samedi 26 mars 2011

Et si l'amateur était la meilleure référence pour l'amateur...


Article intéressant ce week-end de Bill Zacharkiw dans The Gazette. Ça rejoint des sujets que j'ai abordés récemment comme la promo Suckling, les grandes différences de perception entre dégustateurs et la capacité très limitée de ceux-ci à nommer les choses avec précision et exactitude. Ces deux derniers éléments étant de forts arguments contre le système trop précis de notation sur 100. En lisant le texte de M. Zacharkiw, je me disais qu'au fond, la meilleure source est encore quelqu'un qu'on suit avec régularité et en qui on a confiance comme dégustateur, et qui commente un vin qu'il a pris le temps de goûter sur une longue période en sachant le mettre dans son contexte. Ce n'est bien entendu pas une approche infaillible, loin de là, et comme je l'ai dit, il faut bien connaître celui qui commente, savoir quels sont nos points de convergence avec celui-ci. Cette personne peut aussi bien être un professionnel, qu'un amateur. Mais les professionnels prennent rarement le temps de suivre sur de longues périodes les vins qu'ils commentent. Ils ont trop de vins à commenter en trop peu de temps. Bien sûr, avec ce commentaire je prêche pour ma paroisse, celle de l'amateur, qu'il soit blogueur ou participant à un forum de discussion. Mais c'est ce type d'amateurs qui le plus souvent parlent de réelles expériences de dégustation, et non pas de rapport de dégustation ou de très nombreux vins sont dégustés les uns à la suite des autres. Bien entendu, cette approche cadre au mieux pour l'amateur moyen. Celui qui boit le plus souvent des vins accessibles au commun des mortels. Des vins auxquels n'est pas attachée une préconception trop forte. Pour le reste il y a toujours MasterCard et les grosses notes précises de Parker et Suckling.

http://www.montrealgazette.com/life/food-wine/Wine+Critiquing+critic/4506052/story.html

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mardi 22 mars 2011

GEWURZTRAMINER, VISION, 2010, CASABLANCA, VINA CONO SUR



Cono Sur est une filiale autonome du géant Concha y Toro fondée en 1993 et qui depuis joue la carte de l’innovation et du modernisme par rapport aux producteurs chiliens plus anciens qui aiment cultiver une image qui parle de généalogie et de tradition. Cet aspect innovateur de Cono Sur se reflète dans la variété des cépages et des terroirs utilisés pour produire sa vaste gamme de vins. La gamme Vision se situe au milieu de la hiérarchie Cono Sur et offre pas moins de 12 vins en monocépage, issus de vignobles uniques. Ce Gewurztraminer provient de la parcelle Las Colmenas, en français “Les Ruches”, du domaine El Marco dans la fraîche vallée de Casablanca. Le vendange est manuelle et les rendement sont relativement faibles à environ 40 hl/ha. Le vin est élaboré en inox et y demeure pendant 5 mois avant l’embouteillage. Il titre à 13.3% d’alcool, pour un pH de 3.34, et 8.2 grammes de sucres résiduels.

La robe est de couleur jaune aux reflets verdâtres. Le nez est très expressif à l’ouverture et se calme tranquillement au fil du temps. Il exhale un cocktail complexe d’arômes où le côté floral domine, complété par une bonne dose de fruits exotiques et d’agrumes. Le profil aromatique de belle qualité est très fidèle à l’idée que je me fais de ce cépage. En bouche, le vin montre une acidité permettant de bien intégrer les sucres résiduels. Le fruit se révèle tout de même en douceur, avec beaucoup d’intensité et avec l’aspect floral qui vient bonifier l’ensemble. En milieu de bouche, le vin est de bon volume, sur une texture légèrement onctueuse et une concentration de saveurs de bon niveau. La finale harmonieuse laisse poindre une légère touche d’amertume sur une persistance de bon niveau.

