mercredi 1 septembre 2010

Brettanomyces et Syrah: Un élément de réflexion

Vous croyez que les arômes de Brettanomyces ne font pas partie de la culture du vin haut de gamme, surtout européenne? C’est votre droit. Réjouissez-vous, car vous faites partie de la vaste majorité de ceux qui ont une opinion là-dessus. Sinon, le plus souvent, on vous parlera d’arômes de terroir, de complexité, mais on ne parlera pas de Bretts ou de phénol. Parfois je me demande si c’est par incapacité de reconnaître la chose et de la nommer, ou bien si c’est pour la cacher sous des mots plus attrayants. Depuis mon premier contact avec ces arômes particuliers, ma position a passablement évolué. Au début, je ne pouvais croire qu’on pouvait vraiment aimer cela, surtout lorsque c’est très accentué. Toutefois, à force de côtoyer des amateurs passionnés et surtout sincères. J’ai fini par comprendre qu’il était possible d’aimer cela ou d’y être moins sensible. Toutefois, une chose depuis ce temps n’a pas changé, c’est ma frustration face au caractère relativement occulte des fameuses levures. Les producteurs vous parlerons en détail des processus d’élaboration de leurs vins, mais pratiquement aucun n’abordera le sujet des Bretts ou celui des autres micro-organismes pouvant modifier le profil d’un vin en cours d’élevage. C’est une sorte de sujet tabou. La clé du terroir qu’on garde bien cachée.

J’ai  beaucoup lu sur le sujet des Bretts il y a quelques années, lors de ma découverte un peu traumatique du phénomène. Toutefois, c’est un sujet sur lequel j’avais peu lu dernièrement. Mais cette semaine je suis tombé sur un papier très intéressant de Sam Harrop, un “Master of Wine” britannique qui est aussi consultant en vinification. Son texte sur le rôle des Bretts dans la production de Syrah, dites de haute qualité, est à mon sens fort révélateur. Tout d’abord il associe dès le départ “haute qualité” et Brettanomyces. Ensuite, à la lecture, on se rend compte que si vous voulez être amateur de Syrah haut de gamme, il est nécessaire d’aimer ou de bien tolérer les arômes produits par ces levures. Sinon il faut être prêt pour de très nombreuses et coûteuses déceptions. Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'auteur revient souvent avec l'association Bretts modérées-complexité comme facteur qualitatif. À le lire on a même l'impression que sans l'apport des fameuses levures la Syrah serait un cépage donnant des vins plutôt simples. Ceci dit, le coeur du texte porte sur une dégustation à l’aveugle de 25 vins qui a été tenue à Londres. Cette dégustation comprenait des vins du Rhône nord, du sud de la France, de l’Australie et des États-Unis. Les vins de la dégustation ont ensuite été analysés au laboratoire Excell de Pascal Chatonnet en France. Chatonnet est un pionnier dans la mise au jour du rôle oenologique des Bretts. Les résultats analytiques des vins dégustés sont éloquents, alors que les résultats de dégustation montrent bien les divergences d’appréciation ou de sensibilité des différents dégustateurs face à ces arômes. À noter que tous les dégustateurs étaient des professionnels rompus à ce type de vins haut de gamme, et à l'estéthique parfois particulière pouvant y être associée. Après cette lecture, si certains veulent continuer de penser que ces 25 vins ne sont pas représentatifs de la production de vins rouges haut de gamme. Libre à eux. L'échantillon de vins est clairement trop faible pour en tirer une règle stricte. Toutefois, en me basant sur mon expérience limitée, je trouve que ces chiffres n'ont rien de farfelus et ne s'appliquent pas qu'à la Syrah. Bien sûr, ce n'est là que ma perception, mais je rêve du jour où le taux de 4-EP serait donné dans la fiche technique des vins, au même titre que le taux d'alcool, le pH, les sucres résiduels ou l'acidité titrable. J'ai bien peur que mon rêve ne soit pas à la veille de se réaliser.


http://www.samharrop.co.uk/final_pdfs/Brett_dissertation.pdf


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