jeudi 30 décembre 2010

PINOT NOIR, RESERVA ESPECIAL, 2008, LIMARI, VINA TABALI


Un autre vin de la vallée de Limari. Cette fois le Pinot Noir d’un producteur qu’on connaît ici au Québec pour son Chardonnay de la même gamme, et pour sa Syrah Reserva. Ce Pinot provient de trois parcelles sélectionnées d’un vignoble aux sols calcaires situé à 29 km de l’océan Pacifique. Dans un message précédant, je joignais un lien vers un vidéo montrant le nouveau vignoble Talinay de Vina Tabali. Celui-ci est plus frais car situé à seulement 12 km de la côte du Pacifique. Les premiers résultats en Pinot issus de ce vignoble seraient des plus prometteurs selon l’expert britannique en vins chiliens Peter Richards. Pour revenir au Reserva Especial dont il est question ici. Le vin a été élevé pendant 12 mois en barriques de chêne français. Il titre à 13.5% d’alcool pour un pH de 3.51 et 3.1 g/L de sucres résiduels.

La robe est d’une belle teinte rubis passablement translucide. Le nez est bien calibré et dégage de jolis arômes de fraise et de cerise, complétés par une touche épicée évoquant la muscade et la cannelle, ainsi que par une légère touche torréfiée. Assez simple comme nez, mais propre, et fidèle à l’idée que je me fais de ce cépage dans une bonne version Nouveau-Monde. En bouche, l’attaque est équilibrée, avec une bonne souplesse et de l’amplitude. Les saveurs sont franches et intenses, mais sans excès, ce qui donne un vin facile à boire. Le milieu de bouche montre une bonne concentration, sur une texture tannique raffinée. La finale est fondue et persistante avec des notes épicées qui ressortent à la toute fin.

C’est le troisième millésime de ce vin que j’essaie, et ma persévérance est finalement récompensée. Les millésimes 2006 et 2007 de ce vin ne m’avaient pas convaincus. Les vins n’étaient pas mauvais, mais n’avaient rien pour séduire non plus. Ce 2008 marque donc un clair pas en avant. Une preuve que les producteurs chiliens sont toujours en processus d’apprentissage avec ce cépage exigeant. Avec ce vin on obtient un Pinot de profil Nouveau-Monde, dans le meilleur sens du terme. Selon mon expérience, c’est un vin qui peut se comparer à de bons exemples de Californie ou de Nouvelle-Zélande dans l’intervalle de prix 30-40$. Donc, pour les 19.95$ payés, il s’agit d’un excellent RQP. Selon mes lectures, le 2009 serait encore meilleur. C’est donc une histoire à suivre.

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mardi 28 décembre 2010

Le bon goût peut-il être subjectif?

Je suis tombé sur un petit texte intéressant aujourd’hui sur le blogue de Jaimie Goode (voir lien), à propos du caractère subjectif ou objectif de la dégustation de vin. Quand on débute dans le monde du vin, le conseil donné par à peu près tous les experts est de faire confiance à son goût. Qu’il n’y a pas de vérité absolue en matière de vin. Que notre palais est le seul qui compte vraiment. Mais au fur et à mesure que l’on progresse dans le domaine, on se rend bien compte que ce discours est d’une grande hypocrisie. Les amateurs passionnés autant que les critiques renommés ne croient pas un instant à ce concept de goût personnel. Au contraire, ils adhèrent à des canons esthétiques traditionnels, à ce que de manière générale on appelle le bon goût, et que personnellement j’aime bien appeler le “vrai goût”. Car hors de ce “vrai goût” il n’y a pas de crédibilité possible. Bien sûr, à l’intérieur de ce goût légitime, chacun pourra avoir ses préférences, mais pour conserver sa crédibilité, il vaudra mieux ne pas rejeter certaines choses. Vous n’aimez pas les vins qui sentent l’écurie, le poulailler, la sueur, le crottin de cheval et autres odeurs ordinairement désobligeantes, lorsque rencontrées ailleurs que dans un verre de vin? Ne le dite pas trop fort. C’est que vous n’avez pas encore apprivoisé une partie du “vrai goût”. Même chose pour les vins blancs tirant sur l’oxydation, ce n’est pas un défaut, non. Ça fait partie du style du producteur.

