lundi 31 janvier 2011

Chardonnay: Ignorer la Bourgogne pour y aller avec l'Australie

Les mots du titre ne sont pas les miens, mais les premiers mots d'un autre article de Decanter vantant les mérites du Chardo australien issu de régions fraîches. Cette fois, cet enthousiasme pour l'élite des Chardonnays australiens ne vient pas d'un seul homme, Andrew Jefford, comme je l'avais relaté sur ce blogue il y a quelques mois (voir lien), mais d'un panel d'experts réuni par Decanter.

Bien sûr mon titre est provocateur, et je ne pense pas que d'ignorer une région soit une bonne idée, surtout quand il s'agit de la référence en la matière. D'un autre côté, il est clair que le virage vers les climats plus frais entrepris par plusieurs pays de Nouveau-Monde n'est pas reconnu à sa juste valeur. On continue d'y aller de clichés à propos des vins de ces pays, comme si tout y était encore homogène. Malheureusement, ici au Québec, quand on parle des meilleurs vins de Chardonnay australiens, on parle de quelque chose que l'on connaît très peu. La SAQ n'offre que quatre vins de Chardonnay australiens au-dessus de la barre des 31$, alors qu'au dessus de ce prix on y retrouve 235 bourgognes blancs. Comme on peut le voir, la région qui est ignorée ici, c'est l'Australie. D'ailleurs, en lisant l'article de Decanter, on constate dans les propos d'un propriétaire de restaurant combien il est difficile de changer les perceptions. Les producteurs du Nouveau-Monde soucieux de la qualité, qui passe par le choix d’un terroir approprié, sont fortement pénalisés par les généralistions négatives. En France on décortique le territoire en micro-appellations, dont plusieurs sont très reconnues, alors que dans le Nouveau-Monde, la plupart des amateurs ne peuvent distinguer les régions plus fraîches des région plus chaudes. On se contente souvent de parler de vins australiens, chiliens, sud-africains, etc... Il faut donc de la volonté dans ces contrées pour y aller des efforts nécessaires pour se distinguer. Pour viser la meilleure qualité possible en investissant ce qui est nécessaire pour y arriver. Vous me direz que s'il y avait moins de Yellow Tail et autres Fuzion qui prennent le devant de la scène, l'image des vins de ces pays serait meilleure. Sûrement, mais le vin de masse bon marché est produit dans tous les pays vinicoles. Ce n'est pas une raison pour tout amalgamer.

Je continue de penser que pour s'ouvrir aux bons vins de ces pays, il faut une bonne disposition d'esprit préalable. Il faut les aborder positivement. Sinon ils ne seront appréciés à leur vraie valeur que comme surprises dans des dégustations à l'aveugle. Mais bien sûr, pour découvrir le meilleur visage que peuvent offrir les vins de ces pays, il faut y avoir accès. Malheureusement, l'offre n'est pas bonne au Québec parce que la demande n'est pas forte. Mais comment créer une demande pour quelque chose qui est très peu disponible et méconnu? C'est l'oeuf ou la poule, et on revient toujours au même problême de base de promotion. Qui au Québec pourrait se faire le promoteur de ces vins sur la place publique? Quel expert en la matière, possèdant la crédibilité nécessaire, pourrait jouer ce rôle? Pour le moment je ne vois personne, et c’est bien dommage.

http://www.decanter.com/news/wine-news/514019/chardonnay-choose-australia-decanter-readers-urged

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/10/lexemple-britannique.html


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samedi 29 janvier 2011

Bordeaux, la hiérarchie, Michel Rolland et l’oenologie moderne...

