samedi 31 juillet 2010

SYRAH, 2007, CASABLANCA, LOMA LARGA VINEYARDS


Après le Malbec, le Cabernet Franc et la grande cuvée Rapsodia, voici sur ce blogue un quatrième vin du millésime 2007 de l’excellent producteur Loma Larga. Un cinquième suivra bientôt avec le Merlot du même millésime. Avec autant de vins du même producteur, et si vous avez lu mes impressions sur les trois premiers vins, vous savez tout le bien que je pense de ce producteur élite qui a la particularité de se spécialiser dans les vins de cépages rouges, dans une région fraîche se concentrant surtout sur les blancs. Loma Larga s’est un domaine de 700 hectares dans Casablanca sur lequel 147 hectares sont plantés de vignes depuis 1999. Environ le trois quart des raisins sont vendus à d’autres producteurs, alors que le meilleur est retenu pour les cuvées de la maison. Cette Syrah provient de parcelles à flanc de montagne où les rendements très faibles sont d’environ 25 hl/ha.

La robe est d’encre, totalement impénétrable. Le nez est assez démonstratif, exhalant de frais arômes de cerise, de mûres et de cassis, complétés par des notes poivre noir, d’herbes aromatiques, de vanille et de torréfaction. Beau nez agréable, déjà complexe, où le fruit frais tient pour le moment le premier rôle. Si le nez donnait déjà une bonne indication du niveau qualitatif élevé de ce vin, la bouche permet d’en prendre toute la mesure. L’attaque est équilibrée, à la fois fraîche et intense, avec un fruit dense et très concentré et une acidité marquée. Le milieu de bouche montre un vin à la structure compacte et tendue, avec une touche d’amertume qui s’ajoute à l’ensemble, et toujours cette impression de grande concentration et de densité, sans lourdeur. La trame tannique soyeuse est tissée bien serré, ce qui contribue à la ferme tenue du vin. La finale complète la démonstration en beauté, en gagnant encore un cran dans l’intensité fruitée, avant d’entamer un long déclin sur des rémanences de chocolat noir. Longueur de très haut calibre.

Goûter ce vin, c’est voir le Chili autrement. Goûter ce vin, c’est annihiler tous les préjugés possibles sur le potentiel qualitatif de ce pays. Goûter ce vin, c’est se projeter dans l’avenir en ayant les deux pieds bien ancrés dans le présent. Ce vin ne renie pas ses origines et son cépage. Il les transcende. Il se distingue des archétypes, des versions connues. C’est un amalgame différent. Un vin à la matière riche et généreuse, mais alliée à une fraîcheur et une droiture renversante. Un vin de funambule, toujours à la limite, mais qui jamais ne perd pied. Pas étonnant que le critique chilien le plus renommé, Patricio Tapia, ait nommé ce vin meilleure Syrah du Chili. Il aime les vins de caractère. Les vins qui font avancer le Chili. Par exemple, c’est le plus grand défenseur du Sauvignon Blanc, “Cipreses Vineyard” de Casa Marin, et en un sens, cette Syrah de Loma Larga est dans la même lignée, avec sa franche acidité, son caractère exacerbé, presque sauvage, et son niveau de concentration supérieur. Il est vrai qu’en ce moment ce vin n’est pas pour les coeurs sensibles, ni pour ceux qui vouent une stricte adhérence à l’esthétique rhodanienne. Pour aimer ce vin, il faut avoir le goût de l’aventure, le goût de la découverte. Le goût du nouveau monde dans le meilleur sens de l’expression. Un nouveau monde qui sait ce qu’il doit à l’ancien, mais qui n’essaie pas d’en être une pâle copie. Tout cela sans oublier qu’il s’agit d’un vin très jeune possédant un fort potentiel de garde. Le producteur parle d’au moins 10 ans, mais à mon avis, il est clair qu’il a tout ce qu’il faut pour évoluer sur une plus longue période. C’est le genre de vin qui pourrait se métamorphoser avec l’âge pour donner quelque chose de fascinant.