Donc, la prochaine fois que vous lirez un expert qui dira qu’il faut découvrir son palais, et que celui-ci ne peut pas se tromper. N’en croyez rien. En matière de vin, il y a des goûts acceptables et reconnus par les gens sérieux et expérimentés. Des goûts qu’il faut apprivoiser si on veut être pris au sérieux comme amateur, et il y a les goûts déviants, comme aimer les vins rouges sur la douceur. Je lisais mes amis de FDV cette semaine à propos d’un vin rouge californien très populaire à la SAQ, et apparemment d’une douceur intolérable. La condescendance de plusieurs illustrait bien mon propos sur l’existence d’un “vrai goût” (voir lien). D’ailleurs, l’utilisation courante au Québec du terme “guidoune” (fille facile, prostituée) pour décrire ce type de vin est assez révélateur. Notre vieux fond catholique ressort alors, avec le goût respectable d’un côté, qu’on pourrait associer à l’épouse légitime, et le goût pervers et inacceptable de l’autre, associé à l’image de la fille de joie.

On entend souvent dire que la dégustation est un processus qui inclut une part d’apprentissage. C’est vrai. Il est aussi vrai que l’on peut développer des goûts à l’usage. Mais il est aussi vrai, je pense, que l’apprentissage inclut souvent un processus de correction, où l’on enseigne ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Cela n’a rien à voir avec les sensations réelles et leur appréciation. Dans ces conditions, on ne développe pas le goût, mais plutôt l’idée de ce qu’il devrait être.

http://www.wineanorak.com/wineblog/uncategorized/so-is-wine-tasting-subjective-or-objective

http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=2&t=17187

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samedi 25 décembre 2010

NINQUÉN, 2002, COLCHAGUA, VINA MONTGRAS



Je profite de ce message pour souhaiter un Joyeux Noël à tous. Merci de me suivre. Après avoir goûté la très jeune cuvée 2007 de ce vin, à dominante Syrah. J’ai eu envie d’ouvrir une bouteille de la cuvée 2002 pour voir comment ce vin évolue après cinq ans de garde. Ce 2002 est à forte dominante de Cabernet Sauvignon, complété par un faible 5% de Malbec. La Syrah ne faisait alors pas partie de l’assemblage et n’est apparue dans celui-ci qu’avec le millésime 2006. Ce Ninquén, 2002 a été produit à partir de vignes qui n’avaient que cinq ans d’âge à l’époque, et comme pour les versions subséquentes, l’élevage en barriques est ambitieux, avec 18 mois passés en barriques neuves de chêne français. J’ai décidé d’ouvrir cette bouteille pour voir comment s’intègre le boisé dans ce vin avec le temps.

La robe est toujours assez foncée, même si légèrement translucide. Le nez est simplement superbe, d’une juste intensité, et exhale d’envoûtants parfums de fruits noirs et rouges (cerises), d’épices douces exquises, de bois de cèdre et d’encens, complétés par un soupçon de terre humide et une très légère touche chocolatée. L’apport boisé est encore présent, mais heureusement, le temps a commencé à faire son oeuvre. Le type de nez auquel on revient sans cesse et qui vaut le coup presqu’à lui seul. La bouche est toute en délicatesse, caressante, avec une trame tannique veloutée qui sert d’écrin à des saveurs de grande qualité reflétant fidèlement le profil olfactif. Le milieu de bouche permet de constater que le vin a encore beaucoup de matière et que c’est l’équilibre des divers composants de celle-ci qui procure la sensation de raffinement qui se dégage de l’ensemble. Le vin est un pur délice qui remplit bien la bouche, et qui coule sans efforts. La finale poursuit en droite ligne, sous le signe de l’harmonie, avec des saveurs qui se fondent à merveille et persistent un très long moment sur de fines rémanences de chocolat noir.

