lundi 26 septembre 2011

SYRAH, SINGLE VINEYARD, LIMITED EDITION, 2007, ALTO CACHAPOAL, LAGAR DE BEZANA




Après la Syrah Polkura que j'ai récemment commentée sur ce blogue, voici un deuxième vin venant d'un petit producteur chilien indépendant. Les deux font partie de l'organisme MOVI qui regroupe des producteurs indépendants chiliens. Comme dans le cas de Polkura, Lagar de Bezena a choisi le pourtour plus frais de la vallée centrale chilienne pour établir son vignoble. Dans ce cas-ci, il s'agit de l'Alto Cachapoal, c'est-à-dire l'extrémité est de cette vallée, située juste aux pieds des Andes. Le vignoble unique d'où ce vin est issu est nommé « La Esperanza ». Les vignes de Syrah utilisées avaient 9 et 11 ans d'âge, et comprenaient quatre clones du cépage. Le rendement de celles-ci a été limité à environ 35 hl/ha. L'élaboration du vin comprend la vendange manuelle, le tri au chai, vinification par gravité en lots distincts pour chaque clone utilisé, élevage de 20 mois en barriques de chêne français. Le pourcentage de bois neuf n'est pas spécifié. Le vin titre à 14.5% d'alcool et contient 3.3 g/L de sucres résiduels.

La robe est sombre et impénétrable. Le nez exhale ses arômes de façon bien dosée. On y retrouve un mélange de fruits rouges et noirs de belle qualité, avec la cerise qui ressort clairement. Cet agréable aspect fruité est amalgamé à des notes d'épices fines, de terre et d'encre. Un léger aspect torréfié et chocolaté vient compléter ce superbe profil olfactif, à la fois sérieux et raffiné. Le bonheur se poursuit en bouche, où dès l'attaque la texture soyeuse du vin se démarque. C'est caressant, et dans ce contexte, l'ensemble de saveurs déjà perçu au nez se transpose admirablement en bouche, appuyé sur une fine base d'amertume, et avec toujours la cerise qui tient le rôle principal. Le milieu de bouche permet de confirmer la finesse tactile et la qualité des saveurs. Le niveau de concentration est très bon, sans lourdeur ou excès de puissance. Le vin montre un bon volume, ni compact, ni joufflu, juste ce qu'il faut pour bien remplir la bouche avec un petit côté aérien. Ça coule donc sans effort, en charriant des plaisirs multiples, pour aboutir dans une finale harmonieuse et équilibrée, où les saveurs gagnent en intensité avant de lentement s'évanouir sur des relents d'amertume et des tanins boisés qui se détachent.

Ce vin est décidément une très belle découverte pour moi. Une autre preuve de la diversité de styles dont le Chili est maintenant capable. C'est un vin sérieux, qui à ce stade évite l'austérité grâce à sa formidable finesse de texture et à son fruité de cerise délectable. Néanmoins, il y a aussi un côté plus sombre dans celui-ci, avec cet aspect de terre et d'encre noires, sans oublier l'amertume chocolatée et le léger côté torréfié. On peut aussi sentir un aspect boisé, mais au niveau aromatique cet apport m'est apparu subtil et bien dosé, malgré la jeunesse du vin. Le seul léger accroc à ce stade précoce d'évolution, je l'ai trouvé à la toute fin avec des tanins boisés qui ressortent un peu et persistent au-delà des saveurs. Toutefois, selon mon expérience, c'est un léger problème que le temps devrait résoudre et qui ne remet pas en cause l'agréabilité actuelle du vin. C'est un phénomène assez commun pour de jeunes vins relativement ambitieux où on a poussé un peu sur la barrique. Dans ces circonstances, il est clair pour moi que ce vin montre un très bon potentiel de garde, et qu'il devrait se présenter sous un jour encore meilleur d'ici 5 à 10 ans. Finalement, il m'est apparu fidèle à ce que donne ce cépage dans les pourtours plus frais de la vallées centrale. Des vins à la fois riches et frais pouvant montrer une finesse certaine. Ceci dit, ce n'est clairement pas dans le style des vins de Syrah de climats très frais, comme on en retrouve dans San Antonio, Casablanca ou Elqui. Ce n'est pas un tort, juste une différence d'interprétation du cépage. C'est d'ailleurs ce qui fait la beauté de la Syrah au Chili, la variété des styles possibles. En ce sens, ce vin de Lagar de Bezana est une belle pièce de cette mosaïque naissante qu'est la Syrah au Chili.

Ce vin n'est pas disponible au Québec. Je l'ai reçu lors de ma participation à un repas-dégustation de Vins du Chili. Comme pour tous le vins dont je traite sur mon blogue, je l'ai commenté car c'est un vin de qualité qui m'a plu.



vendredi 23 septembre 2011

Déficit d'image: le problème non résolu du Chili

Document intéressant consacré au Chili par le magazine britannique "Drink Business". On y parle des développements viticoles récents dans ce pays, de la qualité et de la variété croissante, mais comme ce magazine s'intéresse surtout à l'aspect commercial du monde du vin, on tente de déterminer le chemin à suivre par ce pays et ses vins pour se sortir du créneau d'entrée de gamme auquel il est fortement identifié. À la lecture des différents articles, on se rend compte qu'il est très difficile de briser des stéréotypes et que souvent, la qualité des vins n'est pas en cause. En matière de vin, la perception tient lieu de réalité, et cette perception est conditionnée par les préjugés. Le défi principal du Chili est de convaincre le consomateur de payer plus pour ses meilleurs vins. Le problème, c'est que généralement le client qui est prêt à payer plus pour une bouteille ne veut pas seulement acheter un meilleur vin. Il veut aussi que la bouteille et son étiquette projette l'idée et l'image d'un vin de meilleure qualité. Malheureusement, malgré tous les progrès qualitatifs du Chili au cours des dernières années, l'image des vins de ce pays est toujours associée au vin d'entrée de gamme. Le vin chilien, même celui de très haute qualité, n'est pas celui qu'on sort pour impressionner les convives. Il y a zéro effet prestige avec les vins de ce pays. Je dirais même qu'il y a un effet prestige négatif. Ce qui est pire que ne pas avoir de prestige. Il faut dire que le Chili, malgré la beauté saisissante de ses paysages, n'est pas le pays des châteaux. Ce n'est pas non plus le pays du petit producteur artisan, même si la situation évolue de ce côté. Dans ces conditions, et la lecture du document de "Drink Business" le montre bien. Il n'est pas facile pour les chiliens de choisir la bonne stratégie pour perçer dans le marché du vin de gammes de prix supérieures. Le déficit d'image est un boulet dont il semble impossible de se défaire. Le pays semble condamner à toujours offrir sa qualité à prix d'aubaine. Bien sûr, il y a ces vins dits icônes qui tentent de briser cette barrière en affichant des prix démesurés. Mais cette catégorie représente un très faible pourcentage de la production chilienne. Ces vins sont plus un énoncé de principe par rapport aux ambitions du pays, qu'une catégorie commercialement significative. En ce sens, ces vins très chers ont leur raison d'être. Ils sont un pied de nez à tous ceux qui pensent que les vins chiliens ne devraient être que bon marché.