En terminant. Je joins le lien d’un article récent de mai 2010 du magazine Decanter sur la Syrah au Chili. C’est écrit par Peter Richards, le britannique qui connaît le mieux les vins de ce pays, et qui en est un ardent défenseur. Si je n’ai pas encore réussi à vous convaincre de vous intéresser aux Syrahs chiliennes. Cet article pourrait vous faire changer d’avis.


http://winchesterwineschool.com/wp-content/uploads/2010/05/Decanter-Chile-Syrah-PJR-June-10.pdf


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dimanche 25 juillet 2010

SYRAH/MALBEC, EL DELIRIO, 2007, MAULE, VINA BOTALCURA


La vallée de Maule vit actuellement une renaissance. Cette région qui a longtemps été reléguée à la production de vin bas de gamme est maintenant redécouverte pour son vaste patrimoine de très vieilles vignes de Carignan et de Paîs qu’on greffe avec d’autres cépages. De plus, on plante maintenant dans la périphérie de la région à la recherche de températures plus fraîches. En ce sens, une partie de la vallée possède un climat ne nécessitant pas d’irrigation. Botalcura est né de la rencontre en 2000 du Chilien Juan Fernando Waidele et du Français Philippe Debrus. Debrus originaire d’une famille de vignerons du Languedoc était déjà installé au Chili depuis 1996, où il oeuvrait déjà comme vinificateur pour la maison Valdivieso. Bien sûr, il est maintenant en charge de l’élaboration des vins de Botalcura dont le premier millésime de production fut 2002. Le nouveau producteur s’est établi près du village de Botalcura dans la vallée de Maule où Waidele possède des vignobles, mais la majorité des vins sont produits à partir de fruits achetés de producteurs sélectionnés, et venant de différentes régions du Chili. La gamme El Delirio représente l’entrée de gamme du producteur, mais c’est une gamme dite “Réserve” avec élevage sous bois. Cet assemblage inorthodoxe de Syrah à 70%, completée par du Malbec titre à 14% d’alcool, pour un pH de 3.48.

La robe est bien foncée et opaque. Le nez se déploie avec intensité sur des arômes de cerises, de fraise et d’épices douces (muscade, vanille), complété par une touche de menthol et un léger aspect floral. Beau nez fruité de jeune vin où l’aspect boisé demeure discret. En bouche, l’attaque est pleine et équilibrée, avec une acidité bien marquée qui donne beaucoup de nerf à l’ensemble. Cette acidité n’est sans doute pas étrangère à l’aspect vibrant et intense du fruité. Le milieu de bouche montre un vin à la structure bien ferme, avec un niveau de concentration surprenant, du volume, et aucune lourdeur. Cela permet au vin de couler facilement vers une finale énergique où l’acidité ressort encore un peu plus pour vivifier le saveurs. Longueur de fort bon calibre et vraiment étonnante pour un vin de ce prix, Un léger trait d’amertume fait son apparition en toute fin de bouche.

Il s’agit de ma deuxième rencontre avec un vin de Botalcura, la première ayant été avec le Cabernet Franc, Grande Réserve, La Porfia, 2005, et déjà il me semble clair que l’acidité élevée est une caractéristique fondamentale du style de la maison. Cela détonne un peu dans le paysage chilien qui nous habitue généralement à des profils plus doux. Quoi qu’avec des cépages rouges cultivés dans des régions de plus en plus fraîches, cette norme est en évolution. Toujours est-il que j’apprécie ce style de rouge plus acide. Cela donne de la vie au fruité, et apporte un heureux contrepoids à l’alcool. Pour ce qui est de la qualité générale du vin, franchement, je l’ai trouvé renversante pour le prix demandé de 13.95$ au monopole ontarien. Ce vin montre des qualités de fruit, de concentration et de longueur, que l’on retrouve généralement dans des vins vendus facilement le double de son prix. Je le sais, je radote, mais à chaque fois que je tombe sur un bijou à prix très doux, comme dans ce cas-ci. Je ne peux m’empêcher de le mentionner. Tout cela sans compter que ce vin semble posséder tout ce qu’il faut pour la moyenne garde. Le producteur, à mon sens de façon conservatrice, parle de 4 à 5 ans de garde. Mais selon mon expérience, et pour qui aime les notes d’évolution, ce vin pourra facilement faire le double. Botalcura produit un Nebbiolo surprenant et de très bon calibre, à ce que j’ai pu lire. Pour ajouter à l’exotisme, ce vin est assemblé à un peu de Carignan. J’aimerais bien pouvoir goûter à cette création hors du commun, tout comme j’aimerais que la SAQ nous offre quelque-uns des vins de Maule issus de très vieux ceps de Carignan. En terminant, pour en savoir plus sur la redéfinition de la vallée de Maule,. Je joins un lien intéressant sur le sujet.


