dimanche 30 mai 2010

SYRAH, LEGADO, RESERVA, 2006, CHOAPA, VINA DE MARTINO


De Martino est un des producteurs chiliens ayant joué un rôle de pionnier dans la révolution terroir prise par l’industrie vinicole de ce pays, d’ailleurs, cela se reflète dans sa devise qui est: “Réinventer le Chili”. Dans le cas de cette Syrah, qui est le premier et toujours unique vin du pays portant l’appellation “Vallée de Choapa”, on peut dire que la devise a été mise en action. Cette nouvelle région est située dans la partie la plus étroite du Chili, au nord de la région d’Aconcagua, et au sud de Limari, à 45 km du Pacifique, dans le piedmont des Andes, à 825 m d’altitude. La vin a été élevé un an en barrique de chêne français et titre à 14.5% d’alcool.

La robe est très sombre et parfaitement opaque. Le nez est d’une intensité bien calibrée et dégage des arômes fruités de belle qualité, avec la cerise qui ressort clairement. À l’ouverture, on retrouvait un caractère de viande fumée bien présent, mais celui-ci a diminué graduellement par la suite, pour laisser la place à des notes de vanille, de girofle, de lavande, et une très légère touche goudronnée. Superbe nez qui montre un vin sorti de sa prime jeunesse, dégagé de l’empreinte boisée qui marque les vins encore trop jeunes, mais avec encore toute la fraîcheur juvénile de son fruit qui peut maintenant s’exprimer librement. En bouche, le ravissement se poursuit avec un vin à la fois ample et frais, déployant une riche matière dominée par un fruité vibrant, où la cerise tient toujours le premier rôle. La structure est assez volumineuse, mais une saine dose d’acidité apporte du tonus à l’ensemble. Le milieu de bouche révèle un niveau de concentration supérieur, et permet de s’étonner encore un peu plus face à la qualité de matière de ce vin. La trame tannique est généreuse, mais bien intégrée, veloutée. La finale apporte une conclusion logique, avec un sursaut d’intensité qui marque un mariage des saveurs très réussi et une longueur simplement impressionnante, digne d’un très bon vin.

Le vin est un liquide intriguant, souvent rempli de surprises, avec lequel il faut se méfier des constats définitifs, et avec lequel il faut parfois avoir la foi. Dans un élan d'enthousiasme, j’avais acheté une caisse de ce vin en Août 2009, et la première bouteille ne m’avait pas convaincu. On pouvait constater la générosité de la matière, mais le profil aromatique n’était pas le même qu’aujourd’hui, beaucoup moins séduisant, et en bouche, le vin semblait manquer d’équilibre. Je ne sais pas si c’est une de ces fameuses variations entre bouteilles, ou encore une meilleur disposition du dégustateur aujourd'hui, ou bien le repos tranquille du vin au cellier pendant dix mois. Toujours est-il que ce vin que j’ai failli retourner au détaillant, se révèle aujourd’hui d’une superbe façon. La patience, et la confiance que j’avais en De Martino, auront porté de généreux fruits. Aujourd’hui, je me retrouve avec un vin que je considère comme un de mes meilleurs achats de la dernière année en terme de RQP. À 16.95$ la bouteille, la qualité est simplement renversante, et avec les nombreuses bouteilles qui dorment toujours, je pourrai le suivre tranquillement dans les années à venir. D'ailleurs, sur la caisse de ce vin, il écrit: De Martino, surprising hand crafted wines from Chile. Celui qui a pondu cette phrase ne croyait pas si bien dire, car ce vin m'a réellement surpris. Finalement, de la façon dont il se présente aujourd'hui, on obtient un vin qui est encore du côté Syrah des choses, avec de la fraîcheur, même si le profil fruité est plus mature et généreux que ce que le Chili peut produire dans les régions plus fraîches, plus rapprochées de la côte. C'est un bel exemple pour illustrer la palette de styles maintenant possibles avec ce cépage dans ce pays qui décidément se réinvente chaque année un peu plus.