Bien sûr, la situation que je vins de décrire est regrettable pour les producteurs de ce pays, mais c'est ce qui m'a attiré vers les vins de ce pays en premier lieu, et même si aujourd'hui mon intérêt pour ce pays va bien au-delà de cette situation avantageuse pour le consommateur. Ça demeure un élément important de mon attrait pour ce pays. En terminant, parmi toutes les avenues envisagées dans le document de "Drink Business" pour aider le Chili à briser son déficit d'image, la mise en valeur du potentiel de garde des vins rouges n'est pas mentionnée parmi les pistes de solution. Je suis peut-être le seul à penser cela, mais il s'agit d'une omission déplorable. Je dirais même plus, c'est un faute grave. C'est grave car c'est l'initiative la plus simple et la moins côuteuse que les producteurs de ce pays pourrait prendre pour créer une toute nouvelle catégorie de vins aux profils distinctifs. Une initiative qui donnerait une toute nouvelle perspective sur les vins rouges de ce pays. Ça ne briserait peut-être pas totalement l'image négative assiociée aux vins chiliens, mais ce serait un facteur important pour y arriver.


*

samedi 17 septembre 2011

CABERNET SAUVIGNON, DOMUS AUREA, 2006, ALTO MAIPO, CLOS QUEBRADA DE MACUL




Lorsque j'écrivais sur le forum Fouduvin, j'avais commenté le millésime 2002 de ce vin de façon complète et très élogieuse. J'avais alors dit qu'il s'agissait de mon meilleur vin chilien à vie. Je n'ai malheureusement pu racheter ce vin que dans le millésime 2006. J'ai récemment ouvert ma première bouteille de ce millésime, et c'est comme si j'avais eu un gros « flashback ». Dès le premier abord du vin j'ai retrouvé ce qui m'avait tant enthousiasmé dans le millésime 2002. Comme alors, je me disais que ce vin ressemble au plan aromatique aux Cabernets, Antiguas Reservas, de Cousino Macul des années 90, alors que ceux-ci venaient encore entièrement des vieux vignobles de Macul, en banlieue de Santiago, Mais comme alors, je me disais que c'est comme un Antiguas Reservas magnifié. La marque aromatique du terroir est là, indéniable, mais tout dans le Domus Aurea semble meilleur encore. Plus riche, plus fin, plus caressant, plus concentré et plus long. J'ai souvent écrit qu'en matière de vin plus n'égale pas toujours mieux, et je le pense encore, car en l'absence d'équilibre, plus peut mener au pire. Mais dans ce cas-ci, l'équilibre et l'harmonie étaient au rendez-vous de magnifique façon. Même si je me concentre surtout sur les vins chiliens de prix abordables. J'ai eu la chance de goûter bon nombre de super-premiums chiliens, les Almaviva, Don Melchor, Clos Apalta, Montes Alpha M, Folly, Sena, Manso de Velasco, et bien d'autres encore. Bien que plusieurs de ces vins soient de grande qualité, pour ma part, ce deuxième millésime du Domus Aurea me confirme que pour moi ça demeure le plus grand vin chilien qu'il m'ait été donné de goûter. Un vin qui me prouve que les notes sur 100 des magazines américains sont de la foutaise. Elles ne sont basées que sur la concentration, la puissance et la renommée du producteur. La beauté du Domus Aurea c'est qu'il possède toute la concentration nécessaire, mais que jamais il n'a l'air puissant à cause de son équilibre formidable. En dégustant ce vin, je me disais qu'en terme de qualité, ce Domus Aurea était non seulement mon vin chilien favori, mais qu'il se comparaît avec ce que j'ai pu déguster de mieux dans ma vie. Puis en relisant cette semaine un article sur le potentiel de garde des rouges chiliens, où l'on parle du Domus Aurea, je suis tombé sur cette affirmation que je cite dans le texte :

"Domus Aurea is another example of a stylistic transformation with a new enologist. From one of the oldest hillside vineyards in Chile, planted in 1970, this blend of 80% Cabernet with Merlot, Petit Verdot, and Cabernet Franc is not only modeled after Bordeaux, but is capable of giving the best of them a run for their money".

Dans la même classe que ces grands vins donc, tout en ayant son identité propre, mais à une fraction du prix. J'ai payé ce 2006, 48$ la bouteille, une hausse de seulement 6$ par rapport au 2002. À ce prix, c'est une formidable aubaine. Malgré mon amour grandissant pour la Syrah, le Cabernet Sauvignon demeure mon cépage noir favori, et selon moi l'Alto Maipo est un des meilleurs terroirs au monde où il peut s'exprimer, et assurément le terroir à Cabernet Sauvignon le plus sous-évalué sur la planète. La beauté avec le Domus Aurea, c'est qu'il provient d'un vignoble mature qui permet de révéler le plein potentiel de la région, et surtout, ce n'est pas un vin axé sur la recherche de puissance. Un problème qui affecte trop de cuvées se voulant ambitieuses, à la recherche des gros scores pouvant les propulser rapidement en terme de notoriété et de prix, quoi que pour les gros scores, le prix doit souvent être là au départ. Heureusement, le Domus Aurea sait éviter ce piège. Ce producteur ne fait pas de compromis mercantiles à court terme et agit en fonction de sa conception du vin. Il ne met pas la charrue avant les bœufs en appliquant une politique de prix raisonnable. En fait, il semble avoir une confiance tranquille dans son produit, et dans le fait que celui-ci saura trouver la reconnaissance auprès des amateurs de vins raffinés qui auront la chance d'y goûter. C'est peut-être moins spectaculaire comme approche, mais à long terme ça me semble la bonne. Domus Aurea est un classique du futur, c'est donc aujourd'hui qu'il faut y goûter.



mardi 13 septembre 2011

SUR LE VIF

Après deux années de blogue j'en suis venu à trouver que ce média manquait de flexibilité et de spontanéité. La plupart du temps pour y écrire, j'attendais d'avoir le temps de pondre un article assez structuré, ce qui fait qu'il y a bien des choses intéressantes que je laissais passer, comme des liens utiles ou de courts commentaires sur le vif lorsqu'un sujet m'interpellait. J'ai donc décidé de créer une rubrique que je garderai en début de blogue et que j'archiverai périodiquement sur une page unique.


17h45  Par le biais de Vin Québec, encore de l'eau à mon moulin concernant l'inutilité de la notation précise des vins. Je serais curieux de voir les résultats si l'exercice était refait dans un mois, avec les mêmes vins et les mêmes dégustateurs, en trouvant une façon pour que ceux-ci soient convaincus qu'ils ne goûtent pas de nouveau les même vins.

17h27  En vérifiant la source du traffic sur mon blogue je suis tombé sur un nouveau blogue vin récemment apparu sur le site de Radio-Canada. Il s'agit du Blogue Vin de Radio-Canada animé par Ronald Georges. À suivre...


30 Novembre


16h30  Je suis tombé sur ce texte du blogue de Marc Chapleau par le biais d'un lien donné sur le forum Fouduvin. J'ai été surpris d'y lire que le père des matchs comparatifs du magazine Cellier de la SAQ considère que donner une note à un vin qu'on recommande, c'est l'équivalent de mettre ses culottes. Façon détournée de dire que les gens comme moi ne les mettent pas. Pourtant, je pensais que les différents matchs comparatifs de Cellier avaient plutôt démontré l'invalidité de ce système. Ces dégustations thématiques à l'aveugle, qui ne sont pas purement à l'aveugle car le thème de celles-ci est connu des dégustateurs, ont néanmoins produits leur lot de surprises au fil des ans. La notation y est toujours très resserrée, sans notes extrêmes, preuve que les juges qui y participent, s'ils ont mis leurs culottes, n'ont pas oublié de bien attacher leurs bretelles!...   