http://www.thedrinksbusiness.com/index.php?option=com_content&task=view&id=11284&Itemid=66

vendredi 23 juillet 2010

Château Musar rejeté par la SAQ: Petite réflexion

Peu de temps pour écrire dernièrement, mais une nouvelle lue sur Vin Québec, à propos du rejet par la SAQ du Château Musar, pour cause de taux de carbamate d’éthyle trop élevé a retenu mon attention. Personnellement, je boirais ce Musar sans crainte pour ma santé, tout comme je n’ai pas peur des sulfites ou des traces de pesticides pouvant se retrouver dans un vin. Ce n’est pas une question de toxicité, c’est une question de dose. Toutefois, pour moi, cette anecdote montre bien qu’au nom du naturalisme, les standards changent, comme le démontre la justification de Gaston Hochar de Château Musar, dans l'article de Vin Québec.. Malheureusement, la nature n’est pas toujours bonne. Laissée à elle-même, elle peut produire les poisons les plus virulents, et les composés les plus nauséabonds. Je sais que c’est une idée fixe de ma part, mais le monde du vin fin se gargarise trop avec la pseudo bonté de la nature. La nature n’est totalement bonne que lorsque l’homme sait la contrôler avec clairvoyance. Laisser son vin en cours d’élevage, et même en bouteille, aux aléas des bactéries et des levures n’est pas pour moi un acte de clairvoyance. Je suis toujours étonné de constater comment dans le monde du vin fin on a recours aux fermentations post-FA et malo pour “complexifier” des vins. D’un côté certains dénoncent l’usage de levures naturelles sélectionnées, ou bien d’enzymes, mais de l’autre, on tolère, peut-être par angélisme ou par ignorance, l’usage de micro-organismes qui utilisent leurs propres enzymes pour modifier le profil aromatique d’un vin, et ce de manière parfois hasardeuse. Si Musar est vraiment un grand vin, comme certains le prétendent, il ne devrait pas avoir besoin de recourir aux bactéries lactiques et aux levures brettanomyces pour l’être. En ce sens, j’ai lu dernièrement un article très éclairant du professeur Denis Dubourdieu sur l’influence des facteurs naturels et humains dans le Bordelais. J’en ai plus appris en quelque pages sur Bordeaux et sa viticulture, que dans tout ce que j’avais pu lire à ce sujet auparavant. J’en conseille la lecture, même si c’est parfois un peu technique. En conclusion de son article, Denis Dubourdieu y va de cette phrase qui à mon sens est pleine de vérité.

“L’ambition humaine d’élaborer un produit d’exception est à l’origine des grands vins. Pour réaliser ce projet esthétique, l’homme par son savoir faire combine, dans les conditions climatiques de sa région, différentes variables : les sols, les cépages, les porte-greffes et tout l’arsenal des pratiques viticoles et oenologiques”

À noter que Dubourdieu parle d'abord de savoir faire, et dans l’énumération qui suit, il parle quatre fois de ce qui se passe au vignoble, et seulement à la fin, il évoque l’oenologie. Venant d’un oenologue aussi réputé, c’est pleine de sagesse, et ça veut tout dire. Le vin de grande qualité ne se fait pas au chai de vinification, mais il peut s’y défaire. Les apôtres du naturalisme devrait méditer là-dessus!

