samedi 17 juillet 2010

Un rêve de milliardaire

Vous est-il déjà arrivé de rêver de démarrer votre propre vignoble quelque part dans le monde? Un vignoble et des installations nouvelles de A à Z. Vous est-il déjà arrivé de faire le même rêve, mais en vous disant qu’en plus vous n’auriez pratiquement pas de contraintes financières? Que vous seriez libre de choisir ce qui vous semblait être le meilleur, avec pour but de produire un vin pouvant à terme rivaliser avec l’élite mondiale? Si c’est le cas, quel endroit dans le monde auriez vous choisi? Ceux qui me connaisse, ou me lise régulièrement, penseront que j’aurais assurément choisi un endroit quelque part au Chili. Pas si sûr. Mon intérêt pour ce pays relevant d’abord et avant tout de l’excellent RQP général offert par les vins de ce pays, et non pas du meilleur niveau qualitatif possible. Je ne suis pas sûr que j’aurais choisi le Chili dans le cadre pratiquement sans limites que je viens d’évoquer. J’aurais eu besoin de données comparatives solides et de conseils fiables pour faire mon choix final.

Malheureusement, mes moyens plutôt modestes ne me permettront jamais de me lancer dans une telle entreprise, et de faire un tel choix. Peu de personnes en ce bas monde peuvent se permettre une telle chose. Toutefois, il existe des gens qui sont à la fois assez riches et assez passionnés par le vin pour pouvoir se lancer dans une telle aventure et faire un tel choix. C’est le cas de l’entrepreneur milliardaire norvégien Alexander Vik. Cet entrepreneur et investisseur avisé a toutefois la particularité de penser que le futur du vin est en Amérique du sud. J’ignore comment il en est arrivé à cette conclusion, mais toujours est-il qu’avec cette prémisse en tête, il a chargé Patrick Valette, un consultant français établi au Chili, d’étudier toutes les options possibles sur ce continent pour réaliser son rêve. Au final, il a choisi une forêt chilienne récemment ravagée par le feu pour réaliser son ambitieux projet. Le terme ambitieux dans ce cas-ci n’est vraiment pas un mot trop fort pour qualifier cette entreprise. M. Vik a jusqu’ici investi plus de 20 millions de dollars américains pour jeter les bases de son projet, et au moins 20 autres millions suivront pour compléter le tout dans les années à venir. L’endroit précis choisi pour réaliser ce rêve est la vallée de Millahue, une sous-région de la plus vaste région de Cachapoal, à la frontière de la vallée de Colchagua. En fait, Millahue est située sur le versant nord des montagnes ceinturant la renommée région d’Apalta, sise dans Colchagua.

Donc, à prime abord, l’endroit choisi pour développer un vignoble qui se voudra de classe mondiale a de quoi surprendre, mais les moyens mis en oeuvre sont vraiment à la hauteur des ambitions. Il s’agit vraiment d’une première au Chili à cette échelle. D’abord, avant même l’achat des terres en 2006, une étude détaillée du sol et du climat a été réalisée. Une étude qui fut déterminante dans la sélection du site. Ensuite, sur la base des études de sols, six différents porte-greffes ont été sélectionnés pour obtenir la meilleure adaptation entre les vignes et le sol. C’est là une manière de faire inhabituelle au Chili où on peut planter franc de pied pour pas mal moins cher. Autre particularité pour le Chili, la densité de plantation choisie est très élevée à 7500 plants/hectare sur le plat et 8300 plants/hectare sur les pentes, soit environ le double de la norme dans ce pays. Les différents cépages (Cabernet Sauvignon, Carmenère, Cabernet Franc, Merlot, Syrah) ont été plantés en fonction des conditions particulières de chaque parcelles. En tout, sur les 4325 hectares composant le domaine, 303 hectares de vignes ont été plantés à partir de 2006, avec le gros de la plantation ayant eu lieu en 2007, et s’étant ensuite poursuivie jusqu’en 2010. J’ignore si on continuera de planter dans les années à venir, mais en principe, il y a encore de la place. Mais déjà, c’est un vignoble très imposant et diversifié en terme de sols et d’expositions. Il est à noter que plus de 250 personnes sont actuellement à l’emploi de ce domaine. Sur le site de Vina Vik, il est d’ailleurs intéressant de voir une vidéo des vendanges de nuit qui sont réalisées pour conserver la meilleure qualité de raisins possible, le tout est suivi d’un méticuleux tri manuel.