17 Novembre


21h35  Grâce à un lien sur le site Vin Québec, je suis tombé sur un article où Michel Bettane qualifie d'idiots les producteurs qui paient pour qu'un critique réputé juge leurs vins. C'est facile de jeter la pierre aux producteurs, mais à mon avis c'est un effet pervers de la notation des vins. Étant un observateur assidu de la scène vinicole chilienne, je peux régulièrement constater l'effet de la dictature des notes et des médailles pour ces producteurs venant d'un pays en déficit de prestige et d'image de marque. Comment peuvent-ils attirer rapidement l'attention du consommateur moyen qui ne sait pas lui-même où aller et qui aime se faire rassurer par les notes? Dans un monde où l'offre en vins de qualité n'a jamais été si grande, il est difficile d'émerger du lot, et l'attrait de la grosse note est tellement grand et peut avoir un tel impact économique, qu'il est facile de comprendre pourquoi certains succombent à la tentation, même si au fond c'est une loterie et que le résultat est loin d'être assuré. Finalement, l'indépendance entière est très rare dans le monde du journalisme vinicole. Il existe une hiérarchie et un certain code de conduite à suivre pour qui veut faire carrière dans ce milieu. Si quelqu'un décide de trop s'éloigner du discours généralement accepté, on le lui fera payer d'une manière ou d'une autre, et c'est sa crédibilité qui en sera affecté. De toute façon, pourquoi croyez-vous que les critiques réputés ne se soumettent jamais à l'épreuve de la notation des vins en pure aveugle? Bien sûr parce c'en serait rapidement fait de leur crédibilité, et si tous les critiques se soumettaient à un tel test périodique, ce serait aussi la fin des systèmes précis de notation. On arrêterait de prétendre qu'on peut résumer un vin de façon absolue et définitive dans un chiffre. Alors les producteurs ne se sentiraient plus forcés de payer en espérant obtenir ce fameux chiffre, passeport vers la légitimité et la prospérité et les consommateurs seraient forcés de lire les textes et surtout, ils devraient explorer par eux même en se fiant enfin à leur jugement.


16h25 Pour revenir sur le sujet des notes, une des meilleures façons de juger de son invalidité, à mon avis, est de très bien connaître les vins d'un pays ou d'une région. Je pense assez bien connaître les vins du Chili, et à chaque année je m'amuse à regarder la compilation des notes attribuées par Wine Spectator aux vins de ce pays, et à chaque année je n'en reviens pas de l'incohérence de cette liste par rapport à mon expérience avec ces vins. Je persiste à croire qu'il est impossible de bien juger chaque vin lors de large dégustations comparatives. À l'aveugle, le même dégustateur dégusterait de nouveau les mêmes vins le lendemain et les résultats seraient souvent très différents. Imaginez pour une dégustation un an plus tard, ou plus. Une vraie farce!  En plus de cela, il y a l'influence du goût personnel d'un dégustateur sur la note attribuée. Voici un exemple frappant de cette possible différence. D'abord, voici la note de dégustation de l'amant de la nature Jamie Goode pour le Chardonnay, Lot 5, Leyda, Vina Leyda:

Viña Leyda Lot 5 Chardonnay 2009 Leyda Valley
Southwest facing vineyard, made in an oxidative style without clearing the juice. No malolactic. Sophisticated with fine toast and nut notes on the nose, leading to a palate showing broad, nutty, spicy, toasty flavours. Rich but fresh. Rounded and harmonious, with some peach and pear notes and mineral finish. 94/100


Maintenant, quelle note pensez vous a été accordée par Wine Spectator à ce vin au style "oxydatif"? Un fabuleux 55!!!!

39 points de différence, rien que ça! Je n'ai pas goûté ce vin, mais la description de Jamie Goode, utilisant l'euphémisme "oxydatif", me laisse croire que WS a plutôt trouvé ce vin oxydé. C'est un exemple extrême, je l'avoue. Mais je suis sûr que bien des différence de 10 à 15 points s'expliquent simplement par le goût personnel, ou la façon dont le vin se présentait sur une bouteille un jour donné.


12h25  Plus de détails ici et ici sur la dernière dégustation organisée au Chili par Edurdo Chadwick et appelée "The aging potential challenge". Je suis content de voir qu'un des leaders de ce pays se réveille et commence à miser sur cet atout fortement sous-exploité. Pour ce qui est de la dégustation, le panel était composé de 16 "Masters of Wine". On ne donne les résultats que pour les 5 premiers vins du classement, on mentionne toutefois que même un Cabernet Sauvignon, Don Maximiano, 1983, a été apprécié. Ce qui concorde avec mon expérience voulant que même les rouges chiliens de prix abordable peuvent bien vieillir. Plus de 25 ans en bouteille pour un vin de moins de 20$, élaboré avant l'éveil qualitatif de ce pays. C'est un assez bon point de départ.


15 Novembre


Je n'ai pas l'esprit militant, probablement à cause d'un mélange de paresse et de cynisme. Je vais voter, c'est déjà ça. J'écris sur ce blogue par plaisir, non pas en pensant que ça pourra changer la moindre chose dans le monde du vin. Ceci dit, j'ai tellement répété ici que le système précis de notation du vin était invalide, que j'ai pris le temps de signer une pétition contre celui-ci, même si le résultat de cette action ne sera que symbolique. Il y a trop d'amateurs qui réclament des notes, et qui veulent acheter des vins bien notés, pour que ce système puisse être largement abandonné, sans compter les multiples gourous qui en tirent profit. Une grosse note c'est rassurant, même si ça ne veut rien dire tellement le vin n'est pas quelque chose de figé et définitif, et tellement la perception est variable entre individus. Ajoutez à cela les variations possibles entre les bouteilles d'un même vin et le compte est bon! Je sais que je me répète, mais il faut oublier les notes, oublier l'étiquette et aborder le vin qui est dans notre verre pour ce qu'il nous donne au moment de le boire. C'est la meilleure façon de lui rendre justice en évitant les préjugés, qu'ils soient positifs ou négatifs. C'est difficile, je le sais, mais selon moi il faut être dans cet état d'esprit. C'est une question de mentalité. Mais même si comme moi vous tentez d'ignorer ces fameuses notes, le problème le plus grave avec celles-ci, c'est le tort que ça cause aux bons vins mal notés, et bien sûr aux producteurs derrière ces vins. Si au contraire vous vous faites prendre avec un mauvais vin bien noté, j'ai un peu envie de dire tant mieux pour vous. Tant mieux pour la leçon qui pourra peut-être en être tirée. Finalement, l'appel à ne pas tenir compte des notes est positif, car c'est un appel à l'indépendance d'esprit et au plaisir de la découverte.


12 Novembre


01h24 Les arômes déviants reliés aux levures Brettanomyces sont une de mes marottes et aujourd'hui, par hasard, au fil de mes lectures sur la toile je suis tombé sur un article intéressant du Los Angeles Times à propos du cépage Mourvèdre. Un paragraphe a particulièrement retenu mon attention tellement il va à l'encontre de l'idée souvent entendue voulant que le Mourvèdre soit normalement marqué par des notes similaires aux arômes de Bretts, sans que ce ne soit dû à ces levures. Le commentaire à ce sujet vient de Justin Smith le winemaker de Saxum Vineyards, un producteur californien réputé. Je cite dans le texte:

"Mourvèdre has a really bad reputation in the States because so many Mediterranean wines have brett that people think they're synonymous," Smith says. "I don't know why it's so prone to brett, but whenever I leave a barrel of pure Mourvèdre, those are the only barrels that ever get brett. For so long, people thought that is the nature of Mourvèdre, it just has that animal stinkiness. I've never tasted a clean Mourvèdre that has that.""
Il est à noter que Saxum a une approche minimaliste de la vinification et ne colle ni ne filtre ses vins. C'est donc intéressant d'entendre une voix crédible allez à l'encontre du discours habituel sur ce sujet.