L’année s’achève. Une année au cours de laquelle j’ai eu la chance de goûter plusieurs très bons vins. Mais ce Ninquén, 2002, fait assurément partie des quelques meilleurs. Ces cinq années de garde ont su l’assagir et lui donner cet équilibre si particulier que seul le temps passé en bouteille peut donner. Ce n’est pas un vin au profil très évolué. Il est juste au début de son processus de transformation. Mais ces quelques années passées à l'ombre transparaissent déjà dans ce qu’il donne. J’accumule présentement les bouteilles de cuvées chiliennes supérieures toujours offertes à des prix abordables, et un vin comme ce Ninquén me réconforte dans ma conviction de faire la bonne chose. Ce vin peut rivaliser avec des Cabernets de classe mondiale vendus bien plus chers. En fait, il est tellement bon, que j’en viens à penser qu’il est regrettable qu’il n’existe désormais plus sous cette forme presque purement Cabernet. La Syrah donne de si bon résultats au Chili, que je n’ai pas de doute que la nouvelle mouture, qui a pris le relais avec le millésime 2006, sera aussi de haut niveau après quelques années passées en bouteille. Mais quand même, la qualité de ce vin aurait justifié qu’il survive dans sa forme Cabernet, car à mon avis il aurait pu rivaliser avec les meilleurs du pays. Il faut se rappeler, comme je le mentionne en introduction, que ce vin est issu de vignes qui n’avaient que cinq ans d’âge. L’autre constat que je tire de la dégustation de ce vin, c’est que des vins chiliens peuvent être élaborés avec un usage ambitieux du bois de chêne. Il faut juste les boire quand c’est le temps. Si on aime le boisé de jeunesse très appuyé, pas nécessaire d’attendre, mais j’ai l’impression que pour une majorité de dégustateurs, la garde de ce type de vins est essentielle pour en tirer le plein potentiel. Le problème de cette cuvée Ninquén, c’est qu’on associe souvent chez les amateurs garde et prix élevé. Au prix d’aubaine demandé pour ce vin (26$), combien d'acheteurs auront le réflexe de le mettre à l’ombre pour au moins cinq ans? Vous connaissez la réponse à cette question aussi bien que moi. Ceci sans compter la grande majorité d’acheteurs qui ne gardent jamais de bouteilles. Ils achètent et consomment dans les jours qui suivent. Cela nous ramène à un des problèmes non résolus du Chili, soit celui de la mise en marché trop hâtive de vins qui mériteraient mieux qu’une ouverture nettement trop précoce. Ce problème n’est pas l’apanage des producteurs chiliens, ailleurs aussi on met beaucoup de vins en marché bien trop tôt. Mais comme les vins chiliens ne sont pas encore reconnus à leur juste valeur pour la garde, et qu’ils se vendent généralement à des prix d'aubaine, le phénomène d’ouverture prématurée est sûrement massif. C’est bien dommage. Pour ma part, il me reste trois autres fioles de ce délicieux nectar. Il serait tentant de les ouvrir dans l'année qui vient, tellement le vin est bon. Mais je vais me montrer patient et continuer d'enrichir mon expérience dans la garde de ces bijoux négilgés.


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vendredi 24 décembre 2010

L'Angleterre: Le tremplin du Chili vers la reconnaissance

Dernièrement sur ce blogue je me suis montré optimiste sur le futur du Chili vinicole. J'ai vraiment l'impression que ce pays est à un tournant de son histoire en la matière, et que ce moment charnière de son évolution se joue en Angleterre. Les Chiliens investissent beaucoup dans ce pays très ouvert en matière de vin, et où plusieurs voix différentes forgent l'opinion. La stratégie est à mon sens brillante car ce pays a beaucoup d'influence dans le monde du vin. C'est un carrefour où les vins du monde se rencontrent, dans un pays qui a une tradition de consommation de vins étrangers. Donc, percer sur ce marché, c'est percer sur un terrain relativement neutre, mais qui est en mesure d'établir des comparaisons. Si le Chili change de statut sur ce marché, il y aura propagation du phénomène. La première cible qui est visée pour conquérir ce marché ouvert est bien sûr la presse. Les producteurs chiliens investissent beaucoup pour faire venir au pays des journalistes britanniques influents, avec pour but de leurs montrer les derniers développements qui ont lieu dans le pays.

J'ai relaté ici dernièrement les commentaires très positifs de "winewriters" britanniques. Et bien une autre voix s'ajoute, celle de Tim Atkins, un "Master of Wine" qui collabore à de nombreuses publications britanniques, dont la revue Decanter. Il revient lui aussi d'un voyage au Chili, et ses commentaires sont des plus positifs sur l'évolution du pays, même s'il prétend que le pays n'a pour le moment atteint que 30% de son vrai potentiel. Nul besoin de dire qu'il entrevoit l'avenir de ce pays avec enthousiasme. D'ailleurs, un des textes de M. Atkins s'intitule "Vers un nouveau Chili". Pour ma part, il y a déjà quelques années que je parle du "Nouveau Chili". Faut croire que j'étais en avance sur mon temps. Même aujourd'hui, surtout ici au Québec, j'ai l'impression d'être un prophète qui prêche dans le désert!!! J'ai écrit ici récemment que le Chili était en train de se transformer en un grand pays vinicole. Plus je lis sur le sujet, et surtout, plus je goûte les nouveaux vins de ce pays, du moins ceux que j'arrive à trouver, et bien, plus je suis convaincu de la justesse de ma prédiction.