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samedi 29 mai 2010

CABERNET SAUVIGNON, CASTILLO DE MOLINA, 2003, CURICO, VINA SAN PEDRO


J’ai appelé ce blogue “Le vin aux antipodes”, car je voulais y traiter principalement des vins de l’hémisphère sud. Mais le titre avait un autre sens, et voulait mettre en relief ma propension à aborder les choses du vin souvent à rebours des idées reçues dans ce petit monde qui en compte beaucoup. Une des choses que j’ai faite à l’inverse dès le départ a été de garder des vins rouges sud-américains de prix très abordables. J’adorais ces vins en jeunesse, je trouvais qu’ils valaient pas mal plus que le modique prix qu’on en demandait, et intuitivement j’ai pensé qu’ils étaient de bons candidats pour la garde. Jusqu’à maintenant, les rouges argentins m’ont donné des résultats partagés, alors que les rouges chiliens ne cessent de me surprendre. Le vin dont je traite ici, dans sa gamme de prix, ne figurait pas parmi mes Cabs chiliens favoris, en jeunesse. Je préfère de loin les Cabs de Maipo. Néanmoins, les résultats obtenus sont surprenants.

La robe demeure bien foncée, même si légèrement translucide. Le nez révèle un vin moyennement évolué, qui n’est clairement plus sur son profil de prime jeunesse. Cela se reflète dans un mélange d’arômes de fruits noirs, amalgamé à des notes de terre humide, de feuilles mortes, de thé. En mode mineur on retrouve aussi du menthol, du bois de cèdre, des épices douces et de la torréfaction. Pas très profond comme nez, mais complexe et bien agréable. En bouche, le vin montre une belle fraîcheur, un certain équilibre sur une structure bien compacte. Le fruit tient encore le premier rôle, bien appuyé sur une bonne base d’amertume, et amalgamé aux notes d’évolution déjà perçues au nez. Les saveurs sont bien intenses et d’un bon niveau de concentration, sur une fine texture tannique. La finale est de bonne longueur, avec un côté thé amer qui gagne en importance à la toute fin.

Ce vin m’a offert ce que j’en attendais, c’est-à-dire un profil de Cabernet évolué, avec encore ce qu’il faut de fruit pour obtenir un vin assez équilibré, mais sans le raffinement et la richesse de matière d’un très bon vin. C’est un type de vin qui n’existe pas sur le marché, c’est à dire, Cab évolué sous la barre des 20$, et c’est le genre de vin que pratiquement personne ne se donnera la peine de garder. C’est à mon avis une erreur. J’ai payé ce vin 13.50$ il y a cinq ans, et aujourd’hui il me donne un vin bien typé Cabernet, au profil fondu et évolué, tout à fait agréable. Encore une fois, ce n’est pas un grand vin, mais c’est une façon abordable de boire un bon vin de profil modérément évolué, sans se casser la tête, un soir de semaine. L’amateur moyen ne garde que des vins assez chers qu’il n’ouvre que pour des occasions spéciales. Un vin comme celui-ci permet de briser ce patron de consommation. Étant donné son prix plus qu’abordable, on peut l’ouvrir en toutes occasions, sans arrières-pensées, et sans attentes démesurées. De plus, ça fait tellement changement de la grande majorité de vins trop jeunes qu’on retrouve en tablettes et que l’on est forcés de boire si on a pas eu la prévoyance de mettre des vins “ordinaires” de côté.

Pour terminer, mon candidat idéal actuellent pour ce genre d'exercice, est le Cabernet Sauvignon, Reserva, de Perez Cruz. J'ai ouvert une autre bouteille de 2007 cette semaine, et ce Cab de l'Alto Maipo est simplement formidable pour les 14.95$ qu'en demande le monopole ontarien. Il est aussi assez souvent en promo à 13.95$, le 2008 est actuellement disponible. Une caisse de ce vin pourra vous donner un plaisir évolutif sur au moins 15 ans.