23 octobre


Il y a une promotion - 10% aujourd'hui à la SAQ sur tous les vins chiliens offerts par notre monopole. Deux vins qui étaient déjà l'objet d'une promotion en circulaire peuvent être achetés pour environ 15$, soit la Syrah, Max Reserva, 2009, Aconcagua, Vina Errazuriz et la Cabernet Sauvignon, 2009, Aconcagua, Vina Arboleda. Ce sont deux vins trop jeunes et trop boisés à mon goût actuellement, mais ce sont deux vins à l'excellent potentiel de garde. Rares sont les vins de 15$ ayant un potentiel de garde de 15 ans. Selon moi, aujourd'hui, ces deux vins font partie de ce club très sélect où le Chili excelle.


1h04 Pour répondre à la question que se pose ici Marc-André Gagnon de Vin Québec à propos de la toxicité des sulfites pour l'humain, voici une référence intéressante sur le sujet. On y indique que cette toxicité est comparable à celle du sel de cuisine (chlorure de sodium) et du bicarbonate de sodium (ce qu'on appelle communément "la petite vache" ici au Québec). Voici un extrait:

"Les sulfites sont utilisés dans de nombreux aliments – et certains médicaments- pour prévenir altérations microbiennes et/ou oxydations ; le vin constitue la principale source de SO2 dans l'alimentation « moyenne ».La toxicité aigüe définie par une DL.50 de 1,5 g/kg est à peu près identique à celle du sel de cuisine ou du bicarbonate de sodium, soit la catégorie des produits « dangereux – peu dangereux » selon la classification de l'OMS. La toxicité chronique est définie par la DJA de 0,35 mg/kg/jour, soit 24,5 mg/jour pour une personne de 70 kg, à partir d'un coefficient de sécurité de 100 qui, appliqué au sel de cuisine consommé sur la la base moyenne de 1-2 g/jour devrait montrer une inocuité totale à la dose de 70-140 g/jour ! 

Les effets physiologiques du SO2 se manifestent par la destruction de la thiamine vers pH 6,0 mais nulle au pH –2-3 de l'estomac, un effet mutagène à très forte concentration (64 g/L) seulement in vitro. Il n'a été observé aucun effet tératogène ou cancérigène et il y a diminution de l'activité allergisante de l'histamine. Le SO2 est rapidement détoxifié par transformation en sulfates. L'organisme métabolise chaque jour l'ensemble des composés soufrés (acides aminés…) pour une quantité équivalente à 1,5-2 g de SO2 /jour, sauf pour une personne sur 100000 carencée en sulfite-oxydases (Enquête Australie-Nouvelle Zélande). Le « mal de tête » souvent signalé n'est pas mis en évidence de façon significative par les enquêtes épidémiologiques (USA, Australie, Nouvelle Zélande)."
 

16 octobre


19h31 Article intéressant de François Chartier aujourd'hui sur Cyberpresse où il relate son expérience lors d'une dégustation de vins de Pinot Noir organisée par un regroupement d'importateurs québécois. Il est intéressant de voir comment le classement des vins différait entre dégustateurs. Ça explique probablement pourquoi les notes octroyées par les juges à ces vins étaient relativement basses. À chaque fois que je lis sur des expériences du genre, et ici ce n'était que du semi-aveugle, ça me conforte dans ma conviction voulant que la notation précise du vin est un exercice prétentieux et invalide. Je serais curieux de réunir les mêmes dégustateurs et de leur servir les mêmes vins une deuxième fois en leur demandant à nouveau de les classer et de les noter. Je suis sûr que les résultats seraient sensiblement différents, que ce soit pour un dégustateur en particulier, ou pour l'ensemble du jury.


15 octobre 


19h31   Article intéressant de Jancis Robinson sur la garde, le style et le prix des GCC de Bordeaux. Quand on dit qu'on vendange aujourd'hui des raisins plus matures, comment le nier quand on lit que la majorité des producteurs chaptalisaient au milieu des années 90 pour atteindre 12.5% d'alcool..


26 Septembre 2001


00h44 Sans faire insulte à mes lecteurs réguliers, je peux dire que j'ai parfois l'impression de prêcher dans le désert avec mon modeste blogue. Alors quand je tombe sur une opinion convergente, c'est un peu comme un oasis. Au fil de mes navigations sur la toile, en passant sur le site de Sammy Rabbat, je suis tombé sur une petite entrevue avec le chroniqueur vins de l'hebdomadaire Voir, Nick Hamilton. J'ai déjà eu la chance de rencontrer M. Hamilton, il y a un peu plus de deux ans, lors d'une dégustation Chili-Californie organisée par Bill Zacharkiw de The Gazette. J'avais fort apprécié ses propos ce soir-là, lors de discussions très intéressantes sur le monde du vin. Toujours est-il que dans cette entrevue M. Hamilton y va de propos très positifs sur le Chili et la Nouvelle-Zélande. Des propos qui se rapprochent de ceux que je tiens sur ce blogue.


RH. Quels sont les pays producteurs qui vous ont le plus impressionné?

NH. – C’est difficile parce qu’il y en a plusieurs. J’ai eu l’occasion dans les dernières années de voyager dans plusieurs pays producteurs tels que l’Afrique du Sud, le Chili, la Nouvelle Zélande, évidemment les vieux pays comme l’Italie, la France et l’Espagne aussi. Je dirai que ce sont les petits pays qui m’impressionnent surtout, parce qu’ils ont moins d’histoire, moins d’expérience mais on voit des produits qui sont vraiment impressionnants. Je pense entre autres au Chili, où j’étais allé l’année passée, où j’ai vu des choses que je ne m’attendais pas, des types de vins qu’on n’avait pas encore vu ici au Québec mais qui arrivent heureusement. Des vins qui viennent complètement du nord ou bien très au sud et non de cette bande centrale de vignobles autour de Santiago, qu’on connaît bien. En découvrant des vins des régions qui sont beaucoup plus au nord comme Elqui et Limari ou tout à fait dans le sud, comme Bio-bio ou Itata, j’ai été vraiment surpris de voir la diversité qu’il y avait et évidemment la qualité toujours à la hausse des vins dans ce pays. Même chose la Nouvelle Zélande où j’étais, il y a quelques années. Là aussi une grande diversité de produits, des vins de très bonne qualité. Un style qui plaît d’après-moi, et qui est à l’avantage du consommateur québécois. Le climat y est assez frais et puisque la Nouvelle Zélande est composée de deux îles, l’influence maritime est importante. On y trouve des vins qui sont assez frais, avec une bonne acidité, des vins fort agréables. Donc le Chili et la Nouvelle-Zélande sont peut-être les deux pays qui m’ont le plus impressionné dans les dernières années.


Des propos du genre sont malheureusement très rares dans la presse vinicole québécoise. C'est pourquoi je pensais qu'étant donné le centre d'intérêt de mon blogue, ça valait la peine de les rapporter sur celui-ci. C'est vraiment impressionnant et réconfortant pour moi de voir un chroniqueur vins généraliste comme M. Hamilton être capable de nommer du même souffle les régions de Elqui, Limari, Bio Bio et Itata avec leur bonne position géographique. La preuve qu'il y a des chroniqueurs ayant une large compétence dans notre belle province. Bravo!