Je lisais aujourd’hui un article du magazine français Le Point à propos d’une autre de ces dégustations comparatives de vins de Bordeaux organisées par le Grand Jury européen. Cette fois on se limitait aux premiers et deuxièmes grands crus classés du millésime 2005, et encore une fois certains trouvent des excuses. On explique les résultats par le Merlot, l’oenologie moderne et bien sûr, le sempiternel bouc-émissaire des bien-pensants de la bouteille, Michel Rolland. Après m’être pas mal intéressé à ce type de dégustation à mes débuts comme amateur un peu plus sérieux, je portais moins d’attention à ce genre de résultats ces dernières années. Toutefois, la dégustation de bordeaux, 2000, à laquelle j’ai participé la semaine passé, m’a amené à y prêter plus d’attention cette fois-ci. Lors de cette dégustation, un des sujets de discussion entre les participants portait sur la difficulté qu’il y a à reconnaître les caractéristiques du Merlot dans des vins servis à l’aveugle. C’est un cépage élusif qui pour moi demeure une énigme. C’est aussi un cépage qui a le dos large pour expliquer les résultats surprenants obtenus lors des dégustation à l’aveugle, ou même en semi-aveugle. Lors de la dégustation la semaine passée, mon vin favori a été le Saint-Emilion, Château La Gaffelière, et pourtant, avant le dévoilement des étiquettes, j’étais convaincu d’avoir choisi comme premier le vin le plus sérieux du lot, un vin avec un profil rive gauche bien typé. Si plusieurs, dont moi-même avaient bien identifié le Château Latour à Pomerol, comme provenant de la rive droite, en autant que je me souvienne, personne n’a fait cette prédiction avant le dévoilement pour le Gaffelière. Je ne suis pas le dégustateur le plus expérimenté avec ce type de vin, mais ce n’est pas la première fois où je suis témoin de choses semblables lors de dégustations comparatives où l’on ignore l’identité exacte des vins. Ce qui me porte à penser que le pauvre Merlot est souvent le coupable de service lors de ces circonstances. Le vilain a qui on attribue la faute de briser l’ordre établi. L’autre excuse courante est bien entendu l’âge des vins dégustés. Dans l’exemple du GJE on nous rabat les oreilles que les 1GCC, 2005, sont bien trop jeunes, comme si les seconds ne l’étaient pas eux aussi. Tous ces vins sont des vins très ambitieux, mais malgré cela on nous sert encore cette excuse commode. J’ai vraiment de la difficulté avec l’idée de cette hiérarchie immuable aux vertus presque magiques. Dans notre cas la semaine passée on dégustait des vins du millésime 2000, et là aussi l’excuse de l’âge des vins est revenue pour défendre Cos d’Estournel. Cela, même si les vins avaient cinq ans de plus que ceux du GJE.

L’autre élément qui revient souvent pour expliquer les incongruités de résultats lors de ce type de dégustations, c’est que les vins finissant avec surprise dans le haut du classement sont des vins fabriqués grâce à l’aide de l’oenologie moderne, avec comme tête de turc principale le consultant Michel Rolland. Autant je ne suis pas vraiment convaincu par les vins du Nouveau-Monde de celui-ci que j’ai pu goûter. Des vins qui à mon sens ont souvent trop de tout. Autant je trouve qu’à Bordeaux sa manière de faire donne de bons résultats. Comme si dans les climats souvent chauds du Nouveau-Monde, son obsession de la maturité donnait souvent des vins trop lourds, alors qu’à Bordeaux, où la maturité est moins facile à obtenir, l’équilibre pouvait être conservé car il est plus difficile de dépasser les limites. Bien sûr, on pourra m’objecter que certains dégustateurs n’aiment pas les vins issus de raisins vendangés à pleine maturité, et préfèrent les vins plus légers avec des touches de verdure. C’est bien possible, et parfaitement respectable, mais la réalité est que la majorité des dégustateurs préfèrent la maturité aux notes végétales vertes, comme celles de poivron vert qu’on retrouve souvent dans un vin comme le Sociando Mallet. Par exemple, vendredi soir passé, un seul dégustateur sur huit a bien coté le Sociando, 2000, qui se démarquait du lot par cet aspect de poivron vert. Ceci dit, ce n’était pas un mauvais vin pour autant, mais la réalité c’est qu’une grande majorité de dégustateurs préféreront l’absence de ce type d’arômes en mode comparatif. Pour ce qui est de l’oenologie moderne qui expliquerait la bonne performance en jeunesse de certains vins, pour moi c’est une pure bêtise. Un des reflets du courant que j’aime bien appeler le “vin idéologique”. J’avais d’ailleurs choisi d’apporter une bouteille du Château Kirwan, pour voir comment allait paraître ce vin souvent décrié comme une victime du modernisme qui afflige maintenant Bordeaux. La réalité c’est que Kirwan s’en est très bien tiré, et qu’il avait toutes les allures d’un très bon bordeau classique issu d’un bon millésime. Il n’y avait là aucune trace du Pomerol de la rive gauche suggéré par le patriarche britannique Micheal Broadbent dans le film Mondovino. Un film qui pour moi illustre bien le courant du vin idéologique. Ce courant où l’on boit des idées toutes faites, correspondants à certaines valeurs, au lieu de goûter les vins pour ce qu’il sont vraiment. Une chose est sûre, si les vins de Bordeaux étaient moins chers et que j’en devenais un amateur assidu. Mes achats se feraient hors de cette hiérarchie établie il y a trop longtemps. Ceci dit, je comprends les bordelais de le conserver, car celle-ci a été et demeure un formidable outil pour établir l’image de marque de la région. Mais en même temps, elle a transformé beaucoup de ses meilleurs vins en produits de luxe à la valeur codifiée d’avance.

