lundi 24 octobre 2011

KUYEN, 2007, MAIPO, VINA ANTIYAL




Vina Antiyal est le projet personnel du winemaker chilien le plus réputé, Alvaro Espinoza. Celui-ci est connu surtout pour son travail de pionnier dans le développement de la culture biologique et biodynamique au Chili. Kuyen veut dire lune en language indigène Mapuche, ce qui cadre bien avec l'approche ésotérique de son auteur. Cette cuvée est le deuxième vin de la maison. Il s'agit d'un assemblage de Syrah (47%), de Cabernet Sauvignon (43%) et de Carmenère (10%). Le vin a été élevé en barriques de chêne français d'âge non spécifié. Il titre à 14.5% d'alcool.

La robe est foncée et opaque. Au nez, c'est le caractère Maipo qui prend le pas sur celui des cépages de l'assemblage avec des notes de menthol et de terre humide qui accompagnent des arômes de cassis et autres fruits noirs. Cette impression de boire une région se poursuit en bouche, et pour qui aime le caractère particulier des jeunes rouges de Maipo, le service est complet. Le vin montre une belle souplesse en attaque et des saveurs qui ont de l'éclat, aidées en cela par une bonne acidité. Une juste dose d'amertume contribue à l'équilibre d'ensemble et apporte un léger trait chocolatée à la palette de saveurs. Le niveau de concentration est bon et typique des rouges chiliens de type « Reserva ». La finale est agréable, avec un sursaut d'intensité et des tanins qui montrent un peu de poigne en toute fin de parcours sur des relents amers de chocolat noir.

Après le 2006, c'est le deuxième millésime de ce vin que j'ai l'occasion de goûter. Celui-ci ne montre pas le caractère prématurément évolué que j'avais perçu dans le 2006, même si un aspect terreux, proche des feuille mortes, est présent dans le profil aromatique. C'est aussi un vin qui reflète très bien son lieu d'origine, et ce lieu n'est pas le Chili, mais bien la vallée de Maipo. C'est donc un vin impeccable dans son style, un vin qui m'a donné du plaisir, mais à 27$ la bouteille, il ne montre pas un RQP très favorable par rapport à d'autres vins chiliens de cette origine, de ce style et de ce niveau qualitatif. Comprenez-moi bien, à ce prix c'est meilleur que bien des vins plus chers, mais dans le contexte chilien, le prix semble un peu trop élevé. Bien sûr, c'est un vin acheté en importation privée, et selon mon expérience, les vins achetés par ce canal sont toujours un peu plus chers que des équivalents vendus en succursale. C'est aussi un vin de petit producteur ayant une bonne réputation et adepte de la biodynamie. Probablement que ce facteur joue aussi sur la prime demandée, même si le caractère biologique ou biodynamique ne semble pas jouer de rôle déterminant sur la qualité finale du produit. Le caractère bio pour moi ne se goûte pas, dans ce vin comme dans tous ceux de ce genre que j'ai pu déguster. Le sérieux du producteur semble être le facteur critique pour assurer la qualité, et Alvaro Espinoza est définitivement un producteur sérieux, malgré son adhésion à la biodynamie et en même temps à cause de celle-ci. C'est là le paradoxe de la plupart des disciples des théories fumeuses de Rudolph Steiner. Ce sont souvent des vignerons dédiés à la qualité et très minutieux qui à mon sens finissent par franchir le pas de la superstition dans leur quête d'excellence. En conclusion, beau vin très agréable, dont il me reste deux bouteilles pour en suivre l'évolution.




samedi 22 octobre 2011

DÉGUSTATION ANNUELLE DES VINS DU CHILI

Avec un peu de retard, voici mes impressions de la dernière dégustation annuelle des vins du Chili


Pour un amateur de vins chiliens comme moi, la dégustation annuelle des vins de ce pays à Montréal est une journée spéciale. C'est aussi une journée chargée, comprenant quatre heures intensives de dégustation. Malgré cela, je n'ai pas eu le temps de goûter tous les vins que j'aurais voulu. Il faut dire que j'ai pris du temps pour discuter avec trois winemakers qui étaient présents à la dégustation, soit Giorgio Flessati de Vina Falernia, Grant Phelps de Casas del Bosque et Ricardo Baettig de Vina Morandé. Comme à chaque année, ceux-ci sont assez surpris de voir quelqu'un connaître autant l'aspect vinicole du Chili sans jamais y avoir mis les pieds. Mais après mes discussions avec eux, je peux dire que j'en connais encore un peu plus.

