'a bien plu. Il montre la robe la plus claire du lot. C'est aussi le plus élancé et le plus élégant du groupe, même s'il ne manque pas de matière et d'intensité.
  1. Errazuriz, Max Reserva, 2010, Casablanca : Fidèle à la marque de commerce de cette gamme, en rouge, avec ses arômes de pâtisserie qui s'entremêlent au doux côté fruité. Le vin est rond et charmeur, mais compte tenu de son prix, et comparé au Cono Sur, il s'est avéré un peu décevant. J'aimerais goûter ce vin après quelques années pour voir s'il a le même potentiel de garde que les autres rouges de cette gamme. Ceci dit, je fais cette expérience, mais avec le Pinot de la gamme « Wild Ferment » du même producteur.

    Les quatre vins de Pinot Noir sont issus de Casablanca et sous la barre des 20$. Ce n'est évidemment pas la meilleure façon de rendre compte d'où en est ce cépage dans l'ensemble des régions fraîches du Chili. Ceci dit, Casablanca fait de belles choses, mais il y a autre chose aussi. Pour qui veut payer un peu plus cher voici trois suggestions( difficile d'échapper à Casablanca en matière de Pinot chilien offerts à la SAQ):

    Veranda, Oda, 2009, Bio Bio (ne vous fiez pas au site de la SAQ, ce vin n'est pas de Casablanca)
    Errazuriz, Wild Ferment, 2010, Casablanca
    Cono Sur, 20 Barrels, 2008, Casablanca



SYRAH

  1. Arboleda, 2009, Aconcagua : Le problème avec ce vin ce n'est pas sa qualité, c'est qu'il est hors thème, n'étant pas vraiment issu d'un climat frais. Le groupe Errazuriz/Arboleda produit maintenant de la Syrah de climat frais, issue de ses vignobles côtiers de Manzanar et de Chilué, mais cette Syrah de Arboleda ne contient que 15% de fruits provenant de Chilué, la grande majorité des fruits (85%) provient du vignoble Las Vertientes, situé au milieu de la vallée d'Aconcagua, à 40 km de l'océan. Le vin n'a donc pas un profil de climat frais, mais se montre plutôt robuste et généreux, avec un mélange de fruits noirs, de fumée, de poivron vert et d'épices douces. Il est encore très marqué par le boisé et aurait besoin de quelques années de garde pour se présenter au mieux.




ASSEMBLAGE BLANC

  1. Emiliana, Signos de Origen, 2010, Casablanca : Un blanc très généreux et exotique, de belle qualité, qui même s'il est issu de Casablanca ne représente pas vraiment le style associé aux blancs de climats frais que le Chili peut produire. Je reviendrai bientôt sur ce vin dont j'avais déjà dégusté une bouteille.


Ce fut un très bel événement. Pour un novice en matière de vins chiliens il s'agissait d'une belle introduction menée dans un cadre agréable. Pour un amateur averti de la scène chilienne comme moi, avide de découvertes, la grande dégustation annuelle de Vins du Chili est plus intéressante. Elle aura lieu cette année le 26 septembre aux Entrepôts Dominion. Pour ce qui est du développement des vignobles de climat frais au Chili. Sachez que le mouvement se poursuit. J'ai appris récemment que Vina Undurraga allait planter du Pinot Noir, à une échelle commerciale, à 46 degrés de latitude, très loin au sud du Chili. Ce vignoble sera situé bien plus près du Cap Horn que de Santiago et je pense que ce sera le plus méridional de l'hémisphère sud. Il sera situé à rien de moins que 700 km au sud de Malleco qui est actuellement l'appellation la plus méridionale du Chili. Ce n'est là qu'un exemple montrant que le Chili vinicole est loin d'avoir terminé sa migration hors de sa zone de confort traditionnelle. Ça montre aussi qu'il y a encore beaucoup de possibilités inexplorées dans ce pays. Le Chili n'a donc pas fini de captiver l'amateur en moi qui aime suivre et goûter la redéfinition de ce pays vinicole à l'offre de plus en plus variée.


Plaidoyer pour plus d'ouverture et de neutralité chez les chroniqueurs vin professionnels


Je suis tombé récemment sur un texte très intéressant du vigneron Hervé Bizeul, sur le forum "La Passion du Vin", où il explique les raisons l'ayant poussé à demander au guide d'achat de la Revue du Vin de France de ne pas commenter ses vins dans son édition 2012. Je ne suis pas vigneron, néanmoins, comme amateur privilégiant un pays peu prestigieux. Je me suis reconnu dans les propos de Hervé Bizeul. En plus, comme lui je suis convaincu des vertus incontournables de la dégustation à l'aveugle et je suis aussi sceptique que lui face aux dérives idéologiques prônant la supériorité des vins biologiques, biodynamiques ou dits naturels, avec le parti pris stylistique qui vient avec...