24 Septembre


12h10 Article intéressant de Marc-André Gagnon sur Vin Québec. On se rejoint sur le fait que les notes sur 100 sont directement liées à la concentration et à la puissance, mais M. Gagnon néglige l'aspect identité, origine et renommée du producteur. À ce sujet, tous les résultats de dégustation à l'aveugle, mêlant des vins de renommée et prix variables, concordent. Dans ce type de dégustation on note bas pour éviter d'avoir l'air fou, et les surprises sont nombreuses. Il n'y a pas de critiques individuels qui dégustent en pure aveugle, car ils auraient tôt fait de perdre toute crédibilité. Aussi, il est impossible de bien juger un vin en dégustation rapide et comparative, comme les professionnels le font souvent. Je prêche peut-être pour ma paroisse, mais l'idéal demeure le commentaire étoffé issu d'une dégustation en isolé, sur une longue période, où on peut revenir souvent sur le vin et en suivre l'évolution dans le temps. Cette méthode n'est pas parfaite. Elle demande de l'honnêteté de la part de l'auteur, et comporte aussi sa part de subjectivité. Mais elle a le mérite de respecter le vin, en lui donnant l'attention qu'il mérite, et en ne le résumant pas à un chiffre. Il faut aussi de l'humilité chez l'auteur, car il me semble bien prétentieux de figer la valeur d'un vin dans un chiffre qui occultera tout ce qu'on aura pu en dire par ailleurs. Le chiffre ou les étoiles effacent les mots.


19 Septembre


14h10 Un article amusant de Jancis Robinson à propos de la montée du vin en Chine et de l'attrait des nouveaux riches chinois pour les noms prestigieux. Je dis amusant car je n'achête que très rarement ce type de vins. Mais pour les amateurs sérieux, cette situation est plutôt déprimante et choquante à la fois. Je compatis sincèrement, mais c'est l'effet pervers de la migration du vin vers la niche de produit de luxe.


15 Septembre


20h58  Suite aux commentaires de Paul dans cette rubrique . Je joins les liens de deux articles précédants sur le sujet de la garde des rouges chiliens tirés de ce blogue (lien 1 et lien 2) et le lien vers un article externe sur le sujet que j'avais déjà donné.


20h43  Pour débuter, je joins deux liens intéressants. Le premier à propos d'un producteur dont j'ai souvent vanté les mérites sur ce blogue. Il s'agit de Vina Leyda. Le leader du Chili pour les vins de climat frais de haute qualité vendus à prix abordables.

L'autre lien porte sur un article intéressant sur le Nouveau Chili.



*

dimanche 11 septembre 2011

SHIRAZ, MAX RESERVA, 2001, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ



Dans mon texte récent relatant une dégustation de jeunes Syrahs chiliennes, j'y étais allé d'un plaidoyer incitant les producteurs chiliens à démontrer l'excellent potentiel de garde de leurs vins rouges, et dans ce cas précis, de leurs vins de Syrah. Avec l'expérience que j'ai des vins de ce pays, je suis convaincu du potentiel de garde de la nouvelle génération de Syrahs chiliennes. Mais quand on prend position de manière aussi affirmée, il y a toujours une petite arrière-pensée qui nous revient à l'esprit par la suite. En ai-je trop mis? Est-ce que mon enthousiasme a dépassé la réalité? C'est avec ce léger questionnement en tête que j'ai décidé d'ouvrir une des plus vieilles Syrahs chiliennes que j'ai au cellier. Juste pour me rassurer. Juste pour voir si je n'avais pas beurré trop épais. Ce vin a huit ans de plus par rapport à la Syrah, Max Reserva, 2009, de la dégustation, et qui est actuellement disponible sur les tablettes de la SAQ. Ça me semble donc un bel exemple de moyenne garde. Ce vin provient des premières vignes de Syrah plantées au Chili en 1992 et 1993. C'est donc un des meilleurs exemples de vin de Syrah que l'on puisse trouver à ce stade pour évaluer le potentiel de garde des vins de ce cépage au Chili. Bien sûr, ce n'est qu'une cuvée, venant d'une région précise et d'un producteur reconnu. On ne pourra pas extrapoler à tout le pays sur cette seule base, mais ça me semble un bon point de départ pour suivre le parcours de ce cépage au Chili. À noter qu'à partir du milésime 2000, et pour quelques années par la suite, Errazuriz a identifié cette cuvée par le terme Shiraz, probablement pour des raisons commerciales, pour finalement revenir à la dénomination Syrah des premières années. Ce choix est cohérent avec ce que fait l'ensemble du pays qui a choisi le terme Syrah pour promouvoir les vins de ce cépage. Ça me semble un bon choix, car les vins chiliens de Syrah, même ceux de régions plus chaudes, se rapprochent plus du modèle français que de l'australien, sans être véritablement un calque de l'un ou de l'autre. De plus, des clones français sont utilisés. Ce vin a été élevé un an en barriques de chêne (un tiers françaises et deux tiers américaines, 43% neuves). Il a été légèrement filtré et titre à 14.5% d'alcool pour un pH de 3.65 et 2.25 g/L de sucres résiduels. Le producteur disait lors de son lancement qu'il devrait être à son mieux cinq ans après le millésime et bien vieillir par la suite pour plusieurs autres années. Bien sûr, en matière de vin le niveau d'évolution idéal est une question de goût. Mais en ouvrant cette bouteille en 2011, je suis clairement dans les années supplémentaires où selon le producteur ce vin continuera de bien vieilir.

La robe est d'une teinte grenat encore bien soutenue, mais néanmoins légèrement translucide et avec des reflets orangés au pourtour du disque. Le nez est envoûtant, rien de moins, vraiment superbe, à la fois complexe et raffiné. Comme c'est toujours le cas pour moi avec ce genre de vin, le nez agit comme un aimant par lequel je me sens attiré. Ce type de vin révèle aussi avec une acuité accrue les limitations du vocablaire quand il est question de décrire un vin. Les tentatives de descriptions sont toujours hautement imparfaites, mais dans le cas des vins ayant développé un caractère évolué, l'exercice me semble encore plus difficile et le résultat infidèle à ce qui est perçu. Comme pour un vin jeune, ce vin possède des arômes fruités et boisés, mais écrire fruits rouges ou épices douces, par exemple, n'a pas la même signification que pour un jeune vin. Ces éléments bien que toujours présents, sont différents de ce qu'ils étaient en prime jeunesse. L'analogie avec la patine des meubles anciens, sans être parfaite, est ce qui rend le mieux ce phénomène. Finalement, tout ce que je peux dire pour décrire le nez de ce vin, c'est qu'il y a encore un beau fruité rouge associé à un aspect doucement épicé, ainsi que de fines notes terreuses et de bois fin. Un léger aspect de chocolat noir complète le tableau. En bouche, le charme se poursuit avec une matière encore riche, mais souple et superbement fondue. Les divers éléments du vin sont bien intégrés et une sensation d'équilibre et d'harmonie se dégage de l'ensemble. Comme je l'expliquais pour le nez, les diverses saveurs du vin portent la marque du temps, avec un très beau fruit mâtiné de fines notes épicées et appuyé sur juste ce qu'il faut d'amertume. Le vin possède encore un bon volume et une belle présence en milieu de bouche. L'ensemble est caressant avec une trame tannique soyeuse. Le vin coule sans effort et est vraiment délicieux. La finale ne rompt pas le charme, au contraire, les qualités du vin y sont magnifiées en un sursaut d'intensité, suivi d'un long déclin des saveurs.