http://www.lepoint.fr/vin/margaux-ou-morgon-21-01-2011-130867_46.php


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jeudi 27 janvier 2011

SHIRAZ, BLUEPRINT, 2008, STELLENBOSCH, DE TRAFFORD WINES


De Trafford Wines est une “boutique winery” sud-africaine qui ne produit que 3500 caisses de vin par année. Après plusieurs années de tests à très petite échelle, le vignoble principal a été planté en 1994 et 1995 après une sélection minutieuse des porte-greffes et des clones les mieux adaptés aux sols et au microclimat du mont Fleur qui surplombe la région de Stellenbosch. Les raisins entrant dans cette cuvée sont en majorité issus du vignoble Keermont, où les vignes ont 10 ans d’âge, le tout complété par des raisins de vignes de trois ans d’âge, d’un clone différent, plantées dans deux autres vignoble. Finalement, et de manière surprenante, 8% de Petit Verdot complète l’assemblage de ce Shiraz. L’élaboration du vin inclut la vendange manuelle, l’égrappage, et la fermentation en cuves ouvertes à l’aide de levures indigènes. Le moût est ensuite pressé, puis le jus est transféré en barriques de chêne français (20% neuves), où a lieu une fermentation malolactique, suivie d’un élevage de 21 mois. Le vin est embouteillé sans collage ni filtration et avec un usage modéré de sulfites. Il titre à 15.15% d’alcool, pour un pH de 3.76.

La robe est très foncée, avec de légers reflets violacés. Le nez exhibe un agréable profil aromatique montrant un mélange de fruits rouges et noirs de très belle qualité, bien complété par des notes florales et un aspect doucement épicé. La bouche se déploie sur une attaque pleine, à la fois ferme et ample, qui déploie des saveurs fruitées/épicées savamment mariées et bien supportées par une juste dose d’amertume. Le milieu de bouche confirme la qualité de la matière, le vin montre une bonne concentration de saveurs, sans lourdeur, tout en conservant un profil sérieux, sans être austère. La trame tannique est tissée bien serré, mais montre quand même de la finesse. La finale maintient le bon niveau, avec des notes de chocolat noir qui gagnent du terrain, le tout sur une bonne persistance.

J’ai bien apprécié ce vin qui est d’une qualité irréprochable pour le prix demandé (32$). Il s’agit de mon cinquième vin de Shiraz sud-africaine dans la dernière année, et il me semble commencer à reconnaître un style général. Un profil particulier qui n’a rien à voir avec le style classique français du Rhône nord, ou bien avec l’archétype du Shiraz australien, ou encore avec les différents styles chiliens que je connais bien. Ce cépage semble pouvoir donner des vins de profils assez sérieux en Afrique du Sud, même si je regrette un peu de ne pas y retrouver les aspects classique de la Syrah de climat frais. Peut-être le climat n’est-il justement pas assez frais pour pouvoir obtenir ce type de profil. Le 15% d’alcool de ce vin est peut-être un indice révélateur en ce sens, même si dans le cas de ce Blueprint, cet élément est très bien intégré et ne nuit pas à l’équilibre du vin. Bien entendu, celui-ci est encore très jeune, et quelques années de garde pourraient lui être bénéfique, même s’il est déjà agréable à boire.



