vendredi 8 avril 2011

Qualité et Prix: l'exemple chilien


Le Chili est un des pays où le lien entre concentration, boisé, extraction et prix est le plus direct. Comme ce pays vinicole n'est pas à la mode dans le petit monde des amateurs et des critiques, et comme il ne peut pas non plus jouer la carte du prestige, c'est un des pays où les prix sont fixés le plus directement selon les critères évoqués plus haut. Les top cuvées très chères de ce pays suivent presque toutes le modèle du plus c'est mieux. Le reste de la gamme des producteurs est souvent décliné selon le même principe. Les prix baissent en même temps que la concentration et l'apport boisé. C'est un peu normal, la concentration élevée s'obtient par de faibles rendements au vignoble, et l'usage de bois neuf de qualité coûte cher. Toutefois, comme je l'évoquais dans mon texte précédant, pour qui veut des vins pour consommation à court et moyen terme, ces grosses cuvées sont de très mauvais achats. Les vins moins chers sont souvent plus faciles à boire et reflètent mieux leur cépage(s) et leur lieu d'origine.

Ce constat sur les vins du Chili peut sembler négatif, mais pour moi il ne l'est pas. Pour bien boire, peu importe l'origine des vins, il faut connaître ce qu'on achète et agir en conséquence. Personnellement, je suis rendu à un point avec les vins chiliens où j'achète certains vins que je connais bien sans en ouvrir une seule bouteille en prime jeunesse. Ils passent directement au cellier en attente du moment propice pour les ouvrir. Ceci dit, j'ouvre encore des bouteilles que je sais trop jeunes, mais la plupart du temps c'est pour satisfaire ma soif de découverte, pour apprendre à connaître des producteurs et des cuvées qui jusque là m'étaient inconnus.

Donc, pour tirer le meilleur parti d'un pays ou d'une région vinicole il faut bien la connaître pour s'y adapter au mieux. Ça aide à éviter les déceptions et à porter de mauvais jugements. Mais pour continuer sur le cas que je connais le mieux, celui du Chili. Il est intéressant de constater que les mentalités changent. Que certains producteurs tentent de sortir du moule évoqué plus haut, après l'avoir expérimenté. C'est le cas de De Martino et de son maître à penser, l'oenologue en chef Marcelo Retamal. Celui-ci est un des leaders de sa profession au Chili, le genre de personnalité qui de par son influence peut initier de nouveaux courants. Je suis tomber sur un article récent du spécialiste britannique de la scène vinicole chilienne, Peter Richards, et dans cet article Retamal y décrit son parcours. Un parcours qui l'a amené, après avoir tout essayé, à privilégier dorénavant dans ses vins des qualités comme la buvabilité, la complexité et la typicité. Des qualités qui selon lui sont plus fréquentes dans les vins moins chers à cause d'un usage plus modéré du bois de chêne. Il a d'ailleurs récemment renoncé aux barriques de chêne pour passer aux foudres de 5000 litres. Les vignobles de DeMartino étaient déjà passés au biologique en 1998, mais dorénavant même les fruits achetés de producteurs indépendants devront l'être, et ceux-ci seront aussi cueillis plus tôt pour limiter les taux d'alcool. Ce sera aussi la fin de la micro-oxygénation, des levures sélectionnées et des enzymes ajoutées, qui selon Retamal sont des éléments uniformisants. L'article de Peter Richards donne aussi d'autres exemples d'oenologues au Chili qui introduisent des techniques nouvelles dans l'élaboration de leur vins. Des techniques allant à l'encontre du bois de chêne, comme les réservoirs de ciment en forme d'œuf, ou bien des réservoirs en verre pour l'élaboration de vins de Chardonnay.

Il y aura sûrement une courbe d'apprentissage comportant des déceptions avec toutes ces nouvelles techniques et cette volonté de faire les choses différemment. Toutefois, pour moi, il est clair que la diversité des approches est une chose positive, même si l'idée de bannir le bois neuf et les levures sélectionnées pour les vins de garde me semble extrême. Mais d'un autre côté, il est rafraîchissant de voir que la qualité du vin puisse être définie autrement que par l'axiome voulant que plus égale nécessairement mieux.

http://winchesterwineschool.com/winds-of-change-in-chilean-wine/


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