Le Gewurztraminer est un cépage particulier qui a tendance à donner des vins très extrovertis, voire envahissants. Cette cuvée “Vision” n’y échappe pas totalement, et en ce sens, me semble typique de son cépage. Le vin est de très belle qualité et une véritable aubaine pour son prix de seulement 15$. Toutefois, ça demeure un vin de Gewurz très aromatique, qui peu après l’ouverture ne fait pas dans la discrétion. Personnellement, c’est un genre de blanc que j’aime bien, mais à dose modérée. Le type de vin dont on boira un verre avec plaisir, mais qui aura tendance à provoquer une sensation de saturation si on va au-delà. À moins d’être vraiment dans un état favorable pour ce type de vin. Cependant, cet effet n’est pas l’apanage de ce vin de Cono Sur. C’est quelque chose de très courant avec les vins de ce cépage. Certains vins de Torrontès ou de Viognier ont aussi tendance à produire cet effet. Ce sont donc des vins à ouvrir lorsqu’il y a plusieurs convives pour se partager la bouteille, ou bien à boire sur quelques jours. Ce fut mon cas avec ce vin, et sur trois jours il très bien tenu, sans protection spéciale contre l'oxydation. Je dirais même que le troisième jour j’aurais pu en boire plus, car il montrait alors un profil passablement moins exubérant.


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samedi 19 mars 2011

Dégustation et précision

Je faisais aujourd’hui la revue des sites, blogues et forums sur le vin que j’aime bien, et en lisant des notes de dégustation je suis tombé à plusieurs reprises sur des commentaires vantant la précision des vins dégustés. Ce n’était bien sûr pas la première fois que je lisais cela, ce qualificatif est assez commun chez les amateurs de vins qui se veulent pointus dans leurs évaluations. Mais à chaque fois que je lis cela je tique. Je trouve que le concept de précision du vin en matière de dégustation est une notion vide de sens. La précision en matière analytique relève de la capacité d’un instrument de mesure à donner des résultats très similaires d’une fois à l’autre. L’objet à analyser n’est pas en cause. En dégustation, l’instrument de mesure c’est le dégustateur, et donc, la précision, si elle existe, devrait venir de celui-ci et non pas du vin dégusté. Comme on le voit, il n’y a aucun sens à dire qu’un vin est précis. Pour ce qui est du dégustateur, de savoir qu’il est précis est sans intérêt pour le lecteur de la note de dégustation, car précision ne veut pas dire exactitude. Un dégustateur précis est celui qui sentira un arôme particulier de la même manière à chaque fois et lui attribuera le même qualificatif restrictif, que celui-ci soit exact ou non. Voici quelques exemples pour illustrer la chose:

Dégustateur inexact et imprécis: Perçois l’arôme de fraise comme étant du fruit noir.
Dégustateur inexact et précis: Perçois l’arôme de fraise comme étant de la mûre.
Dégustateur exact et imprécis: Perçois l’arôme de fraise comme étant du fruit rouge.
Dégustateur exact et précis: Perçois l’arôme de fraise comme étant de la fraise.

Bien sûr, sans la capacité du dégustateur à reproduire ses résultats, il n’y a ni précision ni exactitude possibles. Au-delà de cela, en connaissant la large variété biologique des dégustateurs en terme de perception des arômes, les notions de précision et d’exactitude sont sans intérêt dans une note de dégustation. C’est d’ailleurs pourquoi je m’en tient la plupart du temps à des description assez imprécises. Bien sûr, quand un arôme semble m’apparaître clairement, je le nomme, mais il ne faudrait en aucun cas prendre ça pour une vérité absolue. Mes notes de dégustation sont des impressions personnelles d’un vin à un moment précis et partagées peu après. Il appartient au lecteur de déterminer si il y a concordance entre ses impression et les miennes, sans oublier que ce qui compte à la fin c’est l’appréciation globale du vin, pas de savoir si on y a perçu les mêmes arômes précis et si ceux-ci sont exacts.