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dimanche 23 janvier 2011

Sortir de mes sentiers battus

Sortir de mon ordinaire, de ce que je connais bien, c’est ce que j’ai fait vendredi soir passé. Moi le buveur un peu obsédé par le fameux rapport qualité/prix, l’amateur de vins chiliens, je me retrouvais à participer à une dégustation de bordeaux 2000 de bonne réputation. Il y avait longtemps que j’avais participé à un tel exercice. C’est donc avec un regard frais que je me proposais d’aborder ces vins. Le thème de la soirée me plaisait, car nous avions affaire avec des vins d’un âge qui m’est familier, d’un millésime réputé, et qui, de réputation du moins, font partie de l’élite de la région. Moi qui, depuis un certain temps déjà, navigue à vue sur mon esquif chilien. Je me disais que cette dégustation pourrait renouveler mes points de repère. M’aider à remettre en contexte mes impressions lorsque je déguste des vins de cépages bordelais.

Je pense avoir atteint le but que je visais, tout en ayant le plaisir de partager en personne avec des passionnés. Mon premier constat, sans surprise aucune, c’est que j’aime le bon vin français. D’ailleurs, en goûtant ces vins, je me disais que le mépris que cette région s’attire auprès de certains amateurs idéologiques n’avait rien à voir avec le vin lui-même. Ces vilains gros domaines capitalistes, où règne apparemment l’oenologie moderne, savent quand même faire du bon vin. Du vin avec de la classe et une identité bordelaise évidente, surtout au stade actuel d’évolution de ces vins du millésime 2000. D’ailleurs, le podium de la soirée comprenait les deux seuls rive droite de la sélection, ainsi que mon offrande, le Château Kirwan, déjà qualifié de Pomerol de la rive gauche, élaboré alors sous les conseils du vilain Michel Rolland... Mondovino démonté, et qui a dit que les Québécois avaient un palais européen classique? Pour ma part ces résultats me rassurent plus qu’autre chose. Personnellement, c’est Cos d’Estournel que j’ai pris pour un vin de la rive droite. Insaisissable Merlot... Voici d’ailleurs mon ordre de préférence pour les vins de cette soirée:

1- Château La Gaffelière, Saint-Emilion
2- Château Haut-Bages Libéral, Pauillac
3- Château Kirwan, Margaux
4- Château Brane Cantenac, Margaux
5- Château Latour à Pomerol, Pomerol
6- Château Cos d’Estournel, Saint-Estèphe
7- Château Lagrange, Saint-Julien
8- Château Sociando-Mallet, Haut-Médoc

Les six premiers vins étaient très proches en terme de qualité, donc difficiles à départager. Aussi, j’ai trouvé que les vins, de manière générale, étaient à un beau moment de leur évolution, mais celle-ci est très loin d’être terminée. Les amateurs de notes tertiaires peuvent laisser dormir leurs bouteilles encore longtemps. Comme vous pouvez le voir, j’ai apprécié ma soirée et la majorité des vins, même si dans ce type d’exercice, la notion de RQP qui me préoccupe tant était évacuée. Cette dégustation n’a pas changé mes convictions en la matière. D’ailleurs, je pense que ce type de vins se situe hors d’une démarche RQP, et que la plupart de ceux qui s’y intéressent en sont conscients. Les grands crus classés de Bordeaux sont la plupart du temps des vins de très belle qualité, mais en même temps, ce sont des produits de luxe. Bien sûr cela est déplorable pour l’amateur pas très fortuné, mais c’est la réalité. Je lisais d’ailleurs un texte intéressant de Jancis Robinson cette semaine qui abordait ce sujet (voir lien). Mme Robinson fait partie de ces critiques britanniques au palais européen, et pourtant, elle dit que l’écart entre le meilleur de la France et le meilleur d’ailleurs, en particulier du Nouveau-Monde, continue de s’amoindrir. Toutefois, selon elle, cela ne menace en rien l’élite du vin français, car celle-ci véhicule une image de marque recherchée, et que ce faisant, les vins français prestigieux ne sont pas en compétition directe avec le reste de l’offre mondiale. Je suis parfaitement en accord avec elle. Pour moi, la France et ses meilleurs vins sont une référence qu’il est périodiquement agréable de visiter. Agréable pour la qualité incontestable des vins, mais agréable aussi parce que cela me confirme la validité de ma démarche. Sortir de mes sentiers battus, donc... pour mieux y revenir.