Quel beau vin! Vous aurez compris que pour moi il a facilement passé le test. Il en a donné beaucoup plus que ce qu'on peut normalement attendre d'un vin vendu sous la barre des 20$. C'est un vin qui selon moi est encore loin du terminus. J'y ai vu un vin à mi-parcours de son évolution possible. Un vin comme je les préfère, c'est à dire avec ce caractère évolué qui marque chacun de ses arômes et de ses saveurs, mais sans que rien n'ait disparu, avec encore beaucoup de fruit et de matière. Le bouchon était impeccable et ce vin aurait pu continuer son évolution pour une autre dizaine d'années, sans problème. Mon seul regret à propos de celui-ci est de l'avoir ouvert en solitaire. Je pense que c'est le genre de vin que j'aurais dû partager avec d'autres amateurs. La plupart des gens à qui j'ai fait vivre des expériences surprenantes avec des vins chiliens d'un certain âge et de prix très abordables s'en souviennent et m'en reparle lorsque je les croise de nouveau par la suite. Ce vin aurait pu se retrouver dans plus de mémoires que la mienne seule. Mais bon, j'avais le goût de répondre à mes légers doutes, et la réponse est celle que j'espérais. Pour quelqu'un comme moi qui accumule les rouges chiliens dans le but de pouvoir vivre de telles expériences de manière très régulière, un tel résultat est bien sûr très réconfortant. Si vous me prêtez deux onces de crédibilité, je ne saurais trop vous inciter à mettre quelques bouteilles de ce genre à l'ombre pour plusieurs années. Le retour sur investissement est vraiment extraordinaire. Aussi, si quelqu'un qui a une quelconque influence dans le milieu vinicole chilien venait à lire ce texte. Je vous enjoins à faire passer ce message à ceux qui décident de la stratégie commerciale du Chili. Un vin de ce genre et de cet âge devrait être commercialisé actuellement, et à un prix autour de 30$ ça constituerait un superbe achat qui contribuerait fortement à changer l'image des vins chiliens. Je sais que je me répète, mais je termine cette bouteille en écrivant ces lignes, et chaque nouvelle gorgée me convainc encore plus de la validité de mon affirmation. Une affirmation encore plus valable pour un marché comme le marché québécois, où l'aspect dit moderne des très jeunes vins est souvent décrié, alors que la finesse des vins d'un certain âge est généralement célébrée. Le problème c'est qu'il faut parfois être l'un pour devenir l'autre. Soyez certains que ce 2001 n'a rien à voir avec ce que donne actuellement le millésime 2009 de cette cuvée. Huit années de garde ont métamorphosé ce nectar et je ne doute pas que le 2009 suivra le même chemin pour donner à terme un résultat similaire. C'est ce potentiel que le Chili doit faire connaître. Le statut de leurs jeunes vins en sera changé par la suite, car il est impossible pour quelqu'un sans expérience de penser que le 2009 actuel goûtera ce que goûte le 2001 aujourd'hui. Je sais qu'il y a actuellement des Don Melchor et du Montes Alpha M des années 90 en vente à la SAQ, mais ces vins sont vendus à des prix exorbitants qui les rendent peu attrayants. La force inexploitée du Chili en terme de potentiel de garde réside dans ses vins de prix abordables.


mercredi 7 septembre 2011

Le vin aux antipodes: Deuxième anniversaire


Deux ans à écrire, le plus souvent à contre-courant, sincèrement, pas pour faire différent. Je ne suis pas sûr que ce soit un bon signe d'avoir duré aussi longtemps. Est-ce le signe d'une certaine forme de passion, ou plutôt le reflet de mon caractère têtu? Probablement un peu des deux. Le monde virtuel du vin au Québec me semble de plus en plus un monde de lecteurs silencieux. Écrire est donc un acte solitaire, où, heureusement, il y a Google Analytics pour nous rassurer en nous montrant que l'on écrit pas totalement dans le vide. Me rendrai-je au troisième anniversaire? J'en sais rien. Chaque fois que j'ai le goût d'écrire quelque chose ça continue.

Claude


*

mardi 6 septembre 2011

Repas-dégustaion: La Syrah au Chili


J'ai commencé à m'intéresser aux vins rouges du Chili à la fin des années 90. J'avais été séduit par les vins de Cabernet Sauvignon de ce pays, mais à la même époque le premier vin chilien de Syrah faisait son apparition. Il s'agissait de la Syrah, Reserva de Vina Errazuriz. Je me souviens avoir acheté cinq bouteilles du deuxième millésime de ce vin, le 1997, que j'avais alors beaucoup apprécié. La dernière bouteille fut ouverte une dizaine d'années plus tard, lors d'une dégustation à l'aveugle entre amateurs, et le vin y avait fait très belle figure et aurait pu être gardé plus longtemps encore. Après l'impulsion première donnée par Errazuriz, il a fallu attendre le milieu des années 2000 pour voir apparaître sur le marché une certaine variété en ce qui concerne les vins chiliens de ce cépage. Depuis ce temps cette variété ne ne cesse de croître, tant au niveau des producteurs, que des terroirs utilisés pour sa culture. Il y a plusieurs années maintenant que j'écris que la Syrah est l'étoile montante de la viticulture chilienne et qu'un jour elle rejoindra le Cabernet Sauvignon au sommet. Aujourd'hui, je serais tenté de dire qu'un jour la Syrah sera le meilleur cépage noir cultivé au Chili. Je ne dis pas cela parce que je pense que les Syrahs chiliennes donneront nécessairement de meilleurs vins que ceux de Cabernet Sauvignon, ou bien parce que je pense que la Syrah deviendra le cépage le plus planté du pays. Non. Je dis cela parce que la Syrah est déjà le cépage le plus versatile. Elle est déjà plantée dans plus de régions que le Cabernet Sauvignon, ou tout autre cépage noir. La Syrah a d'abord été plantée dans la partie la plus chaude de la vallée d'Aconcagua, puis par la suite dans la chaude vallée centrale. Mais depuis elle a migré vers des terroirs de plus en plus frais au pourtour de la vallée centrale, et dans les nouvelles régions côtières de Limari, Elqui, Casablanca et San Antonio/Leyda. La Syrah s'accommode donc des mêmes terroirs que le Cabernet Sauvignon, mais elle peut aussi donner d'excellents résultats sur des terroirs trop frais pour celui-ci. Cette fenêtre climatique très large où la Syrah peut évoluer a pour résultat de donner une palette de styles possibles plus variée. Il y a même des assemblages entre terroirs chauds et frais qui sont maintenant possibles. En ce sens, Errazuriz fait encore figure de pionnier. Sa grande cuvée de Syrah, « La Cumbre » intègre, pour la première fois en 2008, 15% de fruits venant du nouveau vignoble côtier de Manzanar. C'est très révélateur quand on pense que ces vignes sont très jeunes, ayant été plantées en 2005. Selon moi cette Syrah de climat frais gagnera en importance dans l'assemblage des futurs millésimes. Une grande cuvée de climat frais est aussi à prévoir pour Errazuriz. Je donne cet exemple juste pour montrer toutes les possibilités futures de la Syrah au Chili dans les années à venir. Un autre élément important à retenir à propos de la Syrah au Chili, c'est son rôle grandissant dans les vins d'assemblage du pays. Finalement, la variable encore mal connue de l'équation Syrah au Chili est le potentiel de garde des vins qui en sont issus. Mais selon l'expérience que j'ai pu accumuler jusqu'à maintenant, je suis très optimiste à ce sujet. L'offre stylistique chilienne en matière de Syrah est déjà très large, mais la garde de ces vins apportera un élément de profondeur qui devrait enrichir substantiellement le nombre de déclinaisons possibles pour ceux-ci.