Les producteurs axés sur la qualité, mais venant de régions moins renommées, et n'adhérant pas aux modes du moment, que ce soit le style prôné par les revues américaines, ou bien celui des cercles branchés français, font face à un dilemme. Comment peut-on promouvoir ses vins en misant sur ce qu'ils sont? Sans une note de 90 et plus, ou un commentaire positif dans une revue branchée, il est difficile de se démarquer aux yeux de l'amateur. Sans cela, comment peut-on convaincre le consommateur d'acheter son vin et de l'apprécier pour ce qu'il est, sans à priori? Le problème actuel du monde du vin, c'est qu'il est de plus en plus idéologique, ce qui veut dire que les consommateurs ont de plus en plus besoin d'une caution extérieure pour les guider dans leurs achats. Si l'amateur peut être un buveur d'idées, le journaliste qui traite de vin devrait être impartial, ce qui implique de déguster en pure aveugle et de mettre ses impressions en contexte hors de ses préférences personnelles. Malheureusement, la dégustation en pure aveugle n'existe pas dans la presse vinicole. Si c'était le cas, les hiérarchies, anciennes et nouvelles, auraient tôt fait de voler en éclats, et ce ne sont pas vraiment les vins qui seraient mis en cause, mais la fiabilité des dégustateurs. On comprend donc pourquoi les chroniqueurs vin ne dégustent pas en pure aveugle. Au mieux on se risque pour de petite vague bien délimitée, en semi-aveugle. Quand on connaît le type de terrain visité, il y a moins de risque d'avoir l'air fou. Je dis cela en assumant qu'on édite pas les commentaires après dévoilement des identités, ce qui est loin d'être certain. Qui veut avoir l'air fou et mettre sa crédibilité en jeu?

Le monde du vin est beaucoup plus riche et vaste que ce que les professionnels qui écrivent à son sujet veulent bien nous faire croire. La variété de terroirs et de styles légitimes est bien plus grande que ce que l'on en dit généralement. Je comprends la frustration de quelqu'un comme Hervé Bizeul qui voudrait que ses vins soient jugés de manière impartiale et qui pense que sa région du Roussillon peut produire des vins aussi bons qu'ailleurs, mais avec un style marqué par ce terroir et par la vision personnelle de celui qui les élabore. Je pense qu'il est temps dans le monde du vin de sortir des clichés traditionnels et des idéologies. Le nombre d'endroits où des vins de grande qualité sont produits est plus grand que jamais auparavant, de même que la variété stylistique globale. J'écris ces mots en dégustant une excellente Syrah sud-africaine du Swartland. Un vin qui a son style bien à lui et qui n'a rien à envier en terme de qualité à des vins reconnus de régions plus traditionnelles. Même si mon blogue se concentre sur les vins de l'hémisphère sud, en particulier ceux du Chili. De manière globale, je demeure un partisan des vins venant de régions non prestigieuses de partout dans le monde. Je suis aussi un amateur de vins qui ne sont pas à la mode et qui ne misent pas sur l'effet Veblen. J'avoue qu'en réaction à une situation que je considère injuste, ma position peut sembler idéologique, mais elle a selon moi le mérite de ne pas être à la mode. Je ne dis pas qu'il ne faut boire que des vins de régions peu reconnues et sans prestige. Il existe aussi des trésors cachés dans les régions traditionnelles. Je dis qu'il faut donner plus de chances à ces vins négligés en les abordant de la façon la plus neutre possible. Il faut juger les vins, peu importe l'origine, pour ce qu'ils sont plutôt que pour ce qu'ils ne sont pas. Trop de professionnels du vin ont le mot terroir à la bouche, mais ne cesse de tout ramener à quelques terroirs traditionnels. Le terroir dans ces circonstances devient un facteur d'exclusion plutôt qu'être ce qu'il est vraiment, c'est-à-dire l'élément de diversité le plus intéressant qui soit.

Réaction de Hervé Bizeul



mercredi 22 août 2012

SAUVIGNON BLANC, LAUREL VINEYARD, 2009, LO ABARCA, SAN ANTONIO, VINA CASA MARIN




Après le controversé 2005 qui évolue très bien, voici que j'ai pu mettre la patte sur un autre millésime de cette cuvée parcellaire. Avec la cuvée « Cipreses », ce vin a contribué à faire la réputation de Casa Marin depuis le premier millésime en 2003. Les premiers millésimes de ces vins pouvaient être déroutants pour l'amateur habitué à une esthétique européenne, mais depuis 2007 un tournant stylistique donne à ces vins un aspect plus civilisé. Les fruits entrant dans l'élaboration de ce vin sont vendangés manuellement. Le jus reste en contact avec les peaux pour une journée avant une fermentation à 14° C. Le vin est entièrement élaboré en inox. Il titre à 15% d'alcool pour un pH de 3.25.