http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=21&t=17409

http://www.ft.com/cms/s/2/c3acd786-1df0-11e0-badd-00144feab49a.html#axzz1Ba2swhkE



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jeudi 13 janvier 2011

MALBEC, 2002, MENDOZA, CATENA



Je suis toujours sceptique quand j’entends des amateurs raconter qu’il ont passé un vin en carafe une couple d’heures, et que cela a permis à celui-ci de se transformer en profondeur. Personnellement, j’utilise rarement la carafe, mais je bois fréquemment des bouteilles sur de longues périodes durant la même journée. Dans ces circonstances, il m’arrive assez souvent de noter une certaine transformation entre le premier et le dernier verre. Dans des cas beaucoup plus rares, la transformation me semble vraiment marquée, mais à chaque fois je m’interroge à savoir si ce n’est pas ma perception du vin qui a changé dans le temps. Ceci dit, je suis convaincu que l’aération transforme le vin avec le temps, mais ordinairement ça prend pas mal plus qu’une heure ou deux pour que l’effet soit clairement notable. Ceci sans compter que la dite transformation n’est pas toujours positive.

Mes cas les plus spectaculaires de transformations positives sont survenus lorsque j’ai gardé des vins en demi-bouteilles pleines pendant quelques jours. Dans certains cas, comme dans le cas de ce Malbec, 2002, de Catena, la différence a vraiment été spectaculaire. Ce vin, la journée de l’ouverture, a été une totale déception. Il était sans vie, avec très peu de fruit, marqué par les notes tertiaires de feuilles mortes et avec une forte amertume en bouche. L’aération d’environ huit heures ce jour-là, avant le transvidage en demi-bouteille, n’a rien changé. Le profil peu invitant du vin était stable. Trois jours plus tard, j’ouvre la demi-bouteille bien remplie dans laquelle j’avais transvidé ce qui restait du contenu original. Le vin s’est alors présenté sous un jour totalement différent. L’équilibre était finalement au rendez-vous, avec un beau fruité rouge de cerises, une amertume modérée, des notes doucement épicées, et juste un peu de caractère évolué évoquant les feuilles mortes. En fait, il s’est présenté sous le jour que j’espérais au départ, celui que je connais et qui justifie pour moi la garde des rouges de Catena de ce niveau.

L’évolution du vin en bouteille est vraiment quelque chose d’intrigant et de difficilement prévisible avec précision. Cela est en totale contradiction avec la mode actuelle des notes, où les experts promettent de nous dire avec précision le niveau qualitatif d’un vin. C’est normal, l’amateur moyen est en quête de vérité. Il ne veut rien savoir de l’adage voulant qu’il n’y ait pas de grands vins, mais que de grandes bouteilles. Pourtant, la réalité est pire encore pour les vins de garde, car il y a des bouteilles qui ne seront grandes qu’à certains moments de leur existence, ou lorsque traitées d’une certaine façon avant le service. Le problème avec cette situation, c’est qu’il est très difficile de connaître le moment et les conditions idéales de service à l’avance. Si j’avais servi ce Malbec de Catena à quelques convives lors d’un repas. Le vin aurait été bu en trente minutes, et le constat aurait été celui d’un vin décevant ouvert trop tard. Un vin inapte à la garde. D’un autre côté, on ne peut pas ouvrir des bouteilles trois jours à l’avance en pensant que c’est qu’il faut toujours faire pour goûter le vin sous son meilleur jour. Avec un vin d’une vingtaine de dollars comme ce Catena, c’est de l’expérience intéressante acquise à peu de frais. Mais j’imagine la frustration potentielle pour l’amateur de fioles renommées et très coûteuses. À moins que dans ces cas-là le pouvoir de l’étiquette arrive quand même à bien faire paraître le vin...