Pour le moment, un seul vin est élaboré depuis le millésime 2009, le reste des raisins étant vendus à d’autres producteurs, soit 60 tonnes de raisins en 2009, et on prévoit en vendre dix fois plus en 2010, à partir du gros des vignes plantées en 2007. Malgré le très jeune âge des vignes, ce sont parmi les raisins les plus chers du Chili, à un dollar le kilo. Les installations de vinification sont pour le moment minimales, mais un chai ultra-moderne, à l’architecture recherchée, et utilisant les énergies solaire et géothermique sera bientôt construit. Je suppose qu’alors, la gamme de vins produits ira en s’élargissant, car pour le premier vin issu de vignes de trois ans d’âge, on demande déjà 100$ US la bouteille, en primeur, puisque le vin ne sera relâché qu’en 2011. On dit que la qualité a un prix. M. Vik semble avoir très bien compris ce principe. À ma connaissance, il s’agit du premier vin chilien a être vendu à la mode bordelaise des primeurs. De plus, on peut aussi dès maintenant devenir membre d’un club qui permet d’être inscrit sur une liste de clients privilégiés pour les vins à venir dans les prochains millésimes.

Honnêtement. Je ne sais trop quoi penser de ce projet. Je trouve qu’on y va rapidement avec le prix demandé. Mais s’il y a des acheteurs, qui peut se plaindre? En même temps, je suppose que quand on investit autant d’argent, une partie de l’investissement doit revenir assez rapidement. Aussi, quand on déploie tous les moyens nécessaires pour obtenir la meilleure qualité possible. Je suppose qu’on veut se situer dès le départ sur le plan qualitatif. Mais au-delà des considérations financières et des motivations profondes derrière l’entreprise, ça me semble tout de même un projet fascinant. Pouvoir élaborer un tel vignoble à partir de zéro, sans réelles contraintes, pour ensuite l’opérer en disposant des meilleurs moyens disponibles, semble vraiment tenir du rêve. Les résultats qui seront obtenus seront intéressants à suivre, car bien qu’on ait choisi le Chili pour ce projet, on a aussi décidé d’y aller à l’européenne, avec les porte-greffes et la forte densité de plantation. Il sera donc intéressant de voir si les vins de ce domaine se distingueront du stéréotype chilien. Le Chili vinicole a beaucoup changé et évolué au cours de la dernière décennie, et la prochaine promet d’en offrir tout autant, sinon plus. Je joins le lien du site de Vina Vik. Il contient beaucoup d’informations techniques très intéressantes et de superbes images de l’endroit. Une histoire à suivre, et à goûter éventuellement.
 
http://www.vik.cl/
 
 
*

7 commentaires:

  1. Comment aboutir en Bourgogne en passant par le Chili? Ce article est référencé sur Bourgogne Live. Merci et bienvenue.

    http://www.bourgogne-live.com/2010/07/alexander-vik-un-milliardaire-norvegien-cree-au-chili-le-vignoble-de-ses-reves/

    RépondreSupprimer
  2. Bravo ! Une belle référence vers ton blogue ça !

    Patrick

    RépondreSupprimer
  3. Ouais, pas mal de cousins sont venus faire un tour. Bienvenue encore!

    RépondreSupprimer
  4. WOW Claude, c'est excellent ça...les "cousins" commencent à t'apprécier à ta juste valeur.

    Normand

    RépondreSupprimer
  5. Jessica Harnois en parle sur son blogue. Elle semble avoir été séduite par le bonhomme et son vin.

    Salutations

    Nicolas

    RépondreSupprimer
  6. Voici le lien:

    http://www.jamessuckling.com/jessicas-blog-earthquake-and-a-new-chilean-bomb.html

    Nicolas

    RépondreSupprimer
  7. Merci de l'info Nicolas. Ça va dans le sens de ce dont je parlais dans mon texte sur le Sijnn, 2007, c'est-à-dire que les vins issus de très jeunes vignes peuvent être de très belle qualité. Pour ce qui est des vins de M. Vik, j'espère qu'il saura faire autre chose que des vins à 100$ la bouteille. Des vins très chers c'est bon pour se donner de la crédibilité dans ce petit monde du vin où l'indépendance d'esprit est plus rare qu'on pense, mais moi ça ne m'intéresse pas, que ces vin viennent du Chili ou d'ailleurs. Mais pour le Chili comme pays vinicole c'est une bonne chose que des producteurs arrivent à vendre des bouteilles à fort prix. Le statut d'un pays, pour plusieurs dans le monde du vin, se mesure au prix où est vendu son vin le plus cher. À ma connaissance, le vin le plus cher du Chili est le Carmenère, Tatay de Cristobal vendu environ 200$ la bouteille. Ce vin de très faible production provient de la vallée de Aconcagua et le producteur est Vina von Siebenthal. Certains vont avaler de travers leur 1GCC bordelais à plus de 1000$ la bouteille en lisant ça!

    Claude

    RépondreSupprimer