http://blog.timatkin.com/


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mercredi 22 décembre 2010

CHARDONNAY, MEDALLA REAL, 2008, LIMARI, VINA SANTA RITA


Pour rester dans le thème du message précédant. Après le Tabali, Reserva Especial, et le Marques de Casa Concha, j’ai pu mettre la patte sur un troisième Chardonnay, 2008, de la région de Limari. Comme dans le cas du Marques de Casa qui était auparavant originaire de Maipo, Santa Rita a aussi fait migrer sa production pour cette cuvée, dans ce cas de Casablanca vers Limari. Cette région semble vraiment être tenue en haute estime pour la production de vins de ce cépage. En fait, dans le cas de ce Medalla Real, 85% des raisins entrant dans sa composition proviennent de Limari, le reste venant de Leyda, une autre nouvelle région fraîche du Chili. Le vin a été fermenté et élevé sur lies en barriques de chêne français (20% neuves) pendant huit mois. Il titre à 14.5% d’alcool, pour un pH de 3.30, et est bien sec avec 1.77g/L de sucres résiduels.

La robe montre une teinte légèrement dorée. Le nez est discret, mais on peut quand même y percevoir des arômes de citron, de pêche, d’orange, et de noix, complétés par une légère touche beurrée. En bouche, l’attaque est équilibrée, avec une bonne amplitude et une texture légèrement onctueuse. Contrairement à la retenue olfactive, les saveurs s’expriment avec vigueur et intensité. Le vin est d’une bonne densité, mais évite de tomber dans l’excès. Cela lui permet de montrer une certaine élégance généreuse. Le milieu de bouche montre un bon niveau de concentration sur un volume bien ajusté. La finale est harmonieuse, avec une bonne persistance des saveurs sur de très légers relents d’amertume.

Ce troisième Chardonnay de Limari en assez peu de temps semble me confirmer une certaine “typicité” propre à la région, avec des profils se rapprochant plus de l’expression bourguignonne du cépage. C’est moins tropical, plus élégant, et on ne retrouve pas les arômes de maïs en grains qui sont assez fréquents dans les vins de ce cépage issus de Casablanca. Pour ce qui est de la fameuse “minéralité” qu’on dit propre aux vins de cette région. Ça demeure une notion vague et difficilement saisissable pour moi. Un espèce de qualificatif que personne ne comprend exactement de la même façon. D’ailleurs, je serais curieux de voir les résultats en pure aveugle d’une dégustation où les participants devraient juger les vins seulement sur l’aspect possiblement minéral de ceux-ci. Je pense que les résultats pointeraient dans toutes les directions. Pour en revenir à ce Medalla Real, minéral ou pas, il s’agit d’un beau vin offrant un RQP avantageux au prix demandé (17.95$).


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lundi 20 décembre 2010

Cap au nord: Limari et Elqui

Peter Richards est un grand connaisseur du Chili et de ses vins. Son livre publié en 2006, "The wines of Chile", m'a permis d'en apprendre beaucoup sur les vins de ce pays. Celui-ci continue de s'intéresser au sujet comme le montre cet intéressant article de Decanter où il décrit les développements récents dans les vallées de Elqui et de Limari. Les Chiliens ne font que commencer à se rendre compte du potentiel de leur pays en matière de vins fins.

http://www.winesofchile.org/wp/wp-content/uploads/2010/12/chile-hot-spots-elqui-limari-p-richards-decanter-jan2011.pdf

Le même Peter Richards revient lui aussi d'un voyage au Chili où il accompagnait Jaimie Goode et Chris Losh auxquels je référais dans des messages précédants. Richards y va à son tour de ses impressions sur ce qu'il a pu voir et goûter au cours de ce voyage l'ayant mené de Bio Bio à Elqui. Je joins aussi un lien vers un vidéo tourné par Jaimie Goode montrant le nouveau vignoble Talinay de Vina Tabali, dans Limari, planté sur un sol calcaire à seulement 12 km de la côte.

http://winchesterwineschool.com/on-the-road-chile-2010/

http://www.youtube.com/watch?v=gpsvTtWnEvI


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samedi 18 décembre 2010

NINQUÉN, 2007, COLCHAGUA, MONTGRAS PROPERTIES



Après le Quinta Generacion de Casa Silva, je continue avec un autre assemblage de Colchagua qui a maintenant bien installé sa réputation au Québec. Le Ninquén est lui aussi un vin avec de hautes ambitions qualitatives, mais qui heureusement est toujours offert à prix plus que raisonnable. Le 2007 continue le virage entrepris avec le 2006, qui a vu la Syrah prendre le dessus à hauteur des deux tiers dans l’assemblage de ce vin, complété par du Cabernet Sauvignon. Comme toujours avec ce vin, élaboré sous l’influence du consultant Paul Hobbs, l’élevage sous bois est substantiel, avec 19 mois passés en barriques de chêne (85% français, 15% américain, 80% neuves, 20% deuxième usage). Même si c’est beaucoup, c’est quand même moins que pour le 2004 où on était allé jusqu’à 24 mois. Le vin titre à 14.5% d’alcool pour un pH de 3.40, ce qui indique une acidité élevée pour ce type de vin.