La robe est de teinte légèrement verdâtre. Le nez est quelque peu retenu mais il est possible d'y détecter des arômes de lime et de fruits de la passion, complétés par un une légère touche végétale et un aspect évoquant pour moi la roche mouillée des ruisseaux à truite de mon enfance. En bouche, le vin montre un bel équilibre entre la fraîcheur et la rondeur. L'acidité y est bien présente, mais modérée par le gras et la matière généreuse du vin. C'est un vin consistant, avec du volume, qui déploie des saveurs fruitées de grande intensité mélangeant, comme au nez, citron, lime et fruits de la passion. Le milieu de bouche confirme la pleine présence de ce vin au niveau de concentration supérieur. La finale conclut en beauté et avec générosité sur une bonne persistance des saveurs.

Je suis un amateur des vins de Casa Marin. C'est à mon sens une maison admirable par son esprit pionnier et la qualité générale de ses vins. Mais je dois avouer que j'étais très dubitatif à propos de ce vin lorsqu'après l'achat j'ai constaté que son titre alcoolique affiché sur l'étiquette était de 15%. Sur le site web du producteur on mentionne plutôt 14%. Je redoutais donc un vin lourd et alcooleux à l'équilibre déficient. Heureusement, et à ma grande surprise, il n'en est rien. Ni au nez, ni en bouche l'alcool ne se fait sentir de façon négative. Toutefois, je pense que le haut taux d'alcool contribue à la rondeur quasi onctueuse de celui-ci et cela fonctionne admirablement en donnant un vin de Sauvignon au style distinctif. En terme qualitatif, ce vin est clairement d'un niveau supérieur qui justifie amplement son prix de 25$. Si on ajoute son style distinctif à l'équation, ce prix est encore plus justifié. Ceci dit, certaines maisons chiliennes qui n'ont pas encore la réputation de Casa Marin offrent des vins de Sauvignon Blanc de même niveau qualitatif à bien meilleur prix. Toutefois, ces vins montrent un style plus habituel pour ce cépage, plus nerveux et moins opulent que cette cuvée Laurel. C'est ce style plus nerveux que je préfère, mais un vin comme ce Laurel a sa place pour moi sur une base moins régulière.

vendredi 17 août 2012

SAUVIGNON BLANC, RESERVA, 2011, CASABLANCA, VINA SANTA RITA





Ceux qui me lisent avec une certaine régularité savent l'importance que j'accorde aux prédispositions mentales dans l'appréciation du vin. Ce Sauvignon Blanc de Santa Rita me semble un bon vin pour mettre au défi la capacité d'un dégustateur à rester indépendant d'esprit dans son jugement. D'abord, c'est un vin chilien de prix modeste (15.45$ au Québec et 13.95$ en Ontario). C'est aussi un vin de milieu de gamme chez un très gros producteur. Déjà il partirait avec trois prises contre lui pour plusieurs snobinards de la bouteille (origine, prix, taille du producteur). Mais la beauté de l'histoire, c'est que ce vin de pedigree somme toute modeste a récemment obtenu une ronflante note de 95+ de la revue britannique Decanter, tout en terminant premier d'une dégustation à l'aveugle de vins de Sauvignon Blanc chiliens menée par l'expert britannique en vins chiliens Peter Richards, battant au passage de nombreux vins plus chers et plus réputés. Ce résultat est rien de moins que surprenant et ne peut faire autrement que piquer la curiosité, à moins que ce ne soit soulever le scepticisme. Toujours est-il que la dégustation à étiquette découverte sera exigeante car si on se fie à Decanter ce vin n'est rien de moins qu'exceptionnel.

La robe arbore une teinte pâle et verdâtre typique des jeunes vins de ce cépage. Le nez évite l'exubérance et la retenue en exhalant franchement des arômes de fruits de la passion, de citron et de cassis auxquels s'entremêlent de légères notes végétales de feuillage et de poivron vert. Le profil me semble typique des bons vins de Sauvignon de Casablanca, avec ce côté citronné élégant. En bouche, le vin se démarque dès le départ par un très bel équilibre intégrant acidité et rondeur sur une matière aux saveurs éclatantes et intenses. Le milieu de bouche révèle un niveau élevé de concentration qui donne beaucoup de présence à l'ensemble. Une amertume évoquant le zeste d'agrume supporte très bien l'aspect fruité, alors qu'une juste dose de gras absorbe l'acidité pour produire une agréable sensation tactile qui permet au vin de couler sans effort. La finale condense l'essence de ce vin avec un sursaut d'intensité et une longueur de calibre supérieur.