En terminant, et pour revenir à ma marotte chilienne, il est intéressant de noter l'importance qu'accorde Dubourdieu aux porte-greffes dans son équation globale. Tant que le vignoble chilien sera très fortement planté franc de pied, il sera très difficile de le comparer à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Et si le phylloxéra avait été un mal pour un bien en permettant le développement des porte-greffes, et de l'adaptabilité qu'ils procurent? C'est là un autre exemple montrant que le bien et le mal ne sont pas toujours là où on pense dans cette nature, et que c'est le bon jugement humain qui peut permettre d'orienter les choses vers le meilleur. Voilà une autre matière à réflexion pour les amants de la nature pure et innocente qui devrait être laissée à elle-même.

http://www.vinquebec.com/node/7223

http://www.unige.ch/sochimge/Dubourdieu.pdf


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samedi 17 juillet 2010

Un rêve de milliardaire

Vous est-il déjà arrivé de rêver de démarrer votre propre vignoble quelque part dans le monde? Un vignoble et des installations nouvelles de A à Z. Vous est-il déjà arrivé de faire le même rêve, mais en vous disant qu’en plus vous n’auriez pratiquement pas de contraintes financières? Que vous seriez libre de choisir ce qui vous semblait être le meilleur, avec pour but de produire un vin pouvant à terme rivaliser avec l’élite mondiale? Si c’est le cas, quel endroit dans le monde auriez vous choisi? Ceux qui me connaisse, ou me lise régulièrement, penseront que j’aurais assurément choisi un endroit quelque part au Chili. Pas si sûr. Mon intérêt pour ce pays relevant d’abord et avant tout de l’excellent RQP général offert par les vins de ce pays, et non pas du meilleur niveau qualitatif possible. Je ne suis pas sûr que j’aurais choisi le Chili dans le cadre pratiquement sans limites que je viens d’évoquer. J’aurais eu besoin de données comparatives solides et de conseils fiables pour faire mon choix final.

Malheureusement, mes moyens plutôt modestes ne me permettront jamais de me lancer dans une telle entreprise, et de faire un tel choix. Peu de personnes en ce bas monde peuvent se permettre une telle chose. Toutefois, il existe des gens qui sont à la fois assez riches et assez passionnés par le vin pour pouvoir se lancer dans une telle aventure et faire un tel choix. C’est le cas de l’entrepreneur milliardaire norvégien Alexander Vik. Cet entrepreneur et investisseur avisé a toutefois la particularité de penser que le futur du vin est en Amérique du sud. J’ignore comment il en est arrivé à cette conclusion, mais toujours est-il qu’avec cette prémisse en tête, il a chargé Patrick Valette, un consultant français établi au Chili, d’étudier toutes les options possibles sur ce continent pour réaliser son rêve. Au final, il a choisi une forêt chilienne récemment ravagée par le feu pour réaliser son ambitieux projet. Le terme ambitieux dans ce cas-ci n’est vraiment pas un mot trop fort pour qualifier cette entreprise. M. Vik a jusqu’ici investi plus de 20 millions de dollars américains pour jeter les bases de son projet, et au moins 20 autres millions suivront pour compléter le tout dans les années à venir. L’endroit précis choisi pour réaliser ce rêve est la vallée de Millahue, une sous-région de la plus vaste région de Cachapoal, à la frontière de la vallée de Colchagua. En fait, Millahue est située sur le versant nord des montagnes ceinturant la renommée région d’Apalta, sise dans Colchagua.

Donc, à prime abord, l’endroit choisi pour développer un vignoble qui se voudra de classe mondiale a de quoi surprendre, mais les moyens mis en oeuvre sont vraiment à la hauteur des ambitions. Il s’agit vraiment d’une première au Chili à cette échelle. D’abord, avant même l’achat des terres en 2006, une étude détaillée du sol et du climat a été réalisée. Une étude qui fut déterminante dans la sélection du site. Ensuite, sur la base des études de sols, six différents porte-greffes ont été sélectionnés pour obtenir la meilleure adaptation entre les vignes et le sol. C’est là une manière de faire inhabituelle au Chili où on peut planter franc de pied pour pas mal moins cher. Autre particularité pour le Chili, la densité de plantation choisie est très élevée à 7500 plants/hectare sur le plat et 8300 plants/hectare sur les pentes, soit environ le double de la norme dans ce pays. Les différents cépages (Cabernet Sauvignon, Carmenère, Cabernet Franc, Merlot, Syrah) ont été plantés en fonction des conditions particulières de chaque parcelles. En tout, sur les 4325 hectares composant le domaine, 303 hectares de vignes ont été plantés à partir de 2006, avec le gros de la plantation ayant eu lieu en 2007, et s’étant ensuite poursuivie jusqu’en 2010. J’ignore si on continuera de planter dans les années à venir, mais en principe, il y a encore de la place. Mais déjà, c’est un vignoble très imposant et diversifié en terme de sols et d’expositions. Il est à noter que plus de 250 personnes sont actuellement à l’emploi de ce domaine. Sur le site de Vina Vik, il est d’ailleurs intéressant de voir une vidéo des vendanges de nuit qui sont réalisées pour conserver la meilleure qualité de raisins possible, le tout est suivi d’un méticuleux tri manuel.