 
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vendredi 18 mars 2011

Dégustation Hémisphère Sud



J’ai participé il y a une semaine à une dégustation organisée sur le forum Fou du Vin et ayant pour thème les vins de l’hémisphère sud. Disons que ça cadre bien avec le sujet principal de ce blogue, et en même temps c’était une bonne occasion de déguster à l’aveugle sur un thème assez large. Je préfère les dégustations à l’aveugle où le thème n’est pas trop restrictif, car quand le terrain est trop balisé et les préjugés jouent en bonne partie leur rôle d’influence sur la perception. J’aurais d’ailleurs aimé goûter certains des vins de la dégustation sans avoir la moindre idée de leur provenance. Voici une brève revue des vins dégustés.


Gewurztraminer, 2008, Malborough, Seresin: Le côté parfumé évoquant pour moi le savon m’a fait bien identifier le cépage, mais j’ai aussi pensé au Torrontès et au Viognier. Le vin est floral, avec un fruit de pêche et de mangue, balancé par une légère amertume. Seresin est un producteur réputé de Nouvelle-Zélande, et je me serais attendu à un peu mieux compte tenu de sa réputation.


PREMIÈRE VAGUE


Pinot Noir, 2008, Elgin, Paul Cluver Estate: Ce vin était bien typique de son cépage, avec des arômes de fraises et une touche végétale souvent rencontrée dans les vins de Pinot. En bouche le vin est équilibré, avec un doux fruité intense et une bonne longueur. Bon vin de base.

Première Sélection, 2001, Stellenbosch, Morgenhof Estate: Cet assemblage de cépages bordelais m’a bien eu, puisque je pensais avoir affaire à un Cabernet de Maipo d’une dizaine d’années. Comme quoi le Chili n’a pas le monopole du cassis et du menthol. Bonne intensité en bouche, avec un fruité un peu sur la douceur et une bonne longueur. Beau vin.

Cabernet Sauvignon, Cuvée Alexandre, 2008, Colchagua, Casa Lapostolle: L’exemple parfait du vin trop jeune où la barrique vient masquer la typicité. Je n’ai pas reconnu le cépage dans ce vin et par défaut, à cause de la maturité du fruit et de sa richesse j’ai dit Shiraz. Arômes de caramel et de pâtisserie qui couvrent le fruit noir mature. Le vin est très concentré et très long. Belle qualité qui se révélera vraiment dans 10 ans.

Clos de los Siete, 2003, Mendoza, Michel Rolland: Autre confirmation que ce vin n’est pas dans ma palette de goût. Il est encore marqué par le bois avec des arômes de bran de scie. C’est très concentré et très long, mais pour l’équilibre on repassera. Une autre preuve pour moi que concentration et longueur faussent parfois les données, et sont souvent les critères utilisés pour décerner de grosses notes.


DEUXIÈME VAGUE


Cabernet Sauvignon, Reserva, 1996, Aconcagua, Errazuriz: Un des deux vins que j’avais apporté dans l’espoir de démontrer à mes collègues de dégustation les vertus de la garde de vins sud-américains abordables et bien choisis. Ce Reserva, 1996, ne m’a pas déçu, au contraire. J’ai été surpris par l’équilibre en bouche et le vivacité du fruit encore bien présent. Pour ce qui est du nez, il fallait aimer les arômes d’évolution, de sous-bois et d’humus qui dominaient la palette aromatique. J’ai hâte que la profondeur de ma cave me permette d’ouvrir ce type de bouteille sur une base très régulière.

Pinot noir, 2006, Central Otago, Prophet’s Rock Vineyard: J’ai perçu un côté Pinot dans ce vin de par son fruit rouge, mais ce n’était pas le vin de ce cépage le plus typique, si bien que certains commentaires évoquant autre chose m’on fait douter. J’ai peu de notes sur ce vin, et cela montre bien qu’il ne dégageait rien de particulier. Pas mauvais, mais est passé facilement sous le radar.