Ma conclusion sur ce vin en décevra peut-être certains car elle n'est pas tranchée. J'ignore ce qu'est un vin se méritant une note de 95+, alors ne me demandez pas si Decanter a péché par excès d'enthousiasme. Ceci dit, les experts de la revue britannique sont loins d'avoir erré en donnant un classement favorable a ce vin, car celui-ci en donne clairement beaucoup plus que le prix qu'on en demande. Il a un équilibre, un niveau de concentration et une persistance qu'on associe généralement à des vins de catégories supérieures. Ce vin est donc une formidable aubaine. Pour ceux qui aiment détester par avance les vins à forts volumes et issus de grosses compagnies, ce vin est la preuve qu'il faut éviter les généralisations. Aussi, pour ceux qui aiment remettre en cause la valeur incontournable de la dégustation en pure aveugle, un vin comme celui-ci a la vertu de poser la question à l'envers. Franchement, j'ai dégusté plusieurs bouteilles de ce vin en toute connaissance de cause, mon appréciation de celui-ci fut assez similaire de fois en fois, mais au final je ne pourrais jurer que mon jugement n'a pas été altéré par l'éloge enthousiaste qu'a reçu ce vin de prix modeste. Je persiste à croire que seul un contexte favorable de dégustation en pure aveugle pourrait me donner l'heure juste. C'est vrai pour ce vin et c'est vrai pour tous les autres. À étiquette découverte, il faut rester très prudent et humble face à soi-même. Ce qu'on sait d'un vin, et la relation de ce savoir avec nos convictions personnelles, influence immanquablement notre jugement et il est impossible de départager tout ça soi-même par la suite. C'est pourquoi je ne note pas les vins que je déguste et c'est aussi ce pourquoi je demeure un partisan inébranlable de la dégustation à l'aveugle comme outil de contrôle.



jeudi 16 août 2012

Sauvignon Blanc: Le Chili pourrait déloger la Nouvelle-Zélande en pole position

Rassurez-vous, le titre de ce court article n'est pas un autre de mes élans d'enthousiasme pour se qui se passe actuellement dans le Chili vinicole. Non. C'est le constat qui sert d'introduction à un article intéressant du New Zeland Herald à propos de l'émergence du Chili en tant que producteur de Sauvignon Blanc de qualité. L'article n'est pas condescendant. Il est plutôt réaliste et illustre le fait que le Chili joue maintenant sur le même terrain que les Kiwis. On y mentionne même qu'il y a plus de variété stylistique au Chili pour les vins de Sauvignon Blanc de qualité. On y rapporte les propos de Felipe Marin qui est maintenant en charge de l'élaboration des vins chez Casa Marin à Lo Abarca, et ceux de l'expatrié néo-zélandais Grant Phelps qui œuvre avec brio comme œnologue en chef chez Casas del Bosque dans Casablanca, un des meilleurs producteur de Sauvignon Blanc du Chili. Un élément négligé par l'article est que le Chili, en plus d'offrir de la haute qualité et des variantes stylistiques, offre ses vins de Sauvignon à des prix imbattables.

mercredi 15 août 2012

CABERNET SAUVIGNON, LEGADO, 2003, MAIPO, VINA DE MARTINO


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Avec les références que j'ai données dernièrement sur les belles performances de rouges chiliens de haut niveau dans des dégustations à l'aveugle j'ai pu donner l'impression qu'il faut payer relativement cher pour toucher aux vertus du bon vin rouge chilien de garde. Ce n'est bien sûr pas le cas. Rien de mieux qu'un Cab de Maipo, élaboré par un producteur fiable, pour confirmer encore une fois qu'au Chili il n'est pas nécessaire de payer une fortune pour de réels vins de garde.

La robe est de teinte encore bien soutenue, même si légèrement translucide. Le nez est un pur ravissement et montre un profil de Cab mi-évolué tout en finesse. On y retrouve d'agréables arômes de cassis, de cerise, de bois de cèdre, de terre humide, complétés par de fines notes vanillées, ainsi qu'un très léger aspect évoquant le bois brûlé et le chocolat noir. Difficile de rendre fidèlement en mots le profil aromatique de ce vin, si ce n'est que de rappeler que ces arômes portent la marque caractéristique que seul le temps en bouteille peut procurer. Le plaisir se poursuit en bouche avec un vin à la fois svelte et assez ferme. L'ensemble est sérieux, mais sans lourdeur. C'est un régal pour l'amateur de Cabernet avec une belle palette de saveurs juste assez patinées par le temps. Le fruit tient encore le premier rôle, mâtiné de notes terreuses et doucement épicées et soutenue par une fine dose d'amertume rappelant le chocolat noir de qualité. Le milieu de bouche révèle un vin équilibré et modéré comme je les aime. Les tanins sont fondus, mais montrent ce qui leur reste de poigne dans une fin de bouche rendant hommage aux attributs du bon Cabernet, en intensité, fermeté et longueur.