C'est donc avec ce portrait en tête que je me suis présenté au restaurant Le Local pour un repas-dégustation, à l'invitation de « Vins du Chili », visant à faire découvrir les vins chiliens de ce cépage. La réputée sommelière Élyse Lambert était en charge du choix des vins et de l'accord de ceux-ci avec les trois plats qui furent servis. Elle a aussi fait une bonne présentation, avec une grande carte du pays à l'appui, montrant l'emplacement des différentes régions viticoles chiliennes et leur lien avec la culture de la Syrah. Elle a aussi bien noté la prédominance de l'axe est-ouest sur l'axe nord-sud pour bien comprendre la dynamique des terroirs de ce longiligne pays. Au total, 12 vins nous furent servis en comparaison directe. Comme toujours lors de ce type d'exercice, j'ai trouvé la prise de notes détaillées très difficile, si bien que je me contenterai de donner mes impressions succinctes à propos de chaque vin. D'abord les trois plats avec lesquels les vins furent servis

                             Brick d'agneau façon Empenadas


                             Demi-côtes levées glacées BBQ

                            Fondant au bleu sur cake aux épices


Maintenant les vins sont dans l'ordre de service :



SYRAH, RESERVA, 2009, LIMARI, VINA TABALI  (18.45$ SAQ): Belle expression fruitée, de la fraîcheur et un corps moins volumineux que sur les millésimes précédents. J'ai traité en détail du millésime 2008 de ce vin ici.

SYRAH, 20 BARRELS, 2008, LIMARI, VINA CONO SUR  (26.95$ non dispo.): J'ai déjà commenté ce vin en détail ici. En comparaison directe avec d'autres vins, sa finesse ressort avec encore plus d'acuité.

SYRAH, TERROIR HUNTER, 2009, LIMARI, VINA UNDURRAGA (25$ non dispo.): La déception de la dégustation pour moi avec un fruité bonbon me rappelant certains Beaujolais et certains Malbecs argentins très jeunes. Toutefois, selon mon expérience, ce type de fruité primaire peut disparaître avec quelques années en bouteille. Difficile donc de porter un jugement définitif sur ce vin. 

SYRAH, 2009, ACONCAGUA, VINA ARBOLEDA (19.95$ disp. 2012 SAQ): Ce vin, à ce stade précoce est très marqué par un boisé d'encens typique de cette maison, peu importe le cépage du vin. Au-delà de cela, le vin montre une belle structure et un bon potentiel d'évolution. J'ai traité en détail du millésime 2007 de ce vin ici.

SYRAH, MAX RESERVA, 2009, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ (18.95$ SAQ): On reste dans la même famille que le vin précédant en ce qui a trait au producteur, et là aussi le caractère boisé domine, mais là aussi il y a un potentiel évident pour une bonne évolution. Dans ce cas-ci je le sais d'expérience, le millésime 1997 de ce vin ayant été mon premier contact avec la Syrah chilienne, et le premier vin sur lequel j'ai testé le potentiel de garde, comme je le mentionnais en introduction.

SYRAH, BAYO OSCURO, 2008, CASABLANCA, KINGSTON FAMILY VINEYARDS(33$ SAQ): Il a eu besoin d'un peu d'aération pour se présenter au mieux, mais c'était le meilleur vin du lot à ce stade. C'est aussi, je pense, le vin provenant du terroir le plus frais parmi les 12 vins en dégustation. J'ai traité en détail du millésime 2007 de ce vin ici.

SYRAH, RESERVA, 2009, MAIPO COSTA, VINA CHOCALAN (16.95$ SAQ): Malheureusement, les trois bouteilles étaient très légèrement bouchonnées, mais Élyse a décidé de le servir quand même. J'ai traité en détail du millésime 2007 de ce vin ici.

SYRAH, COASTAL HILLS, 2008, MAIPO COSTA, VINA SANTA CAROLINA (25$ non dispo.): Tout comme le Chocalan, ce vin provient de la partie ouest de la vallée de Maipo, près de la partie intérieure de cordillère côtière. Ce vin m'est apparu bien équilibré et de belle qualité, mais sans rien qui le détachait des autres. C'est le piège de ce type de dégustation comparative, on cherche l'élément distinctif, et on a tendance à sous évaluer les vins qui sont juste bons, sans être particulièrement distinctifs.

SYRAH, MARQUES DE CONCHA, 2009, BUIN, ALTO MAIPO, VINA CONCHA Y TORO (19.95$ non dispo.): Très bon vin qui est à la hauteur de la qualité de cette gamme. Provient du même vignoble que la nouvelle grande cuvée de Syrah de Concha y Toro, le Gravas del Maipo. Je reviendrai plus tard cet automne sur le millésime 2008 de ce vin que j'ai en cave.

SYRAH, ALPHA, 2008, COLCHAGUA, VINA MONTES (23.30$ SAQ): Ma première réaction face à ce vin a été de me dire que Montes avait mis la pédale douce sur l'usage du bois de chêne. Ça le rend plus abordable à ce stade de prime jeunesse. La qualité de ce vin m'est apparue évidente, et le potentiel de garde certain. Avec le Max Reserva de Errazuriz et le Reserva de Tabali, c'est une des Syrahs chiliennes qui commence à avoir une feuille de route bien établie.

SYRAH/ CARMENÈRE, RESERVE, CURICO, VINA JUNTA (15$ non dispo.): Ce vin a été servi en apéro à cause de son corps léger, mais il était dominé par le caractère végétal des 30% de Carmenère qui entrent dans son assemblage. La Syrah qui compte pourtant pour les deux tiers dans ce vin n'était pas vraiment reconnaissable.

SYRAH/VIOGNIER, GRAN DEVOCCION, 2009, MAULE, VINA MAIPO (19.95$ non dispo.): Le nom du producteur est trompeur car ce vin provient non pas de Maipo, mais bien de Maule, à l'extrême sud de la vallée centrale. Ce vin fut pour moi une belle découverte alliant fraicheur, intensité et belle qualité aromatique. Avec le Tabali, c'était le 2009 le plus accessible en ce moment.



Le constat évident qui peut être tiré de cette dégustation, selon moi, est que les vins étaient de belle qualité, mais très jeunes, et cela transparaissait dans les profils qu'ils offraient. Ce sont des vins à la matière dense, intense et fruitée qui ont beaucoup de présence en bouche. À part pour le Errazuriz et le Arboleda, la présence du bois de chêne n'était pas marquée. Le Bayo Oscuro se démarquait avec son profil de climat frais, même si à mon sens aucun vin ne tombait dans l'archétype Shiraz aux fruits confits. Parmi les douze vins offerts, il n'y en a que deux que je n'achèterais pas, le Junta trop marqué à mon goût par du Carmenère en sous maturité, mais des collègues de dégustation l'ont bien aimé, et le Undurraga, à 25$ je ne prendrais pas de risque sur une possible évolution positive de ce vin. Mes trois vins favoris furent dans l'ordre le Bayo Oscuro, le 20 Barrels et le Vina Maipo, mais pour la troisième place c'était très serré entre plusieurs vins. À noter que mes deux vins favoris sont des 2008, un an de plus en bouteille à ce stade précoce, ça compte.