Toujours à propos du Perez Cruz, je joins le lien d'un article récent relatant une verticale des 7 premiers millésimes de ce vin. Comme quoi je ne suis pas le seul à croire au potentiel de garde de ce vin. C'est en espagnol, mais un traducteur en ligne permet de bien comprendre le contenu de l'article si comme moi vous ne maîtrisez pas la langue de Cervantes.

http://www.planetavino.com/descorchados/reportaje.asp?id=266




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jeudi 20 mai 2010

CABERNET SAUVIGNON, CHONO, RESERVA, 2007, MAIPO, GEO WINES


Ceux qui lisent régulièrement ce blogue savent comment j’ai aimé la Syrah de ce producteur, avec deux caisses achetées en importation privée. Cette fois, la SAQ offre directement un vin de la gamme Chono, soit le Cabernet Sauvignon. Reserva, provenant du terroir de prédilection pour ce cépage au Chili, soit la vallée de Maipo. Le réputé oenologue et apôtre de la biodynamie, Alvaro Espinoza supervise l’élaboration de ce vin.

La robe est foncée, bien que très légèrement translucide. Le nez est relativement discret pour un jeune Cab de cette origine. Il donne une impression de délicatesse avec des arômes de fruits noirs et rouges, de bois de cèdre, de menthol, de fumée et de terre humide. Le tout est complété par un subtil apport boisé évoquant les épices douces et le chocolat noir. En bouche, on retrouve un vin de corps moyen, déployant une belle matière ample et équilibrée, avec à l’avant-plan un fruité vibrant et intense, balancé par un trait d’amertume. De fines et agréables notes de bois de cèdre, d’épices douces et de fumée viennent compléter l’ensemble de belle façon. Le milieu de bouche met en évidence un équilibre impeccable, avec des proportions bien ajustées entres les divers éléments. La structure est somme toute assez compacte, sur une texture tannique sans aspérités. C’est un vin savoureux qui coule facilement et se laisse boire. La finale est harmonieuse, avec un sursaut d’intensité, sur une longueur de bon calibre.

Deux en deux en ce qui me concerne avec les vins de Chono. Celui-ci est très bon, et fait particulier, il m’a rappelé les bons vieux “Antiguas Reservas” de Cousino Macul, des années 90, alors que je découvrais ce qui était alors l’unique force du Chili, soit les Cabs de Maipo. Un vin tout en finesse, qui joue à fond la carte aromatique, mais qui possède suffisamment de matière pour être pleinement satisfaisant. Comme dans le cas de la Syrah du même producteur, l’extraction et l’influence boisée sont modérées. Il semble que l’idée derrière cette gamme est de rendre compte de cépage et du terroir dont il est issu, avec juste une touche de bois pour compléter l’ensemble. Par rapport à d’autres Cabs de Maipo, comme le Marques de Casa Concha, ou le Medalla Real, qui sont plus massifs en prime jeunesse, ce vin me semble une belle alternative pour qui recherche plus de “buvabilité” dans un jeune Cabernet Reserva de cette région.

 
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samedi 15 mai 2010

Le vin sans identité

J’ai écrit un petit texte récemment à propos de l’importance de la dégustation à l’aveugle. J’avais toujours ce sujet en tête lorsque je suis tombé, sur le forum “La Paulée en Ligne”, sur une proposition de dégustation poussant à l’extrême le concept de l’aveugle. La proposition consiste à tenir une dégustation où les dégustateurs ignoreront l’identité des vins servis, en sachant que cette identité ne leur sera jamais révélée. J’ai été interpellé par cette idée, inspirée d’une anecdote racontée par le vigneron/blogueur Hervé Bizeul qui était dernièrement en visite au Québec. Il avait fait le coup à des amis, sans les prévenir de l’absence de dévoilement final. La suite des choses fut houleuse semble-t-il. Pourquoi donc?