Pour le moment, un seul vin est élaboré depuis le millésime 2009, le reste des raisins étant vendus à d’autres producteurs, soit 60 tonnes de raisins en 2009, et on prévoit en vendre dix fois plus en 2010, à partir du gros des vignes plantées en 2007. Malgré le très jeune âge des vignes, ce sont parmi les raisins les plus chers du Chili, à un dollar le kilo. Les installations de vinification sont pour le moment minimales, mais un chai ultra-moderne, à l’architecture recherchée, et utilisant les énergies solaire et géothermique sera bientôt construit. Je suppose qu’alors, la gamme de vins produits ira en s’élargissant, car pour le premier vin issu de vignes de trois ans d’âge, on demande déjà 100$ US la bouteille, en primeur, puisque le vin ne sera relâché qu’en 2011. On dit que la qualité a un prix. M. Vik semble avoir très bien compris ce principe. À ma connaissance, il s’agit du premier vin chilien a être vendu à la mode bordelaise des primeurs. De plus, on peut aussi dès maintenant devenir membre d’un club qui permet d’être inscrit sur une liste de clients privilégiés pour les vins à venir dans les prochains millésimes.

Honnêtement. Je ne sais trop quoi penser de ce projet. Je trouve qu’on y va rapidement avec le prix demandé. Mais s’il y a des acheteurs, qui peut se plaindre? En même temps, je suppose que quand on investit autant d’argent, une partie de l’investissement doit revenir assez rapidement. Aussi, quand on déploie tous les moyens nécessaires pour obtenir la meilleure qualité possible. Je suppose qu’on veut se situer dès le départ sur le plan qualitatif. Mais au-delà des considérations financières et des motivations profondes derrière l’entreprise, ça me semble tout de même un projet fascinant. Pouvoir élaborer un tel vignoble à partir de zéro, sans réelles contraintes, pour ensuite l’opérer en disposant des meilleurs moyens disponibles, semble vraiment tenir du rêve. Les résultats qui seront obtenus seront intéressants à suivre, car bien qu’on ait choisi le Chili pour ce projet, on a aussi décidé d’y aller à l’européenne, avec les porte-greffes et la forte densité de plantation. Il sera donc intéressant de voir si les vins de ce domaine se distingueront du stéréotype chilien. Le Chili vinicole a beaucoup changé et évolué au cours de la dernière décennie, et la prochaine promet d’en offrir tout autant, sinon plus. Je joins le lien du site de Vina Vik. Il contient beaucoup d’informations techniques très intéressantes et de superbes images de l’endroit. Une histoire à suivre, et à goûter éventuellement.
 
http://www.vik.cl/
 
 
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vendredi 2 juillet 2010

PINOT NOIR, ODA, 2007, BIO BIO, VERANDA


Retour sur ce vin de Pinot Noir, qui fut une de mes plus belles découvertes de l’année dernière, question de voir comment il se comporte. Veranda est une des quatre étiquettes du groupe Corpora, avec Vina Porta et Agustinos au Chili et Universo Austral en Argentine. C’est un groupe aux ambitions qualitatives élevées, qui se concentre surtout sur le développement de nouveaux terroirs de climats frais dans le sud du continent, dans la région de Bio Bio au Chili, et en Patagonie en Argentine. La vallée de Bio Bio est la deuxième région vinicole la plus méridionale du Chili et son développement pour la viticulture est très récent. Cette vallée est située à environ 600 km au sud Santiago et offre un climat frais propice à la culture des cépages blancs tels les Chardonnay, Riesling, Gewurztraminer et Sauvignon Blanc, ainsi que du capricieux Pinot Noir en rouge. Cette cuvée Oda, élaborée sous la supervision du consultant bourguignon d’origine québécoise Pascal Marchand, est issue de raisins de culture biologique provenant d’un vignoble unique appelé Miraflores. L’égrappage est pratiqué sur 80% de la vendange, aucun ajout d’acide n’est pratiqué, la fermentation est effectuée avec des levures sauvages et l’élevage a lieu pour 14 mois en barriques de chêne français, neuves pour un quart. Le vin est embouteillé sans filtration. M. Marchand décrit son approche de la vinification comme non interventionniste.