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lundi 10 janvier 2011

La spécificité canadienne en matière de commerce du vin

J’ai déjà écrit sur ce blogue à propos de la difficulté pour un pays comme le Chili de promouvoir ses vins dans un pays comme le Canada où règnent les monopoles provinciaux d’état en matière de commerce du vin. À ce sujet, je suis tombé récemment sur une information intéressante qui reflète bien le caractère distinct du Canada en la matière. L’organisme “Vins du Chili” a annoncé la composition du panel de juges pour l’édition 2011 des “Wines of Chile Awards” qui aura lieu cette semaine à Santiago. Depuis le début de cet événement, qui en sera à sa huitième édition, l’industrie vinicole chilienne invite des critiques et chroniqueurs vin à juger la qualité d’une large sélection de vins à moins de 25$. Lors des six premières années, il y a eu alternance entre des panels britanniques et américains. Ce qui est logique, puisqu’il s’agit des deux plus gros marchés d’exportation pour le pays. Aussi, la presse vinicole de langue anglaise, que ça plaise ou non, demeure la plus influente à l’échelle mondiale. L’an passé, probablement pour faire changement, le panel de critiques invité était canadien. Il faut croire que les chiliens n’ont pas été très satisfaits des résultats commerciaux sur notre marché, puisque cette année le panel est composé de critiques américains (3), britanniques (2), suédois (1), japonais (1), brésilien (1), coréen (1), chinois (1) et chilien (1). Pas de canadiens? Rassurez-vous. Le Canada sera représenté sur le panel de juges, mais pas par des critiques reconnus, mais bien par des représentants de nos deux plus grands monopoles provinciaux: François Primeau responsable des communications à la SAQ et Shari Mogk-Edwards vice-présidente “merchandising” à la LCBO.

Donc, le seul pays qui ne sera pas représenté par un “winewriter” est la Canada, même si la Suède est aussi régie par un monopole étatique en matière de boissons alcoolisées. Selon moi, cette décision en dit beaucoup sur la particularité du marché canadien. Ici, ce qui compte pour espérer progresser dans le marché ce n’est pas de convaincre les journalistes, les sommeliers ou autres experts en la matière qui écrivent dans les médias et pourraient influencer les consommateurs. Non. Au Canada, il faut avoir de l’influence au coeur même des monopoles. J’espère donc que nos représentants commerciaux seront favorablement impressionnés par leur voyage et par les vins qu’ils goûteront, et que cela pourra se traduire par une amélioration de l’offre de vins chiliens dans leur province respective.

http://www.winesofchile.org/news-press/events/awoca-8-meet-our-judges/


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jeudi 6 janvier 2011

SAUVIGNON BLANC, RESERVA, 2008, CASABLANCA, VINA CASAS DEL BOSQUE


Casas del Bosque est une “boutique winery” qui a été fondée en 1993 par un fils d’immigrant italien, Juan Cunero Solari, qui a fait fortune dans la vente au détail. Celui-ci a choisi de s’installer dans la région de Casablanca non pas à cause qu’il était un précurseur qui avait reconnu les qualités de ce terroir frais, mais bien à cause de la proximité de l’endroit par rapport à la capitale Santiago. L’idée de base était d’y avoir sa maison de campagne. Comme quoi dans la vie, pour certaines décisions, il vaut parfois mieux être chanceux que bon. Car chanceux M. Cuneo Solari l’a été, puisqu’en plus de choisir la région de Casablanca, il s’est installé dans sa partie ouest, la plus proche de l’océan et la plus fraîche. Si les débuts relèvent un peu de la chance, il a vite réalisé ce qu’il avait entre les mains et a pris de bonnes décisions par la suite pour en exploiter le potentiel. Ce qui fait qu’aujourd’hui, Casas del Bosque est reconnu comme un des meilleurs producteurs de Casablanca, en particulier pour ses vins de Sauvignon Blanc. Cette cuvée Reserva est le cheval de bataille de la maison. C’est le vin qui a fait sa réputation grâce à un RQP exceptionnel. À chaque millésime, la composition du vin change, bien sûr le vin demeure un 100% Sauvignon Blanc, mais on change les proportions de différents clones du cépage, ainsi que la nature des sols sur lesquels ils ont été cultivés. Pour ce 2008, la moitié de l’assemblage provenait du clone 1, 40% du clone 242 et 10% du clone 107. Le vin est élaboré totalement en inox et élevé sur lies pendant trois mois. Il titre à 13.3% d’alcool, pour un pH de 3.25 et est bien sec avec 2.07g/L de sucres résiduels.