Pinot noir, 2007, Central Otago, Amisfield: Deuxième Pinot de suite de Central Otago, mais fort contraste de personnalité. Autant le Prophet’s Rock était effacé, autant le Amisfield m’a semblé démonstratif et presqu’une caricature en terme de typicité. Le vin fait très Pinot, mais n’est pas le plus subtil, avec beaucoup de fruits rouges, de la cannelle et cette touche végétale présente dans tellement de vins de ce cépage. Le vin est concentré et long, avec un bon équilibre global.


TROISIÈME VAGUE


Shiraz Blueprint, 2008, Stellenbosch, De Trafford: J’ai commenté ce vin sur ce blogue en janvier dernier. Malgré cela je ne l’ai pas reconnu et n'ai pas identifié le cépage. L’aspect boisé m’est apparu plus présent que lorsque dégusté en solo, peut-être est-ce dû au fait que les deux autres vins de cette vague montraient des profils évolués bien différents. Néanmoins je ne change pas d’idée à son sujet. Il s’agit d’un vin de belle qualité qui s’améliorera avec quelques années de plus en bouteille.

Cabernet Sauvignon, Estate, 1999, Aconcagua, Errazuriz: En voyant un vin d’entrée de gamme de cet âge encore en bouteille on pourrait penser qu’il était farfelu de le garder si longtemps. Pourtant, je connais bien des dégustateurs qui auraient levé le nez sur ce vin en jeunesse et qui en pure aveugle se seraient fait avoir par le profil que montrait celui-ci après presque 12 ans passés en bouteille. Ce n’était pas un grand vin, mais il était impeccable et montrait un beau profil évolué qui ne s’obtient que par une garde patiente. Un vin renversant compte tenu de son prix d’origine et de son rang dans la gamme Errazuriz.

Cabernet Sauvignon, 1999, Lujan de Cuyo, Mendoza, Weinert: Ce vin était ma deuxième offrande de la soirée, et comme dans le cas des vins de Errazuriz, montrait bien qu’en Amérique du Sud comme ailleurs, l’identité du producteur est primordiale. Ce vin fut le favori de la soirée pour plusieurs et montrait un profil caractéristique des vins de Weinert qui ont une dizaine d’années dans le corps. Beau nez de vin mi-évolué, avec encore un beau fruit et complété par de subtiles notes de thé, d’humus et de feuilles mortes. En bouche, le profil est plus jeune, avec une structure raffinée évoquant des vins bien plus chers. J’avais acheté une caisse de ce vin à 15$ la bouteille!!! M’en reste huit ou neuf. Bien du plaisir à venir encore.


LIQUOREUX


Gewurztraminer, Vendanges tardives, 2008, Curico, Vina Montes: J’ai commenté ce vin sur le blogue en début d’année. Fidèle à mes perceptions d’alors, mais à l’aveugle le côté botrytis évoque le Sauternes, alors que le côté floral du cépage contredit cette impression. Beau vin.

Torrontes, Vendanges tardives, 2009, Cafayate, Boegas Etchart: Autre vin dont j’ai déjà parlé sur ce blogue, en novembre 2009, mais dans le millésime 2007. Ce 2009 m’est apparu fidèle au souvenir que j’avais de ce vin au fort RQP.

http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=21&t=17633&start=15

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2011/01/shiraz-blueprint-2008-stellenbosch-de.html

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2011/01/gewurztraminer-vendanges-tardives-2008.html

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2009/11/torrontes-vendanges-tardives-2007.html