Ce genre de dégustation intensive d'un très grand nombre de vins en peu de temps, sur de très faibles quantités et en recrachant, est loin d'être l'idéal. Toutefois, ça me semble un bon moyen pour jauger le niveau qualitatif général, et le moins que je puisse dire, c'est que ce niveau ne cesse de s'améliorer. J'ai vraiment été impressionné par la qualité d'ensemble des vins que j'ai pu déguster. Comme à chaque année, j'ai mis la priorité sur les producteurs que je ne connaissais pas, ou très peu. Je me suis aussi concentré sur les vins qui m'intéressent le plus, soit ceux vendus entre 15$ et 40$. Ceci dit, cette dégustation fut aussi une belle occasion de goûter à de nombreux vins plus chers, les vins dits icônes. C'était là une bonne façon pour moi de mettre les choses en perspective.

Le producteur avec les vins au style le plus distinctif était assurément Vina Falernia, le pionnier de la vallée d'Elqui. Je connaissais déjà sa Syrah, Reserva, mais les blancs furent une belle découverte, avec des cépages inorthodoxes pour le Chili, comme le Pedro Ximenez et le Torrontel, sans oublier les usuels Sauvignon Blanc, Chardonnay et Viognier de style très frais. Les vins de Falernia ne sont pas disponibles au Québec, même pas en importation privée. Toutefois, pour qui voudrait découvrir ce que donne la Syrah dans Elqui, j'ai pu goûter la Syrah, Chono, Reserva, Elqui, 2009, de Geo Wines. Elle m'est apparue d'un niveau similaire à l'excellente version 2007, dont j'ai déjà parlé sur ce blogue. Ce vin est disponible en importation privée chez Trialto Wine Group à 17.15$ la bouteille. Un autre vin qui a retenu mon attention pour son élégance et son style épuré est le Sauvignon Blanc, Cool Coast, 2011, de Casa Silva. Ce vin issu d'un vignoble côtier situé au niveau de la vallée de Colchagua est vraiment très bon. Celui-ci est offert en I. P. par LBV International pour 19.95$. Un autre vin ayant retenu mon attention pour son style distinctif et sa qualité est le Carignan, Edicion Limitada, 2007, Maule, de Vina Morandé. Superbe vin. Qu'est-ce qu'attend la SAQ pour offrir un vin de Carignan issu de vieilles vignes non irriguées de la vallée de Maule? On ne peut pas penser refléter le Chili vinicole actuel sans offrir au moins un vin de cette catégorie. Parlant de la vallée de Maule, Concha y Toro était là en force cette année avec les vins de deux de ses filiales autonomes, soit Vina Palo Alto et Vina Maipo. Les gammes de ces deux filiales comprenaient de nombreux vins de la négligée vallée de Maule. Pour bien représenter la région de Maule, il y avait aussi Via wines, un producteur totalement axé sur cette appellation qui offrait un vin totalement élaboré avec le négligé cépage Païs. Un vin léger, au fruité rouge agréable. Ceci dit, les rouges sérieux de Maule ont un style général qui les distingue et c'est bien dommage que ceux-ci soient absents des tablettes de la SAQ.