La robe est de teinte jaune pâle aux reflets verdâtres. Le nez s’exprime avec modération sur des arômes dominants de citron, complétés par un léger aspect végétal et une subtile touche florale. C’est en bouche que le vin montre tout son éclat avec une attaque vive et un fruité citrique intense. Le côté végétal est vraiment mineur dans le profil gustatif de ce vin totalement axé sur le fruité intense et l’acidité tranchante. Le milieu de bouche permet d’apprécier le très bon niveau de concentration, avec une profondeur des plus surprenantes pour un vin de ce prix. Si je savais vraiment détecter ce qu’on appelle le caractère minéral dans un vin, je pense que je crierais à la fameuse “minéralité” dans ce cas-ci, mais comme ce concept flou m’échappe encore, je m’abstiendrai. Une chose est sûre toutefois, les acides organiques naturels de ce vin lui donnent un caractère qui me fait penser que c’est ce que plusieurs qualifient de minéral, même si du point de vue chimique il n’en est rien. Trêve de digression, simplement pour dire que la finale complète à merveille ce superbe vin, gardant le cap et montrant une belle persistance.

Ceux qui suivent ce blogue depuis sa création se souviendront peut-être qu’un Sauvignon Blanc de Casablanca a été à l’origine de sa création, soit le Alto Vuelo, 2008, de William Cole Vineyards. J’avais alors osé comparer ce vin de 15$ à un Sancerre de belle qualité, et bien 16 mois plus tard, avec ce Casas del Bosque, Reserva, du même millésime et de prix comparables, j’ai eu la même impression. Les deux vins partagent un terroir similaire situé à l’ouest dans la partie la plus fraîche de la vallée de Casablanca, et leurs profils gustatifs axés sur un fort caractère citronné se ressemblent. Depuis les débuts de ce blogue, j’ai parlé pas mal de Sauvignon Blanc. Pour ceux qui ont suivi mes divers commentaires sur le sujet, je dirais que ce Casas del Bosque est axé sur le côté terpène citronné, et non pas sur l’aspect thiolé de pamplemousse, fruit de la passion, buis, feuille de tomate, cassis. Le côté pyrazine d’herbe coupée, de poivron vert ou de d’asperge est aussi très faible. Cette partie très fraîche de Casablanca semble vraiment donner un style distinctif, même si les choix de culture et de vinification jouent assurément un rôle dans le résultat final. Pour apprécier ce vin, il ne faut pas avoir peur de l’acidité. Il montre vraiment un style épuré que j’apprécie. C’est mon premier contact avec un vin de cette maison, et maintenant je comprends pourquoi elle a si bonne réputation. Pour environ 15$, ce vin est un superbe RQP. Un vin qui pourrait se vendre facilement le double s’il venait de la Loire. Je ne tente pas d’”agacer” qui que ce soit par ce commentaire. Je ne fais qu’exprimer ce que je pense sincèrement. L'inventaire de ce vin est maintenant très bas à la SAQ. Désolé d'en rendre compte un peu trop tard. J'espère que le 2009 suivra sur les tablettes. J'aimerais aussi goûter les vins de Syrah de ce producteur qui selon mes lectures sont aussi de très belle qualité, ceci sans compter les deux cuvées supérieures de Sauvignon Blanc du producteur (Gran Reserva et Pequenas Produccion). Casas del Bosque: un nom à retenir.