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mardi 15 mars 2011

LE DIX DE LOS VASCOS, 2008, COLCHAGUA, VINA LOS VASCOS


Le groupe Domaines Barons de Rothschild, propriétaire, entre autre, du Château Lafite-Rothschild, a acheté une participation majoritaire dans Los Vascos en 1988, et depuis 1996, son partenaire chilien est le groupe Claro. Un holding qui est aussi propriétaire de Santa Rita et de Vina Carmen au Chili. Los Vascos, c’est d’abord un très grand vignoble de 540 hectares, situé à l’ouest de la vallée de Colchagua, à 40 km du Pacifique. Il est planté à 95% de Cabernet Sauvignon. Le Dix de Los Vascos fut créé en 1998, à partir des meilleures lots de Cabernet du millésime 1996, pour commémorer les dix ans d’implication de Rothschild dans Los Vascos. Ce vin est élaboré en grande majorité avec du Cabernet Sauvignon provenant d’une parcelle appelée “Los Frailes”, dont les vignes ont 50 ans d’âge. Un peu de Carmenère vient compléter l’assemblage. L’élevage se fait pour environ 18 mois en barriques neuves de chêne français provenant en partie de la tonnellerie de Rothschild à Pauillac. Selon l’auteur britannique Peter Richards, grand connaisseur du Chili et de ses vins, “Le Dix” a pris un tournant qualitatif marqué en 2001 sous l’impulsion du vinificateur chilien Marco Puyo, qui a oeuvré pour le groupe de 2001 à 2006. Selon l’expression de Richards, “Le Dix” est alors passé de “wannabe claret”, à un vin de Cabernet chilien complexe, raffiné et soyeux, dont le but ultime, selon Puyo, est l’élégance. Peter Richards affirme même que Puyo est arrivé à ses fins en défiant l’attitude un peu hautaine de ses patrons français qui croyaient alors que le vin avait plafonné qualitativement à cause des limites du terroir. Le 2004 m’avait déjà montré le caractère franco-chilien de cette cuvée et son très bon niveau qualitatif. Voyons ce qui en est avec ce 2008.

La robe est sombre et opaque. Au nez, le profil confirme d’entrée que l’on est face à un vin très jeune et ambitieux auquel on a appliqué une recette à la bordelaise. On y dénote de riches arômes de fruits noirs amalgamés à de jeunes arômes de barriques de chêne de grande qualité. Seul un très léger aspect mentholé, qui disparaît avec le temps, vient quelque peu trahir l’origine chilienne du vin. La classe et la profondeur sont indéniables, mais le plein potentiel reste à être révélé par du temps en bouteille. En bouche, c’est autre chose, et c’est là que l’on peut saisir pleinement la nature de la bête, si je puis dire. Dès la première gorgée on se rend compte pleinement que l’on a affaire à un vin de garde haut de gamme montrant un fruité éclatant et très concentré, allié à un boisé trop jeune mais de grande qualité. La matière est très dense et la structure compacte, avec une solide base d’amertume. La texture tannique est raffinée, alors que la finale montre une longueur de catégorie nettement supérieure.

Ce vin garde l’influence bordelaise qu’on pouvait noter dans le 2004, mais il est passablement plus puissant et concentré. En fait, le seul véritable reproche que je puisse lui faire c’est d’avoir été mis en marché beaucoup trop tôt. C’est bien dommage, car il est probable qu’une majorité d’acheteurs ne garderont pas ce vin bien longtemps. Ceci dit, je conçois que certains amateurs aiment les sensations fortes, mais ce vin ne me semble clairement pas conçu pour une consommation hâtive. Selon moi il devrait être gardé au moins cinq ans pour être le moindrement approchable, et possède un potentiel indéniable pour la longue garde. À titre de comparaison, j’ai dégusté un Cabernet Sauvignon, Reserva, 1996 de Errazuriz, vendredi soir passé, et celui-ci était encore dans une belle forme, avec un beau fruit et un profil raffiné. Ce n’était qu’une autre de mes heureuses expériences de garde avec des rouges chiliens de type “Reserva”, c’est-à-dire des vins de milieu de gamme, de prix abordables et aux ambitions modérées. Dans ce contexte, je ne doute pas que cette cuvée haut de gamme “Le Dix” puisse évoluer harmonieusement sur une trentaine d’années. C’est vraiment un vin de grande qualité et au fort potentiel, offert à un prix qui me semble très avantageux (39.75$) si on compare avec ce qu’il faudrait débourser pour un vin de qualité similaire venant de Californie ou de Bordeaux. Cette comparaison s’applique aussi au Chili, car selon moi, ce vin n’a rien à envier en terme de qualité et de potentiel à des vins franco-chiliens à grosses notes vendus plus de deux fois plus chers, comme le Almaviva de Mouton Rotschild ou bien le Clos Apalta de Marnier Lapostolle. En plus, ce “Dix” ne laissera pas les amateurs d’étiquettes et de prestige à eux-mêmes. Ceux-ci pourront quand même faire bon effet en disant à leurs convives qu’il s’agit du grand vin chilien des propriétaires du Château Lafite Rothschild! Trêve de plaisanteries, car ce vin est vraiment sérieux, et mérite d’être abordé comme tel. Si vous avez une cave et croyez au potentiel des rouges chiliens en matière de garde, ce vin me semble un achat incontournable. C’est un vin de garde haut de gamme de prix abordable et un digne représentant du style franco-chilien.