La robe est parfaitement opaque et très foncée. Le nez exhale avec modération des arômes de fruits rouges et noirs, de bois de cèdre, de vanille, de pâtisserie, de poivron rouge et de torréfaction. Un nez dense et profond où la qualité est évidente, tout comme l’empreinte boisée. En bouche, on peut aussi parler de densité, de profondeur et de boisé. C’est un vin avec beaucoup de matière, un fruité riche, une amertume solide et des tanins serrés et fins. La finale est intense et généreuse, avec les tanins du bois qui montrent leur poigne, le tout sur une bonne persistance.

Il a été intéressant pour moi de goûter ce vin après le Quinta Generacion de Casa Silva. Je disais de celui-ci qu’il évitait les écueils de la très forte concentration, de l’extraction indue et du boisé très appuyé. Et bien c’est en plein les pièges dans lesquels tombe ce Ninquén. Je ne dis pas pour autant que c’est un mauvais vin, mais une chose est sûre, à cause de ces choix d’élaboration, il n’est pas aussi abordable à ce stade précoce. Peut-être que sur une plus longue période il trouvera l’harmonie, mais ce n’est pas le cas présentement. En un sens le vin est impressionnant, car il a beaucoup de tout et il en met plein la gueule, comme on dit. Mais en ce moment, cela nuit à l’équilibre général. Un autre point qui me laisse perplexe, et cela concorde probablement avec le reste, c’est que je n’ai pas reconnu les cépages dans ce vin, en particulier la Syrah. En pure aveugle, j’aurais été bien embêté de dire avec quel(s) cépage(s) ce vin avait été élaboré. Peut-être cela ressortira-t-il dans quelques années, si le boisé arrive à s’intégrer. Je l’espère, car j’ai six autres bouteilles bien emballées dans une belle caisse en bois. Il n’y a pas à dire, avec cette cuvée, Montgras cherche vraiment à créer un super-premium et suit la recette pour y arriver. Tout ce qui manque, ce sont les très grosses notes (95+) des revues américaines. Pour le moment, il n’ont pu dépasser le 92, ce qui explique le prix toujours abordable de ce vin. C’est donc une façon de goûter ce genre de vin sans ce ruiner. Aussi, ça permet de constater que lorsqu’on achète des vins élaborés de cette façon, il faut avoir la foi et de la patience. À 26.45$, je suis prêt à exercer ces vertus, ne serait-ce que pour apprendre. Pour ce qui est du plaisir harmonieux et immédiat, vaut mieux se tourner vers autre chose. Cela me fait penser que j’ai quelques bouteilles de 2002 qui dorment au cellier. Je pense que je suis dû pour vérifier ce que ça donne.


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mercredi 15 décembre 2010

L'exemple britannique, encore.

Pour me consoler des inepties qu'on peut parfois lire ici au Québec sur le Chili et ses vins. Quoi de mieux que de retourner vers un pays plus ouvert, dans tous les sens, le Royaume-Uni. Je joins le lien vers un article de Chris Losh qui revient juste d'un voyage au Chili qu'il a parcouru de Bio Bio au sud, jusqu'à Elqui au nord. Son constat est bien différent de celui de M. Langlois. C'est normal, M. Losh sait de quoi il parle... Il voit le Chili comme le pays vinicole le plus excitant sur la planète en ce moment. Un pays en évolution rapide qui est en train de se redéfinir totalement. À lire.

http://imbibe.com/blogs/imbibe-editor/2010-12/where-condors-dare


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lundi 13 décembre 2010

En matière de vin, le Québec est-il vraiment francocentriste? (Part II)

Dans mon premier texte sur ce sujet, publié en novembre dernier, j’y étais allé de cette affirmation:

“Cette offre de produits totalement débalancée est en lien direct avec le discours et la mentalité francocentristes des professionnels du vin au Québec, que ce soit les journalistes, les sommeliers, ou les conseillers de la SAQ. Pour eux, de façon générale, la France est le centre du monde vinicole, le point de vue à partir duquel tout est analysé. Cela ne veut pas dire que l’on ne boira que du vin français, mais même lorsque l’on boit autre chose, on l’analyse par rapport aux références françaises.”