Ce repas-dégustation fut très intéressant, même si un pour quelqu'un comme moi qui s'intéresse de près aux vins de ce pays, il n'y a pas eu de révélation. Je sais aussi qu'il y avait des contraintes pour le choix des vins. Mais dans un monde idéal, pour rendre au mieux le portrait actuel de la Syrah chilienne, il aurait fallu plus de vins de climats très frais. Des vins de San Antonio/Leyda, et des vignobles côtiers de la vallée de Elqui (Falernia, Mayu, San Pedro). Un ou deux super-premiums du genre La Cumbre, Pangea, Folly, Casa Marin, Matetic EQ ou Gravas del Maipo auraient aussi été intéressants pour donner de la perspective. Finalement, le point le plus important et la plus grande carence du Chili vinicole en général. Il aurait fallu, malgré le court historique de ce cépage en terre chilienne, un ou deux vins d'une dizaine d'années pour montrer le potentiel de garde de ces vins. Le Chili travail très fort pour développer de nouvelles régions, dans le but d'offrir une gamme de styles plus large, mais en même temps il ignore une de ses forces, soit le très bon potentiel de garde de ses vins de type Reserva, soit le genre de vins se vendant autour de 20$ qui nous ont été servis. Je sais d'expérience que le profil de ces vins se métamorphose avec avec une dizaine d'années de garde, et qu'on obtient alors des vins totalement différents. Une Syrah, Max Reserva, 2009, d'Errazuriz, ne ressemble en rien à une Syrah de cette gamme du millésime 1999. Moi je peux faire cette comparaison car j'ai encore le 1999 en cave, mais les producteurs chiliens, surtout lors d'événements comme ce repas-dégustation, devraient être capables de fournir quelques bouteilles plus âgées. En ne le faisant pas, il laisse de côté une chose facile à faire, peu dispendieuse, et qui contribuerait fortement à changer l'image de leurs vins dans la perception de ceux qui auraient la chance de vivre cette expérience. En pouvant constater l'effet de la garde, le regard porté sur les vins en prime jeunesse changerait. Pour gagner du terrain dans un marché europhile comme celui du Québec, un marché qui a une culture grandissante de la garde et du vin évolué, faire connaître ce potentiel des vins rouges chiliens, dont ceux de Syrah, serait un élément très important. Surtout que garder du vin est tellement plus facile et moins coûteux que développer de nouvelles régions pour la viticulture. Le Chili a juste besoin d'une prise conscience à cet égard. Personnellement, il y a déjà longtemps que j'ai réalisé le potentiel de garde des rouges chiliens de type Reserva. Ma cave en est remplie, et avec de plus en plus de vins de Syrah. Mon propos à ce sujet se veut juste un appel aux chiliens pour qu'ils exploitent une de leur force qu'ils semblent ignorer. Il faut parfois être de l'extérieur pour voir certaines choses.



vendredi 2 septembre 2011

SYRAH, POLKURA, 2008, MARCHIGUE, COLCHAGUA, VINA LA AGRICOLA




Lors d'une note de dégustation récente, j'évoquais les amateurs qui ne jurent que par les petits producteurs. Voici donc un vin qui devrait piquer leur curiosité. Surtout que ces petits producteurs indépendants sont assez rares au Chili, et il est encore plus rare qu'un de leurs vins se rende jusque sur les tablettes de la SAQ. Quelle ne fut donc pas ma surprise lorsque j'ai constaté que cette Syrah, Polkura, avait réussi à traverser le parcours à obstacles menant jusqu'aux tablettes de notre monopole d'état. Ceci dit, au Chili on passe souvent par les gros producteurs pour se préparer à partir sa propre petite affaire. Sven Bruchfeld était oenologue en chef chez Santa Carolina lorsqu'il a initié, en 2002, le projet Polkura avec un ami, Gonzalo Munoz. Plusieurs années plus tard, Bruchfeld a quitté Santa Carolina pour se consacrer totalement à son projet personnel. Il y a d'ailleurs de plus en plus de « winemakers » au Chili, œuvrant chez de grands producteurs, qui démarrent des projets personnels (Alvaro Espinoza, Ed Flaherty, Rafael Tirado, Felipe Garcia et Constanza Schwaderer). Certains, dont Polkura, se sont regroupés dans une association appelée «Movimiento de Vinateros Independientes » mieux connue sous l'acronyme MOVI.  Pour ce qui est de Polkura, il sont implantés dans la région côtière de la vallée de Colchagua, plus spécifiquement dans la sous région de Marchigue, qui est située à 30 km du Pacifique. À cette distance de la côte, et avec la protection de la cordillère côtière, la région n'est pas vraiment de climat frais, mais est tout de même plus fraîche que ce qu'on retrouve au cœur de Colchagua. Le vignoble de Plolkura est planté à flancs de collines avec différentes expositions et quatre types de sols montrant des proportions variables de granit, de calcaire et d'argile. La Syrah compte pour environ 90% des vignes plantées, le reste étant composé de Malbec, de Viognier, de Tempranillo, de Mourvèdre et de Grenache Noir. Le vin dont il est question ici est composé à 92% de Syrah, complété par 4% de Malbec, 1% de Tempranillo, 1% de Mourvèdre, 1% de Grenache Noir et 1% de Viognier, vendangés manuellement. Un lot a été fermenté avec des levures sauvages, les autres lots avec des levures sélectionnées. Le vin a été élevé un an en barriques de chêne venant de pas moins de douze producteurs différents (83% français et 17% américain, 21% neuves, 20% second usage, 59% plus vieilles). Le vin n'a pas été stabilisé, ni collé, ni filtré. Le titre alcoolique est de 14.6% pour un pH de 3.59 et 2.1g de sucres résiduels.

Une robe d'encre pour un vin où dominent le fruit, la terre, le poivre et le chocolat noirs. Le ton est donné. Ce sérieux gaillard n'entend pas à rire, même si quelques effluves doucement épicés parviennent à quelque peu alléger l'atmosphère. Toutefois, malgré son profil sombre, on peut dire que ce ténébreux a du charme. Il montre un bel équilibre entre fruit et amertume, avec une matière dense et veloutée, et toujours cet aspect terreux qui ajoute un cachet particulier à l'ensemble. La finale conclut avec persistance et cohérence dans la veine obscure. Désolé pour les amateurs de fin joyeuse...

Cette Syrah de Polkura est un vin d'une très belle qualité qui fera sourire les amateurs de vins consistants et sérieux. À n'en point douter il possède une très belle matière, mais comme ma note de dégustation tente de l'imager, on est ici sur un vin dense aux accents sombres, qui est sauvé de la sévérité par son aspect tactile caressant. On est loin du vin léger et gouleyant, mais en même temps le piège de la lourdeur est évité. Il faut aussi se rappeler qu'il s'agit d'un vin encore très jeune qui semble posséder un bon potentiel de garde. Au niveau stylistique, ce vin m'a fait penser aux vins de Loma Larga issus de Casablanca. Les quantités de ce vin étaient limitées et il s'envole rapidement des tablettes. Un bel achat pour la promo – 10% actuellement en cours à la SAQ. Finalement, ce fut une semaine sous le signe de la Syrah chilienne pour moi, puisque j'ai été invité à participer mercredi passé à une dégustation de "Vins du Chili" portant sur ce thème au restaurant Le Local et animée par la sommelière Élyse Lambert. Je reviendrai bientôt avec mes commentaires sur cette dégustation.