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samedi 12 mars 2011

SAUVIGNON BLANC, SÉLECTION LIMITÉE, 2010, LEYDA, VINA MONTES

Il faut parfois s’intéresser de près à une région pour connaître la petite histoire qui se cache derrière un vin. Ce Sauvignon Blanc de Vina Montes en est un bel exemple. L’étiquette nous dit qu’il s’agit d’un vin de Sauvignon Blanc originaire de la région de Leyda, produit par Vina Montes. C’est vrai, mais pas totalement. Il est intéressant de savoir que les raisins de Leyda entrant dans ce vin proviennent des vignobles de Vina Garces Silva, que l’on connaît ici au Québec pour ses vins vendus sous la marque Amayna. Mais il y autre chose à propos de ce vin que l’étiquette ne révèle pas, c’est qu’une partie des raisins entrant dans ce vin ne viennent pas de Leyda, mais plutôt du troisième millésime d’un très jeune vignoble planté par Vina Montes près du village de Zapallar, situé directement sur la côte du Pacifique. La fraîche côte du Chili continue de se développer. À partir de Leyda, et en remontant vers le nord, on a maintenant Lo Abarca à l’autre extrémité de San Antonio, puis la vallée Casablanca plus à l’intérieur des terres. Ensuite, au nord de Valparaiso, près de Concon, il y a la région de l’Aconcagua Costa avec les nouveaux vignobles côtiers de Errazuriz, puis environ 50 km encore plus au nord, il y a maintenant le vignoble de Vina Montes à Zapallar. Ce vin est donc une première occasion de goûter, du moins en partie, ce que peut déjà donner ce vignoble. À noter que Vina Montes devrait commencer à embouteiller des vins issus à 100% de Zapallar avec le millésime 2011. En plus du Sauvignon Blanc, on y cultive aussi du Chardonnay et du Pinot Noir. Pour ce qui de ce Sauvignon Blanc, Sélection Limitée, il est issu de fruits dont le rendement était limité à environ 35 hl/ha, vinifiés en inox seulement, sans fermentation malolactique. Le vin titre à 13.5% d’alcool.

La robe est de teinte jaune pâle aux reflets verdâtres. Le nez est frais et bien dégourdi, dominé par un arôme de zeste de pamplemousse, complété par l’aspect fruité du pamplemousse, ainsi que par des notes de citron, d’ananas, de poivron vert et d’herbe fraîchement coupée. En bouche, le vin se montre bien équilibré, avec une vive acidité bien absorbée par la matière généreuse qui enrobe un fruité d’agrume concentré et intense. Cela produit un vin qui a beaucoup de présence en milieu de bouche et une longueur de fort calibre en finale.