Mon intérêt pour la dégustation à l’aveugle a toujours résidé dans la confrontation possible entre les perceptions sensorielles, en l’absence d’influence, et la réalité révélée à la fin de l’exercice. Mais qu’en serait-il de mon intérêt si l’identité des vins n’était jamais révélée? C’est là une bonne question à laquelle j’ai passablement réfléchi. Depuis que je m’intéresse au vin, j’aime à penser que ce qui compte, c’est ce qui est dans le verre et le plaisir qu’on peut en tirer. Je continue de le penser, mais dans la réalité, au bout du compte, il y a toujours l’identité du vin pour venir sceller l’expérience. Cette identité, qu’elle soit connue dès le départ où à la fin de la dégustation, viendra toujours teinter le jugement final, et ce que l’on retiendra d’un vin. Une partie de l’intérêt pour le vin tient au fait qu’on peut, grâce à cette identité, analyser les choses, et parfois projeter ses idées et ses convictions dans l’appréciation d’un vin. Alors, on s’éloigne passablement de la stricte notion de plaisir. Mais qu’en serait-il de notre intérêt pour le vin, si l’identité de toutes les bouteilles offertes sur le marché était strictement gardée secrète? Bien sûr, une pareille chose serait impossible dans la réalité. Mais si c’était possible. Est-ce que les amateurs passionnés de vin s’intéresseraient toujours autant à ce liquide, si bon puisse-t-il être? Pour la plupart, moi y compris, je n’en suis pas certain.

Chez l’amateur de vin passionné, la passion pour le vin dépasse de loin le strict plaisir que ce liquide peut offrir. Le plaisir potentiel demeure la base de l’intérêt, mais une grande partie de cet intérêt dépasse ce simple aspect. L’amateur passionné a une soif de connaître, d’analyser, et plus il en connaît, plus il aime le fait d’en connaître. Ça devient une spirale ascendante qui se nourrit d’elle même. C’est ce phénomène qui créé les connaisseurs, et le connaisseur n’existe que si le contenu des bouteilles est identifiable. Sans cela, à cause de l’imprécision des sens olfactif et gustatif, l’édifice mental longuement érigé s’écroulerait. Bien sûr, malgré tout, dans un hypothétique monde de vins anonymes, il resterait des vestiges du connaisseur. En dégustation, il croirait reconnaître un Pinot Noir bourguignon ici, un Cabernet californien là, mais jamais la confirmation, la vérité définitive ne viendrait. Le connaisseur progresserait alors à tâtons, totalement laissé à ses sens.

Comme je le disais plus tôt, un tel monde de bouteilles anonymes est impossible, car il n’y a pas que la notion de connaisseur qui s’écroulerait, mais aussi un très gros business. Ce serait un non-sens commercial. Sans étiquettes et appellations prestigieuses, sans grands producteurs, sans l’image de marque et parfois la mystique qu’on projette dans certaines bouteilles, comment les prix pourraient-ils être justifiés. Bien sûr, les grands vins demeureraient de grands vins, mais dans une telle utopie, les sens seraient juges de tout. Si ce "cauchemar" impossible pouvait devenir réalité, je pense que peu de connaisseurs déchus seraient prêts à allonger les mêmes sommes, en se basant uniquement sur leurs sens. Quant à moi, libéré de mes préjugés, sans le savoir, je me mettrais probablement à boire du vin européen!!!


http://www.lapaulee-enligne.com/evenements-degustations-rencontres-f2/se-liberer-du-connu-t585.htm

http://closdesfees.com/blog2/index.php/post/2007/04/27/348-se-liberer-du-connu


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vendredi 7 mai 2010

CABERNET SAUVIGNON, MEDALLA REAL, 2007, ALTO MAIPO, VINA SANTA RITA



Le Cabernet Medalla Real est un de mes classiques chiliens, un des vins qui, il y a une dizaine d’années, a retenu mon attention et m’a incité à vouloir mieux connaître les vins de ce pays. C’est pour moi l’archétype de Cabernet Reserva de l’Alto Maipo. Un vin juste un peu moins concentré que les super-premiums de cette région, incluant son grand frère, le Casa Real, mais en possédant toutes les qualités aromatiques, et surtout, qui est vendu pour une fraction du prix. Un vin démonstratif en jeunesse, marqué par le bois, et possédant une vive typicité Maipo, mais un vin qui se transforme de façon étonnante avec l’âge pour se rapprocher du profil bordelais classique. J’ai vu nombre de bordeauphiles confondus par une bouteille de ce vin montrant 8 à 10 ans d’âge. Voici donc mes impressions à propos de ce très jeune 2007.