Que dire sur ce vin qui n'aurait pas l'air d'une redite de ma part sur le potentiel de garde incroyable des rouges chiliens de type "Reserva"? Je pense que je ne peux faire autrement que me taire ou frapper sur le même clou. Souvent je me tais, car ma cave arrive dans une phase où ces expériences sont de plus en plus fréquentes. Jouer toujours le même disque est redondant, je le sais, mais parfois je me dis qui si par une redite je pouvais convaincre ne serait-ce qu'un seul amateur. Ça vaudrait la peine. Pour revenir à ce Legado, celui-ci n'est pas proche de son déclin. Il est plutôt à un beau stade de son évolution. Je pense qu'en pure aveugle il pourrait se mesurer à des vins bien plus renommés et beaucoup plus chers. Il est rendu à cette étape de son parcours où le caractère typique de son origine cède le pas au caractère universel du cépage. Pour les chiliophobes ça devrait être un argument positif, mais malheureusement, peu importe l'âge, ce sera toujours écrit Chili sur l'étiquette, et même si De Martino est un producteur élite de ce pays, ça ne résonnera pas très fort chez les amateurs de prestige. Pourtant, la vallée de Maipo est un des meilleurs terroirs à Cabernet au monde. Certains en parlent comme du Médoc chilien, mais même les comparaisons françaises ne peuvent abattre le déficit de prestige pour certains qui ne jurent que par les châteaux bordelais ou le culte de Napa. C'est pourquoi le Chili demeure le pays qui en matière de vins de garde en offre le plus pour chaque dollar investi. Pas besoin de dépenser dans les super-vins chiliens qui tentent de gagner en prestige en attirant les victimes de l'effet Veblen. Ce pays a tant à offrir qu'il y a plein d'excellents vins offerts à prix ridicules, et ce Legado en est un superbe exemple. J'ai payé ce vin autour de 17$ dans le temps, et en terminant la bouteille je ne peux m'empêcher de penser que ce prix est ridiculement bas. Ce n'est pas moi qui fait le marché, et j'ai la patience de mettre ces vins de côté, alors aussi bien en profiter.

P.S.: Parlant de taper sur le même clou. Je viens de m'apercevoir qu'il y a un an presque jour pour jour j'avais commenté le millésime 2002 de cette cuvée. À quelques différences près, mes commentaires se rejoignent.





samedi 11 août 2012

SUR LE VIF

Peu de vin cet été pour moi et peu de temps et d'envie pour écrire à son propos. Je continue toutefois de lire, c'est moins exigeant.. Rien de mieux qu'une de mes marottes, le potentiel de garde des rouges chiliens, pour écrire un petit mot. Voyez cet article de Wine Spectator où un Don Melchor, 1999, de Concha y Toro a remporté la faveur d'un groupe de dégustation à l'aveugle. Dommage que l'on ne nomme que trois vins sur les sept impliqués. Ce ne semble pas être un groupe de buveurs de piquette. La conclusion de Thomas Mathews, l'expert en vins espagnols du WS, va dans le sens des résultats des dégustations d'Eduardo Chadwick et d'Aurelio Montes que je rapportais il n'y a pas longtemps ici et ici: "It testified that Chile has earned its standing in the world of wine."

samedi 28 juillet 2012

Les buveurs d'idées


Comme amateur de vin on aime penser que ce qui nous intéresse vraiment c'est le vin. Le liquide qui se retrouve dans notre verre sous différents aspects. Pourtant, plus un amateur devient intéressé et plus le vin en lui-même perd de l'importance. Je lisais l'autre jour un article où le représentant commercial d'un producteur chilien disait qu'il fallait apporter des nouveautés régulièrement (nouveaux cépages, nouvelles régions), car sans éléments distinctifs pour susciter l'intérêt, le vin devient une simple marchandise. Je me suis reconnu un peu dans ce propos. Je suis le type d'amateur intéressé par la nouveauté. J'aime les producteurs qui développent de nouvelles choses. J'aime l'idée qu'en buvant les vins de ces producteurs je participe à la création de quelque chose qui n'existait pas avant. D'autres amateurs, au contraire, s'intéressent au vin pour communier avec l'histoire. Au-delà du vin, ils aiment l'idée du lien avec le passé. L'idée qu'en buvant ces vins à la longue histoire ils perpétuent quelque chose qui les dépasse. D'autres ont une approche socio-économique. Ils s'intéressent aux vins d'artisans, aux vins biologiques car ça correspond à leurs valeurs de développement durable. D'autres encore aiment boire prestigieux et rare, ce qui veut aussi dire cher. De cette façon ils ont l'impression de toucher au meilleur de ce que le monde du vin a à offrir. Il y a aussi ceux qui boivent aux notes et à la réputation. Je suppose que cette caution externe les sécurise face à leurs perceptions.

J'aurais pu continuer d'énumérer des catégories de buveurs qui au-delà du vin sont motivés par des idées. Je lis déjà dans les pensées de certains lecteurs qui se sentiront visés et qui se diront que le vin, le liquide, est leur priorité, et que le reste est secondaire. Bien sûr, tout passionné que l'on puisse être, il est clair notre intérêt premier est le vin. Ceci dit, je pense que les idées occupent une place beaucoup plus importante que ce qu'on veut bien s'avouer. Si à partir de demain le vin devenait anonyme. Si les vins étaient identifiés par un simple code nous empêchant de les relier à leur origine. Je pense que l'intérêt d'une grande majorité de passionnés diminuerait de façon marquée. J'adore déguster à l'aveugle car il y a à la fin le dévoilement des identités. Cela me permet de me confronter aux fameuses idées qui soutiennent mon intérêt pour le monde du vin. Je ne voudrais pas d'un monde où la dégustation du vin serait toujours à l'aveugle, mais sans jamais qu'il n'y ait de dévoilement.