Certains ont pu penser que j’y allais fort dans mes propos, et pourtant... Cette semaine, avec pas mal de retard, j’ai commencé à lire la dernière édition de la revue CELLIER de la SAQ. Dans celle-ci, il y a y une entrevue avec le chroniqueur vin Claude Langlois du Journal de Montréal. J’étais curieux de lire ce qu’il avait à dire sur son métier et le monde du vin en général. Ce que j’ai pu lire m’a totalement consterné. Si quelqu’un doutait de mes propos ci-haut, il n’a qu’à lire ça. Il y a peu de choses ne venant pas de l’Hexagone, en matière de vin, qui trouvent grâce aux yeux de M. Langlois. Pour l’avoir lu jadis, je le savais très axé sur la France, mais à ce point. J’avoue avoir été surpris. Toutefois, là où le gars s’est totalement discrédité, c’est dans ses propos sur les arômes de Brettanomyces et sur le Chili. Il dit détester les “bretts”, sauf dans le bourgogne. Plus tard en réponse à savoir quel pays l’avait le plus déçu, il y va d’une diatribe surréaliste contre le Chili. Je cite:

“Le Chili, parti en peur au début des années 90. Je trouve ça plate à dire, mais 9 fois sur 10, ça sent la sueur et la selle de cheval, la brett- même qu’ils font de moins bons vins aujourd’hui qu’à l’époque- je dis une énormité, je sais. C’est probablement juste mon goût qui a changé.”

Assurément que M. Langlois dit non pas une, mais des énormités. Cette déclaration est d’une ignorance crasse. Je suis d’ailleurs très déçu que l’intervieweur et éditeur de la revue, Marc Chapleau ait publié cela. Ceux qui me connaissent savent comment j’ai en horreur les arômes de Brettanomyces dans le vin. Croyez-moi, si 90% des vins chiliens étaient “brettés”, je ne tiendrais pas un blogue pour tenter de les faire mieux connaître. Pour reprendre l’expression de ce cher M. Langlois, “c’est plate à dire”, mais je pense que celui-ci ne sait pas reconnaître un vin “bretté” tellement son propos est loin de la vérité. Aussi loin de la vérité que de dire que les vins chiliens étaient meilleurs il y a 20 ans. Du pur délire.

Honnêtement, j’ose croire que Claude Langlois n’est pas totalement ce qu’il projette dans cette entrevue. D’ailleurs, Chapleau a pris l’axe fort en gueule pour ce portrait, et peut-être l’a-t-il poussé dans certains travers. Une chose est sûre pour moi toutefois, quelqu’un du statut de Claude Langlois devrait faire preuve de plus de rigueur dans ses propos, et une revue se voulant sérieuse comme CELLIER, et que j’apprécie beaucoup par ailleurs, ne devrait pas publier n’importe quoi. Pour ce qui est du francocentrisme québécois en matière de vin, comme disent les anglos: “I rest my case”.

pages 90-95 
http://publications.saq.com/doc/MagazineCellier/cellier_hiv_2010_fr/2010101401/

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/11/en-matiere-de-vin-le-quebec-est-il.html

 
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samedi 11 décembre 2010

QUINTA GENERACION, 2007, COLCHAGUA, VINA CASA SILVA



Si Maipo est la région phare du Cabernet Sauvignon au Chili, Colchagua pour sa part est reconnue d’abord et avant tout pour ses vins d’assemblage où le Carmenère, le Cabernet Sauvignon et la Syrah jouent souvent des rôles importants. Parmi les plus connus on compte: Clos Apalta, Neyen, Ge, Coyam, Ninquén, Dona Bernarda, Vertice, A Crux, Clos de Lolol et depuis peu le Primus de Veramonte. À cette liste il faut ajouter le Altura et le Quinta Generacion de Vina Casa Silva. La coûteuse cuvée Altura n’est produite que dans les meilleures années, alors que le Quinta Generacion est l’assemblage de référence de la maison, produit à chaque année. Le but avec cette cuvée est de produire le meilleur vin possible selon les conditions du millésime. Ainsi, la composition des cépages, et les vignobles dont ils sont issus, varie à chaque année. Avec cette cuvée, Casa Silva se targue de produire un vin pouvant rivaliser avec les super premiums du pays, mais pour le tiers du prix. La version 2007 dont il est question ici est composée de raisins provenant de deux vignobles situés aux extrêmes de l’axe est-ouest de la vallée de Colchagua, avec les cépages Carmenère (45%), Cabernet Sauvignon (23%) et Petit Verdot (5%) qui proviennent du vignoble de Los Lingues situé au piedmont des Andes, et de la Syrah (27%) qui provient de la région de Lolol, située près du flanc intérieur de la chaîne côtière de montagnes. Le vin a été élevé pendant 13 mois en barriques neuves de chêne français et titre à 14.5% d’alcool.