La robe est sombre et opaque. Le nez d’intensité modérée est typique d’un jeune Cabernet de cette région avec ses arômes de cassis et de mûre, complétés par des notes de terre humide, de bois de cèdre et de menthol. L’élevage en barrique se manifeste par une touche de caramel et un très léger aspect torréfié. En bouche, l’attaque est pleine, ample et bien équilibrée. Le fruité noir intense montre un bel éclat, bien appuyé sur une solide base d’amertume. Le vin a de la présence et un bon niveau de concentration, sur un volume contenu. Les tanins sont bien présents, avec une belle texture velouté. Toutefois, en finale, ils montrent un peu plus de poigne, avec des saveurs qui gagnent en intensité. La longueur est de bon calibre, avec un retour des notes de caramel et de chocolat à la toute fin.

Ce vin ne fut pas une surprise pour moi, car je savais à quoi m’attendre, et je n’ai pas été déçu. Le niveau de qualité est toujours élevé, avec le même style en prime jeunesse. Il est quand même incroyable de penser que le prix de ce vin est demeuré à peu près le même depuis mes premiers achats il y a 10 ans. Quand on pense à l’inflation du prix des vins de Bordeaux dans la dernière décennie. Je ne saurais trop recommander l’achat de ce vin. C’est un RQP incroyable à moins de 20$, et c’est un vin à l’historique de garde établi. Le genre de vin de moyenne garde, de prix abordable, dont on peut facilement acheter une caisse et qui donnera un beau vin de Cabernet au profil évolué, à boire à chaque année entre environ 7 et 15 ans d’âge.

jeudi 6 mai 2010

Pour mieux connaître le Chili vinicole

Déjà en lisant ce blogue, j'espère que vous le connaissez un peu mieux. Toutefois, pour ceux qui voudraient approfondir le sujet un peu plus. Je joins le lien vers un document assez étoffé sur le sujet. Il contient beaucoup de notes de dégustation sur des vin vendus au-dessus de 15$ US. J'aime la sélection des vins, beaucoup des meilleurs producteurs, des meilleurs vins, et des meilleures aubaines s'y trouvent. Toutefois, j'y ai trouvé une autre preuve du ridicule des notes sur 100. Quelle est la différence entre un vin qui obtient une note de 90, et un autre de 92??? Le vin ayant obtenu 92 est-il vraiment supérieur? Un conseil. Prenez ces notes et dites-vous que ça pourrait être +/- 3 points. Ce sera encore inadéquat comme système, mais quand même un peu moins ridicule. Ceci dit, au-delà de ce passage quasi obligé par la note sur 100, c'est un solide document contenant beaucoup d'informations pertinentes.


http://www.winesofchile.org/wp/wp-content/uploads/2010/04/i-winereview-21.pdf


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lundi 3 mai 2010

Brettanomyces: Un défaut?

Article intéressant sur Vin Québec (voir lien), à propos du pourcentage de vins jeunes qui sont défectueux. Le pourcentage de 6% ne m'a pas surpris. Ce qui m'a surpris par contre est la catégorisation des arômes provoqués par les levures brettanomyces comme un défaut. Ce "défaut" est si prévalent dans le monde européen du vin, surtout dans les vins plus chers, que c'est surprenant qu'on parle de défaut. Surtout que plusieurs amateurs de vins classiques sont rompus à ces arômes de "terroir"!!! Pour eux, il s'agit d'une valeur ajoutée, la fameuse complexité des bretts... Très peu pour moi, mais c'est la réalité. Pour ce qui est des vins plus abordables, ils sont généralement filtrés et on prend moins de risques dans leur élaboration. Donc, je suis sûr que les chiffres seraient bien plus élevés si on s'en tenait au haut de gamme. Je n'ai pas souvenir d'avoir rencontré un vin "bretté" de moins de 20$. Moi je suis bien d'accord pour qualifier les arômes de bretts de défaut, mais plusieurs ne seraient pas d'accord. Si tel est le cas, il y a un grand nombre de bouteilles bien cotées qui devraient être retirées des tablettes. Je me souviens d'une conseillère dans une SAQ Sélection qui ne voulait pas reprendre un vin que je jugeais bouchonné, sous pretexte que selon elle, ce vin n'était pas bouchonné ou défectueux, il était simplement "bretté"!!!! Anecdote savoureuse qui montre bien le flou artistique qui existe sur le statut des vins influencés par ces fameuse levures.