Il est clair pour moi qu'une bonne partie du plaisir relié au vin tient dans la confrontation entre le simple liquide offert dans un verre et la construction mentale qu'on s'est bâtie pour appréhender celui-ci. Sans repères pour ancrer notre jugement, le monde du vin serait bien moins intéressant. Ce produit de civilisation deviendrait un simple objet de consommation. Toutefois, je pense qu'en évoluant dans le monde du vin, il est important de garder à l'esprit que notre jugement est influencé par les idées qui nous intéressent et auxquelles on adhère. Je persiste à croire fermement qu'une bonne partie de l'appréciation du vin relève du monde des idées, de la conviction mentale. Garder ce fait à l'esprit est une façon de prémunir notre jugement de l'influence de ce qu'on pense lorsqu'on ne déguste pas à l'aveugle. Si on peut boire des idées, comme pour le vin il faut essayer d'éviter qu'elles nous saoulent.

vendredi 6 juillet 2012

Le Chili est un producteur de classe mondiale (Prise 2)

Je suis tombé sur un article intéressant dans le San Francisco Chronicle, et au risque d'en agacer certains encore plus, le mouvement initié par Eduardo Chadwick prend de l'ampleur. Un autre producteur chilien de renom s'est lancé dernièrement dans l'aventure de faire goûter ses vins à l'aveugle en parallèle avec certains des plus grands noms de la planète vin. Cette fois-ci c'est Aurelio Montes qui a eu l'audace de soumettre ses vins haut de gamme à la comparaison directe avec des noms mythiques et très onéreux. Comme dans le cas des dégustations de M. Chadwick, le but déclaré n'est pas de prouver une quelconque supériorité de ses vins, mais plutôt de démontrer qu'ils sont légitimement à leur place à côté de ces noms prestigieux. Dans le cas de la dégustation axée sur la cuvée Sena, dont je parlais le dernière fois, un intervenant avait dit en réaction que les dés étaient pipés en faveur du Sena, étant donné qu'il y avait autant de millésimes de Sena que de vins renommés. Dans le cas de la dégustation de Montes, cet argument est à balayer totalement du revers de la main, car il y avait trois vins différents de Montes pour neuf vin renommés, tous du millésime 2004, sauf pour le Carmenère, Purple Angel, de Montes qui était un 2007. Il n'y avait qu'un millésime de chaque vin impliqué. Il y avait une vague de huit vins de type bordelais où le Cabernet Sauvignon, "M", de Montes a terminé deuxième, et le Carmenère, Purple Angel, quatrième. Il y avait aussi une vague de vins de Syrah/Shiraz où la cuvée Folly de Montes a pris le premier rang, presqu'à égalité avec le Grange de Penfolds.

Finalement, j'aime toujours voir les notes sur 100 dans ce type de dégustations à l'aveugle. Sans la présence d'étiquettes, on ne note pas haut, ce qui montre bien que les très hautes notes ne viennent pas seulement des impressions de dégustation, mais bien aussi du statut du vin impliqué. Les juges étaient des journalistes spécialisés, somelliers et professionnels du vin. Encore une fois, la conclusion n'en est pas une de supériorité, mais bien de légitimité des vins chiliens. Les meilleurs de ces vins sont à leur place avec ce qui se fait de mieux au monde. Le Chili peut produire des vins de classe mondiale et même si les grandes cuvées de Montes sont des aubaines par rapport aux autres vins de cette dégustation. Il est possible de trouver des aubaines encore plus formidables venant du Chili. Ceci dit, un des vins de Montes est presque une aubaine. Si acheté lors d'une promo -10% à la SAQ, le Purple Angel se qualifie pour ma limite de 50$!!!

mardi 3 juillet 2012

SUR LE VIF

Article intéressant avec Frédéric Brochet à propos de la construction mentale impliquée dans la dégustation du vin. Ce scientifique confirme que la disposition mentale, la conviction par rapport à un vin influent significativement sur le niveau d'appréciation de celui-ci. J'étais déjà au courant des travaux de Brochet à ce sujet et mon expérience personnelle m'a souvent confirmé la justesse des ses constats. Disons que ça me conforte dans mon approche face au vin.