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lundi 3 janvier 2011

GEWURZTRAMINER, VENDANGES TARDIVES, 2008, CURICO, VINA MONTES



Ce vin est issu de raisins atteints à 70% par le botrytis, vendangés à la mi-juin à partir de vignes dont le rendement était maintenu au faible niveau de 25 hl/ha. Ces vignes sont situées dans la vallée de Curico, juste au sud de Colchagua, où Vina Montes possède ses vignobles. Pendant son élaboration, le vin ne voit que l’inox, ce qui est un peu surprenant quand on connaît le penchant boisé des rouges de la maison. Les liquoreux chiliens sont assez rares, et ceux qui se rendent au Canada encore plus. Je suis donc curieux de goûter celui-ci.

Le robe est d’une belle teinte dorée. Le nez est de bonne intensité et exprime des arômes d’orange, de pêche, de botrytis, de miel, le tout complété par de fines notes florales. Très beau nez montrant une belle qualité d’arômes. En bouche, le vin se montre souple et ample d’entrée, avec un bel équilibre entre l’acidité et le gras. Les saveurs sont nettement de qualité supérieure et irradient le palais d’une onde de plaisir intense. En milieu de bouche, le plaisir demeure le maître-mot, et on peut noter le bon niveau de concentration du vin. La finale est harmonieuse, à la fois longue et soyeuse.

Voilà un beau vin! Équilibré et intense, avec une belle matière et une certaine complexité. Manque un peu de profondeur pour être vraiment complet, mais une longue période d’oxygénation lui a fait le plus grand bien à cet égard. Ce qui me porte à croire qu’il possède un très bon potentiel d’évolution où il pourrait aussi gagner en complexité. J’aimerais déguster ce vin à l’aveugle, en compagnie d’une série de liquoreux de niveau intermédiaire, pour voir comment il s’en tirerait. Une chose est sûre toutefois, un vin de ce genre montre encore une fois tout le potentiel de diversité et de qualité du Chili. J’ai payé celui-ci 16.95$ pour une demi-bouteille. À ce prix, c’est certainement un bon achat. Bien sûr, le RQP n’est pas aussi bon que dans le cas du Concha y Toro offert à la SAQ, et qu’on peut facilement se procurer à seulement 11.20$ lors d’une promo 10%. Mais le Montes me semble être un cran au-dessus en terme de qualité, même si cela aussi mériterait d’être valider par une comparaison directe. Micheal Schachner du magazine américain “Wine Enthusiast” dit de ce vin qu’il s’agit du meilleur vin de dessert chilien. C’est peut-être vrai, mais j’aimerais bien goûter des vins comme le “El Noble” de Vina Villard, ou la cuvée de vendanges tardives de Vina Morandé. Ces deux vins de Casablanca sont issus de raisins de Sauvignon Blanc botrytisés. Pour compléter, j’aimerais bien goûter le nouveau Torontel, Erasmo, de Vina La Reserva de Caliboro. Ce vin, inspiré du Vino Santo italien, est élaboré par des toscans à partir de vignes de 60 ans d’âge non irriguées qui avaient été oubliées quelque part dans la vaste vallée de Maule. La Reserva de Caliboro est le projet chilien du comte Francesco Marone Cinzano, propriétaire en Tosacane du domaine Col d’Orcia. Le premier millésime de ce vin particulier ne date que de 2006, mais déjà, certains y voient le meilleur vin liquoreux chilien. Celui-ci est élaboré en suspendant pendant trois mois pour séchage des grappes de vendanges tardives, avant le pressage et la fermentation en barriques (voir le lien et la photo). Le potentiel pour ce type de vins issus de vieilles vignes de Torontel, un cépage s’apparentant au Muscat, semble immense dans la vallée de Maule. Le vin liquoreux est donc une autre facette à suivre de la diversification qualitative chilienne en cours.

http://www.mosto.cl/2010/07/15/oro-para-un-oro-del-maule/


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