Mes attentes étaient modérées face à ce vin et il m’a surpris en les surpassant allégrement. Il combine très bien les caractéristiques du Sauvignon plus mature, à celles plus végétales du fruit montrant moins de maturité, le tout soutenu par une superbe acidité. La concentration de ce vin et sa longueur sont dignes de vins vendus beaucoup plus chers, ce qui en fait à l’évidence un RQP de haut niveau pour les 16.85$ qu’en demande la SAQ. À titre de comparaison, et pour rester dans le même vignoble, je l’ai préféré au Sauvignon Blanc, Amayna, 2008, pour lequel notre monopole exige 25.00$. Le Montes est plus équilibré, plus complet et plus facile à boire. Vraiment c’est un très beau vin qui a fait un heureux mariage avec une salade de pâtes al limone incorporant du poivron vert. Je ne suis pas très fort en accord mets et vins, mais celui-ci est un de mes favoris où le perception du vin n’est pas altérée par la nourriture.

http://maps.google.ca/maps?hl=fr&xhr=t&q=zapallar+chile&cp=5&wrapid=tljp129988844326508&um=1&ie=UTF-8&hq=&hnear=Zapallar,+Chile&gl=ca&ei=yAt8Tfe5BITGlQeJ26XvBQ&sa=X&oi=geocode_result&ct=image&resnum=1&sqi=2&ved=0CB4Q8gEwAA



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lundi 7 mars 2011

La vérité n'est pas dans le vin

Très bon article aujourd'hui de la part de Marc-André Gagnon du site Vin Québec. Depuis que je participe à des dégustations collectives à l'aveugle, la différence de perception et d'appréciation des arômes entre dégustateurs est ce qui m'a le plus marqué. Si on ajoute aux différences biologiques les différences psychologiques qui peuvent aussi très fortement altérer la perception et l'appréciation du vin. C'est à se demander pourquoi on perd son temps à écrire des commentaires de dégustation. Ça montre aussi toute l'inutilité des notes très précises sur 100 points. Ça explique aussi pourquoi le vin est si intimidant pour les non initiés, et pourquoi on peut percevoir du snobisme chez ceux qui pensent s'y connaître et croient pouvoir y trouver une vérité absolue. On dit souvent que le vin est rassembleur et qu'il favorise le partage. C'est peut-être vrai à cause du rôle de lubrifiant social de l'alcool, losque consommé à dose modérée. Mais il semblerait que le vin exerce aussi la retenue et la politesse, car bien souvent on partagera sans mot dire un liquide qui sera perçu bien différemment entre les convives.

À la lumière de tout cela, devrait-on cesser de parler de vin et d'écrire à son sujet? Je ne pense pas. Car au-delà des divergences, il existe aussi des convergences entre certains dégustateurs. Je pense aussi qu'être conscient des différences possibles entre individus consitue une façon d'être moins tranché dans nos commentaires. C'est une chose que j'ai apprise en me confrontant à des dégustateurs qui n'avaient pas la même perception, ni la même détestation que moi pour les arômes phénolés de Brettanomyces. La vérité n'est pas dans le vin, car elle peut changer selon les individus. Il faut juste apprendre à se connaître comme dégustateur, en tentant de rester ouvert et humble, nos sens olfactif et gustatif étant tellement imprécis et psychologiquement influencables.