La robe est sombre et bien opaque. Le nez s’exprime avec modération sur des arômes de fruits rouges et noirs, de bois de cèdre, de poivron rouge, de poivre noir et d’épices douces, le tout complété par un léger trait chocolaté. Beau nez de jeune vin avec une qualité d’arômes exemplaire. En bouche, le vin se montre équilibré et élégant, évitant les excès de puissance et d’extraction qu’on retrouve souvent dans les vins ambitieux. Dans ce cas-ci, on a plutôt misé sur le qualité des saveurs et la finesse de la texture. Ceci dit, il s’agit tout de même d’un vin d’une belle richesse de matière, avec de la présence, et qui ne manque en rien de concentration. On a juste évité de pousser les choses trop loin dans le strict but d’impressionner. Ce qui fait qu’on se retrouve avec un vin déjà facile à boire, malgré sa jeunesse. La finale est très agréable, avec des notes chocolatées amères qui s’accentuent, sur une longueur de bon niveau.

Comme je le mentionnais en intro, le producteur de ce vin dit que celui-ci peut rivaliser avec des super-premiums chiliens, mais à un tiers du prix. En terme de qualité et de plaisir que le vin peut donner, je pense que cette affirmation est vraie. Mais en mode comparatif direct, celui-ci serait désavantagé, car il n’a pas le niveau très élevé de concentration de ces super-vins conçus pour obtenir des grosses notes des magazines américains. Miser sur l’élégance et la finesse est rarement un pari payant dans ces circonstances. Toutefois, pour celui qui recherche ces qualités dans les vins qu’il consomme, ce Quinta Generacion représente une superbe occasion. Plus j’évolue dans le monde du vin, et plus je sais ce que je préfère. Heureusement pour moi, les vins que je favorise ne sont pas les vins très concentrés, boisés et extraits. J’aime les vins d’équilibre, qui ont assez de tout et ne manquent de rien. Et bien ce vin de Casa Silva cadre parfaitement avec cette description. C’est un vin qui pour moi est fidèle à sa vallée d'origine, et qui même s’il est déjà abordable, possède un très beau potentiel d’évolution pour au moins les 15 prochaines années. Un vin qui de par son prix raisonnable (24.95$), ne vise pas l’amateur qui associe nécessairement la grande qualité à un prix élevé. Dans ce cas-ci, le producteur a pris le pari que la qualité pouvait parler d’elle-même, au-delà du prix. C’est un pari plus audacieux qu’il n’y paraît à première vue, mais un pari qu’avec moi il a gagné.


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dimanche 5 décembre 2010

2010: Un point tournant pour le Chili vinicole?

Je ne sais pas si c’est une impression de blogueur monomaniaque, mais j’ai l’impression que 2010 aura été une année pivot pour le Chili en général et pour ses vins en particulier. Il semble qu’avec l’épisode très médiatisé du sauvetage des mineurs, ce pays ait enfin réussi à briser une image négative qui lui collait à la peau depuis les années de dictature de Pinochet. Comme si le monde venait de réaliser les changements profonds qui se sont opérés dans ce pays depuis la fin de cette période malheureuse. On réalise maintenant que le Chili est sorti de sa période de grande noirceur, et qu’il s’agit maintenant d’une démocratie moderne et en nette progression dans une foule de domaines.

Côté vinicole, comme je le mentionnais à la fin de mon CR du Côt, 2008, de Perez Cruz, ce pays est sur la voie rapide pour s’élever au rang des grands pays vinicoles. Il en possède tous les atouts, et commence juste à le réaliser. Cette prise de conscience amène une évolution des mentalités, qui alliée aux nombreux efforts et investissement consentis, ne pourront que donner des résultats de plus en plus probants. Le dynamisme, la diversification et la quête qualitative du Chili commencent à être reconnus dans la presse vinicole mondiale. Un changement de perception est en train de s’opérer, trop lentement à mon goût, mais sûrement. En ce sens, je lisais hier les prédictions vinicoles de James Molesworth du Wine Spectator. Celui-ci voit le Chili gagner du “momentum” en 2011 (voir lien). Aujourd’hui, c’est au tour du britannique Jaimie Goode de se montrer enthousiaste à propos des perspectives chiliennes, lui qui avait toujours été un des commentateurs britanniques les plus sceptiques sur le potentiel chilien. Dans son texte d’aujourd’hui, il fait même l’éloge d’une certaine verdeur dans les vins chiliens!!! Il n’y a pas à dire, le changement de tendance semble bien réel.