samedi 30 juin 2012

SYRAH, CHONO, 2009, ELQUI, GEO WINES




Geo Wines est un projet mené par le réputé œnologue et biodynamiste chilien Alvaro Espinoza. Les vins sont élaborés à partir des régions les plus appropriées pour les cépages impliqués et dans le cas de la Syrah, la vallée d'Elqui est un choix très avisé. Après l'excellent millésime 2007 de ce vin, je remet ça avec ce 2009 qui m'avait favorablement impressionné lors du dernier salon de Vins du Chili tenu à Montréal en septembre dernier. J'y avais alors perçu un vin similaire au 2007, avec ce côté aromatique évoquant de bons vins du Rhône nord. Pourtant, il y a un monde de différence entre la Côte-Rôtie et la partie côtière de la vallée d'Elqui, mais ces deux endroits modulent des arômes similaires avec la Syrah. Il faut dire que pour ce 2009, 10% des fruits viennent d'un vignoble bio de la vallée de Limari, située un peu plus au sud. Le vin a été élaboré en inox et seulement un quart du volume est passé par des barriques de chêne neuves (français et américain) pour environ six mois. Le vin n'a pas été filtré et titre à 14% d'alcool.

La robe est de teinte rubis de moyenne intensité. Le nez montre des éléments ayant une ressemblance frappante avec le classique du Rhône nord. On y dénote des arômes de fruits noirs, de poivre noir, de violette et de lavande. Une légère touche goudronnée vient compléter le tableau. Un nez propre, frais et séduisant qui donne beaucoup de plaisir. Ce plaisir se poursuit en bouche où le vin se déploie sur le mode de la fraîcheur, avec une certaine fermeté. L'agréable palette aromatique se reflète bien au niveau des saveurs avec l'aspect fruité qui tient le premier rôle. C'est un vin de corps moyen qui possède une belle concentration et un volume contenu. Les tanins sont discrets avant la finale où ils montrent un peu de poigne. C'est donc un vin qui coule sans effort et qui brille par sa qualité aromatique. Ce caractère aromatique culmine dans une finale intense, de belle allonge, aux légers relents de chocolat noir.

Dans mon billet précédant j'évoquais les vertus de la modération et des qualités aromatiques dans le vin, et bien cette Syrah du bout du monde en est un bel exemple. Rien n'est trop appuyé dans ce vin où on ne tente pas d'impressionner par la force. Le vin ne manque de rien et il a toute la présence nécessaire en bouche pour soutenir l'intérêt et offrir un plaisir palpable. Pour les amateurs de Syrah rhodanienne, ce vin est une alternative très intéressante, offerte à une fraction du coût. À mon avis c'est un vin qui devrait faire courir les amateurs de vins distinctifs, mais j'ai peur qu'il ait deux gros défauts pour la clientèle branchée adepte d'importations privées. Il est chilien, donc sans pedigree, sans prestige, et il est de prix très abordable (17$), malgré qu'il soit vendu en I.P. chez Trialto. C'est difficile de ne pas avoir de préjugés face à un vin de 17$, chilien en plus. Oubliez l'effet Veblen et l'image négative que vous pourriez avoir du Chili. Ce vin est une belle façon de découvrir une facette du Nouveau-Chili et ça pourrait changer votre perception du potentiel de ce pays. La SAQ offre la Cabernet Sauvignon, Reserva, de la gamme Chono. C'est un bon vin, mais pas très différent de bien d'autres Cabs chiliens de Maipo, alors je ne comprends pas pourquoi on n'a pas plutôt décidé d'offrir cette Syrah qui se démarque clairement par son profil aromatique des autres vins de Syrah chiliens de cette gamme de prix. Le seul qui s'en rapproche au point de vue aromatique, c'est la Syrah, Bayo Oscuro, de Kingston Family pour laquelle il faut débourser le double (33$). Si cette Syrah était offerte à la SAQ au prix du Cab et qu'elle était bien promue par les conseillers, elle ferait un malheur car je ne connais pas de vin de Syrah de ce type offert à un si bon prix. Rien ne s'en approche en terme de rapport QD/P (Qualité, Distinction/ Prix).


vendredi 29 juin 2012

Jour sombre

La revue Decanter vient de décidé de se convertir au système de notation sur 100. Le dernier bastion significatif du monde anglo-saxon vient de tomber face à ce système ridicule. Les amateurs de précision saugrenue seront comblés et les vins qui n'obtiendront pas le fameux 90 continueront de pâtir et les producteurs continueront de faire des vins ayant comme but d'atteindre ce risible 90. Chez Decanter on déguste vraiment à l'aveugle, mais auparavant, lors des panels de dégustation, on faisait des moyennes et malgré cela il y avait beaucoup de résultats surprenants. Maintenant les notes individuelles des dégustateurs seront publiées. J'ai bien peur qu'il y ait de l'édition pour éviter d'avoir l'air fou sur certains vins, ou bien on va faire de petites vagues bien ciblées pour bien guider les dégustateurs et éviter les inmanquables récifs de l'aveugle pure. Une chose est sûre, on ne laissera pas le ridicule de la notation sur 100 être révélé par la dégustation en pure aveugle. On va suivre l'exemple américain. Misère!