La robe translucide exhibe une belle teinte rubis bien soutenue. Le nez a de quoi surprendre et faire tomber tous les préjugés possibles sur le Chili. Il est aussi une indication claire du potentiel de ce cépage dans Bio Bio. On croirait être en face d’un vin bourguignon de bon niveau, avec des arômes séduisants de cerise, de fraise, de cannelle et de muscade, complétés par un aspect que je ne peux nommer, mais qui pour moi évoque la Bourgogne. En bouche, le vin montre un très bel équilibre, alliant intensité, fraîcheur et délicatesse. Les saveurs sont de grande qualité, sans lourdeur aucune, sur une trame tannique soyeuse. En milieu de bouche, l’impression d’équilibre persiste, avec un vin qui correspond à l’idée que je me fais d’un bon vin de ce cépage. Ça coule sans effort et avec plaisir. La finale garde le cap sur l’harmonie sans dévier d’un seul degré. L’essence de ce vin s’y retrouve avec un superbe fondu de saveurs où le caractère épicé gagne en importance, le tout sur une persistance de très bon calibre.

Il y a des vins qui de temps en temps nous impressionnent par leur qualité, et qui en même temps nous amènent à nous interroger sur certaines conceptions des choses. Ce vin tombe clairement dans cette catégorie. Qu’il soit bon, ça je m’en doutais. J’en avais chanté les mérites avec enthousiasme l’été passé sur le forum Fou du Vin, où j’écrivais avant de démarrer ce blogue. Un an après, il m’apparaît encore meilleur. Mais probablement à cause que j’ai dégusté peu de vins européens dans la dernière année, le caractère européen de ce vin m’est apparu de façon très claire. Une bouteille de Chardonnay du même producteur dégustée dernièrement m’avait fait le même effet. Si j’avais dégusté ces vins en pure aveugle, je n’aurais jamais pensé Chili, mais plutôt Bourgogne. On parle souvent de terroir dans le monde du vin, particulièrement en Bourgogne. C’est une sorte de mot magique pour expliquer des choses qui souvent n’ont rien à voir. Mais pour moi, dans ce cas-ci, il me semble clair que c’est l’aspect humain qui est en cause. Je veux dire par là que ce sont les manières de faire apportées par M. Marchand qui semblent faire la différence. Bien sûr, sans de bons fruits issus d’un lieu approprié, rien ne serait possible. Mais cette signature qui pour moi évoque la Bourgogne ne peut à mon avis venir que des façons utilisées pour élaborer le vin. Ça m’intrigue vraiment. J’aimerais comprendre les éléments qui dans le cours de l’élaboration, tant au vignoble qu’au chai, permettent d’obtenir un tel résultat. Une chose est sûre toutefois, un vin comme celui-ci ne fait que renforcer ma conviction voulant que le vin soit d’abord et avant tout une création humaine. C’est l’homme qui fait le vin. C’est lui qui choisit comment et où planter les vignes. C’est lui qui décide des méthodes de culture, du moment de la vendange, et finalement, c’est lui qui manipule les fruits issus de ces vignes pour arriver en bout de course au liquide qu’on retrouve dans la bouteille. Loin de moi l’idée de nier l’importance des facteurs naturels dans le niveau qualitatif qui peut être espéré en matière de vin. Mais les décisions humaines demeurent la base de tout, pour le meilleur, comme pour le pire.

En terminant, j’ignore si la SAQ offrira le millésime 2008 de ce vin, mais selon le journaliste britannique Tom Cannavan, celui-ci se comparerait avantageusement au 2007 (voir le lien).

http://www.wine-pages.com/organise/corpora.htm

http://www.planetavino.com/reportajes/detalle.asp?id=441




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