Bien sûr, on est encore loin d’un engouement général. Le Chili a encore du chemin à faire dans l'opinion pour être une origine recherchée par l’amateur passionné. À cet égard, son capital de prestige est encore proche de zéro. Toutefois, son image commence à changer chez les leaders d’opinion. De plus en plus, on y voit une histoire variée et intéressante à suivre, avec les bons vins qui viennent avec. C’est une histoire que je m’efforce de rendre ici au mieux, compte tenu du peu de moyens dont je dispose.
 
 
http://www.winesofchile.org/news-press/forecasting-2011-chile-gains-momentum/
 
http://www.wineanorak.com/wineblog/chile/some-thoughts-on-chile

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samedi 4 décembre 2010

CÔT, RESERVA, LIMITED EDITION, 2008, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ



German Lyon



Le Malbec est la carte cachée de l’offre chilienne en rouge. Un cépage que le pays semble mal à l’aise de mettre de l’avant, tellement celui-ci semble identifié à son voisin et rival argentin. D’ailleurs, lors de la dernière dégustation “Vin du Chili”, j’ai eu la chance de discuter avec German Lyon, l’oenologue en chef de la maison Perez Cruz, qui s’exprime parfaitement en français. Nous avons discuté de plusieurs sujets, mais celui-ci a insisté sur sa volonté de refléter dans ses vins le terroir de l’Alto Maipo. Il a d’ailleurs spécifié que l’appellation Côt choisie pour ce vin, malgré le fait qu’elle réfère à l’origine française du cépage, était motivée par une volonté claire de se démarquer de ses contreparties argentines. C’est quand même un peu ironique quand on pense que certains producteurs de Cahors apposent maintenant le mot Malbec sur leurs étiquettes, pour tenter de profiter de la vague positive entourant ce cépage. Pour ce qui est de ce Côt, 2008, tout ce que je sais sur son élaboration, c’est qu’il est assemblé avec de petites quantités de Carmenère et de Petit Verdot.

La robe est bien foncée et opaque. Le nez est d’une expression bien dosée et exhale d’invitants arômes de fruits noirs qui pour moi sont typiques de ce cépage, complétés par des notes terreuses et doucement épicées, ainsi que par un léger aspect de fleurs fanées. Beau nez de jeune vin avec une bonne profondeur. Cela se poursuit en bouche de très belle façon, avec un vin équilibré d’entrée. C’est intense, sans être exubérant, avec des saveurs de grande qualité, bien soutenues par ce qu’il faut d’acidité et d’amertume. La palette de saveurs montre bien qu’on a affaire à un Malbec sud-américain. Le milieu de bouche est concentré et permet de mieux apprécier l’aspect épicé bien mesuré qui complète admirablement le fruit. Les proportions sont bien ajustées, ce qui donne un vin assez compact, mais avec quand même du volume, et une structure tannique raffinée. Un vin qui évite les excès donc, ce qui le rend facile et agréable à boire. La finale se déploie sous le signe de l’harmonie, avec un beau fondu de saveurs sur une allonge de bon niveau.

J’ai été ravi par ce vin. En même temps, j’ai été surpris qu’il soit aussi abordable à un si jeune âge. Rien n’accroche, et ça coule sans efforts. Malgré la décision de Perez Cruz de le nommer Côt, au lieu de Malbec, ce vin m’est apparu fidèle à ce qu’on peut attendre d’un très bon vin sud-américain de ce cépage. En le dégustant, je ne pouvais m’empêcher de penser que son niveau qualitatif rejoignait celui d’un Catena, Alta, du double du prix. Vous aurez donc compris qu’il s’agit pour moi d’un fort RQP. Même s’il est déjà très agréable dans sa livrée de jeunesse, ce vin possède à mon avis un bon potentiel d’évolution. Le Chili doit continuer de diversifier son offre et le Côt/Malbec me semble un atout incontournable de la nouvelle donne chilienne. Ce pays doit éviter d’être identifié à un seul cépage, comme c’est un peu le cas avec le Malbec en Argentine. Il doit plutôt être synonyme de diversité, comme c’est le cas de tous les grands pays vinicoles, et à n’en pas douter, le Chili est en train de se transformer en grand pays vinicole. C’est un “work in progress” intéressant à suivre, tout en étant abordable et agréable à goûter. La SAQ offrira bientôt le Cabernet Sauvignon, Reserva de cette maison, ainsi que les deux cuvées de luxe de la maison, le Liguai (50$) et le Quelen (65$). J’ai eu la chance de goûter ces deux vins et ils sont très bons. Le Quelen m’est apparu comme très original, probablement à cause de sa très forte proportion de Petit Verdot (45%). À suivre.



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