samedi 17 avril 2010

Vin et économie

Le monde du vin en est un où on aime vendre du rêve. On aime l’image idyllique du vigneron qui travaille ses vignes et élabore ses vins avec respect et amour. On aime se faire parler de terroir, d’appellation prestigieuse, de tradition, de noblesse. On aime penser que la seule motivation du vigneron est de produire le meilleur vin possible. Tellement, que plusieurs amateurs rêvent de se lancer eux-mêmes, sur un bon terroir, pour produire du vin et vivre cette vie merveilleuse.

Bien sûr, derrière cette part de rêve, on oublie trop souvent que la production de vin est d’abord et avant tout une affaire économique. On oublie trop souvent que pour la majorité des petits producteurs, surtout les nouveaux qui ont dû s’endetter pour partir leur entreprise, la pression est énorme pour joindre les deux bouts. Je lisais hier un article très intéressant sur le blogue américain “Vinography” (voir lien), à propos d’une crise majeure dans le monde vinicole de la Californie et qui entraînerait la faillite d’un très grand nombre de petits et moyens producteurs très endettés, touchés par la chute des prix.

http://www.vinography.com/archives/2010/04/the_coming_carnage_in_the_cali.html


La lecture de cet article permet de constater que le vin est d’abord et avant tout une question de marché et de gros sous. On comprend aussi toute la pression à laquelle sont soumis beaucoup de producteurs. On comprend facilement pourquoi la plupart des vins, même les plus ambitieux, sont mis en marché dès que possible. Bordeaux, avec son système de primeurs, est la quintessence de ce principe... Le producteur doit récupérer l’argent qu’il a investi le plus tôt possible pour se maintenir à flot. Par extension, il est aussi facile de comprendre l’importance de produire des vins pouvant obtenir de gros scores dès leur mise en marché. L’impact sur le prix de vente possible est direct. Bien sûr, le cas de la Californie est un cas particulier. La majorité des vins qui y sont produits sont vendus dans le pays même. Sans diversification importante des marchés, l’impact d’une crise est plus important. Les producteurs sont captifs du marché domestique.

Au-delà de cette crise californienne, cet article m’a rappelé avec acuité que la production de vin est d’abord et avant tout une activité économique, qui doit répondre aux obligations de profit de toute entreprise. La vision idyllique évoquée en introduction est un outil de marketing sûrement efficace auprès d’une certaine clientèle. Il y aussi certainement des producteurs indépendants de fortune, ou qui peuvent vendre leurs vins à des prix tels, qu’ils n’ont pas trop à se préoccuper des contingences économiques. Mais pour la grande majorité, faire du vin est d’abord et avant tout un business qu’il faut arriver à rentabiliser. Pour ce faire, il y a deux voies possibles, réduire les coûts de production, ou obtenir un prix de vente plus élevé. Ces deux voies sont remplies de pièges, et c’est au consommateur à la fin de choisir. Soit la réduction de coûts a compromis la qualité, ou bien le prix a été trop gonflé en regard de la qualité offerte. Pour moi on en revient toujours au fameux rapport qualité/prix. Aussi, il faut se souvenir qu'à cause des obligations économiques, beaucoup de vins sont mis en marché bien trop jeunes. Un amateur averti devrait toujours garder cela en tête, et surtout, trouver un moyen de garder du vin.


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