J'ai eu la chance de goûter les vins rouges de climat frais de Casas del Bosque, et j'ai été favorablement impressionné par le Pinot Noir, Gran Reserva, 2009 et la Syrah, Gran Reserva, 2009. Le winemaker Grant Phelps, qui œuvrait auparavant chez Viu Manent dans la chaude vallée de Colchagua, m'a expliqué que dans la fraîche région de Casablanca, pour obtenir la pleine maturité de la Syrah, les rendements devaient être fortement réduits. Ce qui, bien sûr, contribue à la qualité du vin. Parmi les autres vins qui ont retenu mon attention, il y a le Petit Verdot, Chaski, 2009, Alto Maipo de Vina Perez Cruz. Rares sont les vins monocépage issus du Petit Verdot, et celui-ci est très réussi. On peut y sentir l'influence du terroir de l'Alto Maipo, mais aussi la particularité aromatique du cépage. Je dois dire que Perez Cruz est un de mes producteurs chiliens favoris et j'ai aussi été très impressionné par les deux vins haut de gamme de la maison, soit le Liguai, 2008, (39$) et le Quelen, 2007 (58$). Ces deux vins d'assemblage sont chers, mais la qualité et l'originalité de ceux-ci est telle que ces prix me semblent justifés. Trois autres vins haut de gamme de l'Alto Maipo qui m'ont favorablement impressionné sont la cuvée Triple C, 2005 (47.75$) de Vina Santa Rita, le Cabernet Sauvignon Élégance, 2007 (39$), et l'assemblage, Albis, 2005 (49$) de Vina Haras de Pirque. Ces cinq vins sont à ranger parmi l'élite des vins chiliens issus de cépages bordelais et même si c'est cher, leurs prix demeurent raisonnables par rapport à d'autres vins chiliens ambitieux, ou à des vins d'autres origines montrant ce niveau de qualité.

Le Chili, c'est aussi le Carmenère. Ce cépage apporte une heureuse contribution à de nombreux assemblages. J'ai aussi eu la chance de goûter trois vins de Colchagua où on peut constater le haut niveau qualitatif que le Carmenère peut donner en prestation solo. Il s'agit du Pehuen, 2006, de Vina Santa Rita (55$), du Purple Angel, 2008, de Vina Montes (51$), et de la cuvée Micro-terroir, 2006, de Casa Silva (50$). J'ai aussi goûté les cuvées Reserva (17$) et Gran Reserva (20$) de Casa Silva qui montraient un excellent RQP. Deux assemblages de Colchagua m'ont aussi favorablement impressionné, soit le Coyam, 2009 (30$), de Emiliana, et le Ninquen, 2008 de Luis Felipe Edwards (27$). Ces vins sont du niveau des vins icônes, mais à une fraction du prix.

Bien évidemment, la dégustation ne comportait aucun vin rouge âgé. J'ai passé le message à ce sujet à tous les chiliens présents à qui j'ai pu parler. Les winemakers étaient d'accord avec moi sur cette carence de l'offre chilienne, mais ils me disaient que c'est au niveau commercial que ça bloque. Vendre du vin plus âgé coûte cher. Je persiste toutefois à penser que le Chili doit investir dans ce créneau pour aider à changer son image de producteur de jeunes vins fruités et abordables.

vendredi 14 octobre 2011

Phobie des sulfites? Buvez des vins plus âgés


Ces temps-ci, il ne se passe pas une semaine sans que je tombe sur un article, ou plus, à propos de la mode des vins dits naturels. Cette utilisation du terme naturel pour décrire ces vins est une supercherie. J'y reviendrai bientôt dans un article plus étoffé et couvrant plus large. Toujours est-il que cette mode du vin dit naturel est accompagnée d'une diabolisation de l'usage des sulfites dans l'élaboration du vin et de sa présence dans celui-ci. Bien sûr, ce point de vue contre les sulfites relève de l'idéologie, mais quand même, si quelqu'un tient vraiment à boire du vin sans sulfites, il n'a qu'à boire des vins d'un certain âge. Après 5 années en bouteille, dans la plupart des cas, il n'y aura plus de sulfites dans le vin, ou des quantités très faibles (voir ici, ici et ici). Si vous voulez vraiment mettre toutes les chances de votre côté, ouvrez des bouteilles de 10 ans d'âge. Parmi ceux-ci, seuls les vins fortement sulfités à la mise en bouteille et possédant un bouchon très étanche auront des chances de montrer encore quelques traces du fameux produit. En prime, vous aurez de meilleures chances d'avoir dans votre verre un vin au profil aromatique intègre, fidèle au terroir d'où il est issu, et qui ne sera pas déparé ou carrément gâché par des arômes micro-biologiques déviants.