mardi 26 juin 2012

La modération négligée

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Très récemment j'ai dégusté deux vins qui ont ramené à mon esprit une réflexion que je me fais de plus en plus au fur et à mesure que je progresse dans le monde du vin. Ces deux vins sont des rouges bien différents, mais qui m'ont également impressionné malgré leur dissemblance. Un de ces vin est la cuvée LFE 900, 2008, de Luis Felipe Edwards dont j'ai traité dans l'entrée précédant celle-ci sur le blogue, mais il y a aussi le Cabernet Sauvignon, Gran Reserva, 1999, Maipo, de Vina Tarapaca que j'avais dégusté le jour avant au resto avec un ami passionné de vin. Le vin de Tarapaca n'avait pas la richesse, la puissance ni la longueur en bouche du LFE 900. C'était un vin de corps moyen montrant ce profil mi-évolué que seul le temps en bouteille peut procurer. Ceci dit c'était un vin complexe et exquis, à la fois sérieux et facile à boire, et qui m'a procuré beaucoup de plaisir. Le LFE 900 aussi m'a procuré du plaisir, mais un plaisir bien différent. Je suis sûr que s'il était possible de comparer les deux vins au même âge, le LFE 900 l'aurait emporté par KO au premier round. Il a tellement plus de matière que le Tarapaca pouvait en avoir en jeunesse, alors imaginez aujourd'hui avec les 12 ans de bouteille de celui-ci. Il est clair que si ces deux vins avaient pu être soumis au même âge à un "donneux" de notes sur 100, le LFE l'aurait emporté haut la main. Il aurait déclassé l'autre par au moins 10 points. Malheureusement, ce résultat aurait, selon moi, été totalement erroné.

Comme je l'ai dit en introduction, les plaisirs distincts que ces deux vins m'ont donné m'ont amené à réfléchir sur les critères qui permettent d'établir le niveau de qualité d'un vin. De plus en plus, je trouve que les éléments utilisés pour établir le niveau qualitatif du vin sont trop axés sur des choses comme la concentration, la puissance et la longueur en bouche, alors que la qualité et la distinction aromatique, de même que la finesse et la facilité à boire sont des éléments trop souvent négligés car plus subjectifs et moins impressionnants. Les facteurs évoquant la force dans un vin sont difficiles à manquer et ce faisant plus objectifs, alors que les éléments de subtilité et de détails sont plus subjectifs et moins universellement facile à percevoir. Il y a aussi le goût personnel qui peut entrer en ligne de compte, et la disposition pour un style de vin en particulier au moment de la dégustation. Les comparaisons entre le vin et les œuvres d'art sont toujours un peu boiteuses car les sens de l’ouïe et de la vue sont des sens beaucoup plus précis que ceux de l'odorat et du goût. Néanmoins, aimant la musique, j'aime bien comparer le vin à une chanson. Par exemple, la même pièce peut être interprétée avec un orchestre symphonique, ou de façon intimiste en mode piano/voix. Il est clair que la version avec grand orchestre sera plus impressionnante pour l'auditeur, qu'elle marquera plus ses sens, mais est-ce que ça veut dire qu'elle sera forcément meilleure que la version plus tranquille où seul un piano et une voix font le travail? Selon moi les deux peuvent avoir leurs mérites selon ce que recherche l'auditeur, selon sa disposition du moment. De la même façon que les deux vins que j'ai évoqué plus haut offraient quelque chose de différent, sans que l'un soit nécessairement meilleur que l'autre. L'un est plus impressionnant, alors que l'autre est plus délicat. Le premier s'impose à notre attention, alors que le deuxième a besoin de notre attention.

Plus j'évolue dans le monde du vin et plus je me rend compte que comme pour la musique il est important pour moi de pouvoir choisir le volume. Parfois j'ai le goût que ça frappe fort, mais parfois j'aime aussi jouir d'un plaisir plus reposant. Un plaisir plus facile au sens où les sens sont sollicités de façon plus douce, mais un plaisir plus exigeant car c'est le dégustateur qui doit aller vers le vin et non l'inverse. Bien sûr, il y a un danger avec ma définition des choses. Ce danger s'est de tout confondre et de mélanger concentration modérée et finesse. L'équilibre, et la qualité aromatique sont pour moi les éléments primordiaux pour juger du niveau qualitatif d'un vin. La complexité peut aussi être un élément à considérer. Je pense que ces qualités peuvent se retrouver dans des vins très concentrés, longs et puissants, mais elles peuvent aussi se retrouver dans des vins plus modérés et ce sont ces vins qui, trop souvent selon moi, sont injustement déconsidérés. Je n'ai rien contre les vins qui en donnent beaucoup, cela fait son effet, mais ce petit texte est un appel à découvrir, ou redécouvrir, les vertus du vin modéré. Pour moi la modération en matière de vin n'a pas nécessairement meilleur goût, mais de plus en plus les vins de cette catégorie me sont nécessaires et il n'y a rien de mieux que la garde prolongée pour en produire de beaux exemples.