http://www.vinquebec.com/node/6958


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dimanche 2 mai 2010

CARMENÈRE, SINGLE VINEYARD, 2008, ACONCAGUA, ERRAZURIZ



Errazuriz est probablement le producteur chilien le mieux représenté au Québec et en Ontario. Plusieurs de ses vins sont aux répertoires réguliers des deux monopoles provinciaux, et sur une base régulière on peut se procurer, en spécialité, des vins issus des gammes supérieures de ce producteur élite du Chili. Personnellement, je trouve le haut de gamme de la maison trop cher, autour de 70-80$. Ensuite, il y a un énorme trou dans la gamme au niveau des prix, et on tombe sur des vins vendus trois fois moins chers, mais qui ne sont pas si loin derrière les gros canons en terme de qualité. On passe donc de vins vendus trop chers, à des vins offrant de superbes RQP. Ce Carmenère de la gamme “Single Vineyard tombe dans cette catégorie. Il s’agit en fait d’un assemblage à très forte dominante de Carmenère (89%), complété par de la Syrah (6%), et du Cabernet Sauvignon (5%). Ce vin est issu du vignoble Max V, un vignoble en pente situé à l’est de la vallée, dans la partie la plus chaude. Ce qui est idéal pour ce cépage à maturation tardive. Toutefois, 2008 fût une année relativement fraîche dans la région et les vendanges ont été décalées de deux semaines par rapport à l’année précédente, soit du 9 au 16 mai. Le vin a été élevé un an en barriques de chêne (français 80%, américain 20%, bois neuf 60%). Le titre alcoolique est de 14.5%, pour un vigoureux pH de 3.42. Le vin a été dégusté sur deux jours et a très bien tenu en demi-bouteille.

La robe est d’une parfaite opacité, bien sombre. Moins sombre est le nez, plutôt réjouissant en fait, avec une belle qualité d’arômes. La cerise et le chocolat noir dominent l’ensemble qui est complété par des notes de pâtisserie et un soupçon de poivron rouge. Je ne percevais plus le poivron le deuxième jour et tout était axé sur un fruité riche et doucement épicé. En bouche, le vin est très intense d’entrée, avec un fruité de cerise éclatant, relevé par une bonne acidité et soutenu par un peu d’amertume. Des notes d’épices douces et un brin de poivron rouge viennent agrémenter l’ensemble. Le milieu de bouche dévoile un vin à la matière dense, aux saveurs bien concentrées et à la texture tannique veloutée. La finale est réussie, avec cet agréable mélange de saveurs qui gagne un cran en intensité, sur un persistance de niveau supérieur.

Malgré mes affinités chiliennes, les vins mono-cépage issus du Carmenère ne sont généralement pas mes favoris, même lorsque l’écueil pyrazinique est évité, comme c’est le cas ici avec ce bel exemple d’Errazuriz . Je dis qu’ils ne sont pas mes favoris, mais cela ne veut pas dire que je n’aime pas. Ça veut seulement dire que je préfère un bon Cab ou une belle Syrah. Ceci dit, ce vin est assurément un des meilleurs exemples de vin de ce cépage qu’il m’ait été donné de déguster jusqu’à maintenant. Le vin est simplement impeccable, avec un très beau fruit rouge, et juste un léger caractère végétal qui heureusement sait éviter la verdeur. Bien sûr, ce vin est encore beaucoup trop jeune, et le caractère boisé y est encore primaire et bien présent. Toutefois, pour avoir récemment dégusté un Carmenère, Estate, 2003, de ce même producteur. Un vin qui était incroyablement bon, et très surprenant pour un vin d’entrée de gamme. Je n’ai donc pas de doute sur le fort potentiel de garde de cette cuvée “Single Vineyard”. Mes trois bouteilles restantes vont dormir au moins cinq ans avant l’ouverture de la prochaine. Très bel achat à 18.95$. Je sais que j’ai la mauvaise habitude de dire que les bons RQP chiliens de cette gamme de prix pourraient se vendre deux à trois fois plus chers s’ils étaient issus de régions plus renommées. Je joins, pour le plaisir, la critique du blogueur américain Tom Hyland à propos de ce vin. Celui-ci est un fana de vins italiens, et s’intéresse aussi au Chili comme force vinicole émergente (voir lien).