http://vinquebec.com/node/8200


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samedi 5 mars 2011

PINOT NOIR, RESERVA, 2008, CASABLANCA, VINA MORANDÉ



Je continue de passer en revue les quelques vins de Pinot Noir chiliens sur lesquels j’ai pu récemment mettre la patte. Cette fois-ci on continue avec un autre vin venant de la vallée de Casablanca, et produit par Pablo Morandé, une figure de proue de l’oenologie chilienne, et l’homme à l’origine du développement de la vallée de Casablanca y ayant planté les premières vignes en 1982 à titre personnel, car son employeur du temps, Concha y Toro, ne croyait dans le potentiel de la vallée. Les choses ont bien changé depuis, n’empêche que cette décision de Morandé marquait le premier pas du Chili vinicole hors du confort de la chaude vallée centrale. Bien d’autres pas allaient suivre par la suite, pour amplifier le mouvement vers des régions plus fraîches, ce qui permet aujourd’hui au Chili d’être un pays à l’offre beaucoup plus diversifiée et à la qualité croissante. Après avoir quitté Concha y Toro, Pablo Morandé a fondé Vina Morandé en 1996 avec l’aide de partenaires financiers. Il y a eu des hauts et des bas lors des premières années, mais c’est aujourd’hui une maison qui produit une gamme variée de vins provenant de plusieurs régions du pays. C’est aussi un producteur qui sous l’impulsion de son fondateur continue d’innover, le meilleur exemple étant la plantation en 2004 et 2005 de deux nouveaux vignobles qui fonderont l’assise de la maison pour les années à venir. Ces deux vignobles, dont l’un est situé dans Casablanca, et l’autre dans l’alto Maipo, sont caractérisés par une très forte densité de 10,000 plants à l’hectare, alors que la norme chilienne se situe autour de 4,000. La densification de la plantation, tout comme la plantation à flanc de montagne et l’usage de porte-greffes sont des pratiques qui gagnent de plus en plus d’adeptes au Chili chez les producteurs ayant de hautes ambitions qualitatives. Bien sûr, cet abordable Pinot Noir, Reserva, n’a pas cette ambition. Il ne vient d’ailleurs pas du nouveau vignoble à haute densité, mais d’un vignoble voisin plus ancien. Il est élaboré par Macarena Morandé, la fille de Pablo qui suit les traces de son père. Les vendanges sont manuelles, suivies par une longue macération à froid, et d’une fermentation à basse température ayant pour but de générer des arômes plus délicats. Le vin est ensuite élevé pendant 10 mois en tonneaux de chêne français. Il titre à 14.6% d’alcool pour un pH de 3.38 et 2.5 grammes par litre de sucres résiduels.

La robe est d’un beau rubis éclatant et translucide, Le nez est séduisant et dégage un heureux mélange d’arômes de fruits rouges (cerise, fraise), de réglisse et de pâtisserie, complétés par une note terreuse et très léger aspect végétal frais. En bouche, le vin est d’une belle fraîcheur, avec un fruité vif et intense et une faible extraction tannique. Cette très faible présence tannique fait qu’on se retrouve avec un rouge qui donne une impression tactile en bouche le rapprochant d’un vin blanc. La bonne concentration de saveurs donne une belle présence au vin en milieu de bouche. La finale est harmonieuse, avec une persistance de bon niveau.

Ce vin se vend pour environ la moitié du prix du Tobiano de Kingston ou du 20 Barrels de Cono Sur, mais pour employer un cliché, je dirais il est bien loin d’être la moitié moins bon. En fait, je dirais qu’il se situe pas très loin derrière les deux autres en terme de qualité, et que certains dégustateurs pourraient même le préférer à cause de son aspect tannique très léger. Une chose est sûre, à seulement 15$ il s’agit d’un super RQP et assurément le meilleur vin de Pinot Noir de ce prix que j’ai eu la chance de goûter. Qu’un vin de ce prix puisse offrir un tel niveau de qualité me semble un signe très positif en ce qui a trait au potentiel de ce cépage au Chili. Pour ce qui est de Vina Morandé, la cuvée House of Morandé, 2001, m’a déjà prouvé le haut niveau qualitatif que ce producteur peut atteindre. Il faut savoir que Pablo Morandé est celui qui a créé le fameux Don Melchor de Concha y Toro. Toutefois, j’aimerais bien découvrir d’autres vins de ce producteur dans le futur, dont un Carignan de Maule qui est semble-t-il très bon. J’aimerais aussi pouvoir goûter les résultats issus de ces deux jeunes vignobles plantés à haute densité. Le Chili continue d’évoluer rapidement, et Vina Morandé est assurément un des producteurs à suivre dans ce contexte.


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