"For me, the Errazuriz is the most pleasant surprise; this is a dynamic wine - big and bold with great spice. What a powerful wine that offers superb balance! This should peak in another 7-10 years and it is an amazing value for $20. You'd have to spend two to three times that for simiilar quality from a Napa or Bordeaux red"

http://thylandviews.blogspot.com/


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samedi 1 mai 2010

L'importance de la dégustation à l’aveugle

Depuis près de 15 ans maintenant que je m’intéresse plus sérieusement au vin et à ce qui le concerne, ma perception des choses a évolué sur plusieurs aspects. Je dirais que le plus gros changement est la conviction que j’ai maintenant de l’invalidité des systèmes précis de notation, et au premier chef, celui sur 100 qui est aujourd’hui la norme. Toutefois, s’il y a un point où je suis resté sur mes positions depuis le début, c’est sur la validité de la dégustation à l’aveugle. Cette pratique souvent décriée par les buveurs d’étiquette me semble absolument essentielle pour pouvoir parler de vin dans une plus juste perspective. Le conditionnement psychologique dans l’appréciation du vin est une réalité scientifique, les études de Frédéric Brochet l’ont bien démontré (voir lien). C’est une réalité que j’ai moi-même expérimenté à plusieurs reprises. Lorsqu’on est convaincu de savoir ce que l’on boit, et que l’on a une idée préconçue de ce que ça devrait être en termes qualitatifs, notre perception et notre appréciation sera modifiée par nos attentes. La réalité, si elle est différente, sera déformée dans notre cerveau pour correspondre à notre idée préconçue. Bien sûr, plus forte est l’idée préconçue, et plus forte est la conviction de sa validité, et plus le phénomène de déformation opérera s’il y a une différence entre la réalité et cette idée toute faite.

Malheureusement, autant je crois en la dégustation à l’aveugle, autant je trouve difficile de la pratiquer de façon neutre et décontractée. En tant qu’amateur, dès que l’on est soumis à cet exercice, qui se fait généralement en groupe, on devient très suspicieux, on a peur d’avoir l’air fou, notre ego se sent menacé et notre cerveau part un peu dans toutes les directions. L’idéal est de le faire simplement, pour soi-même, en toute tranquillité, avec juste une bouteille ou deux. Bien sûr, c’est un exercice à faire de temps en temps, car il serait insensé et difficilement praticable de boire tous ses vins en pure aveugle. L’utilité de la dégustation à l’aveugle est de changer notre perspective et notre approche face au vin. De nous aider à demeurer ouvert et humble, en étant conscient de notre propension à être influencé par l’identité des vins que l’on boit. Je pense que cela peut nous aider à être de meilleurs dégustateurs à étiquette découverte. Ceci dit, je comprends que plusieurs amateurs qui dépensent de fortes sommes pour des bouteilles renommées ne soit pas enclins à reconnaître les vertus de l’aveugle. Si je payais de telles sommes pour des bouteilles, moi non plus je n’aimerais pas me faire dire qu’un vin à 25$ peut être aussi bon, sinon meilleur, que certains vins à 75$, ou qu’un vin d’une région émergente du Nouveau-Monde peut valoir un classique européen. La corrélation qualité/prix est très imparfaite en matière de vin, et la dégustation à l’aveugle n’est qu’un révélateur de cet état de fait. De boire en isolé la bouteille de 25$, à étiquette découverte, en se disant que le résultat à l’aveugle est invalide ne changera rien à la réalité.

Ceci dit, la dégustation à l’aveugle, comme toute dégustation, demeure un moment dans le temps, une rencontre unique entre un vin et un dégustateur. Les deux pourront évoluer dans le temps, pour le meilleur ou pour le pire... Il n’y a rien de définitif en matière de vin, comme il n’y a pas de certitude. Je pense que c’est là le plus bel enseignement qu’on puisse tirer de la dégustation à l’aveugle, celui de rester ouvert à tout, ou du moins, d’essayer.

 http://www.academie-amorim.com/documents/brochet.pdf


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